Les auteur.e.s du 64_page #25
Trefilis – Praxographies
J’ai toujours rêvé d’être publié en tant qu’auteur de bande dessinée et je poursuis cette quête sans relâche. J’ai une attirance particulière pour le dessin des corps et des muscles ainsi qu’un goût pour le clair-obscur, les nuances de gris et le noir et blanc.
Praxographies
En étudiant l’anatomie et le mouvement avec des références photographiques prisent par Muybridge, j’ai trouvé que ses travaux avaient quelque chose de bédéesque. Je me suis donc attelé à une expérience stylistique sur la représentation d’un mouvement de snatch en haltérophilie.
Instagram : @trefilis7 Pour lire ma Bd Unisphère : https://www.mangadraft.com/bd/unisphere
Praxographie
Maurice T – Au mauvais endroit, au mauvais moment
Je m’appelle Maurice Tilman, élève à l’académie de Watermael-Boitsfort depuis longtemps. La bande dessinée et le dessin en général sont un de mes hobbys que je continue d’apprécier encore aujourd’hui.
Au mauvais endroit, au mauvais moment
« Cette histoire a été inspirée par le thème donné par Philippe Cenci: Au mauvais endroit, au mauvais moment. Et je voulais une histoire courte et sans texte pour rester simple, j’ai été jusqu’au bout de ce principe avec des couleurs en nuance de gris. »
https://www.artstation.com/momotard Interview Philippe Decloux
Au mauvais endroit, au mauvais moment
Philippe : Ton style rappelle un peu le manga. On pense aussi à l’animation. Est-ce une inspiration?
Maurice T. : Les mangas en plus de la BD franco-belge m’ont beaucoup inspiré quand j’étais plus jeune, pareil pour l’animation (c’est même devenu mon métier!)
Quelle est la difficulté du dessin muet d’après toi?
La composition des cases. Savoir garder l’action claire et lisible peut parfois être délicat en fonction de ce qu’on a à raconter.
As-tu des envies, des projets, une fois que tu auras fini tes études artistiques?
J’ai fini mes études il y a un an. Pour le moment je cherche du travail en tant qu’animateur 3D, mais je garde des projets de bandes dessinées quand j’ai du temps (et de la motivation).
Virginie Daix – Pacôme et Titou
Petite, j’aimais inventer des histoires que j’accompagnais des mes dessins enfantins. Au fil du temps, je me suis abreuvée à diverses sources sur l’illustration (académie, cours en ligne,…) afin de me former. Jouant principalement avec l’aquarelle, je me suis essayée au digital avec ce projet.
Pacôme et Titou
Titou ne vit pas comme Pacôme et Pacôme, lui, vit comme tout le monde. Tous les deux, pourtant, ont des difficultés à trouver leur place. Cette petite histoire parle de la difficulté d’oser être soi, de la peur d’être différent et de l’importance de l’autre et de l’amitié dans la vie.
Instagram : vibulix Interview Gérald Hanotiaux
Pacôme et Titou
Nous partons aujourd’hui à la rencontre de l’autrice d’une charmante histoire intitulée Pacôme et Titou, proposée au sein de la thématique de ce numéro 25, qui tenait en un mot : Ensemble. Elle nous emmène au pays des Mwaossis, où tout le monde fait tout le temps comme tout le monde, mais aussi au pays de Mwatousseul ! Jouant en général principalement le jeu de l’aquarelle, elle a cette fois choisi d’expérimenter les outils digitaux.
Gérald Hanotiaux. Pourrais-tu te présenter à nos lectrices et lecteurs. De manière générale, mais aussi en tant que dessinatrice-autrice ?
Virginie Daix. J’ai un parcours plutôt scientifique, et suis actuellement enseignante, mais j’ai toujours aimé dessiner et inventer de petites histoires, pour le plaisir. Avec le temps, l’envie de raconter des histoires et les illustrer a grandi, mais je me rendais compte ne pas disposer de toutes les bases. Je me suis donc formée en autodidacte, avec des cours en ligne, mais également un peu à l’Académie. Avec 64_page, il s’agissait d’une superbe occasion de tenter de sauter le pas de la publication ! Je suis super contente que ça ait pu aboutir, merci pour cette belle opportunité.
Dans notre numéro 25 tu proposes six très jolies pages intitulées Pacôme et Titou, pourrais-tu en parler en quelques mots, histoire d’allécher les lecteurs… ?
Pacôme et Titou est l’histoire de deux petits personnages qui, bien que ne vivant pas très loin l’un de l’autre, ne se sont jamais rencontrés. Pacôme vit entouré de tous ses semblables, alors que Titou vit tout seul, avec ses questions pour seule compagnie. L’histoire évoque notre besoin d’appartenance, couplée en parallèle à notre besoin d’être unique. Ça parle d’aller à la rencontre de l’autre et de nos différences… qui n’en sont peut-être pas vraiment. Le tout dépend du point de vue choisi.
Tu nous le disais, tu es principalement autodidacte… Que dirais-tu des difficultés pour les jeunes autrices de faire connaître leurs travaux, dans l’état du monde de l’édition d’aujourd’hui ? Est-ce plus difficile pour les autodidactes ?
Je suppose que c’est plus difficile car, souvent, on ne sait pas vraiment comment faire. Les réseaux sociaux, c’est devenu assez compliqué de s’y faire connaître, notamment à cause des nouveaux algorithmes. Il y a bien les salons, mais comme on a tendance à ne pas se sentir légitime, en tant qu’autodidacte, c’est difficile de sauter le pas. Dans ce cadre, les initiatives comme celle de 64_page représentent une véritable opportunité.
Tu parles d’opportunité, comment as-tu connu notre initiative ? Souvent on nous dit qu’avoir son travail imprimé en main, ça change un peu la donne, ça rend en quelque sorte le travail « concret ». Tu aurais des choses à dire à ce sujet ?
Pas encore grand-chose, non, car c’est la première fois que je vais être publiée. Cela reste abstrait, pour le moment… Mais je suppose que oui ! J’ai hâte d’en faire l’expérience, de l’avoir en main ! Je pourrai en dire plus quand le numéro sortira. Je pense qu’une connaissance m’a parlé de la revue, lors d’une rencontre du CRC, le Comptoir des Ressources Créatives. Mais comme il s’agissait cette fois-là plutôt de projets en bande dessinée, j’avais rangé l’idée dans un coin de ma tête, au cas où l’opportunité viendrait de proposer des travaux plutôt orientés vers l’illustration jeunesse. Et voilà, chose faite !
Penses-tu que voir ton travail au sein d’un ouvrage collectif, avec les pages d’autres auteurs et autrices sur la même thématique, pourrait avoir un effet « stimulant », galvanisant ?
C’est très stimulant, j’ai hâte de voir ce que les autres ont imaginé sur le thème, et de pouvoir peut-être en discuter ! C’est impressionnant de voir la variété infinie d’histoires et d’illustrations qui peuvent être générées sur une thématique identique. Et apprendre comment ces histoires ont pris forme est passionnant.
Pourrais-tu nous décrire ta manière de travailler, avec quels outils, sur cette histoire-ci mais peut-être aussi d’autres, si tu développes d’autres styles ?
Pour cette histoire, j’ai travaillé d’abord le texte à partir du thème proposé, mais très vite, de petits personnages sont apparus en bord de page puisque je commence tout sur papier, même l’écriture… J’ai besoin d’écrire plusieurs fois, parfois en ne changeant que quelques éléments, puis de lire le texte à haute voix, histoire de constater comment ça sonne, puis enfin réécrire et dessiner. Ensuite, il s’agit de laisser reposer, puis d’y revenir, encore et encore… L’histoire et le dessin se construisent finalement ensemble, petit à petit. Ensuite, il me reste à passer à la composition et à la mise au propre des illustrations. Pour cette histoire-ci, c’est la première fois que je travaille en digital. J’avais déjà fait des projets complets de livre jeunesse, à l’aquarelle, pour l’Académie. Après cette expérimentation, je pense qu’à l’avenir je pourrais combiner les deux.
Qui citerais-tu parmi les auteurs et autrices qui t’ont influencé ? Tant en bande dessinée, qu’en illustration, en littérature ou dans d’autres disciplines ?
Si je devais donner le nom de trois livres qui m’ont marquée enfant, je dirais sans hésiter Bébé de Fran Manushkin et Ronald Himler, Porculus d’Arnold Lobel et Trois petites filles de René Escudié, illustré par Ulises Wensell. Je les relis encore avec autant de plaisir et d’émerveillement. J’adorais aussi Sempé. Son Marcellin Caillou est une perle. Concernant les artistes plus récents, j’aime beaucoup les travaux d’Oliver Jeffers, Olivier Tallec, Tim Warnes, Annick Masson,… et tellement d’autres ! Je m’achète encore des livres jeunesse régulièrement.
En bande dessinée, j’adore le duo italien Teresa Radice et Stefano Turconi, ainsi que les œuvres de Vicomte, Delaby, Loisel et Le Tendre… Mais j’ai également été biberonnée aux albums de Lambil et Cauvin, Goscinny et Uderzo ou Tabary.
En littérature, si je devais citer des ouvrages qui m’ont marquée adolescente, je dirais Arthur Rimbaud, L’enfant de sable de Tahar Ben Jelloun ou Le chercheur d’or de Le Clézio mais plus récemment, après quelques années de désintérêt ,j’ai repris goût à la lecture de romans avec Sauvage de Jamey Bradbury. Ils ont tous cette poésie de l’instant indicible, qu’ils ont pourtant su décrire chacun à leur manière, et qui me transperce à chaque fois que j’en relis un passage.
Dans les autres disciplines, j’ai été bercée par les musées avec mes parents, très sensibles à l’Art. Je me rappelle avoir été subjuguée par une œuvre de Salvador Dali, vers mes cinq ans. Je suis restée littéralement scotchée devant. Me voyant, mon père s’est approché et m’a parlé de l’auteur de cette peinture qui me fascinait tant… Mes parents m’ont offert la carte postale du tableau, à la sortie du musée, j’étais si fière de mon trésor !
Quant au cinéma, je suis du style Truman Show, Le fabuleux destin d’Amélie Poulain, La vie rêvée de Walter Mitty, Cinema Paradiso, ou des styles plus sombres comme les films La leçon de piano de Jane Campion, Mommy de Xavier Dolan ou American History X de Tony Kaye.
Question logique enfin, quels sont tes projets, à très court terme sur lesquels tu serais occupée à travailler, mais aussi à plus long terme, tes envies d’autrice et de dessinatrice ?
Je vais tenter de retravailler certains projets, qui dorment depuis trop longtemps dans mes tiroirs. Et enfin me lancer, tenter de les envoyer aux éditeurs, même si j’ai bien conscience qu’il y a peu d’ « élu(e)s ». À long terme, j’aimerais pouvoir consacrer plus de temps à dessiner, inventer des histoires et apprendre de nouvelles techniques.
Merci Virginie !
On peut voir le travail de Virginie Daix en suivant ces liens : Instagram : vibulix
Véronique Seran – Le rêve de Maman
Je suis née à Toulouse et réside à Namur, une ville que j’adore et qui m’inspire. C’est à l’académie des Beaux-Arts de Namur que j’ai suivi ma formation d’illustratrice. Je dessine, je sculpte, je peins. Mon carnet de croquis m’accompagne partout dans le bus, le train, dans les cafés et même au cinéma.
