Inès SANCHEZ-ROYANT & Michel DI NUNZIO – Les couleurs du temps
Sanchez-Royant Il y a un demi-siècle et 1.600 kilomètres entre eux. Inès a 15 ans et vit à Valencia, elle truste tous les prix BD dans les festivals où elle participe dans sa catégorie d’âge.
Michel a 50 de plus et vit à Tamines, près de Charleroi, il est passionné de BD fantastiques, d’univers aussi sombre que ceux d’Inès sont colorés. Pour son premier album, Michel adapte un roman de Henri Vernes Rendez-vous au Pelican vert.
64_page les a réunis sur un projet autour du lieu créé par Victor Horta pour les Magasins Waucquez et qui abrite aujourd’hui le Centre Belge de la BD.
Elle et il nous proposent Les couleurs du temps, six pages de folies graphiques. Auxquelles 64_page #24 a ajouté 4 pages de making of dont, plutôt qu’une interview, nous avons choisi de publier quelques dessins et croquis préparatoires.
Retrouvez tous les croquis d'Inès et Michel sur shorturl.at/wxzJK.
Christophe Playfoot – Art commun
Interview Angela Verdejo
Bonjour Christophe, la première chose que j’ai faite, après avoir lu ta bd, c’est un tour sur les réseaux sociaux pour apprendre davantage sur toi, dans ton insta chris_play_bd on prend connaissance notamment du fait que tu es dessinateur « amateur » de bd alors que tu suis un master BD en 2022.
Angela Verdejo : Ces deux concepts « amateur » et « master BD » me semblent en contradiction, est-ce que l’on est « amateur » quand les études sur la matière à laquelle « amateur » s’applique sont en cours ? Ou cela fait-il simplement référence au fait que tu n’as pas encore publié ? Je ne sais pas. Dans ce sens, ce serait intéressant que tu nous parles de toi, de ton parcours artistique, de tes études.
Christophe Playfoot : Ahaha, certes ce n’est pas clair mais j’ai obtenu mon Master cette année (je vais changer ma bio sur Instagram de ce pas). J’ai mis amateur étant donné que je ne suis pas encore professionnel et car je ne me trouve pas encore assez bon dans ce que je fais. Dire que je ne suis pas un amateur serait orgueilleux selon moi. J’ai d’abord fait les beaux-Arts de Grenoble à L’ESAD. C’est là que j’ai commencé à faire des Bandes dessinées, incité par mes profs à raconter mon vécu parce que j’étais quelqu’un d’assez réservé et que je voulais développer ma pratique du dessin en somme. Cela m’a conduit à faire le Master BD à Angoulême par la suite. Avant ça j’ai fait un bac STMG, mais rien à voir.
Tout d’abord une question sur le titre, en essayant de ne pas spoiler ta BD bien entendu, pourquoi « Art commun » ?
Mon histoire parle du lien fort des gens avec la Bande Dessinée et de ce que cette forme d’expression a comme particularités, c’est-à-dire d’être un des premiers Arts auquel on est confronté très jeunes.
Dans cette BD il semblerait que tu te mettes toi-même en scène avec ton père. Pourquoi fais-tu le choix du registre autobiographique ? Qu’est-ce qu’il te permet de faire de plus qu’un autre registre ?
J’ai commencé les bandes dessinées en études supérieures, où je racontais mon histoire et tout ce que j’ai vécu. C’est également un moyen pour moi d’extérioriser mes mauvais souvenirs.
Il y a dans ta BD des codes couleur, pourrais-tu nous les expliquer ?
La BD est en monochrome et les couleurs changent en même temps que les lieux, la temporalité et l’ambiance de la scène. Je me suis inspiré de « Une histoire d’homme » de Zep.
Qu’est-ce qui t’a emmené à répondre à l’appel de 64_page autour des Magasins Waucquez et qu’en as-tu tiré en termes d’expérience ? Je crois que ta BD est très parlante au sujet du rapport que tu entretiens avec l’art, pourrais-tu nous en parler également.
Je suis tombé dessus lors du festival l’an dernier, j’avais gardé le nom du magazine en tête et je me suis dit : « pourquoi ne pas tenter ma chance ». Ça m’a fait assez bizarre au début car je me suis mis une énorme pression mais je suis satisfait du résultat. Je maîtrise de mieux en mieux ma méthode de travail maintenant. J’avais commencé les BD petit pour apprendre à lire, j’adorais Titeuf de Zep puis après j’ai découvert Dragon Ball, Gaston, Spiderman et j’en passe. Peu après, je me suis mis à faire mes propres BD car ça me laissait un champ libre pour pouvoir m’exprimer comme je le voulais.
Pourrais-tu nous parler du rôle joué par les techniques utilisées dans ta BD ? L’usage de l’humour par exemple m’a paru très intéressant
J’ai un dessin assez « cartoon » car je souhaite que mes personnages soient très expressifs (et je suis nul en proportion, haha). Si j’utilise l’humour dans cette histoire, c’est pour toucher le lecteur et c’est l’émotion par laquelle j’aime débuter pour ensuite raconter quelque chose de plus profond qui peut mener à la tristesse, la joie ou d’autres émotions. Je vois mes BD comme une sitcom où l’on apprend à connaître les personnages au fur et à mesure des pages.
Un grand merci, Christophe et à bientôt.
Pour suivre Christophe : Instagram :chris_play_bd
Philippe Boulon – Cartoonist
Interview du Boulon par des Cloux
Nous ne pouvons que nous entendre, puisque nous sommes de la même quincaillerie ! J’ai été séduit par tes cartoons dans Le Semainier. De magnifiques dessins de presse sans complaisance, comme c’est si souvent le cas dans la ‘grande presse’ à force de ménager la chèvre, le loup et le chou on ne publie plus que de l’humour passe-partout, souvent vide de sens. Des histoires de Toto…
64_page : Découverte. Raconte-nous ton cheminement dans le dessin de presse. Et aussi, éventuellement, dans les autres arts ?
Philippe Boulon : En presse j’ai illustré des articles pour un trimestriel autour de la coopération au développement pendant plus de trente ans et bouché les trous dans les pages jeux du supplément « le 7ème Soir » du journal Le Soir, sinon j’ai un parcours assez éclectique je partage ma vie entre la gravure, le dessin , la réalisation de décors et la musique ( le « un peu de tout » du fromage Belge ha ha !)
Tu as un dessin physiquement dur, solide, noir et surtout décapant… Qu’est-ce qui se passe dans la tête de Philippe Boulon quand il conçoit ses cartoons ?
Je viens de la gravure ou pour moi on a les plus beaux noirs ( je ne suis pas très coloriste )
mes premières influences viennent des expressionnistes, de la gravure sur bois du moyen-age et la grande époque de Pilote / Charlie Mensuel avec des gens comme Alexis, Forest , Fred, Reiser, Munoz, Touîs et bien sur Pratt et Topor . Pour mes dessins j’aime bien l’idée « d’exorciser les diables » de passer par un dessin spontané ou plus travaillé, je n’ai pas de règles , j’ai un coté tourmenté que j’exploite via la dérision et l’humour noir, c’est un peu mon défouloir jouissif (sic)
Quelle est ton implication dans Le Semainier. Comment conçois-tu tes idées de cartoons ?
J’ai été invité par Olivier Lambert, ça tombait super bien car j’étais en plein arrêt des 35 ans de collaboration avec le trimestriel sur la coopération, j’étais un peu perdu même si les histoire sur les O.N.G, j’en avais un peu fait le tour, Le Semainier m’a donné une nouvelle dynamique et j’aime bien l’idée de travailler un peu plus prés de l’actualité, la Covid m’a bien fait tripper la guerre en Ukraine aussi, j’attends avec impatience une nouvelle catastrophe
C’est bateau, mais on a toujours envie de savoir comment les dessinateurs de presse vivent leur métier depuis la tuerie de Charlie hebdo. As-tu changé ta façon de travailler ? T’arrive-t-il de t’autocensurer ? Ou de renoncer à un sujet ? Au contraire, estimes-tu que tu dois pouvoir tout dire, que c’est le rôle de l’humour…
Ça a été un choc de voir qu’on pouvait tuer pour des petits Mickey , personnellement je n’ai pas changé ma manière de bosser, j’essaye de pratiquer depuis toujours une certaine nuance dans l’humour et un certain recul pour éviter qu’il soit mal interprété , l’humour n’est pas universel, on ne ris pas des mêmes choses d’un coté du globe a l’autre , on peut rire de tout mais en évitant l’insulte gratuite … je vois malheureusement de plus en plus sur les réseaux beaucoup de dessins souvent mal fait soit disant d’humour qui sont au ras des pâquerettes, vulgairement gratuit et xénophobe très loin de ce que fut l’esprit Charlie …
Parle-nous de tes projets, de tes espoirs ?
