Kristina Tzekova possède un beau regard intérieur sur la vie et ses choses. Choses de la vie qu’elle nous restitue dans des récits poétiques et vibrants. Kristina a été publiée deux fois par 64_page, dans nos numéros #3 (avril 2015) et #8 (septembre 2016). Kristina expose jusqu’au 23 octobre au Centre Belge de la BD dans le cadre de l’expo 64_page, la suite…
-
Peux- tu nous expliquer ton parcours personnel et ce qui a déclenché ta vocation pour le dessin?
Kristina : J’ai le souvenir d’un moment précis à la maternelle. Je dessinais une maison rouge brique avec une forme de toit très étrange et des arbres. Je devais avoir 4 ans et je me sentais incroyablement bien. Les années qui ont suivis, je recopiais tout : Martine, Bambi, Winnie l’ourson, Mickey, Sailor Moon, Dragon Ball, les Simpsons…
A 7 ans j’ai gagné un concours. J’avais dessiné une vache et autres animaux au bord d’une rivière. Quelle fierté! Ce sentiment s’est incrusté profondément en moi. Je voulais être « dessinatrice ».
-
Tu utilises des supports minuscules, je pense à Sea dance, et tes dessins sont non seulement très réalistes mais très détaillés, d'où te viens ce talent de miniaturistes?
Kristina : En général, mon trait s’adapte à ce que je vois/ressens. Parfois il se fait très précis, et parfois il est plus brut, aérien, spontané. Cela dépend.
La scène de cette biche qui s’amuse avec les vagues de la mer est tirée d’une vidéo d’internet. Je l’ai trouvée sublime. Pour retranscrire cette grâce, je me suis appliqué du mieux que je pouvais. Ca m’a pris des semaines. Ce fut même un travail méditatif car il me fallait être pleinement dans l’instant, ne surtout pas brusquer les choses pour éviter de m’impatienter. Comme cette biche qui profitait de chaque seconde.
-
Il y a dans ta narration une réelle poésie, une respiration. Comment conçois-tu tes histoires? Explique-nous ton travail préparatoire...
Kristina : Je médite beaucoup. C’est une pratique qui, au quotidien, m’apprend à me positionner pleinement dans un état de contemplation pure. C’est aussi ce que cherche à dévoiler mon travail : ce mouvement intérieur qui ne s’explique pas avec les mots. Une femme qui se coiffe, qui se déshabille, qui penche la tête, un regard furtif, elle se met à pleurer, ou bien le mouvement des feuilles dans les arbres, une éclaircie. Ce sont des événements très banaux en soi. Mais c’est comme s’ils contenaient un bout d’éternité, quelque chose de souterrain qui reste quoi qu’il arrive. Le temps s’arrête, alors même qu’on le sent passer, subtilement, au fil des cases.
Lorsque je dessine, je me place en tant qu’observatrice, simplement. A partir de cet état, les choses se révèlent d’elles-mêmes et je n’ai plus qu’à montrer, à mon tour, ce que j’ai découvert.
-
Comment vois-tu ton avenir proche? As-tu des projets d'édition? Quel public aimerais-tu toucher?
Kristina : L’avenir n’est que le prolongement de ce que nous faisons dans l’instant! Alors je me vois toujours en train de dessiner.Internet est un outil fantastique. Je suis continuellement en lien avec d’autres artistes très inspirants, partout dans le monde. C’est motivant. Récemment Joost Swarte m’a invitée à participer à un tout nouveau projet de magazine « Scratches ». Je suis très impatiente de voir le résultat. Sea Dance y sera dévoilé dans son entièreté — 6 planches.
Pour le moment j’auto-édite mes livres et je participe à plusieurs festivals dans les mois à venir. J’ai aussi quelques collaborations intéressantes qui se profilent.
Le public que j’aimerais toucher est un public qui est prêt à s’arrêter un instant, à mettre le mental entre parenthèse et à simplement regarder.