Le rêve de Maman
Marie-Lou est en maternelle. Aujourd’hui elle part en classe de forêt et passe sa première nuit loin de la maison. Dans son lit, l’enfant est inquiète. Mais maman fait un rêve et tout va devenir magique.
Instagram ©seranveronique.illustration Interview Gérald Hanotiaux
Le rêve de Maman
Comme à notre habitude, nous partons à la rencontre des autrices et auteurs du numéro à paraître très prochainement… La thématique proposée tenait en un mot : Ensemble. Les développements ont été riches et variés. Rencontre aujourd’hui avec Véronique Seran, toulousaine établie à Namur. Le dessin est très présent dans sa vie, comme elle le signale : « Mon carnet de croquis m’accompagne partout dans le bus, le train, dans les cafés et même au cinéma. » Dans sa ville d’adoption, elle connaît bien les cours de Benoît Lacroix, auteur-professeur invité dans notre rubrique « Les ateliers des maîtres », au sein du même numéro 25 dans lequel paraît son histoire. Comme un écho à cette interview du professeur, voici la rencontre avec l’élève !
Gérald Hanotiaux. Pourrais-tu te présenter à nos lectrices et lecteurs. De manière générale, mais aussi en tant que dessinatrice-autrice ?
Véronique Seran. Je suis née à Toulouse, j’ai étudié à Charleroi et je vis à Namur depuis 25 ans. Je suis maman de quatre enfants et j’ai un petit-fils depuis peu. Avant, mon métier était la création de bijoux. J’ai suivi les cours de bande dessinée et illustrations avec Benoît Lacroix, professeur à l’Académie des Beaux Arts de Namur. J’ai également participé, avec lui et le collectif Les Harengs rouges à de premières publications en bande dessinée : La ville rêvée, en 2017, suivie de La vallée rêvée, en 2019. Je pratique la sculpture, le dessin, la peinture, j’ai toujours un carnet de croquis sur moi, je dessine partout et tous les jours. J’ai illustré plusieurs romans jeunesses avec l’auteur Thierry Stasiuk, le premier en 2018, La disparition de l’échasse d’or, puis en 2019 Le trésor du fantôme de Félicien Rops, en 2020 Les fabuleuses histoires culinaires, et en 2021 Malédiction sur le FIFF. Le prochain livre Le magicien de Namur en Mai, sortira fin 2023 aux Éditions Namuroises.
Dans notre numéro 25 tu proposes cinq pages très colorées intitulées Le rêve de maman, pourrais-tu en parler en quelques mots, histoire d’allécher les lecteurs… ?
J’ai souvent adapté mes histoires à l’âge de mes enfants. Dans ce cadre Le rêve de Maman est une histoire ressortie de mes cartons, inspirée de la première fois où ma fille, encore en maternelle, est partie en classe de forêt. Marie-Lou était inquiète, elle passait sa toute première nuit hors de la maison. L’institutrice avait demandé aux parents d’envoyer une carte pour rassurer les enfants, j’avais choisi une fée et écrit que je lui envoyais pleins de bisous et de câlins. La carte, le mot et le récit de ma fille au retour de son séjour ont inspiré cette petite histoire toute douce que ma fille, de quinze ans aujourd’hui, relit encore avec nostalgie.
Tu évoques ton professeur de l’Académie de Namur, Benoît Lacroix, dont une interview paraît dans le même numéro où paraissent tes pages. Cela fait un beau duo professeur-élève dans les mêmes pages ! Comment qualifierais-tu tes années passées avec lui, et sa méthode de travail ?
Benoît est un professeur extraordinaire, c’est un professionnel qui transmet généreusement. J’ai passé des années à suivre ses cours et j’ai toujours appris et progressé, à chaque étape, chaque année. Sa méthode se base sur de la théorie, avec de la perspective, de l’anatomie, du scénario et beaucoup de croquis pour le côté vivant du dessin. Chaque année il suggère trois sujets, avec pour chacun trois propositions, accompagnées d’une technique de colorisation différente pour chaque travail. On a le choix, bande dessinée ou illustration. Les anciens peuvent aussi proposer un travail personnel. Parfois, nous réalisons un projet commun, publié sous le nom du collectif Les Harengs rouges, comme La Ville Rêvée et La Vallée Rêvée, évoqués plus haut, dans lesquels j’ai publié plusieurs planches de bande dessinée.
Dans le local où nous avons cours, toutes les années sont mélangées, il y a une belle énergie et une entraide, des critiques bienveillantes, on s’ intéresse aux projets des autres et c’est d’un très bon niveau. Benoît est un prof exigeant, il demande un respect des délais et un réel investissement, mais c’est également quelqu’un de très humain. Quand on suit les cours de Benoît, on fait partie du collectif, il y a les anciens et les nouveaux, mais on reste un Hareng Rouge toute notre vie.
Que penses-tu, plus généralement, de la nécessité ou non de passer par des écoles pour les matières artistiques ?
Les domaines de la bande dessinée et de l’illustration demandent beaucoup de compétences et de connaissances. Il ne suffit pas de savoir et aimer dessiner. Les cours en académie, selon moi, n’apportent pas seulement en connaissance, mais aussi des acquis au contact des autres étudiants et de leurs différences. On est porté par le groupe, on sort de sa zone de confort, on ose des choses, donc on apprend et on progresse ! Je n’ai pas fait d’école supérieure en art, mais pour ce qui est de l’Académie, j’applaudis des deux mains !
Dans l’interview de Benoît Lacroix, nous ne faisons, faute de place, qu’évoquer brièvement son implication dans l’organisation du week-end Urban Sketching, auquel tu as participé début juillet. Pourrais-tu nous expliquer en quoi cela consiste ? Et ce que tu en retires comme expérience, dans ta pratique du dessin ?
Je suis membre de Urban sketchers Namur depuis sa création il y a cinq ans, un groupe dont Benoît Lacroix est un des fondateurs. Beaucoup de ses élèves l’ont suivi dans cette initiative. Être un Urban sketchers, c’est dessiner sur le vif, en milieu urbain, un paysage, un bâtiment, une scène, des personnes dans leur activité du moment… On publie ses dessins sur internet, ou pas, c’est selon, mais le principe est de partager nos expériences. C’est gratuit, ouvert à tous le monde, convivial et bon enfant, pour qui aime et veut dessiner avec d’autres mordus du dessin. Pratiquer le croquis urbain apporte le côté vrai du dessin, un trait plus souple. On est tributaire du temps, du soleil, du vent, de la pluie, de la lumière qui change, des gens qui bougent, ça fait partie des défis et ça oblige à être inventif.
Le week-end des 8 et 9 juillet se déroulait à Namur un rassemblement international pour les Urban sketchers, Benoît était un des organisateurs. 250 dessinateurs urbains ont croqué des lieux et des évènements dans Namur. On a par exemple dessiné suspendu dans les airs, dans les cabines du téléphérique à l’arrêt. On a dessiné des groupes folkloriques en action : les échasseurs namurois à l’entrainement, un concert des Molons, un combat de la Malemort… 150 endroits nous étaient proposés pour dessiner. On a eu des démontrations par des pros du croquis, à des endroits magiques comme la Citadelle, on a dessiné des anciennes voitures en bord de Meuse. Le week-end fut bon, inspirant et intense, il a permis de très belles rencontres.
Pourrais-tu décrire ton (ou tes) style de travail ? Ta manière de procéder en bande dessinée et illustration ? En général dans ta pratique, mais aussi plus précisément pour cette histoire-ci ?
Je me concentre d’abord sur le sujet, pour écrire l’histoire et décrire les scènes que j’imagine. Des images me viennent rapidement, que je dessine directement dans un carnet. Je vais ensuite décider comment varier les plans et la place des textes. Je cherche la documentation pour peaufiner mon dessin, le rendre plus vrai, comme par exemple pour le hibou dans les planches proposées pour ce numéro. J’utilise parfois des modèles réduits, comme pour le bus, très pratique pour choisir l’angle de vue et dessiner ce que je vois. Parfois je fais une maquette en carton pour le dessin de l’angle du toit par exemple.
Avec une table lumineuse, je retranscris tous mes crayonnés sur une feuille de papier aquarelle, et j’encre. Ici je l’ai fait avec un bic brun, donnant selon moi un côté plus doux, mais le plus souvent j’encre à la plume avec de l’encre de chine. Ensuite je fais la mise en couleur à l’aquarelle. Pour certaines illustrations j’ai encré après l’aquarelle, juste les personnages à l’avant, et enfin, j’utilise le logiciel pour mettre le texte et accentuer les contrastes. Ici j’ai pratiqué surtout l’illustration parce que l’occasion d’éditer s’est présentée. Pour la bande dessinée c’est le même travail, en plus long, avec la difficulté que la planche contient plusieurs dessins qui doivent s’harmoniser et pouvoir se lire de manière fluide.
Que penses-tu du monde de l’édition, aujourd’hui en 2023, en bande dessinée ?
La bande dessinée et l’illustration sont des métiers et un art à part entière, mais dans un contexte de surproduction. Les artistes sont mal payés et doivent pour s’en sortir avoir une activité professionnelle complémentaire. Personnellement, l’illustration est une activité accessoire, je travaille avec une petite maison d’édition, je suis payée avec un pourcentage de droits d’auteurs sur les ventes une fois par an, c’est loin d’être à la hauteur du travail fourni mais les livres sont publiés et me servent, en quelque sorte, de « portfolio » pour montrer mes travaux. J’élargis aussi mes compétences avec d’autres domaines artistiques.
Pourrais-tu nous parler de tes influences, les auteurs et autrices qui t’ont marqué ? Tant en bande dessinée qu’en illustration, ou pourquoi pas aussi en littérature ou dans toute autre discipline… ?
Petite, chaque semaine, Maman ramenait les magazines Tintin et Spirou et c’était la fête pour moi, ma sœur et mon frère. J’ai lu les Schtroumpfs, Tintin, Lucky Luke, Michel Vaillant, au départ parce que mon père était fan, et tous les Bob et Bobette, dont ma meilleure amie avait une collection. Plus grande, j’ai été bousculée par le dessin de la série Les passagers du vent de François Bourgeon et depuis, mon rêve serait d’atteindre ce niveau. J’aime le dessin de Jean-Claude Servais, de Marcel Marlier, de Gabrielle Vincent. En peinture, je citerais Manet, Degas, Van Gogh, Toulouse-Lautrec, Matisse, Rik Wouters ou Lucian Freud. Ces peintres me touchent par leurs couleurs, leurs touches et leurs sujets. Si en plus le peintre sculpte, j’admire… En ce qui concerne la littérature, je dois avouer en lire peu et être surtout attirée par le visuel, mais s’il fallait retenir un seul livre, alors je prends Le petit Prince de Saint Exupéry.