– Dessiner encore et encore, des concerts et un 5ème album avec mon groupe Volt Selector
– La paix dans le monde comme Miss Monde … (sic)
Pour vous "débouloner" à plein poumons :
https://www.facebook.com/groups/446961182716904
https://www.facebook.com/search/top/?q=Philippe%20Boulon
Dans nos interviews (donc plus bas dans ce texte)
vous découvrirez des interviews de Elsa LEONARDI, de Juan MENDEZ, d'Olivier LAMBERT et PAVÉ
Khowo et Marie Piret – Le guichetier
Interview Angela Verdejo
Bonjour Khowo et Marie, en nous promenant sur vos réseaux sociaux respectifs, nous avons pu avoir un aperçu de vos œuvres respectives mais cela ne nous a rien appris sur votre «parcours d’artiste», néanmoins beaucoup d’illustrations, de couleurs et même des tattoos nous ont parlé de votre œuvre.
64_page : La première question est donc liée à votre parcours artistique, pourriez-vous vous présenter chacun à votre tour ?
KHOWO : Marqué par Bédu et Dupa lors de mon enfance, je me suis dirigé vers des études artistiques en illustration/BD à Saint-Luc Liège. Diplôme en main, la vie professionnelle m’a davantage mené vers le graphisme mais je n’ai jamais perdu le goût du dessin et j’ai continué à produire pour moi ou pour de petits projets. Lors de la visite de la journée porte ouverte de l’académie de Châtelet, je me suis dit que c’était pour moi l’occasion de me replonger dans un environnement créatif où je pourrais échanger et m’ouvrir à l’univers d’autres personnes tout en continuant à faire évoluer mon dessin.
MARIE : Comme pas mal de gens du milieu, la légende dit que je suis née avec un crayon dans la main… J’ai donc toujours été sensible et sensibilisée à l’Art avec un grand A : mes parents m’ayant toujours poussée à la curiosité et à poursuivre mes rêves.
Je ne sais pas pourquoi cet attrait particulier pour la BD… J’en dessinais et en lisais déjà toute petite et j’ai continué pendant ma période manga, par conséquent, il m’était évident de poursuivre là-dedans.
J’ai réalisé pratiquement tout mon parcours scolaire dans l’art : de ma troisième à ma rhéto à Sainte-Marie Châtelet en pluridisciplinaire ainsi qu’une 7ème infographie tout en suivant les cours d’académie de Philippe Cenci et en commençant un apprentissage tattoo… J’ai ensuite terminé par un Bachelier en BD à Saint-Luc Liège où je me suis vraiment prise d’affection pour le croquis.
Ensuite, j’ai assez rapidement trouvé une place comme coloriste chez les Éditions Dupuis (le projet devrait sortir prochainement, je croise les doigts) et continué mon apprentissage tattoo.
64_page :Comment avez-vous eu l’idée de former ce tandem, Khowo, dessinateur et scénariste, et Marie Piret, coloriste ? Nous aimerions apprendre davantage également sur vos méthodes de travail ensemble et sur ce qui vous a motivé à répondre à l’appel de 64_page autour des Magasins Waucquez.
MARIE : On s’est rencontrés à l’académie de Châtelet où nous avons eu droit à une rencontre quelque peu cocasse ; à savoir que Khowo est quelqu’un de très doux et je suis tout l’inverse mais nous avons une histoire similaire et d’office, cela rapproche… Quand il a appris que j’avais fait de la colo chez Dupuis il m’a rapidement demandé (deuxième fois qu’on se voyait, je crois) si cela m’intéressait de participer à son projet « Le guichetier ». J’aimais le scénario et son dessin était (est) magnifique, c’était l’occasion pour moi de me remettre à faire de la couleur, sur un beau projet, après plusieurs mois d’arrêt.
Méthode de trav… quoi ? Disons qu’on a dû terminer le projet rapidement et que je suis arrivée en fin de course, par conséquent nous n’avions pas vraiment mis de stratégie en place et le pauvre, j’ai, probablement, dû lui faire faire du mauvais sang…
KHOWO : Quand Monsieur Cenci m’a parlé de la revue 64_page et du projet des Magasins Waucquez, j’ai été tenté d’écrire une histoire qui se déroulait au début du siècle car cette époque m’a toujours attirée. Au moment de l’encrage, comme je ne suis pas coloriste, j’avais en tête de réaliser les planches en niveau de gris à l’aquarelle.
J’ai ensuite rencontré Marie à l’académie où nous avons eu l’occasion d’échanger sur la BD et nos influences.
Comme Marie m’avait présenté son travail de coloriste et comme elle avait déjà une expérience professionnelle dans la mise en couleurs d’album, j’ai tenté ma chance et je lui ai demandé si cela lui plairait de faire les couleurs de l’histoire. Nous avons ensuite communiqué à distance sur certains éléments liés à la compréhension du dessin et au placement des ombres, mais mon rôle s’arrête là, toutes les décisions liées aux couleurs et aux ambiances lui reviennent.
64_page : Le guichetier est une histoire sans paroles (ou quasi) pourquoi ce choix du dessin qui est prépondérant (par rapport au texte) ? Comment dans ce cas travaille-t-on au scénario ? Comment se présente-t-il ce scénario avant de devenir BD?
KHOWO : Pour l’écriture de mon scénario, je me suis servi d’une technique de roue créative pour débloquer des idées, dès que j’ai eu mon synopsis et la chute de mon histoire, je me suis concentré sur le découpage et j’ai fait tester mon story-board auprès de Monsieur Cenci et des collègues de l’académie. Comme je ne me considère pas assez bon dialoguiste à mon goût, le choix du muet s’est imposé, cela représentait également un petit challenge de narration que je trouvais intéressant.
Je me suis ensuite mis aux croquis et à l’encrage à la plume et au pinceau traditionnel, je me suis servi de l’outil numérique uniquement pour scanner et nettoyer mes planches avant de les envoyer à Marie.
MARIE : Khowo s’est bien trituré les méninges. La BD muette est plus complexe mais tellement plus riche quand elle est bien réalisée. « Le guichetier » est clair, propre, lisible. Je suis en amour sur les expressions faciales de son robot qui aident beaucoup à la compréhension de l’histoire. Il a vraiment fait un super boulot ! Enfin, c’est mon avis personnel…
64_page : En ce qui concerne le choix des couleurs, pourriez-vous nous en parler ?
KHOWO : Pour les couleurs, je laisse la parole à Marie.
MARIE : Je suis encore un bébé dans la colorisation ; j’en apprends tous les jours et par conséquent je m’inspire beaucoup d’artistes et d’œuvres que je vois. « Le guichetier », que ce soit par son scénario, par son graphisme mais aussi par les échanges avec Eric, m’a tout de suite fait penser à la palette de couleurs utilisée par Margaux Mara dans « Spirit » Drakoo Éditions. J’adorais les ambiances,… Je trouvais que cela pouvait parfaitement coller avec le projet et les envies de Khowo.
64_page : Le choix du genre, de la science-fiction,nous a beaucoup intéressé aussi, le mélange des époques « technologiques » différentes qui permettent à la fois de raconter une histoire mais aussi d’exprimer une certaine position face au progrès technologique et aux relations nouvelles qui sont engendrées entre les êtres humains et les machines. Pourriez-vous nous éclairer sur votre position ?
MARIE : Khowo ? C’est pour toi ;p …
KHOWO : Le choix du robot guichetier et des robots vigiles a été pensé pour marquer le parallèle avec notre époque. En effet, l’anachronisme du robot situé au début du siècle sert à illustrer de façon ludique les avancées technologiques de nos jours qui tendent à réduire les contacts et les compétences humaines.
Maintenant, il ne s’agit que d’une petite histoire avec un robot fantasque et malhonnête que j’ai eu plaisir à créer et à dessiner et qui, j’espère, plaira surtout au lecteur de 64_page.
64_page : Un grand merci, Khowo et Marie, à bientôt !
Pour poursuivre avec Khowo et Marie : Vos insta : ttps://www.instagram.com/khowo.illustration/ Marie Piret (@le_bricabrac_doni) • Photos et vidéos Instagram fb : Le Bric à Brac d'ONI | Facebook
Vincent Grimm – Silure
Interview Philippe Decloux
Interviewé par notre intervieweur tous terrains Gérald Hanotiaux, dans le cadre de sa série « Les maîtres », Philippe Cenci présente ses ateliers BD et illustrations dans les Académies de Watermael et de Châtelet. Dans ce cadre, nous publions Silure de Vincent GRIMM dont c’est la seconde publication dans 64_page, Mauvaises langues (64_page #22 Polar),
64_page : Tu es un trait connu et reconnu par nos lecteurs. Je te propose de mettre l’accent sur ce travail dans l’atelier du « maître de BD ». Comment est née ta passion pour la BD et, surtout, le désir de raconter toi aussi des histoires ?