Pour terminer, question logique, quels sont tes projets, actuellement ? Ceux de court terme, sur lesquels tu travailles, mais aussi à plus long terme, vers quoi tu voudrais te diriger pour la suite…
Mes projets sur le court terme, ce sont les illustrations, une par chapitre et la couverture, du prochain roman jeunesse évoqué plus haut, Le magicien de Namur en Mai, avec l’auteur Thierry Stasiuk à l’écriture, dont la sortie est prévue fin 2023. J’envisage un projet bande dessinée de quelques planches pour le prochain album du collectif Les Harengs rouges, et peut-être, pourquoi pas, un autre projet pour 64_page ! À plus long terme, je verrais des livres jeunesses, du dessin et de la peinture à plein temps.
Merci Véronique !
Le travail de Véronique Seran peut être découvert en suivant ce lien: https://www.facebook.com/profile.php?id=100013649321511
Xan Harotin – Ensemble
Xan Harotin vit et travaille à Bruxelles.
Elle dessine pour différents magazines et anime des ateliers artistiques pour petits et grands.
Elle aime la nature, dessiner des animaux, créer des fanzines et imaginer des histoires.
Ensemble
C’est être là pour l’autre, quoiqu’il arrive.
https://xanharotin.ultra-book.com Interview Philippe Decloux
Ensemble
Philippe : Tu nous proposes en 6 pages un moment de douceurs, de tendresses, de douces chaleurs, quelques secondes apaisées d’amours universelles … Comment est né ce récit sans parole où pourtant tout est dit par ton trait ?
Xan Harotin : J’aimais bien le thème « Ensemble ». J’ai cherché sur ce thème différentes relations pour être ensemble, ce que cela pouvait apporter, le texte m’est venu ainsi, un soir où j’y réfléchissais.
L’anthropomorphisme est une des caractéristiques de tes récits, une autre est la ‘ligne claire’, peux-tu nous en parler ? Il est évident que ce sont des choix particulièrement adaptés à un très jeune public…
L’anthropomorphisme j’y suis arrivée lorsque je me suis rendue compte que je préférais dessiner des animaux plutôt que des humains. Ensuite, tout le monde peut facilement s’identifier à un animal qu’il apprécie. Par rapport à la ligne claire, j’imagine que j’ai été influencée par pas mal d’artistes. Ainsi je pense plutôt mes dessins au trait, et ma technique à la plume le renforce.
Quels sont tes projets d’album(s) ?
J’en ai un pour 2024, mais je préfère garder la surprise.
Qu’aimerais-tu dire aux jeunes autrices qui se préparent à faire le grand saut, vers l’école d’art ou de celle-ci vers la vie professionnelle ?
Vers l’école d’art, rien n’est jamais fixé ni l’avis des professeurs, ni votre dessin, vous êtes là pour apprendre et avoir des doutes c’est normal. Le plus important c’est d’oser, continuer et persévérer.
Vers la vie professionnelle, j’ai envie de dire qu’il faut aussi oser et persévérer, il faut voir les choses sur le long terme. On va semer des choses petits à petits, et la récolte se fera au fur et à mesure des années.
Sandrine Crabeels – Boumboumboum
Illustratrice et graphiste, je suis sortie de l’ERG en 1997 avec une licence en communication visuelle. En 2004 j’ai ouvert mon studio, aujourd’hui j’y propose essentiellement des illustrations et des identités visuelles. Mais depuis quelque temps, je reviens aussi à mes premières amours, l’illustration narrative et la BD !
Boumboumboum
Nous partageons les pensées d’une enfant… où nous emmèneront-elles ? Peut-être à une meilleure compréhension de soi et de l’autre.
www.instagram.com/sandrine.crabeels
Interview Philippe Decloux
Boumboumboum
Philippe : Histoire vécue ? Ta proposition pour ce 64_page « Ensemble ! » me fait vraiment penser à du vécu ? Comment as-tu conçu (hihi !) ce récit et, surtout, imaginé qui des trois personnages sera la narratrice ?
Sandrine Crabeels : Je dirais plutôt « histoires vécues ».
> Une maman sur le parking d’un hôpital qui dit à son enfant « C’est ici que tu as été conçu ». Et moi qui pense « Elle veut dire c’est ici que tu es né, pas conçu quand-même ! »
> Mon propre souvenir lors d’une séance chez un psy, dans une demi-hypnose, où je me retrouve dans le ventre de ma mère et je vois tout en rouge/orangé.
> et puis, évidemment, mes expériences d’adulte, maman, amie, pour le « beurk le bisous tout nu » ou la course dans les couloirs, ou tous les trucs à penser.
> Et enfin, le fait que je passe mon temps depuis toujours à observer tout ce qui se passe autour de moi. (petite, dans la cour de l’école on m’avait chanté « Elle a les yeux révolver… » parce que j’observais toujours tout le monde)
Tu nous avais proposé une grande BD Jorinde – dont 64_page #23 avait publié les premières pages et qui avait plu – où en est-ce beau projet ?
J’ai repris depuis le début ! J’ai recommencé les pages que vous aviez publiées, pour ancrer plus dans le réel le début, avant que Jorinde ne saute et ressorte de l’eau. Et puis tant qu’à faire j’ai aussi peaufiné la suite. Aujourd’hui, là, je termine les planche 8 et 9.
Quand j’aurai une petite quinzaine de planches satisfaisantes je les proposerai aux éditeurs.
Tu as proposé l’expo « 1000 dossiers», fin mai, au Hangar à Liège, raconte-nous sa genèse et ses objectifs et ce que cela ta rapporté ?
Ça fait plus de 20 ans que je suis « devenue » graphiste, mais je suis illustratrice de formation, et avant tout ça, je voulais faire des bd. Jorinde a surgit pendant le Covid, mais je dessinais déjà beaucoup et proposais des illus à mes clients du studio graphique.
Cette expo, c’est un peu un tournant : fini le travail purement graphique pour les entreprises, je m’ouvre plus à qui je suis et ce que j’aime. Et je voulais partager cela avec tout le monde, l’occasion du 1000e dossier de crab’graphic s’est présentée !
J’ai ainsi montré à mes clients, amis, famille et tous au sens large, tout ce que je faisais (chacun ne connait que certains aspects de mon travail). J’avais aussi envie d’y ajouter un petit côté didactique : beaucoup pense qu’il suffit d’avoir un beau coup de crayon et en 1h max, l’image est faite. Or le travail d’une image c’est questionner, réfléchir, chercher, se tromper, recommencer, faire plein de propositions et seulement là, travailler et retravailler celle qui sera la bonne. J’ai montré cela concrètement.
Et pour ce que cela m’a apporté ? Le plaisir du partage, des nouvelles rencontres, de nouvelles idées, de nouvelles collaborations ! Encore du boulot !
Tu as créé ton atelier de graphisme – Crab’graphic – à Liège et tu es active dans l’associatif, tu animes des ateliers… Explique-nous comment Sandrine jongle avec toutes ses activités, sa vie personnelle ?
Oui, pas facile, du tout ! Je ne sais pas.
J’essaie la médiation, ça aide vraiment bien.
J’essaie de rester bien concentrée quand je bosse, de ne pas me laisser distraire au mauvais moment, de dire NON même si j’en ai envie, en gardant ma ligne directrice en tête, garder du recul.
Et lire l’histoire à la puce même si on va être en retard, en profiter aussi.
Tout est dans le « j’essaie ».
Et dormir assez.
Cela peut être assez flippant pour des jeunes autrices de s’engager dans un métier passion mais aussi peu sécure, les envies de vie de couple, d’enfant(s),… Que souhaiterais-tu dire à celles – et ceux aussi – qui s’apprêtent à faire le pas ?
De se faire confiance, surtout. D’avancer petit petat, comme Sophie Canétang.
Valentine Langer – Vassilissa
D’origine alsacienne, j’aime dessiner et raconter des histoires en images. Depuis deux ans, je me suis remise plus assidûment à l’art, l’illustration et la bande dessinée dans le but de développer une pratique artistique professionnelle.
Vassilissa
Vassilissa est un conte populaire russe, pour lequel on peut rendre hommage à la réinterprétation de Clarissa Pinkola Estés dans Femmes qui courent avec les loups. L’histoire est ici réinterprétée et concentrée autour du rôle de la poupée magique qui accompagne notre héroïne à travers les épreuves de la sorcière. Elle peut s’apparenter au symbole de l’intuition, l’instinct de chaque femme ou aux conseils de la mère défunte.
https://www.instagram.com/val_langer/ Interview : Gérald Hanotiaux
Vassilissa
Gérald Hanotiaux : Dans notre numéro 25 tu proposes six pages très colorées intitulées « Vassilissa », pourrais-tu en parler en quelques mots, histoire d’allécher les lecteurs…?
Valentina Langer : Vassilissa est librement inspiré du second conte, Vassilissa la sage, du recueil Femmes qui courent avec les loups de Clarissa Pinkola Estés. Ce recueil est unique dans le sens où il replace la Femme Sauvage que nous avons toutes en nous au centre de la vie. Sans même chercher à défendre une valeur au domestique ou à l’intériorité, Clarissa Pinkola Estés arrive à nous en faire voir toute l’importance, aussi bien que de cultiver sa créativité, inventivité et les projets qui nous tiennent à coeur (qu’ils soient ou non approuvés par notre entourage).
Ce conte m’a touché en particulier, car c’est l’histoire d’une jeune fille qui veut bien faire et à laquelle la vie apprend à écouter son intuition et à se faire une place. Quand je regarde mon parcours professionnel aujourd’hui, je ne peux que voir combien j’ai voulu « bien faire » également.
Cette histoire a aussi pour morale d’accepter que la vie soit faite de cycles, et que certaines choses doivent mourir pour que d’autres puissent vivre. La notion de cycles (règle, grossesse, ménopause, … – on parle bien de « pertes »), inhérente à la vie d’une femme, me paraît aujourd’hui extrêmement importante, et est encore peu comprise par notre société : de nombreuses féministes ont pu défendre cette idée que je trouve intéressante et que je souhaite à mon tour promouvoir (à l’inverse d’une vision de la vie comme linéaire).
La poupée qui guide et effectue en cachette toutes les taches symbolise l’intuition de chaque Femme et, c’est également elle qui sait tenir bon face aux épreuves de la dure mais juste sorcière, Baba Yaga. Enfin, c’est le cadeau de Baba Yaga qui permettra à Vassilissa de reprendre sa place dans la maison en brûlant la marâtre..
La marâtre peut être interprétée dans le conte comme un symbole de nos propres forces obscures, celles qui pourraient nous pousser à l’auto-sabotage par exemple : je suis certaine que cette interprétation fait sens pour beaucoup par les temps qui courent :).
J’ai tenu à alléger et colorer cette histoire en bande dessinée pour jeune public afin de pouvoir partager aux plus jeunes un conte qui ne finissent pas « bien », « comme il faudrait » et qui s’inscrit plus dans la tradition ancestrale des contes, à savoir une fin brutale. De même les passages dans la nature, forêt, où l’héroïne est seule, y occupent une place centrale, il s’agit aussi de ma vision des étapes d’un cycle, qui demandent de la solitude et un côté farouche.
Cette petite bande-dessinée, Vassilissa, est donc ma ré-interprétation et synthèse des leçons que j’ai pu tirer de cette histoire : accepter de s’écouter, s’aimer suffisamment pour se faire une place, savoir aussi partir et quitter certaines choses.
UNE planche UNE histoire
Thibault Gallet – Saison
Je m’appelle Thibault et j’habite à Bruxelles. Bruxelles est une ville que j’adore, parfois je m’y promène à vélo mais je ne crois pas que ce soit si intéressant (le fait que je m’y balade à vélo). Je dessine, j’écris des choses diverses dont le sujet m’échappe encore, vous m’excuserez de paraître aussi mystérieux. Promis ce n’est pas pour faire mon intéressant. J’aime bien dessiner.
Saison
Cette planche parle de climat, de santé mentale et peut-être de fin du monde. Mais pas de manière directe. Non : de manière rigolote. Merci de votre attention.
Instagram.com/thibaultlegallet Interview : Angela Verdejo
Saison
© Thibault Gallet - Saison
64_page : Bonjour, Thibault, pour nos lecteurices pourrais-tu te présenter et nous raconter les motifs qui t’ont poussé à répondre à l’appel de 64_page et, plus particulièrement, Une planche, une histoire.
Thibault Gallet : Je m’appelle Thibault, je vis à Bruxelles et je dessine. J’avais déjà fait quelques dessins d’actualité pour 64_page, un exercice très intéressant et intense si on essaie d’être régulier. Mais au départ c’est la BD qui me motive. Je poste parfois des petites histoires sur Instagram, et Philippe (NDLR : Philippe Decloux) m’a contacté puisque ce genre de format court semblait l’intéresser. L’idée me plaisait aussi !
64_page : Nous allons essayer de parler de ton projet sans trop spoiler le contenu (dur-dur), tu as fait le choix d’un certain type de narration, pourrais-tu expliquer les raisons de ce choix ? Procèdes-tu toujours de la sorte ?
Thibault Gallet : Le texte est en effet le fil conducteur. Je parle des saisons et je fais une simple liste que j’illustre. Le rythme est binaire et la redondance donne un ton « ahuri », ça me plait.
D’habitude j’aime travailler par les dialogues. J’ai fait quelques histoires où c’est une conversation qui mène le récit. Ici, c’est comme si je faisais subir à mon personnage des événements qui le dépassent.
64_page :Pourrais-tu nous parler de ton processus de création, quel est le point de départ, par exemple ?
Thibault Gallet : Je crois que j’avais une liste de saisons en tête. C’est très bête mais je trouvais ça amusant. Avoir une infinité de saisons. Ensuite, j’essaye de donner un peu de sens à cette liste. Deux choses se croisent : l’aspect cyclique, répétitif des saisons (et donc l’impact psychologique que ça implique pour moi) et l’aspect disons météorologique/climatique (qui a dit qu’il n’y a « plus de saisons » ?). D’où ce glissement inquiétant vers la fin : c’est une progression d’abord amusante, puis contemplative puis flippante.
64_page : Plus particulièrement, en ce qui concerne les illustrations, peux-tu nous expliquer comment tu as procédé, nous parler également du choix des couleurs et du choix du personnage qui apparaît dans toutes les vignettes sauf deux ! Pourquoi le choix aussi de ne pas mettre « saison » devant fleurs dans la vignette centrale ?
Thibault Gallet : J’essaye de confronter le personnage à des situations successivement agréables et difficiles. On le voit toujours seul, ou pire : à l’échelle des montagnes ou des volcans, il est insignifiant, inexistant. Dans tous les cas il est presque passif, il s’adapte comme il peut : nu quand il fait chaud, ou habillé en hiver.
Je crois qu’il me fallait juste gérer le rythme du récit : « les fleurs » est une métonymie (me semble-t-il ?). Une manière idiote et poétique de parler du printemps. Hop ! C’est expédié. Puis on passe aux saisons bizarres.
À propos des couleurs : je me suis mis récemment aux feutres, j’en utilise dans des carnets, par exemple. Là, je me suis imposé un nombre limité de couleurs, c’est plus simple. Ça bave un peu, j’aime beaucoup.
64_page : Pourrais-tu nous parler de ce que tu fais en ce moment ? Autrement, pourrais-tu nous indiquer les moyens que tu utilises pour diffuser tes créations ?
Thibault Gallet : Cette histoire s’inscrit dans un projet plus grand. Je construis une sorte de journal de ce personnage : une aventure ou anecdote par page. C’est en partie autobiographique, en partie complètement fantaisiste. Je poste petit à petit les planches sur mon Instagram (/thibaultlegallet) et je préfère ne pas trop révéler vers quoi je me dirige mais ça devrait être rigolo.
64_page : Merci beaucoup Thibault pour cette belle réflexion autour de ta planche ! A très bientôt dans le n°25 du 64_page qui doit paraître à la rentrée ! Pour connaître davantage sur l’œuvre de Thibault ou pour prendre contact avec lui, rendez-vous sur Instagram :
Thibault le gallet (@thibaultlegallet) • Photos et vidéos Instagram
Jean-Christophe T – En chœur
Bonjour, je m’appelle Jean-Christophe. J’ajoute un T quand je signe un dessin. Je suis illustrateur et auteur de bande dessinée.
En chœur
Se réveiller seul, perdu. Puis, découvrir l’autre, apprendre de lui pour se construire et avancer. Mélanger les couleurs, le bleu et le rouge. Savoir s’en nourrir. Se rassembler pour enfin vivre heureux, ensemble.
En chœur
64_page : Bonjour, Jean-Christophe, pourrais-tu te présenter et nous raconter les motifs qui t’ont poussé à répondre à l’appel de 64_page et à participer à notre projet « Ensemble » ?
Jean-Christophe T. : Bonjour. Je m’appelle Jean-Christophe Targa (mais je ne signe que d’un Jean-Christophe T. mes dessins). Je suis auteur de bandes dessinées, illustrateur. J’habite dans l’est de la France.
J’ai eu vent de 64_page lors du festival de la bande dessinée de Bruxelles l’année passée. Une collaboratrice de la revue m’a conseillé de proposer quelque chose. J’y ai alors vu une possibilité de publier une première histoire. C’était chose faite dans le numéro 24 et, ayant beaucoup apprécié l’expérience, j’ai choisi de répondre à nouveau à cet appel à projet.
Avec, cette fois-ci, l’envie de réaliser quatre pages dans un style très différent. Le projet « Ensemble », avec ses contraintes, serait alors pour moi un moyen d’aller vers d’autre possibilités graphiques et narratives.
64_page : Tu as fait le choix d’un certain type de narration, pourrais-tu expliquer les raisons de ce choix et nous parler de ta propre conception de la littérature jeunesse ?
Jean-Christophe T. : La littérature jeunesse est un continent sur lequel l’exploration graphique reste fascinante. La tectonique qui le traverse reste très puissante. Des pays entiers d’imaginaire(s) ; de Maurice Sendak à Tove Jansson, Quentin Blake, en passant par des illustrateurs comme Jean Jullien ou Serge Bloch). Depuis toujours, les auteurices jeunesses ont tenté d’inventer de nouveaux langages, de nouvelles formes d’expressions. S’adresser à des enfants est à la fois très difficile et très stimulant pour un.e créateurice. C’est un jeu passionnant.
Le choix d’une narration est la base du dialogue qui doit s’instaurer avec l’enfant. Ce dernier doit en comprendre les codes pour mieux progresser dans le récit. Développer l’empathie de l’enfant pour un personnage est la clé du concept à appliquer au récit.
Pour ma part, j’ai fait le choix d’une narration purement graphique. Grace à ce concept, je m’adresse au lecteur via le trait tout en gardant une dose de mystère tout au long de l’histoire.
64_page : Le concept de « création » (papier, crayon, jeux de mots, construction d’un monde imaginaire) trône au centre de ton récit graphique et semble en être sa colonne vertébrale qui le fait tenir « ensemble », pourrais-tu nous expliquer ce choix et ce que la « création » représente pour toi ?
Jean-Christophe T. : Quand je réponds à un appel à projet, je suis toujours très prosaïque. Quelles sont les contraintes ? Puis, je m’adapte à celles-ci. Je les utilise comme un cadre, une ligne directrice. Mon histoire, mes choix graphiques, sont la résultante de l’addition des contraintes de l’appel à projet. J’évite ainsi le hors-sujet mais surtout, je réponds clairement à mes commanditaires.
Ici, j’ai plus le sentiment d’une construction que d’une création. J’empile les règles à suivre, les mots-clés, puis je commence mon ascension. C’est très stimulant.
64_page : Dans la construction de ce récit, il y a aussi une grande part qui est accordée aux mots alors que, hormis le titre, il n’y en a pas d’autres pourtant ce texte nous « parle » et exploite vraiment le champ lexical d’ensemble, on entend les illustrations, c’est magique ! Tu peux nous expliquer comment tu as procédé et nous parler également du choix des couleurs ?
Jean-Christophe T. : Le dessin est un langage. Il possède son vocabulaire, sa grammaire. Surtout, c’est un langage visuel. Un langage universel. Toutes les cultures se sont d’abord construites sur un ensemble de signes (l’alphabet est ainsi une simplification graphique de symboles ancestraux).
L’art rupestre était déjà un moyen de représenter le monde sensible par le trait. Un moyen de raconter sa vie chez un homo sapiens qui ne connaissait ni Sennelier ni Proceate!
Quant au choix des couleurs, il me fallait un contraste, une palette binaire. Le bleu, le rouge. L’un pour l’intellect, l’autre pour le sentiment. Là encore, c’est une volonté de parler simplement, d’identifier, d’être dans le symbolisme.
64_page : Pourrais-tu nous parler de ce que tu as fait ou es en train de faire en ce moment ? Autrement, pourrais-tu nous indiquer les moyens que tu utilises pour diffuser tes créations ?
Jean-Christophe T. : En ce moment, je travaille sur des projets de bandes dessinées, un en particulier. Encore à l’étape de construction graphique, je les présenterai bientôt à des maisons d’éditions. C’est d’ailleurs dans l’édition jeunesse que je souhaite m’exprimer.
Dans le même temps, je travaille pour différentes revues qui sortiront ces prochains mois.
Pour voir une partie de mon travail et mon actualité, vous pouvez me rejoindre sur Instagram (jchristophe.t). Je suis d’ailleurs ouvert aux collaborations, n’hésitez pas à me contacter en DM.
Merci.
64_page : Merci à toi Jean-Christophe T. pour le temps que tu nous as consacré, à très bientôt dans le 64_page consacré à la littérature jeunesse sur la thématique « ensemble » qui devrait paraître à la rentrée 2023 ! Pour en savoir davantage sur l’œuvre de T. ou pour prendre contact avec lui, rdv sur insta jchristophe.t
Marie Pascale Peeters – Le jour où les poissons auront vraiment trop chaud
Après des études de gravure et de dessin à Bruxelles, j’ai choisi de vivre au soleil, d’abord en montagne au milieu de la nature et ensuite au bord de la mer Méditerranée. J’écris et illustre des albums jeunesse dans lesquels je fais découvrir des artistes aux enfants.
Le jour où les poissons auront vraiment trop chaud
J’ai souhaité parler d’un vrai sujet d’actualité : les problèmes engendrés par le réchauffement climatique. Les enfants seront les premiers concernés et c’est à eux que reviendra la lourde tâche de tenter de préserver la vie sur notre planète.