Vincent Grimm : C’est difficile à dire quand est née ma passion pour la BD vu qu’il y a toujours eu des BD chez moi. J’ai grandi fasciné par les dessins, qu’il s’agisse de BD ou de livres d’illustrations. Je me rappelle dessiner des livres et des BD quand j’étais petit mais je ne saurais pas dire à quel moment ça à commencé. En tout cas, l’envie de raconter des histoires n’est jamais partie !
Quand as-tu intégrer l’atelier de Philippe Cenci ? Et très concrètement comment se déroule les cours ? Ou est-ce plutôt du ‘compagnonnage’ ? Et le partage avec les autres compagnons de l’atelier ?
J’ai intégré l’atelier en 2018. Pendant les cours, Philippe vient regarder le travail de chaque élève un par un, et lui donne un retour sur son travail. Les autres élèves peuvent écouter les retours ou continuer à travailler chacun de leur côté. Philippe s’adapte à tous les styles et donne des conseils pour qu’on arrive à réaliser nos histoires le plus efficacement possible. J’ai énormément appris dès le départ dans l’atelier grâce à ses conseils. Contrairement à beaucoup d’écoles artistiques, il n’y a pas de style propre à l’atelier de Philippe. Du coup, chaque élève peut faire ce qu’il souhaite comme style de dessin. C’est génial parce que ça permet de ne pas se limiter à une seule vision et ça rend les travaux des élèves très variés. On est aussi encouragé à tester des techniques et des graphismes différents, ça permet de se renouveler sans rester sur nos acquis. Les élèves de l’atelier ont tous des parcours différents, discuter de BD avec des générations différentes m’a ouvert la porte à des artistes que je n’aurais peut-être pas découvert par moi-même. Puis j’ai aussi pu apprendre beaucoup d’astuces des autres élèves.
Il faut aussi préciser qu’il y a une bonne ambiance chaleureuse dans l’atelier, c’est toujours plus sympa de dessiner en rigolant !
Comment conçois-tu tes scénarios, en prenant l’exemple de Silure ?
Alors je n’ai pas écrit Silure, c’est le scénario de Bones, un auteur/dessinateur de BD. Pour les scénarios que j’écris moi-même, j’essaie de comprendre un maximum mes personnages afin que l’histoire suive et sonne juste. J’ai tendance à réécrire mille fois mes synopsis et de les faire lire par des proches qui ont une affinité pour les scénarios.
Pour les éditions du Tiroir, tu adaptes un roman d’Henri Vernes, – Luc D’Assault, les rescapés de l’Eldorado -, comment es-tu entré dans ce projet ? Comment travailles-tu ? Quels sont tes relations avec l’éditeur, André Taymans, par ailleurs l’auteur de la série Caroline Baldwin ?
Pour Luc Dassaut, j’avais répondu à une annonce des éditions du Tiroir qui cherchaient des dessinateurs. Je ne savais pas de quel projet il s’agissait au début, mais j’ai envoyé mon portfolio et puis ils ont pris contact avec moi. J’ai principalement travaillé avec Christian Lallemand des éditions du Tiroir. Il a été l’éditeur sur Luc Dassaut et me donnait des retours par rapport à mon travail. Quant à André Taymans, je l’ai surtout croisé aux séances de dédicaces des livres d’Henri Vernes. Pour ma méthode de travail, j’ai lu le roman et j’ai noté tous les moments marquants de chaque chapitre. J’ai choisi un moment par chapitre qui me semblait intéressant à dessiner. Il y avait des chapitres avec peu d’actions et beaucoup de dialogues, du coup j’ai fait certaines illustrations qui sont juste des simples décors pour montrer l’ambiance du récit. J’ai pu travailler en nuances de gris vu que les illustrations allaient être imprimées en noir et blanc. Au lieu d’utiliser des lavis, j’ai fait les nuances de gris avec des trames numériques. C’était plus facile à corriger si je faisais une erreur et je trouvais que l’esthétique des trames correspondait bien aux romans pulp.
Et quels sont tes projets pour la suite …
Je monte un nouveau projet de bande dessinée. Cette fois-ci, je me fais vraiment plaisir dans l’histoire et le style : il y aura des monstres, une grande ville futuriste, de l’action, du mystère et aussi des donuts.
Pour suivre Vincent : Instagram : grimm_vincent
PISICA – Ancre de chine
Interview Gérald Hanotiaux
Aujourd’hui, nous mettons à l’honneur Pisica, auteur dans notre numéro 24 d’une seule page… mais laquelle ! Toute en couleur, elle éblouit, et nous entraîne vers un rite initiatique permettant d’appartenir à la confrérie des auteurs de bande dessinée… Nous lui avons demandé plus de renseignement sur lui et son travail.
Gérald Hanotiaux. Pourrais-tu te présenter à nos lecteurs, de manière générale, mais aussi en tant que dessinateur ?
Pisica. Pisica veut dire « petit chat » en roumain. J’aime donc aller où je veux, être libre d’interpréter mes sujets. Mes planches font sourire (ou pleurer), mes récits sont accessibles et quand ils plaisent, je suis heureux, récompensé de caresses et de croquettes. Je fais pour le moment scénario et dessin, jusqu’à ce que je trouve un compagnon de route.
Je suis un enfant des années ’80, renvoyé du cours de dessin classique, à l’Académie, pour manque de concentration. J’ai trouvé refuge dans l’atelier du dessin publicitaire, j’y ai appris le design et la typographie. Les petites frappes qui s’y retrouvaient m’ont initié au graffiti.
À l’origine dessinateur, je penche aujourd’hui plutôt vers le scénario. Actuellement, le dessin sert donc davantage le récit, ou l’idée que je veux porter vers vous, cher Lecteur. Mes thèmes récurrents sont le malentendu, les plans douteux, l’innocence (perdue), la fidélité… Mon grand plaisir consiste à monter, avec des ‘zines et éditeurs indépendants, des petits projets graphico-créatifs, élaborés sur un coin de zinc et financé avec les miettes récoltées en dessous.
J’aime visiter des lieux historiques fermés pour travaux. Avant d’être évacué par la sécurité, je m’y sens pendant quelques moments chevalier, baron de textile ou espion soviétique.
Tu nous proposes dans le numéro 24 une très belle page, très colorée, et une étrange « confrérie souterraine », pourrais-tu présenter brièvement ce travail pour allécher les lecteurs et lectrices?
Merci ! Saviez-vous qu’il y a un bar louche dans le souterrain du CBBD ? Members only ! On dit que les âmes des grands de la BD y errent et que ceux qui s’y aventurent en sortent marqués pour la vie…
Je plaisante ! Dans Ancre de Chine, un auteur débutant, suite à un malentendu, se retrouve piégé… Ou pas ? Car ce que le jeune auteur de BD vit dans le souterrain du Centre Belge de la Bande Dessinée va le lancer sur sa voie de dessinateur. Attention, les bédéphiles : une référence à un des premiers albums de Tintin se cache dans « Ancre de Chine ». Je ne m’en suis rendu compte que par après. Le premier qui poste une référence vers cette interview-ci sur son Instagram, avec le nom de l’album en question, reçoit un petit cadeau de ma part !
Comment en es-tu arrivé à participer à ce projet de numéro où beaucoup d’histoires ont pour cadre le CBBD ?
Philippe Decloux et Marianne Pierre me l’ont proposé lors du Comic Strip Festival de Bruxelles (fête de la BD). C’était un sujet très concret et j’ai voulu le traiter de manière originale… On peut tout me proposer. Je travaille vite et je suis ouvert d’esprit. Je traite les sujets à ma sauce, « halfenhalf » loufoque-surréaliste. Ce que j’écris amuse, mais donne aussi à penser. J’aime les histoires en une page. Cela oblige à travailler « très compact », il ne peut y avoir une bulle de trop et on doit intéresser le lecteur en très peu de temps.
Finalement, la culture et les musées ont besoin de tout soutien pour se pérenniser, pas seulement des mécènes, mais aussi le soutien des artistes… C’est aussi pour cette raison que j’ai participé au projet CBBD de 64_page.