Instagram : mariepascale_peeters Interviews Marianne Pierre
Le jour où les poissons auront vraiment trop chaud
© Marie-Pascale Peeters- Le jour où les poissons auront vraiment trop chaud
Marianne Pierre : Comment t’es venue l’idée de ce récit ? Pourquoi parler spécifiquement d’une ville dans le Pacifique sud ?
Marie-Pascale Peeters : C’est un village inventé ! Peu de temps avant de commencer ce récit, j’ai travaillé sur un projet d’illustration de fables qui se passaient en Australie. Nombreuses recherches m’avaient plongée dans ce continent. À cela se sont ajoutées mes inquiétudes face au réchauffement climatique.
Le thème de la revue était Ensemble Nous sommes tous concernés par ce sujet et si on s’y met tous ensemble, nous pourrions peut-être faire évoluer les choses… Et voilà, mon histoire est née !
Selon toi, est-il du devoir d’un artiste de militer et alerter ?
Bien sûr ! La culture sert aussi à ça. Les enfants d’aujourd’hui sont les premiers concernés, il est utile de les informer. Les récits illustrés peuvent être un bon moyen de leur parler de ce sujet.
Quelles sont tes sources d’inspiration ?
Principalement mon environnement, mon chien, ma petite fille. L’été dernier j’ai découvert le paddle, j’adore ! J’ai également ajouté un peu de (ma) culture avec l’artiste Jean Michel Folon. J’aime faire découvrir des artistes aux enfants, je fais toujours un clin d’œil à l’Art dans mes récits.
Ton récit est « à suivre ». Est-ce le début d’un nouveau projet ?
J’étais un peu frustrée par la longueur disponible. Je trouve que 6 pages ne suffisent pas pour parler du changement climatique, il y aura sans doute une suite.
Enexua – Ensemble
Salut ! Je suis Enexua ! Je suis un petit artiste qui dessine sur son temps libre, quand j’en ai ! Je dessine plutôt des dessins simples qui renvoient les messages que je veux faire passer !
Ensemble
Étant donné que mon univers est plus dans la personnification d’objets et de concepts, j’ai eu l’idée de faire en sorte que les lettres du mot « Ensemble » s’entraident entre elles, pour prouver qu’on a besoin d’être ensemble pour vivre. Voilà c’est tout.
Page instagram : Le_coin (enexua_x2) Interview Marianne Pierre
Ensemble
Marianne Pierre : Comment t’es venue cette idée à base de lettres ?
Enexua : Je n’ai jamais été bon à dessiner des êtres humains (ou des êtres vivants en général). Du coup j’ai dû chercher une idée sans humain. Et c’est en classe que j’ai pensé à un dessin du mot Ensemble avec des lettres « vivantes ». Je suis donc parti de cette idée et je l’ai détaillée.
Peux-tu nous parler de ton univers ? Qu’aimes-tu dessiner ?
Mon univers est très vague. Tant de choses m’intéressent que définir mon univers n’est pas facile. Mais si je devais essayer, je dirais que c’est majoritairement un univers d’objets humanisés qui vivent une vie plus au moins banale. J’essaye de créer des personnages simples à dessiner, satisfaisants à regarder et attachants. Et du coup, ce que je préfère dessiner, c’est deux de mes personnages : Triankl, un triangle mauve scientifique, et Berry, une petite baie rouge toute mignonne.
Tu n’es pas dessinateur professionnel. Quelle place a le dessin dans ta vie ?
Le dessin est certes assez important dans ma vie, mais il n’est qu’une des façons que je crée. Car ma plus grande passion est de créer de nouvelles choses et de voir les gens y réagir. Et même si je suis en académie de dessin depuis quelques années, j’ai aussi essayé l’écriture et la vidéo, deux autres de mes domaines préférés de création.
Nathalie Caccialupi – Enfin
Elève à l’académie de Châtelet depuis septembre 2021, dans la classe de M. Philippe Cenci, je cherchais un espace-temps pour souffler. M’extirper du bourdon-nement de la vie. Depuis, je gribouille, au marqueur noir, mes acouphènes : des cris de femmes (en maillot de bain), des miaulements de chats. Je voudrais passer à la couleur. Mais je ne l’entends pas encore.
Enfin
Ensemble. La thématique a tout de suite réveillé chez moi une histoire personnelle. Celle d’une adoption. Celle d’une attente longue, longue, en compagnie de nos chats. Malhabile avec la technique du portrait humain (misanthrope inavouée ?), c’est à un chat de gouttière que je fais revivre l’aventure. Merci 64_page de nous accueillir. Mon chat et moi. Ensemble enfin. Merci à bastidrk d’avoir calligraphié avec douceur ce texte.
Instagram nathalie_catch
Enfin
© Nathalie Caccialupi – Enfin
Interview - Gérald Hanotiaux
Nous poursuivons nos rencontres avec les autrices et auteurs du numéro 25 de la revue 64_page. La thématique proposée tenait en un mot : Ensemble. Aujourd’hui, nous discutons avec l’autrice d’une histoire en six pages intitulée Enfin. Afin de souffler et de « s’extirper du bourdonnement de la vie », Nathalie s’est inscrite à l’Académie de Châtelet, pour suivre les cours de Philippe Cenci, rencontré dans notre précédent numéro*.
Gérald Hanotiaux. Pourrais-tu te présenter à nos lectrices et lecteurs. De manière générale, mais aussi en tant que dessinatrice-autrice ?
Nathalie Caccialupi. Je suis née en 1969 à Lobbes, et je travaille dans le milieu socioculturel depuis des années. Je fais du théâtre en amateur depuis l’adolescence, mon envie de raconter des histoires doit sans doute un peu venir de là… Avant de me mettre au dessin, j’ai fait du collage, une manière décomplexée de s’exprimer sans avoir besoin de savoir dessiner. Le dessin et le texte, finalement, sont des moyens d’acquérir de la confiance en soi. Il y a encore du travail…
Dans notre numéro 25 tu proposes six pages intitulées Enfin, pourrais-tu en parler en quelques mots, histoire d’allécher les lecteurs… ?
Enfin, c’est une histoire d’amour, l’histoire d’une rencontre, et c’est autobiographique. J’ai toujours pensé qu’on écrit mieux sur ce qu’on connait vraiment. J’ai adopté un enfant, et je voulais raconter ce no man’s land de l’attente…
Pourquoi ce choix du noir et blanc, relevé de quelques touches de couleur ?
C’est avant tout inconscient. Dans cette pratique, on est comme immergé dans sa pensée, et le dessin vient alors presqu’automatiquement. Des choses apparaissent, comme évidentes, on peut avoir l’impression de ne même pas avoir dû les imagnier… Dans un second temps, si je voulais l’expliquer, les touches de rouge sont liées pour moi à la « magie » apportée par le chat, comme des choses vues de lui seul…
Pourrais-tu décrire tes manières de travailler en dessin, techniquement ?
Autodidacte, j’affirmerais difficilement avoir une technique… Mais je collectionne les images, les vieilles cartes postales. Ça fait partie de mon processus de création, je crois. Sinon, je dessine d’un trait. Je reviens rarement sur une ligne ou une courbe. Comme je dessine au marqueur, la chance doit opérer. Et si c’est raté, et bien je recommence. Je dessine en général en très petit.
Que penses-tu du fait de pouvoir publier tes pages ici ?
C’est comme se décider à plonger la première fois, quand on ne sait pas très bien nager. C’est un peu flippant. Mais c’est une jolie occasion d’être confrontée à un public, de vérifier si l’histoire fonctionne.
Penses-tu qu’un ouvrage collectif, avec différents travaux sur un même thème, pourrait avoir un effet « stimulant » ?
Assurément. Voir son travail sélectionné en même temps que ceux de collègues, c’est d’abord valorisant. Ensuite, ça permet sans aucun doute d’être épaté et ému par les imaginaires des autres. Cela ouvrira sans doute des possibles auxquels on n’avait peut-être pas pensé.
Qui citerais-tu parmi les auteurs et autrices qui t’ont influencé ? Tant en bande dessinée, qu’en illustration, en littérature ou dans d’autres disciplines ?
Sempé. Simple, efficace et sensible. J’aime beaucoup aussi Edward Gorey qui m’inspire dans les thématiques. Et Kitty Crowther. Les photomontages de l’artiste toscan Claudio Chiavacci.
Question logique enfin, quels sont tes projets, à très court terme sur lesquels tu serais occupée à travailler, mais aussi à plus long terme, tes envies d’autrice et de dessinatrice ?
J’ai envie de travailler sur un carnet de voyage, et aussi envie de travailler en plus grand, de libérer mes traits. Il faudra juste oser.
Un mot de la fin ?
Je voudrais exprimer mes sincères remerciements à ceux et celles qui ont lu Enfin.
Merci Nathalie !
Le travail de Nathalie est visible sur: Instagram nathalie_catch
* Rubrique « Les ateliers des maîtres », partant à la rencontre
des professeurs de bande dessinées en Belgique. Vous pouvez trouver
le numéro 24 de la revue, contenant cette interview, sur notre site,
www.64page.com/revue/
Yi-Jing, Daran et Marc, et Xiao-Ba – Envols
Xiao-Ba, gentille toutou, a été surprise de voir un bébé rouge-gorge dans « son » jardin. Yi-Jing a assisté avec amusement à cette rencontre… stimulante. Elle l’a racontée à Daran qui a scénarisé l’histoire. Puis Marc l’a mise en images. Une histoire de famille, en famille.
Envols
Avec le printemps arrive la nidification. Un couple de rouges-gorges a fondé une famille. Trois oisillons sont nés. Le moment venu, les parents les ont laissés seuls. L’un après l’autre, ils ont pris leur envol. Le petit dernier a eu plus de difficultés. Il a reçu l’aide de sa fratrie, mais pas seulement.
https://www.facebook.com/marc.descornet/ Interview Philippe Decloux
Envols
Philippe : Comment fonctionne l’entreprise familiale quand elle se lance dans un projet BD ou d’illustration ? Quel est le rôle de chacun.e ?
Marc : Le projet « Envols » est apparu de lui-même, comme une évidence, limpide, fait de simplicité. Yi-Jing a eu le regard attiré par un drôle de manège dans la cour. Un couple de rouges-gorges s’affairait à construire un nid. Peu après, logiquement, des piaillements se sont fait entendre. A un moment, les parents prennent leurs distances, même s’ils restent dans les parages, attentifs. Ils incitent ainsi les petits à prendre leur envol. C’est toute une histoire qui se déroule devant nos yeux, l’histoire de la vie.
Notre petit jardin citadin est entouré de hauts murs, une véritable épreuve pour les oisillons. L’un d’entre-eux a dû s’y prendre à plusieurs reprises avant de prendre son véritable envol. Lors de l’une de ses sorties,notre petite Xiao-Ba, adorable bichon maltais, a été très surprise de voir un rouge-gorge dans « son » jardin. La rencontre fut intense pour tous les deux. Yi-Jing, mon épouse, en a été témoin. Et elle l’a raconté à Daran, notre fils.
Quand 64_page a lancé le projet de numéro spécial histoires pour enfants, ça tombait vraiment bien. C’est tout naturellement que l’idée s’est concrétisée et c’est ensemble, en famille, que nous avons permis à « Envols » de prendre forme.