Qui citerais-tu dans ton panthéon personnel de la bande dessinée ? Quels sont les auteurs et autrices qui t’ont le plus marqué, voire t’ont donné envie de faire de la bande dessinée ?
Jean Van Hamme ! Ses scénarios sont accessibles mais jamais simplistes. C’est du bon cinéma en papier. Dernièrement, j’ai aussi fort apprécié Ghost Money de Thierry Smolderen (Dargaud). Ici également, il s’agit d’un scénario proche de la réalité, comme j’aime en créer. La Guerre Éternelle de Marvano et Joe Haldeman est la première BD qui m’ait fait verser une larme.
Malgré ceci, j’ai une affection particulière pour Raymond Macherot, j’adore ses récits. Simples mais rebondissants, et à double fond, arborant des thèmes sérieux comme les rapports de force, les travaux forcés… Le tout avec pleins d’animaux mignons !
Mais au final, ce sont les DirkJan de Mark Retera qui m’ont lancé sur ma voie actuelle : du nonsense réfléchi et très condensé.
As-tu suivi un enseignement en bande dessinée ? Comment décrirais-tu les acquis de cette formation ? Penses-tu nécessaire de suivre une formation ?
Aucun enseignement BD, à mon regret, à part les cours d’arts graphiques à dix-huit ans et les conseils et claques de mes collègues de travail au fil des années, parfois bien- et parfois malveillants. Je les remercie au passage tous et toutes pour leurs enseignements !
Avec les formations, c’est quitte ou double. Si le cours est bien, on avance nettement plus vite, on rencontre des partenaires ou des compagnons de route, on est soutenu. C’est merveilleux. Mais gare à vous : si la formation est mauvaise et si on ne la quitte pas à temps, on peut se retrouver, des années plus tard, face à des questions sur soi et sur son art. La créativité peut vraiment être tuée dans l’œuf. S’en remettre est difficile mais possible, j’en suis la preuve.
Les postes de professeur en arts devraient être dispensés exclusivement à des gens capables de coacher des créatifs. L’enseignement des arts est trop important pour le confier aux artistes. Au final, ce qui est plus important que des formations, c’est de faire ses premiers pas dans le monde des adultes au bon moment, donc pas trop tard. Aller bosser et partir explorer d’autres lieux, cultures. Cela permet d’acquérir le vécu, à la base d’un regard intéressant sur la société des hommes.
Pourrais-tu présenter ta technique artistique, comment procèdes-tu ? Pour cette planche-ci, mais aussi de manière plus générale. Explores-tu différents styles et manières de faire ?
Je note les nonsense autour de moi, en commençant par les miens… Je les rassemble dans une longue liste. Toutes les deux semaines j’y choisis un thème à développer. Parfois trois cases, parfois six, parfois une planche. Polyglotte, je les propose à des petits éditeurs à travers l’Europe.
Je dessine partout, tout le temps. Jamais dans un café branché, plutôt sur les toilettes entre deux boulots, dans ma caisse et partout où je dois attendre. Les bouts de papier, prescriptions, tickets de caisse et bons de livraison couverts de gribouilles sont ensuite scotchés ensemble, cela donne une première outline de mon récit. Je dessine ensuite un brouillon avec dialogues, dont je vérifie la cohérence avec des amis. Si ça « colle », je dessine la dernière case, ensuite la première. Ensuite je dessine le milieu d’un trait, souvent la nuit. De ce marathon sortent, à part un lumbago et une conjonctivite, des « accidents heureux », des nouvelles idées… Après les avoir intégrés, j’arrive à mon récit définitif. Je demande ensuite à mon gentil ami Olivier de relire. Je récompense ce dernier par une quiche lorraine et une bouteille de rouge qu’on consomme en faisant le procès du monde.
Quels sont tes projets ? Sur quoi travailles-tu ?
Je travaille sur Rififi à Porto Cocorico, un policier en quinze planches, une histoire d’attentat dans un petit port méditerranéen habité par des animaux. Ayant toujours plus de casseroles sur le feu que ce que je parviens à gérer, je termine également une planche sur la « singularité technologique », portant pour titre La sagesse des poissons.
Un mot de la fin?
Cela a été difficile, cette interview. J’ai vraiment dû réfléchir à ce que je crée, les fils rouges, le pourquoi de tout ça, et mes méthodes…
Merci à 64_page, et à Philippe, Marianne et toi. Merci à Benoît Fripiat de Spirou et Kim Sanders des éditions Standaard, rencontrés également en septembre, pour leurs avis sur mes premières planches, et sur les aspects commerciaux de la BD.
Pour terminer, je lance un appel à Delphine Houba, échevine de la culture à Bruxelles, et plus largement à tous les politiciens en charge de la culture, pour encourager à soutenir les jeunes et moins jeunes auteurs, et à maintenir les initiatives autour de la BD dans un contexte économique difficile. On peut faire beaucoup avec peu, mais il faut nous donner une place.
Merci Pisica !
Le travail de Pisica est visibles à cette adresse : https://www.instagram.com/studio_pisica/
Sandrine Crabeels – Bruxelles 1920
Interview Angela Verdejo
Bonjour Sandrine, commençons cet entretien par le commencement…j’ai visité ta page crabgraphic.com et ton Insta : sandrine.crabeels, il en sort un tas de belles informations, tu as ton propre studio à Liège depuis 2004 et tu te consacres surtout à l’illustration et à la publicité.
Angela Verdejo : Partant de là, ma première question est simple, pourrais-tu nous expliquer comment et pourquoi as-tu répondu à l’appel de 64_page autour des Magasins Waucquez ?
Sandrine Crabeels : Comme illustratrice, je dessine beaucoup. En 2020, année du confinement, je me suis retrouvée quelques mois sans travail, tout le monde faisait le gros dos. Alors, j’ai dessiné. Petit à petit ce sont des planches de BD qui ont émergé avec des scénarios. Un projet de roman graphique est né : « Jorinde ».Quand j’ai découvert le 64_page, un peu plus tard, j’ai envoyé quelques planches qui ont été publiées (« En animal » dans le 64_page #20). Le travail au studio était entre-temps revenu, mais cette envie de roman graphique, elle, est restée bien ancrée.Je tâche d’améliorer Jorinde, de le rendre « publiable ». J’ai quelque chose à dire avec Jorinde, je voudrais que ce soit lu !
J’ai vu dans le thème lancé par le 64_page « Magasins Waucquez » l’occasion de m’essayer à développer un récit de façon à la fois fluide et dense sur seulement 3 ou 4 planches.
Pourrais-tu, sans spoiler bien sûr, nous présenter ta Bd Bruxelles 1920qui sera publiée dans ce numéro spécial Magasins Waucquez ?
Willy accompagne sa maman qui se rend à Bruxelles, aux grands magasins de tissus Waucquez. Elle ne va pas y acheter de tissus, mais elle va y voir sa sœur qui y travaille. Le petit Willy s’ennuie un peu de la conversation des adultes, c’est un petit garçon plein d’imagination…
Et le choix des pastels à dominante bleue dans ta BD, est-ce un choix technique, esthétique ? Quelles sont les techniques pour lesquelles tu as opté et quelles en étaient les intentions derrière tout ça ?
C’est une technique que je développe pour Jorinde : aquarelles rehaussées de traits de crayons de couleurs. Ici le bleu – surtout sur la première planche – c’est l’entrée de Willy dans un univers particulier qui va le révéler à lui-même. Un bleu onirique, comme s’il plongeait dans un grand aquarium. Ce bleu c’est aussi ma perception de l’univers d’Horta, beaucoup de verre, d’ouvertures vers le ciel.
Ce qui m’a frappée dans ton scénario c’est le choix de la ville d’origine de tes protagonistes et les signes linguistiques, le petit Willy c’est aussi Willetje et je n’en dis pas plus ; qu’est-ce qui a induit ce choix et comment as-tu procédé pour construire ton scénario ?
J’ai émis plusieurs hypothèses à partir du bâtiment. Je l’avais visité de fond en comble avec d’autres invités du 64_page, sans encore savoir vraiment si j’allais en faire quelque chose. Quand je me suis décidée, j’ai d’abord pensé aux années de sa construction, plus proches du « Bonheur des Dames » de Zola, que j’ai relu. Puis j’avais envie de lier le premier destin du bâtiment avec son usage actuel, centre belge de la BD. Comme d’autres l’ont fait aussi, d’ailleurs, c’était tentant!
J’ai alors pensé à un enfant dont le destin aurait pu être lié au bâtiment. J’en ai choisi un qui me replongeait dans mes propres sensations de petite fille… Et je me suis documentée sur la ville d’origine de ce petit-là : Anvers. Il fallait une raison pour qu’il aille à Bruxelles, dans ce bâtiment à cette époque où ilavait 6 ou 7 ans… et la suite s’est construite un peu d’elle-même.
J’ai été particulièrement émue en découvrant ta BD et les petits oiseaux qui surgissent comme une pointe réaliste dans ce décor historique aux hauts, très hauts plafonds, mais aussi comme une pointe onirique qui ouvre vers une porte de l’enfance, qu’est-ce qui a inspiré cette histoire ?
Ces mésanges sont importantes, effectivement. C’est l’enfance et l’imagination de Willy. Je ne sais pas trop comment elles sont venues. J’ai pensé à un oiseau je crois, parce que moi, pour les suivre, je n’ai que mon imagination… (bon, ok il ya les drones, mais je n’y joue pas.Avec les autres caméras espions non plus. Pour m’envoler avec eux, je n’ai qu’un seul remède, les pieds sur terre et la tête dans les étoiles !). En dessinant des oiseaux, la mésange s’est imposée. Et c’est elle qui en volant de plus en plus haut a emmené le petit Willy si haut sur les toits. Moi je n’y pensais pas de prime abord !
Si les oiseaux sont les passeurs d’un temps à un autre, la conversation des deux sœurs ne l’est pas moins, et ouvre aussi vers des luttes actuelles, on sent un certain engagement de ta part, ou peut-être simplement un profond ancrage dans certaines luttes très actuelles qui pourtant trouvent leurs racines loin dans le passé, pourrais-tu nous parler de cet engagement si tu le vis comme tel ou de ce sujet tout simplement.
Oui, oui, je suis féministe, je pense qu’on ne le sera jamais assez ! Les deux sœurs étaient pour moi une occasion en or d’exprimer cela. C’est à la fois un ancrage au fond de moi, dont j’ai pu (relativement) profiter les premières années de ma vie. Adulte, c’est devenu une prise de conscience de l’importance d’avancer encore ! parce que les progrès qui sont derrière nous ne sont pas forcément acquis pour nous tou·te·s et sont très insuffisants.
Quelle femme/fille n’a jamais eu été tripotée dans le métro ou dans un ascenseur ? Combien d’hommes à côté ? Quelle femme/fille n’a jamais entendu, « bon t’es une fille, c’est moins important » ? faut l’encaisser quand-même… Quelle mère ou père n’a pas dû défendre les préjugés de genre à l’encontre de ses enfants ? (Tiens, dernièrement, un ami nous a dit que je menais mon mari à la baguette parce qu’il parlait du repassage… ???? heu… ?)
Jorinde, pour en revenir à elle, propose un personnage féminin, héroïne ordinaire, dans une aventure extraordinaire à destination des jeunes de 8-14 ans et plus, bien sûr ! Je voudrais leur offrir un personnage féminin de plus, réaliste, avec forces et faiblesses et courage, dans une aventure imagée, propre à les faire rêver et avancer.
Un grand merci, Sandrine, à bientôt !
Pour découvrir plus Sandrine : www.crabgraphic.com Instagram : sandrine.crabeels
Serna – Exolombia
Interview Marianne Pierre
Fan de gros lézards et de science-fiction, je lis des BD et dessine depuis toujours. Je me remets vraiment au dessin après mes études en sciences et m’inscris aux académies de Charleroi et de Châtelet (dessin et illustration/BD). Je m’intéresse aussi au concept art pour le jeu vidéo et le cinéma.
Marianne Pierre : Peux-tu nous « pitcher » ton histoire de marsupilamis extra-terrestres?
Serna : Tout d’abord, un grand merci de m’accueillir à nouveau dans 64_page ! Dans mon histoire, il s’agit effectivement d’un peuple extra-terrestre dont les individus ressemblent beaucoup à des marsupilamis (mais ça, on ne le découvre qu’à la fin). Ils sillonnent l’univers à bord de leurs vaisseaux, car ce sont des explorateurs dans l’âme. Un jour, ils arrivent sur la planète Terre et le hasard fait qu’ils survolent la ville de Bruxelles… Voilà pour le « pitch ». Je préfère ne pas en dire plus, les lecteurs auront l’occasion de le découvrir dans la revue !
Le CBBD, tu connais bien?
A vrai dire, je ne connaissais pas bien le Centre Belge de la Bande Dessinée, mais j’ai eu la chance de m’y rendre l’année passée au mois d’avril, lors de la visite guidée organisée par Isabelle Debekker, l’équipe du musée et Philippe Decloux. C’était vraiment une belle opportunité pour commencer à imaginer une histoire se déroulant dans ce lieu magnifique. Je suis très reconnaissant pour cette belle journée !
Quelle est ta technique graphique?
Je garde la technique utilisée pour le précédent numéro de 64_page (Noir & Blanc), sauf qu’ici l’histoire pouvait être en couleurs. Je travaille en digital pour la plupart des étapes, plus précisément à l’aide d’une tablette graphique et d’un logiciel très similaire à Photoshop (Gimp). La particularité est que je garde malgré tout le contact avec le papier pour le premier jet, celui du storyboard.
L’idée du scénario me prend en général plusieurs mois. Je pars d’une image clé qui apparaît assez spontanément dans ma tête et qui me motive pour une histoire. Je la mets sur papier et puis je laisse tout ça « mijoter » dans un coin de mon esprit.
Une fois que j’ai tous les éléments du récit bien articulés, je mets ça sous forme de storyboard sur papier. En général, je dessine cette étape au bic, pour m’obliger à aller droit au but et obtenir ainsi un premier jet de l’histoire. Je note alors quelques premières corrections, puis scanne la feuille et réarrange le « puzzle » dans le logiciel Gimp. Ce sont des actions qui pourraient être faites sur papier en photocopiant et en découpant ou à l’aide de transparents, mais c’est beaucoup plus rapide à l’ordinateur. J’aime bien aussi le format des 4 pages, car ce n’est pas trop long et ça me permet d’avoir en permanence une vue d’ensemble sur les planches et de « zoomer » et « dé-zoomer » à ma guise.
Une fois que le storyboard est suffisamment efficace, je passe au crayonné, toujours dans Gimp. Je m’arrange pour avoir mes traits finalisés sur un calque séparé, pour ensuite pouvoir tester facilement sur d’autres calques les ombres et finalement les couleurs. Souvent j’ai déjà placé quelques ombres et lumières assez tôt, juste après l’étape du storyboard. C’était le cas cette fois-ci aussi, mais globalement j’essaie d’avoir un document le plus organisé possible à l’ordinateur, même si sur la fin les dernières retouches augmentent inévitablement le nombre de calques de manière disproportionnée !
Quand j’ai terminé, j’imprime le résultat final ainsi qu’un crayonné intermédiaire, pour pouvoir les comparer avec les croquis de départ… et surtout pousser un soupir de soulagement !
Je constate que beaucoup d’auteurs font des histoires muettes. Est-ce plus facile ou est-ce que cela implique d’autres contraintes?
On pourrait croire que c’est plus facile a priori, mais cela demande d’être le plus clair possible au niveau de l’histoire. Il faut que l’étape du storyboard soit parfaitement lisible au niveau de la narration. Dans mon cas, la couleur allait permettre de faire comprendre certaines choses à la fin, mais mis à part ce genre de détails, il faut que l’histoire soit compréhensible dès le croquis initial. J’aime bien d’avoir à ce moment-là un retour de Philippe Cenci (mon professeur à l’atelier BD/illustration de Châtelet) et au passage, j’en profite aussi pour montrer l’histoire sous cette forme à mes amis auteurs/dessinateurs de l’atelier.
Dialogues ou pas dialogues, ça reste de toute façon l’étape la plus importante dans l’élaboration d’un récit (en d’autres termes on parle de mise en page, choix des cadrages, composition de chaque case, etc). Dans mon histoire, je trouve que l’absence de dialogues accentue le côté mystérieux. Le temps est comme suspendu dans certaines cases et ça collait assez bien avec ce que je voulais raconter, avec l’impression que je voulais donner au lecteur. Je pense que ce ressenti serait assez différent si des bulles de dialogues avaient été présentes. Finalement, je simplifie aussi le scénario en procédant de la sorte parce que je ne fais pas intervenir d’autres personnages et ça m’aide pour arriver à raconter une histoire dans un format court. La dernière fois, j’avais utilisé un narrateur (une « voix off »), mais ici je trouvais que ça fonctionnait mieux avec les images seules
Quels sont tes projets (scénario, dessin…)?