Marc, tu es un dessinateur tout-terrain à l’imagination débridée, tous les sujets semblent t’inspirer, et pour chaque sujet, tu fais appel à une technique différente. Ton éclectisme est réjouissant dans notre monde de ‘spécialistes encasés’, mais n’est-ce pas, aussi, un handicap, le monde de l’édition ne semble pas trop aimer les risques éditoriaux ? Comment exister comme créateur créatif dans une industrie qui ne cherche que les certitudes et aime à se recopier infiniment ?
Alors oui, effectivement, l’art « reconnu » est un marché et il obéit à des règles de marketing, dont celle d’un produit qui doit être reconnaissable pour pouvoir se vendre. C’est la rengaine du produit qui doit se reproduire, de la recette qui plaît et qui fait recette et qui, donc, doit se répéter, indéfiniment. Rare sont les auteurs qui, comme Giraud – Moebius, parviennent à proposer deux univers graphiques et à les imposer au monde marchand.
Ma démarche est avant tout liée au plaisir, celui d’imaginer et de mettre en forme des histoires et de les dessiner, puis celui de partager ce plaisir avec celles et ceux qui y trouveront du sens, et du plaisir à leur tour. Et pour y arriver, je me laisse porter par mes envies, les opportunités, les rencontres… Quand l’inspiration vient, je visualise comment elle pourrait au mieux trouver sa traduction concrète. Dès lors, je ne m’impose pas de contraintes graphiques.
Exister en tant que dessinateur dans l’industrie de l’édition est différent d’exister en tant que personne portée par une nécessité de s’exprimer du mieux qu’il le ressent et par les moyens qui lui semblent convenir le mieux. Ceci dit, 64_page me permet d’exister dans le monde de l’édition et je lui en suis très reconnaissant.
Quel est ton rêve ultime dans le 9ème art ? Quand nous proposeras-tu le récit, la BD, qui concrétisera tous tes désirs d’auteur, de raconteur d’histoires ?
Comme tout auteur de BD, la prochaine œuvre est le défi ultime, sans cesse renouvelé. Quant à mes désirs d’auteur et de raconteur d’histoires, il y a sans doute une part de narcissisme comme chez tout artiste, et puis aussi de dépassement de soi et d’illusion d’immortalité… donc le fait d’être lu et apprécié est très agréable et gratifiant.
Mais l’essentiel réside plutôt dans la réalisation de soi. Mettre en images des situations et des récits inspirants, interpellants, y contribue. Chaque projet représente un défi très motivant. Certains exigent du temps pour mûrir, doivent décanter au travers du filtre des neurones, et ne trouveront leur concrétisation que des années plus tard, voire jamais. Mon rêve dans le 9ème art, je le réalise un peu plus à chaque jalon, et c’est ce cheminement qui le constitue.
Pour « Envols » en particulier, je souhaite que l’aventure se poursuive, qu’elle prenne aussi son envol, idéalement sous la forme d’un livre pour enfants. Je ne me mets pas la pression, c’est une envie ; nous verrons comment elle se concrétise… ou pas.
Que souhaites-tu dire à tes lecteurs et lectrices ?
Je voudrais d’abord remercier particulièrement Séverine De Schepper, logopède, une de mes premières lectrices pour « Envols », qui a « testé » cette histoire lors d’une consultation avec une petite patiente de six ans. Le retour qu’elle m’en a fait a permis d’ajuster le texte et certains aspects de l’image. Merci aussi à Sandrine Crabeels, qui l’a lue avec sa fille de sept ans, qui a bien aimé. J’ai pu ainsi constater que les enfants sont réceptifs à des éléments qui échappent aux adultes, ce qui me rassure quant aux lectrices et lecteurs à qui s’adresse « Envols », les enfants de trois à sept ans.
Plus largement, j’ai envie de dire : prenez du plaisir à découvrir ce que je vous propose. Lisez et relisez. Ensuite, dites-moi ce que ça vous a apporté, au-delà du simple plaisir de la découverte. Et si je vous ai inspiré, je serais ravi d’en savoir plus. Que vous disent mes BD ? Qu’avez-vous décelé ? Sans-doute davantage que ce que j’y ai volontairement insufflé. Alors étonnez-moi, inspirez-moi. Votre retour m’est précieux. N’hésitez pas à me contacter : descornet@yahoo.com
Merci beaucoup d’accorder à mes BD un peu de temps et d’espace dans votre vie.
Julie Mandarine – Le renard qui pue
Je suis Julie Smulders alias Julie Mandarine. Je suis le cours de BD-illu à l’académie des Beaux-Arts de Namur. Je suis une touche-à-tout et j’adore découvrir de nouveaux médiums: la gravure, la sérigraphie, l’aquarelle, le croquis dans la nature…!
Le renard qui pue
Cette idée du renard qui pue m’est venue en voyage, en découvrant les plantes qui lavent naturellement grâce à leur saponine. Le but de mon histoire est d’expliquer aux enfants la nécessité de communiquer entre eux pour mieux se comprendre.
Instagram @julie.mandarine Interview Gérald Hanotiaux
Le renard qui pue
Rencontre aujourd’hui avec celle qui signe du joli nom de Julie Mandarine. Dans notre numéro 25, dont le thème proposé tenait en un mot, Ensemble, elle propose six très belles pages animalières, composant l’histoire Le renard qui pue. Elle suit les cours de l’Académie de Namur auprès de Benoît Lacroix, dont une interview est également présente au sein de ce numéro 25. Elle se définit elle-même comme une « touche-à-tout » et elle « adore découvrir de nouveaux médiums : la gravure, la sérigraphie, l’aquarelle, le croquis dans la nature… » Que le dialogue commence !
Gérald Hanotiaux. Pourrais-tu te présenter à nos lectrices et lecteurs. De manière générale, mais aussi en tant que dessinatrice-autrice?
Julie Mandarine. Je suis Julie Smulders, alias Julie Mandarine, j’ai 29 ans et j’habite à Namur. Je dessine depuis toujours, mais depuis quelques années, je développe vraiment mon niveau en illustration. Je suis animatrice culturelle, mais dans un avenir proche, j’aimerais devenir illustratrice professionnelle.
Dans notre numéro 25 tu proposes six très belles pages en couleur intitulées Le renard qui pue, pourrais-tu en parler en quelques mots, histoire d’allécher les lecteurs… ?
Depuis quelques jours, une odeur pestilentielle se répand dans la forêt au grand dam des animaux ! Ceux-ci décident de se regrouper pour trouver une solution. Comment parviendront-ils à faire partir cette odeur ? Vous le saurez en lisant les pages Le renard qui pue !
Tu fais partie de ces autrices qui utilisent un pseudo pour présenter leurs travaux artistiques, pour quelle raison ?
Mon nom de famille n’est pas si facile à retenir, et quand je me présente en tant que Julie Mandarine, les gens sont amusés et s’en souviennent facilement. Pourquoi Mandarine ? Je voulais un nom poétique, amusant, pétillant, ce qui correspond je pense à mon caractère.
Pour cette thématique Ensemble, tu situes ton histoire en forêt, avec des personnages animaliers, pourquoi ce choix ?
J’ai toujours apprécié représenter la nature. Et faire interagir les animaux comme des humains, je trouve ça rigolo. De plus, les lecteurs peuvent facilement se projeter dans ces animaux. Une autre raison est que l’histoire m’est venue spontanément de cette manière, avec des animaux comme héros principaux, je n’ai simplement pas pensé à les faire changer de forme.
Pourrais-tu exposer tes manières de travailler, au niveau de ton style et des outils que tu utilises ?
Ici, pour Le renard qui pue, j’ai réalisé mes dessins de base au crayon de couleur, sur des feuilles aquarelle A3. Ensuite, j’ai appliqué l’aquarelle en plusieurs couches, pour créer de la matière. Une fois satisfaite du résultat, j’ai recadré mes images en fines bandes, pour pouvoir en disposer trois par page.
J’ai utilisé un parti-pris, au niveau de la couleur : j’ai restreint ma palette, pour avoir une harmonie, un style particulier, et ne pas me perdre dans une multitude de teintes différentes. J’ai ainsi utilisé le bleu, l’orange et le violet, qui selon moi s’équilibrent bien.
Es-tu passée par un enseignement artistique ? Que dirais-tu des apports de l’enseignement dans ce domaine ?
J’ai suivi et je suis toujours des formations, à horaires décalés, à l’Académie des Beaux-Arts de Namur. J’y pratique la bande dessinée, l’illustration, la sérigraphie et la gravure. J’adore avoir l’opportunité de suivre tous ces cours. J’y ai rencontré de merveilleuses personnes, devenues mes amis. Le travail en groupe permet de se motiver l’un l’autre, et de partager des trucs et astuces. J’ai également fait des études pour devenir professeure d’arts plastiques en secondaire. J’ai enseigné quelques années, mais je n’ai pas trop aimé ça…
Que penses-tu du monde de l’édition, et des possibilités pour les jeunes autrices de se faire connaître ?
Comme c’est mon premier « vrai » projet, je ne me suis pas encore frottée au monde de l’édition. Ça n’a pas l’air facile, de nombreux projets arrivent sur le bureau des éditeurs. Il faut parvenir à se faire sa place.
Modestement, à 64_page, nous essayons de pallier la disparition de nombreuses revues dans lesquelles, dans le passé, les jeunes pouvaient tester des choses, montrer leurs premiers travaux… Que penses-tu que cela apporte de pouvoir présenter ses travaux à des lecteurs, sur du papier imprimé ?
C’est bien entendu très important d’avoir un endroit où publier, c’est également très valorisant pour les illustratrices débutantes, ce que je suis ! De plus, c’est un excellent exercice. La possibilité de publier me donne un but pour finir un projet, pour tenir la distance, pour respecter un délai… ! Merci encore !
Quels sont tes projets actuels ? À court terme, sur lesquels tu serais occupée à travailler, mais aussi à plus long terme, tes envies d’autrice ?
En septembre, avec des amis illustrateurs, nous nous installons en atelier partagé. À court terme, je voudrais paufiner et envoyer mon projet du Renard qui pue à des maisons d’édition, pour essayer de le faire publier en tant qu’album jeunesse. J’ai également plusieurs idées d’histoires à développer. Et pourquoi pas publier dans la prochaine édition de 64_page, sur le thème des Oiseaux… À plus long terme, je voudrais vivre à temps plein de l’illustration. C’est mon rêve !
Merci Julie !
Le travail de Julie Mandarine est visible sur: Instagram : @julie.mandarine
Inès Sanchez Royant – Un monstre sur le lit
J’ai 15 ans et je suis franco-espagnole. J’aime lire, dessiner et inventer des histoires. Je suis passionnée de BD. J’aime les dévorer, bien sûr, mais j’adore aussi en faire. Plus tard (ou très bientôt), je voudrais publier des albums.
Un monstre sous le lit
» Il était une fois, une petite fille qui avait du mal à s’endormir. Un monstre s’installait sous son lit chaque nuit. Elle ne trouvait le sommeil qu’à l’aube, une fois la bête partie. Mais que peut faire une petite fille contre un monstre terrifiant ? «
Instagram: @ines.sanchez.royant Interview Philippe Decloux
Un monstre sous le lit
64_page : Tu nous propose quatre pages lumineuses, sans parole mais dans un récit clair, simple et pourtant riche, parce que tout simplement tu vas à l’essentiel. Explique-nous ta façon de travailler, de l’émergence de l’idée à sa concrétisation ?