En ce moment, je travaille sur un jeu de société avec mon meilleur ami. Il s’occupe des règles du jeu et je mets le tout en images. Pour l’instant on a une ébauche des règles, une bonne base visuelle pour le plateau et une belle illustration en cours pour présenter le projet. Notre première idée serait de lancer un financement participatif, mais on n’y est pas encore : on va d’abord passer par une phase de test sur un prototype, avec des amis connaisseurs et je finaliserai alors les illustrations principales du jeu
A côté de ce projet, je réalise des aquarelles qui représentent des décors imaginaires souvent mystérieux et organiques, avec des touches plus ou moins importantes de fantasy et de science-fiction. Cela me permet de garder un contact avec un médium « traditionnel » (l’aquarelle et plus récemment le brou de noix), surtout quand j’ai un projet en cours à l’ordinateur. De toute façon je continue quotidiennement à dessiner sur papier. J’ai presque toujours une feuille et un bic à portée de main pour me changer les idées quand je fais une pause.
Pour ce qui est d’un éventuel scénario BD, j’avais accumulé pas mal d’idées dans des petits carnets, il y a 4 ou 5 ans. Ca fait longtemps que je n’ai pas relu toutes ces notes. Je suis maintenant en mesure de représenter cet univers fictif de manière beaucoup plus convaincante qu’à l’époque. Je ne suis pas certain de la qualité du scénario, mais je dessine déjà petit à petit ces lieux et personnages sur une feuille ou sur mon écran d’ordinateur. Peut-être qu’en les voyant, un scénariste s’y intéressera pour monter ensemble un projet d’album de bande dessinée. Je garde toujours cette porte ouverte au cas où… Par ailleurs, si le scénario de quelqu’un d’autre m’intéresse (idéalement dans un univers fantastique, de science-fiction ou de fantasy…), je serais également partant pour me lancer dans l’aventure !
Avant de terminer l’interview, il y a un sujet que je dois absolument mentionner car il concerne beaucoup d’artistes illustrateurs et même des auteurs. Ce sont les intelligences artificielles (IA) qui récemment sont devenues capables de générer des images de plus en plus impressionnantes sur la base de quelques mots clés et en utilisant internet comme une énorme base de données pour les références visuelles. Le souci c’est que ces références sont des illustrations mises en ligne par des artistes et sont utilisées la plupart du temps sans leur consentement. Il semble bien que le site Artstation et l’entreprise Adobe (Photoshop) aient facilité cet accès aux images pour les entreprises concernées. Je voulais parler brièvement de ce sujet, car il va forcément impacter les illustrateurs, ces logiciels devenant des outils beaucoup plus compétitifs pour créer rapidement des images et c’est assez inquiétant pour l’avenir. J’espère que 2023 verra l’application de textes de lois pour établir des copyrights pour protéger le travail des artistes. J’en parlerai bientôt sur ma page Instagram. Bref, je vais malgré tout cela essayer de rester positif…
Un grand merci à toute l’équipe de 64page pour le travail que vous accomplissez et félicitations pour la sélection de la revue à Angoulême ! Merci de m’avoir lu… j’ai hâte d’avoir le nouveau numéro de la revue dans les mains !
Pour en connaître plus sur SERNA www.artstation.com/serna6 - Instagram : serna_art_
Marc Descornet, Aurore écarlate
Interview Angela Verdejo
Angela Verdejo : Tu es un assidu de 64_page, un fidèle qui relève encore une fois le défi lancé par notre revue de récits graphiques, pourrais-tu, rappeler à nos lecteurs ton parcours d’artiste, comment en es-tu venu à la BD ? Pourrais-tu aussi développer le rapport que tu entretiens avec 64_page ?
Marc Descornet : Je suis né à Bruxelles en 1970, diplômé de l’Académie de Boitsfort en BD et illustration en 1989. J’ai longtemps dessiné, peint et raconté des histoires de façon confidentielle, par pur plaisir et par nécessité viscérale. La sensation d’urgence me porte. L’émergence de l’émotion m’importe. Le cap de la cinquantaine m’a donné envie de présenter mes productions à un plus large public.
La revue 64_page m’a offert l’occasion début 2020 d’y publier trois planches à l’acrylique 70x50cm qui rendent hommage à mon ancien prof de BD et d’illustration. Alors que Louis Joos donne cours à l’académie de Boitsfort, fin des années ’80, de grands noms du jazz font irruption, exprimant tour à tour par des citations authentiques leur vision sur le processus créatif. Joos partage également son ressenti. Y apparaissent dans l’ordre : Charles Mingus, Charlie « Bird » Parker, Bud Powell, John Coltrane et Thelonious Monk.
64_page m’a encore ouvert ses pages avec d’autres projets, dans d’autres styles, comme un numéro spécial Western dans lequel j’évoque en trois pages le tout premier film western « The Great Train Robbery » (1903), avec un traitement au crayon, des cases au ratio des dimensions de l’époque en gaufrier sur fond noir, un choix de mise en images évoquant le visuel des anciennes salles obscures.
Le numéro spécial Polar de 64_page a accueilli quatre planches réalisées avec mon fils Daran, 14 ans, au scénario. Père et fils, nous sommes partis d’une anecdote qui nous est réellement arrivée et nous avons développé un petit récit en y insufflant un esprit polar, que j’ai graphiquement accentué. La voix du gamin est l’écriture de mon fils ; l’autre est, en hommage, celle de mon papa, à ce moment décédé depuis peu.
D’autres projets sont en route, dont un, de longue haleine, qui me tient vraiment à cœur. C’est un personnage créé en 1988 à l’occasion d’une activité scolaire liée à la presse. J’avais alors réalisé un gag au format strip de trois cases, inspiré de mon prof de math qui aimait agrémenter ses cours de bons mots et de jeux de l’esprit. J’ai pris l’habitude de les noter et d’en tirer des strips. J’ai continué pendant des années, sporadiquement, en imaginant de nouveaux gags de mon cru. Je me suis attaché à ce personnage baptisé Abelard N. Nombrill. Un de ces gags a été publié dans 64_page. D’autres sont visibles sur les réseaux sociaux. L’asbl Le Grain a également publié une pleine page en quatrième de couverture de son périodique sous le titre « Abelard et l’abstraction relationnelle ».
Et puis, quand Philippe Decloux m’a invité il y a quelque mois, avec d’autres auteurs habitués de 64_page, à une visite du Centre belge de la BD, et qu’il nous a exposé des éléments de compréhension liés à l’émancipation féminine, ça m’a donné envie d’explorer le sujet. Le résultat est à découvrir dans le prochain 64_page, le #24 à paraître en janvier 2023.
A la lecture de ta BD Aurore écarlate on découvre des planches en noir et blanc avec des touches écarlates que tu appelles « le fil rouge », quelle est la ou les techniques que tu déploies dans ces pages et pourquoi ?
J’ai utilisé un support papier un peu granuleux, et j’ai travaillé au crayon, d’abord une construction grossière. Dans ce projet-ci, vu l’importance de l’architecture, je me suis basé sur la documentation photo que j’ai pu constituer lors de la visite du CBBD et au cours de laquelle la directrice nous a vraiment ouvert toutes les portes, jusque sur le toit. J’ai essayé de reproduire les décors dont j’avais besoin pour situer le cheminement de mes personnages le plus fidèlement possible. Ensuite, j’ai renforcé les traits au crayon plus gras et j’ai surtout beaucoup utilisé la gomme ; je crois que j’en ai consommée une bonne moitié sur ces cinq pages. J’ai scanné mes pages et nettoyé l’espace inter-iconique sur ordinateur, de même pour l’ajout des zones colorisées. Le rouge s’imposait vu l’hommage à Masquerouge et la symbolique liée à cette couleur (puissance, passion…), encore renforcée par l’absence de toute autre.
Je ne vais pas spoiler ton travail, c’est au lecteur de découvrir en suivant ce « fil rouge » ce qu’il en est, mais pourrais-tu nous parler du sujet que tu as choisis pour ton scénario, pourquoi ce choix engagé ?
Philippe Decloux m’a ouvert une voie dans laquelle je me suis aventuré avec curiosité. J’ai pu affiner ma compréhension de l’impact qu’a eue la première guerre mondiale sur le parcours d’émancipation des femmes. Je me suis documenté. Puisque la plupart des hommes étaient appelés au front, les femmes ont été mobilisées dans les usines pour soutenir l’effort de guerre. Quand les survivants sont revenus, les valides ont repris leurs fonctions et leurs épouses sont retournées s’occuper de leur foyer, mais pas toutes, et en particulier dans le secteur du textile. Il y a eu un tournant. Et puis, l’industrialisation et la recherche du rendement ont conduit à la centralisation du travail des couturières. Les patrons ont investi dans des machines et leur ont demandé de venir sur place, au lieu de rester dans les mansardes qui leur servaient la plupart du temps de lieu de travail auparavant. De fait, ces dames sont sorties de chez elles, ont intégré des équipes mixtes, ont été considérées comme des travailleuses à part entière. Puis, elles ont émis des revendications pour améliorer leurs conditions de travail, mais pas seulement pour elles-mêmes, aussi pour tous les travailleurs, donc les hommes. On peut dire que les suffragettes et les midinettes ont marqué les esprits par leur courage et ont permis davantage de progrès social que leurs homologues masculins.
Un mot encore sur les personnages : Masquerouge, dont une statue se trouve au CBBD, est une création de Patrick Cothias et André Juillard. La nature du justicier qui se cache derrière cette étoffe (encore un lien avec le textile) est hautement symbolique et renforce le propos. Je vous invite d’ailleurs à lire « Les 7 vies de l’épervier ». Et l’auteur en quête d’inspiration n’est autre que Cothias, mais n’est pas très ressemblant (désolé) car je ne disposais pas de photos le représentant dans les années ’80, époque du lancement de la série. Mes cinq pages, sorte d’anachronie onirique, sont aussi un hommage à cette BD aux thèmes porteurs.
Le titre que tu as donné à ta BD est très parlant, comment as-tu construit le scénario ? En quoi tes dessins sont-ils complémentaires de cette construction ? Et quelle est la voie que tu as prise en premier lieu, le dessin ou le texte ? Pourquoi ?
Le titre « Aurore écarlate » m’est venu assez rapidement, comme une évidence. Je voulais parler d’un éveil. Le rouge est important comme dit plus haut. Et puis l’aurore, incisive et tranchante, s’est imposée, plutôt que l’aube, nébuleuse et voilée.
Quant à la mise en page, elle m’est venue dans un éclair de lucidité. Car je voulais mêler trois éléments importants dans cette BD : les personnages (Masquerouge et l’auteur en recherche d’inspiration), le combat social et en particulier féministe, et l’atmosphère du bâtiment style Art-Nouveau. J’ai donc découpé toute cette narration de deux points de vue qui s’entremêlent et qui portent mon intention : d’abord un texte que j’ai voulu concis et complet, ensuite une action en contrepoint qui symbolise un combat (intérieur), et enfin un cheminement qui va crescendo et se termine par une chute. C’est au moment de la construction de la dernière page, et le défi technique qu’elle exige, lié au mouvement de l’action, que m’est venue l’idée des cases aux contours courbes, avec la plus-value du rappel du style Art-Nouveau. J’ai alors revu toutes les précédentes pages en poussant la logique un peu plus loin avec, notamment une double page en miroir.
Pour terminer je voudrais te poser la question qui ouvre ta BD, terminer par le commencement donc, en tant qu’artiste bédéiste, « que cherches-tu ? »
Quand j’étais enfant, j’aimais lire des BD et dessiner, deux activités assez casanières. Le contexte familial et mon tempérament m’ont encouragé à développer au fil du temps tout un univers graphique et des histoires divertissantes empreintes de gravité et de cynisme, en une recherche d’évasion, de liberté, de marginalité intègre et honnête, de perfection aussi. Cet idéal ne m’a pas quitté et c’est un de mes moteurs créatifs. 64_page est à ce titre un merveilleux stimulant qui me permet d’explorer, d’expérimenter, de proposer des approches que j’espère, modestement, agréables et inspirantes. Car, en définitive, exercer un art et titiller l’intellect devraient avoir pour but primordial de susciter, dans un esprit de partage… le plaisir, le mien et celui des lectrices et lecteurs.
Un grand merci Marc et à bientôt !
Pour suivre Marc Descornet : Facebook : marc.descornet
Corentin Michel – Pic & Pêche – Retour en 1906
Interview Marianne Pierre
Architecte aux heures de bureau et illustrateur le reste du temps, je cherche à exprimer dans la bande dessinée une créativité qui me manque dans ma première activité. La bande dessinée est devenue pour moi une cour de récré où je peux alterner le crayon, l’écoline, la tablette graphique…
Marianne Pierre : Quelle est ta technique graphique?
Corentin Michel : Je dessine mes bandes dessinées principalement sur Ipad. La partie croquis est assez similaire à du dessin sur papier, mais cela me permet de faire facilement toutes les modifications souhaitées, comme agrandir un personnage ou le déplacer dans une case, incorporer des photos ou des guides à la perspective. Cela me permet d’être plus précis et de gagner du temps. Ensuite, cela me permet surtout de dessiner directement en couleurs, en supprimant le trait qui correspondrait à l’encrage en traditionnel, comme dans ma dernière histoire. On pourrait arriver à un résultat similaire en techniques traditionnelles, mais cela serait plus laborieux pour moi.
Connais-tu bien le CBBD? L’idée t’est-elle venue tout de suite pour ce thème?
Je connais bien le CBBD, j’y avais déjà été quand je devais encore être à l’école primaire. Pour l’idée de l’histoire, je voulais y associer mes derniers personnages, Pic & Pêche, pour lesquels j’avais déjà écrit quelques scénarios. Leurs histoires ont pour thèmes la technologie, les réseaux sociaux, les jeux vidéos, … L’idée d’associer des hologrammes avec l’époque du magasin Waucquez est ensuite venue, par associations d’idées qui n’ont à priori pas de lien entre elles.
Quelles sont tes inspirations en BD?
Au niveau de mes inspirations graphiques, cela doit être un mélange de tout ce que je vois passer sur Instagram au niveau de l’illustration, du digital painting, … Ca ne correspond pas forcément aux bd que je lis, je pense que je conserve un dessin assez classique style ligne claire, sauf que dans ce cas-ci, les traits sont englobés dans la couleur.
Instagram : corentin_mitchoul
Jean-Christophe TARGA – Les Sœurs Spitanti
Interview Gérald Hanotiaux
Afin de plonger vers le contenu de notre prochain numéro, dont la plupart des histoires ont pour cadre le bâtiment du Centre belge de la Bande Dessinée (CBBD), nous partons aujourd’hui à la rencontre de Jean-Christophe Targa. Il signe quatre très belles planches en couleurs, pour une histoire intitulée Les sœurs Spitanti. Après avoir vu ces pages, nous l’encourageons vivement à continuer !
Gérald Hanotiaux. Pourrais-tu te présenter à nos lecteurs et lectrices ?
Jean-Christophe Traga. Je m’appelle Jean-Christophe. Je dessine un peu…
Pour allécher les lecteurs, pourrais-tu présenter l’histoire que tu nous proposes dans le numéro 24 ?
C’est l’histoire d’une petite révolte, au cœur d’un grand bâtiment aux multiples vies.
Tu as choisi de placer tes personnages dans le passé, lorsque le bâtiment de Horta était encore dans son activité première, un magasin de tissus. Pourquoi ce choix ?
Je souhaitais mettre en relation l’histoire du bâtiment et la place des femmes dans la société de ce temps là. Les grands magasins naissants étaient alors un lieu de rencontre pour les dames de la bourgeoisie mais demeuraient inaccessibles pour les petites mains ouvrières. Toutes demeuraient cependant réduites à leur condition première, bridées par les multiples injonctions de la société des hommes. C’est aussi une époque clé pour ce lieu fastueux et alors très attirant. J’utilise cette période de l’histoire, où j’ insère avec fantaisie un lien vers l’actualité du CBBD.
Pourrais-tu présenter, techniquement, ta manière de travailler pour cette histoire ?
Après quelques recherches et l’écriture, je dessine sur du papier avec une plume atome et de l’encre de chine. J’ajoute les couleurs avec l’outil informatique.
Comment en es-tu arrivé à proposer des pages dans la revue 64_page, et que penses-tu de ce type de publication, qui permet de publier des premiers travaux
Lors du dernier festival de la bande dessinée bruxellois, votre collaboratrice Marianne Pierre m’a abordé, un exemplaire de 64_page à la main, en m’invitant à y proposer des pages de bandes dessinées. C’est une belle opportunité pour montrer le travail d’auteurs en devenir, à la recherche de visibilité. Le monde actuel de la bande dessinée souffre de l’absence de tels magazines, journaux, fanzines ou illustrés, comme d’autres générations ont pu les connaître par le passé. Je profite d’ailleurs de cette interview afin de renouveler mes remerciements, pour me compter au sommaire de votre prochain numéro.
Quels auteurs ou autrices pourrais-tu citer parmi tes influences majeures, qui ont été des jalons dans ton intérêt pour la bande dessinée et qui ont accompagné tes étapes d’apprentissage ?