Inès Sanchez Royant : Comme c’est une histoire plutôt orientée pour de très jeunes lecteurs, je voulais que, même sans savoir lire, on puisse tout comprendre. Les cases sont aérées pour rendre la lecture plus fluide. L’environnement nordique permet de centrer l’attention sur les deux personnages. J’aime les monstres ; pour les plus jeunes, ils représentent souvent la peur à surmonter, ce qui les fait grandir. Les enfants sont curieux et aventuriers, mais ils ont aussi besoin de douceur et de tendresse. Tous ces aspects se reflètent tout au long de mes planches.
Une fois que j’ai l’histoire, je fais le découpage au brouillon. Ensuite, je passe au crayonné, à l’encrage et à la couleur.
Tu as une étonnante maturité, et singulièrement depuis quelques mois, on perçoit que tu as passé un cap. Es-tu consciente de cela ? Si oui à quoi crois-tu que cela est dû ?
Je ne sais pas, je suis contente de mon évolution, mais j’ai encore beaucoup à faire. Heureusement que je m’améliore, d’ailleurs.
Même si dans l’équipe de 64_page, nous nous y attendions, l’évolution de ton dessin et de tes récits est réjouissante et très rapide. Combien d’heures consacres-tu au dessin chaque semaine ?
Je ne compte pas vraiment le temps que je passe ; je dessine un peu tous les jours. Quand j’ai cours, je dessine très peu. Les week-ends, je prends le temps de faire de la BD quand j’ai fini mes devoirs. Je réserve souvent le dimanche pour ça. Une fois le brouillon terminé, je peux passer beaucoup de temps sur mes planches, presque toute la journée, 8/9 heures.
Dans les festivals BD où tu proposes tes planches, tu trustes quasi tous les premiers prix dans ta catégorie d’âge. Comment envisages-tu la suite ?
J’aimerais être autrice de BD et publier un album un jour.
Tu as fait un stage chez Dupuis à Charleroi, comment as-tu décroché ce stage ? Comment cela s’est passé et qu’est-ce que cela t’a concrètement apporté ?
J’ai rencontré Benoît Fripiat il y a un an lors de rendez-vous avec des éditeurs. Il m’avait donné son mail, je l’ai donc contacté directement. Au début, je ne pensais pas qu’il serait disponible. Je suis très contente d’avoir fait ce stage, c’était vraiment génial ! On m’a montré plein de choses et c’était super intéressant ! C’est un peu comme la chocolaterie de Roald Dahl, mais pour des fans de BD ! Ça m’a permis de voir comment on sélectionne les projets et de comprendre le fonctionnement d’une maison d’édition de bandes dessinées. Cette expérience me sera très utile quand je chercherai à être publiée après mes études.
UNE planche UNE histoire
Roman RG – SEAZEN, buffet à volonté !
J’ai 16 ans, je suis lyonnais, et j’aime dessiner depuis que je suis tout petit. Voulant devenir auteur de BD, je vous envoie ma participation, pour être édité dans la revue 64page. Cette BD est une histoire vraie, donc merci de ne pas vous moquer de moi ! : )
SEAZEN, buffet à volonté !
Un jour avec mes amis, on a décidé d’aller à Seazen, un restaurant japonais situé à Lyon. C’était un buffet à volonté et on a voulu le rentabiliser, alors on s’est enfilé au moins six assiettes chacun… grave erreur ! (résultat à découvrir dans la planche : ))
http://instagram.rooman.RG Interview : Marianne Pierre
SEAZEN, buffet à volonté !
Marianne Pierre : Clairement, ton histoire sent le vécu?
Roman RG : En effet, je me suis complètement inspiré d’une histoireque j’ai vécue avec deux amis ! Le restaurant s’appelle vraiment »Seazen buffet à volonté » ! On a voulu « goûter » à tout et voilà,on en a trop pris !Pourquoi ce point de vue vertical?
Concernant ce point de vue, je voulais rendre un aspect brouillonet plein d’informations, avec une lecture un peu difficile !Et puis de zigzaguer de cette façon me fait penser aux alimentsqui passent dans notre tube digestif (je sais, c’est tiré parles cheveux).Tu es encore au lycée. Qu’envisages-tu comme études?
Je vais prendre la spécialité Art en première, puis après le bacje ferai des études supérieures en dessin, peut-être l’école de BDd’Angoulême ou autres… Je ne sais pas encore vers quelle écolealler mais tant que c’est de l’art, ça me va !Que dessines-tu le plus souvent?
J’ADORE dessiner directement au feutre des personnages caricaturaux,avec des gros nez crochus, des yeux globuleux, pleins de rides dansdes positions super cheloues avec de la perspective à 70 points defuite ! Et le pire c’est que c’est pas une blague ! Mais bon, çac’est pour me détendre sinon j’essaie d’aller vers des stylesdifférents mais celui qui domine c’est le manga ! Oui c’est pastrès original, mais je veux être mangaka !
DELCASY – Otaka et les fourmis gourmandes
Ingénieure en mécanique le jour, illustratrice le soir : créativité succède à la rigueur scientifique ! BD et illustration sont pour moi le moyen d’exprimer pensées, émotions, interrogations, idées…mieux que des mots.
Otaka et les fourmis gourmandes
Il s’agit d’un récit très spontané sur un insecte qui par excellence travaille en collectif. Ensemble les fourmis accomplissent en permanence des tâches pour la survie de leur nid. L’entraide est donc bien naturelle !
Site : https://www.delcasy.be Compte instagram: delcasy_drawings
Otaka et les fourmis gourmandes
Interview : Gérald Hanotiaux
Comme à notre habitude désormais, nous partons à la rencontre des autrices et auteurs du numéro à paraître très prochainement, pour lequel cette fois la thématique proposée tenait en un mot : « Ensemble ». Thématique ouverte, et plutôt orientée vers l’illustration jeunesse, elle a donné lieu à des développements très variés. Rencontre aujourd’hui avec Delcasy, ingénieure en mécanique le jour, illustratrice le soir. La créativité succède à la rigueur scientifique ! Comme elle le signale : « BD et illustration sont pour moi le moyen d’exprimer pensées, émotions, interrogations, idées… mieux que des mots. »
Gérald Hanotiaux. Pourrais-tu te présenter à nos lectrices et lecteurs. De manière générale, mais aussi en tant que dessinatrice-autrice ?
Delcasy. J’ai la quarantaine, je suis maman d’un grand garçon et j’exerce le métier d’ingénieure. Je suis une hyperactive plutôt enjouée. Je me suis fixé l’objectif de concrétiser les histoires qui me trottent en tête et d’illustrer ces univers qui peuplent mes pensées, un peu folles parfois, je dois bien l’avouer !
J’ai toujours dessiné mais j’ai voulu passer un cap supplémentaires en prenant des cours de bande dessinée et Illustration à l’Académie des Beaux-Arts de Châtelet. Récemment, j’ai démarré une activité complémentaire en tant qu’indépendante, afin de me lancer pour de bon en tant que dessinatrice et autrice. Plusieurs projets m’occupent en ce moment, dont fait partie la fourmi Otaka.
Dans notre numéro 25, tu proposes en effet six très belles pages en couleur intitulées Otaka et les fourmis gourmandes, pourrais-tu en parler en quelques mots, histoire d’allécher les lecteurs…?
Cette histoire m’est venue lorsque ces obstinés insectes ont élu domicile dans ma cuisine ! Dans un premier temps, quelques éclaireuses furetaient, mais ensuite une véritable colonie a débarqué, résolue à envahir l’armoire à provision. Leur capacité à communiquer et à s’entraider, bien qu’envahissante, était fascinante ! Les illustrations sont nées d’essais à l’écoline sur papier calque transparent. Ce qui, en quelque sorte, était pour moi une expérimentation.
Si l’écoline était une expérimentation, pourrais-tu décrire de manière plus générale ton style, ou tes styles de travail, ta manière de procéder en bande dessinée et en illustration ?
J’ai tendance à dessiner au trait de manière plutôt « réaliste », j’encre à la plume et favorise beaucoup l’aquarelle pour la colorisation. Qu’il s’agisse de bande dessinée ou d’illustration, je tâche d’être au plus proche du résultat final – quitte à recommencer plusieurs fois ! – avant de finaliser la planche sur un logiciel spécialisé.
Je sors à présent de ma zone de confort en explorant d’autres techniques, en travaillant plus dans la masse et les textures. Pour illustrer Otaka et les fourmis gourmandes, j’ai joué sur la superposition de couleurs en transparence, le calque m’a permis de rendre le tout plus lumineux en scannant les planches obtenues.
C’est symptomatique que tu parles d’expérimentation car, précisément, nous ressentons le manque d’organes de pré-publications, qui existaient beaucoup dans le passé et servaient de banc d’essai. Que dirais-tu des possibilités aujourd’hui, pour les autrices, de montrer et faire connaître leurs travaux ? Plus généralement, que penses-tu du monde de l’édition en bande dessinée en Belgique aujourd’hui ?
J’ai l’impression que le banc d’essai pour les auteurs-illustrateurs se situe surtout dans les écoles et académies, voire sur les réseaux sociaux. Mais se démarquer est difficile, pour un nouvel arrivant. Expérimenter implique aussi parfois d’échouer. Le monde de l’image en général est fort concurrentiel, et sur le web, une étiquette est vite collée sur un auteur…
Au sujet des éditeurs, j’imagine que c’est pour une raison de rentabilité et de bienséance, parfois, que certains hésitent à se lancer dans une publication atypique. Malgré cette situation, je suis émerveillée par toutes ces petites structures et éditions belges qui osent et parviennent à percer en proposant de l’inédit. Je remercie 64_page, notamment pour oser la démarche de publier des auteurs-illustrateurs « en devenir ».
Tu évoques l’Académie de Châtelet, quels apports ont pu t’apporter l’enseignement dans ce lieu ?
Mon apprentissage auprès de Philippe Cenci*, professeur à l’Académie de Châtelet, m’apporte beaucoup. Je citerais une exploration de techniques, des découvertes de références, et un regard critique : sur la finalité d’une illustration, sur comment agencer une histoire, sur le jeu de valeurs pour mettre en lumière des personnages et décors… Tout cela en plus, bien sûr, de l’ambiance conviviale de l’atelier !
Que penses-tu, plus généralement de la nécessité ou non de passer par des écoles pour les matières artistiques ?
Quel que soit le métier, les écoles transmettent des savoirs et savoirs-faire en vue de fournir les compétences nécessaires à exercer dans un cadre professionnel. Il me paraît normal de prendre conseil auprès de ceux qui savent… Même pour les plus doués, sans travail, méthode et curiosité, il y a peu de probabilité de réussir, à moins d’être extrêmement chanceux.
Qui citerais-tu comme auteurs et autrices parmi tes influences ? En bande dessinée, mais aussi éventuellement en illustration, en littérature ou dans toute autre discipline.
En illustration jeunesse, mon fils et moi adorions les bouquins de Antoon Krings, Drôles de petites bêtes, chez Gallimard Jeunesse. Nous suivions aussi assidûment l’auteur Géronimo Stilton, chez Albin Michel Jeunesse. En bande dessinée, j’ai flashé sur Colonisation, de Filippi et Cucca, paru chez Glénat, et sur Blacksad, de Diaz Canalès et Garnido, une série parue chez Dargaud. En littérature, mon livre fétiche est 1984, de George Orwell, qui a semble-t-il inspiré l’univers de bien des graphistes et illustrateurs…. BIG BROTHER IS WATCHING YOU !
Pour terminer cette rencontre, pourrais-tu nous décrire tes projets, les plus proches mais aussi les plus lointains, ou les envies…?
Je me partage actuellement sur trois projets. À court terme, j’ai entrepris une suite aux aventures de Otaka. À moyen terme, des Drôles d’oiseaux verront le jour, il s’agira d’une bande dessinée courte sur des gangsters aux noms d’oiseaux à Chicago, inspirée par les années 1920-1930, l’époque de la prohibition de l’alcool aux États-Unis. À plus long terme, je me suis lancée dans un projet de longue haleine, un album en bande dessinée intitulé Machiavélique. Le scénario est plus ou moins en place et, a priori, environ 90 pages sont prévues. J’avance petit à petit, et j’en suis au dessin de la seizième page. L’histoire sera bien sombre, avec des enlèvements d’humains et des monstres affamés en quête de nourriture facile… J’ignore si tout cela verra le jour sur papier, mais j’y travaille dur !
Un mot de la fin… ?
J’espère de tout coeur avoir un feedback des lecteurs du 64_page ! Pour progresser et offrir le meilleur travail possible dans de nouvelles futures aventures. Le défi est de taille !
Merci Delcasy !
* Philippe Cenci était l’invité de notre rubrique « Les ateliers des maîtres » dans notre numéro 24, dans laquelle nous rencontrons les professeurs de bande dessinée en Belgique. Il est disponible en ligne. www.64page.be, onglet « revue ».
On peut voir le travail de Delcasy en suivant ces liens : Instagram : #delcasy_drawings / www.delcasy.be
Michel Di Nunzio – Pas de pantoufle pour Amandine
Né au siècle dernier, mon actualité reste créative, suis en mode exposition et réalisations d’œuvres la prochaine exposition est prévue vers fin septembre. Mais la bd reste mon moteur essentiel elle s’insère et occupe tout mon temps , et permets de belles rencontres
Pas de pantoufle pour Amandine
C’était un autre défi que j’ai voulu tenter. Qui de nos jours s’intéressent à la forme des nuages ? Qui se rappellent des histoires que chacun et chacune se racontaient couché dans l’herbe à regarder défiler ces nuages qui s’effilochait devant nos yeux ou nous inventions mille histoires ?… J’ai voulu dessiner un conte … Tel un pont qui vous permettra de rejoindre le monde peut être pas si perdu de notre enfance…
Pas de pantoufle pour Amandine
Interview : Angela Verdejo
64_page : Bonjour Michel Di Nunzio, on ne te présente plus tant tu es bien connu des lecteurices de notre revue de récits graphiques, cette fois raconte- nous, en guise de présentation, les motifs qui t’ont poussé à répondre à l’appel de 64_page et, plus particulièrement, à participer à notre projet « Ensemble ».
Michel Di Nunzio : Bonjour. D’une autre génération, dixit Philippe Decloux, je suis un vieux gamin 😉 le projet Ensemble en bande dessinée, au départ, n’était pas pour moi. Le seul scénario que j’avais dans mes cartons c’était juste une ligne : le titre : Pas de pantoufles pour Amandine
Ensuite, toujours l’attrait du défi.
J’ai dessiné les premiers croquis. Ça m’a semblé convaincant pour tenter le coup.
Dans ma vie antérieure de graphiste et illustrateur, dans le secteur social et environnemental, j’ai beaucoup dessiné et pratiqué plusieurs niveaux de dessins à la fois pour enfants et en même temps pour des panneaux didactiques grand- public et autres trompe-l’œil. C’est donc un peu aussi par nostalgie pour mon ancien univers que je me suis lancé dans la proposition.
64_page : Pourrais-tu nous parler de Pas de pantoufle pour Amandine ?
Michel Di Nunzio : Le projet que j’avais fait précédemment avec Inès Sanchez Royant m’a été d’une très grande utilité pour la légèreté du trait et des caractères des personnages. L’humour est quelque chose de difficile que j’ai eu peu l’occasion d’aborder.
Le défi était de taille, car, en famille, je n’ai que des garçons, et dessiner le personnage central d’un jeune personnage féminin enfantin n’a pas été facile Je voulais quelque chose de léger au niveau du trait et je ne voulais pas encombrer la page.
Mais en même temps, l’univers floral et les petits lutins étaient la synthèse de ce j’avais déjà dessiné, à la fois pour les jeux de rôles, le magazine « jeux de rôle », et aussi, dans mon ancienne vie, pour la partie nature, j’ai une fascination pour les cabarets aux oiseaux, (cardère commune) j’ai agité le tout …
Je voulais un récit qui accompagne l’illustration à l’instar des contes pour enfants et qu’il puisse se lire par un adulte en donnant les intonations subtiles et le souffle pour créer l’atmosphère. Le pouvoir de la voix sur de (beaux) textes…
64_page : En quoi ce travail, le tien, fait partie de ce que l’on appelle « la Littérature jeunesse » ? Qu’est-ce pour toi la Littérature jeunesse ?
Michel Di Nunzio :De nos jours, il est important, c’est au fond mon fil conducteur permanent quel que soit le récit, de faire la part belle aux rêves d’enfant, la littérature jeunesse aborde beaucoup de problématiques contemporaines lourdes.
J’ai été très surpris par ces thèmes, je me suis dit que la distraction des enfants, en tant qu’adulte, il fallait l’autoriser, et la soutenir car elle permet de se construire, d’inventer sa vie et de trouver des alternatives.
Car c’est une erreur de penser que les rêves d’enfant sont détachés de la réalité.
Bien au contraire…
Sans vouloir faire de la sociologie, mais se construire un monde intérieur c’est modifier le monde extérieur…
Le monde de l’adulte impose des codes aux enfants parfois pour les enfermer dans un carcan qui au bout du compte ne correspondra plus à la réalité.
La littérature à un rôle à jouer ? La réponse est oui, évidemment, celui d’aborder ces sujets. Et en même temps, elle sert de passerelle de l’adulte à l’enfant et à les préparer à l’adulte qu’ils vont devenir.
Au niveau de l’écriture, j’ai essayé de raconter ces souvenirs d’enfant, quand j’observais les nuages, qui me sont toujours restés. Je voulais partager cela. Ça me changeait de mes univers plus lourds avec des personnages plus cyniques.
64_page : Comment arrive-t-on à la création de tel ou tel personnage, au choix des couleurs, à la création d’une atmosphère, ici le rêve, etc… ? Bref, parle-nous de ton processus de création.
Michel Di Nunzio : Par opposition à ce que je faisais, il me semblait bien de ne plus mettre de case pour la fluidité de lecture. J’ai écrit mon texte, et essayé de raconter l’histoire d’une petite fille. En gardant à l’esprit que c’était pour toucher un très jeune public.
J’ai voulu que la lecture soit fluide et sinusoïdale, c’était un grand risque de confusion mais la disposition de lecture en S me semblait la plus adaptée. Je me suis dit que la génération de jeunes lecteurs avait une acuité de perception formidable.
Quant aux couleurs froides bleues, c’est, bien sûr la couleur du ciel. Car quand on veut devenir Nuageologue, quelles autres teintes choisir ? 😉
Peut-être est-ce le monde vu à travers le regard d’Amandine ?… Qui sait 😉
La petite touche de couleur est le petit cochon qui accompagne Amandine, écho de ses humeurs et de la situation à l’instar de Milou et Tintin, ou ensemble, c’est cette notion de binôme qui m’a plu de dessiner, en donnant une touche plus dynamique.
D’autant que beaucoup d’enfants ont des petits animaux de compagnie un petit cochon c’est sympa à dessiner, pas facile quand même avec son groin, c’est aussi un clin d’œil aux trois très célèbres petits cochons.
Quant aux lutins Pololop, ils doivent leur nom au fait que lorsque mes enfants étaient petits et qu’ils avaient un petit bobo, on filait à la boite à sparadrap en chantonnant pololop qui correspondait à la sirène des pompiers ou ambulance pour dire qu’il y avait urgence…
Nb : tiens ? la couleur de la sirène est bleue… un hasard j’avoue
64_page : Et pour clore ce nouveau chapitre Michel Di Nunzio et 64_page parlons un peu « actualité Di Nunzio » ! Pourrais-tu nous parler de ce que tu as fait ou es en train de faire en ce moment et des moyens mis en œuvre pour la diffusion de ton travail ?
Michel Di Nunzio :
Mon actualité reste artistique, J’utilise Instagram pour diffuser mes meilleures 😉 créations, j’ai un blog que j’essaie d’actualiser car il reprend beaucoup de mes travaux diversifiés. Illustrations, BD, Sculptures, Photos, Tableaux
Dessin : J’ai achevé une série d’illustrations pour des jeux de rôles sortis pour Trolls et légendes « Horrifique » un projet superbe qui m’a fait sortir de ma zone de confort sur l’ambiance Lovecraft. Et d’autres à paraître.
Très agréablement mis en scène par Acritarche « Bastien Wauthoz ».
En BD, je termine une histoire courte, des mercenaires pris dans une boucle temporelle…sous une ambiance de neige, je voulais essayer quelque chose de plus proche de la réalité qui s’appelle : Dernière zone
Pour ma partie personnelle, et boucle temporelle, je remasterise une histoire que j’avais dessinée à la trame mécanique, un dessin hors norme, très réaliste impubliable à cause des moirages de trames… – il y a de très très nombreuses années, et que j’ai avec la technologie actuelle achevée. Une forme de lien avec le dessinateur que j’étais à l’époque
Titre : L’œil du démon (j’étais moins rigolo, c’est vrai 😉
Pour ce qui est des éditions, un tout grand merci à 64_page, car dans ce paysage graphique, il y a une dynamique et un espace dédié aux jeunes 😉 et nouveaux auteurs à faire exister et je suis très heureux d’en être de cette aventure. 64_page occupe une place particulière en termes de visibilité et mérite d’être soutenue. Et somme toute, il est un laboratoire de recherches visuelles magnifiques que peu d’éditeurs, me semble-t-il, ont le courage de réaliser.
En termes de projets : Une série d’histoires courtes (synopsis)
Un projet d’album
Multiplier des contacts éditoriaux
Je reste ouvert à des collaborations bien sûr, J
Mon actualité-bis : Art-Expo
Je termine une foire internationale d’art contemporain pour ma partie sculpture céramique sculpturale et tableaux en reliefs, j’expose au mois d’octobre. Et prépare en parallèle déjà 2024 pour mes futures créations… tous mes croquis préparatoires sont impatients de voir le résultat 😉
64_page : Merci, Michel Di Nunzio, merci pour ces belles paroles sur 64_page, cela nous touche beaucoup ! A très bientôt dans le prochain 64_page 25 à paraître à la rentrée !
Pour de plus amples informations ou/et pour prendre contact avec Michel Di Nunzio : BD - Di Nunzio Michel (eklablog.com)