Je peux citer Peyo, Morris, Franquin, Uderzo, Goscinny, Hergé durant mon enfance, avec aussi beaucoup de presse jeunesse, comme le Journal de Mickey, Picsou, ou encore Spirou par la suite. Citons encore Dupuy-Berberian, Chaland, Le Gall, Stanislas, Avril, Clerc, Swarte, Sempé, Gerner, Schulz et Watterson, lors de l’adolescence. Aujourd’hui, j’apprécie également le travail de De Crecy, Evens, Blutch, Blain, Rabagliati, Seth, Roussin, Harari, Alfred, Guérrive, Ware, etc. En fait, il y en a beaucoup, et j’en oublie…
As-tu suivi un enseignement en bande dessinée, ou es-tu autodidacte ? Selon la réponse, que dirais-tu du fait de passer par une école ?
Je suis autodidacte. Concernant les écoles, je pense qu’il s’agit de lieux formidables pour apprendre des techniques picturales, développer des connaissances artistiques et surtout, point très important, se créer un réseau. Mais d’autre parcours existent, comme nous le montrent par exemple Baru, Baudouin, ou d’autres…
As-tu des projets actuellement ? Tu travailles sur de nouvelles bandes dessinées ?
Des projets ? Aucun. Sur quoi je travaille ? Rien. Pour l’instant, tout se résume à ma page Instagram, peu fournie, et aux quatre pages pour 64_page.
Merci Jean-Christophe !
Pour la page Instagram : jchristophe.t.
Lucas BOUVARD – Hypogée
Interview Gérald Hanotiaux
Nous rencontrons aujourd’hui Lucas Bouvard, qui publie dans le numéro 24 Hypogée, une histoire en trois pages se déroulant, comme la plupart des bandes dessinées de ce numéro, au Centre belge de la bande dessiné (CBBD). Les murs du bâtiment de Victor Horta l’ont orienté vers la science-fiction… Nous avons voulu en savoir plus avec lui.
Gérald Hanotiaux. Pourrais-tu te présenter à nos lecteurs et lectrices, de manière générale mais aussi au niveau de ta pratique de la bande dessinée ?
Lucas Bouvard. Je m’appelle Lucas Bouvard, j’ai 29 ans, je suis architecte du paysage et auteur de bande dessinée. J’ai toujours aimé lire des bandes dessinées mais je ne dessinais pas beaucoup jusqu’à mes 19 ans. C’est pendant mes études que je me suis vraiment mis au dessin et j’ai depuis appris en autodidacte, par des cours sur le net, des livres ou des cours du soirs. J’ai comme ambition de travailler autant dans l’architecture que dans la bande dessinée, ces deux passions se nourrissant l’une l’autre.
Comment es-tu arrivé vers la revue 64_page ? Et que penses-tu de ce genre d’espace de publication ?
J’ai découvert la revue 64_page grâce à mon professeur de bande dessinée, qui connaît bien Philippe Decloux. Je pense que le magazine 64_page est un très bon lieu d’expression et d’expérimentation ouverts aux auteurs débutants. En plus de pouvoir publier facilement leurs œuvres, les jeunes auteurs peuvent être confrontés aux impératifs de publication (délais de rendus, relectures, etc) ce qui peut les préparer pour de futures collaborations avec d’autres magazines ou maisons d’éditions.
Pourrais-tu présenter l’histoire que tu proposes dans notre numéro 24, pour allécher les lecteurs ?
Dans un lointain futur, une équipe d’archéologues tombe sur les ruines du musée de la BD, profondément enfouies sous terre et oubliées de tous. Alors qu’ils en explorent les salles et les couloirs, ils tentent de comprendre la signification de ce lieu et de ce qu’il renferme…
Pourquoi avoir voulu aborder ce lieu emblématique de la bande dessinée dans un cadre de science-fiction… ?
La science-fiction permet de prendre du recul. On a l’habitude de voir le centre belge de la bande dessinée comme un lieu commun. Grâce à la science-fiction, on peut redécouvrir ce lieu à travers les yeux de personnes du futur. Pour ces gens, la mémoire du musée est tombée dans l’oubli, ils peuvent alors le découvrir à neuf, comme les premières personnes redécouvrant la grotte de Lascaux. Ils vont essayer d’imaginer ce à quoi il pouvait bien servir, de la même manière que nous théorisons sur la fonction des monuments antiques. Mais surtout, ils vont pouvoir voir l’essence du lieu plus facilement. Ils vont pouvoir voir qu’au-delà des décorations Art Nouveau et des statues de Schtroumpfs, le CBBD est un lieu qui aime profondément la bande dessinée.
Tu parles plus haut de ton « professeur de bande dessinée », que pourrais-tu nous dire de l’enseignement en bande dessinée ? Dans le processus tel que tu le connais, comment cela te permet-il d’avancer dans ta pratique ?
D’après moi, qu’on soit diplômé d’une école ou autodidacte, la capacité d’apprentissage d’un auteur vient de trois qualités personnelles à cultiver : la ténacité, la curiosité et l’amour de la bande dessinée. La ténacité pour continuer malgré les échecs et les découragements, la curiosité pour toujours chercher de nouvelles voies de progression, et l’amour de la BD pour rester attentif à ce qui se fait dans le monde de la bande dessinée. Avec ça, on peut toujours progresser, qu’importe qu’on soit étudiant en cours du soir ou dans une grande école.
Quelles ont été tes lectures en bande dessinée, qui t’ont marqué et ont peut être joué un rôle dans ta prise en main des crayons à 19 ans ?
Voici une rapide chronologie des principales bandes dessinées qui m’ont donné l’envie d’en réaliser. À 10 ans : Kid Paddle, de Midam. À 15 ans : Calvin & Hobbes, de Bill Watterson. À 17 ans : Le combat ordinaire, de Manu Larcenet. À 18 ans : Tank Girl, de Jamie Helwett. Et à 19 ans : Saga, de Brian K. Vaughan.
Aujourd’hui, dans ta pratique, quelles autrices et auteurs pourrais-tu citer comme des « guides spirituels ou graphiques » ?
Pour le graphisme j’aime beaucoup les traits secs et anguleux des auteurs de comics « alternatifs » tels que Jamie Helwett, Mike Mignola et Fiona Staples. Plutôt du côté des USA donc. Pour la spiritualité, je suis sensible à cette vague tranquille de la bande dessinée, qui porte un regard nouveau sur la société, le féminisme, l’écologie, l’enseignement et la décroissance. Pour donner des noms, je citerais Pénélope Bagieu, Shaun Tan, Merwan Shaban, Riad Sattouf et Jean-Marc Rochette.
Quels sont tes projets ? Sur quoi travailles-tu ?
Mes prochains projets sont de continuer de travailler avec le magazine 64_page – je ne sais pas si tu connais, c’est super -, de prendre des projets toujours plus ambitieux et de continuer à apprendre à être auteur de bande dessinée.
Un mot de la fin?
Banane flambée
Merci Lucas !
Vous pourrez trouver les dessins de Lucas, et le contacter, via Instagram, à @bouvarddessin, ou par e-mail : bouvardessin@hotmail.com
TRÉFILIS pour L’invisible
Dans le cadre de notre rubrique défi "UNE planche UNE histoire".
Interview Marianne Pierre
Tréfilis nous avait présenté dans notre Noir&Blanc, Mon ombre est moi, une BD très bien conçue et dotée d’une atmosphère lourde et mystérieuse. Dans notre numéro #24, il s’attaque à notre rubrique « défi » UNE planche UNE histoire et nous dit sa passion pour le noir et blanc et la rigueur qu’exige cet exercice en une seule page et, qui plus est, muette !
Marianne Pierre : Une page, une histoire: en quoi cet exercice est-il difficile?
Tréfilis : Je crois que la principale difficulté c’est de savoir être succinct, on ne peut pas tout raconter en une seule page et une petite dizaine de cases. L’exercice pousse à aller à l’essentiel d’une idée, d’une histoire. La mise en scène doit être très efficace pour faire passer le plus d’information et d’émotion possible en un minimum de dessin. En cela le strip est sans doute un exercice encore plus difficile. Personnellement j’ai essayé de me concentrer sur l’ambiance dégagée par la page, notamment par la lumière, plutôt que sur l’action en elle-même, pour faire passer une émotion au lecteur.
J’ai deux lectures différentes de ta planche: une terre-à-terre (un « sauvetage » classique), une autre plus poétique, avec les deux oiseaux qui s’envolent … laquelle est la bonne?
Les deux lectures sont bonnes. Elles ne s’excluent pas l’une et l’autre. Oui la mendiante se fait sauver par un inconnu. Il y à une sorte d’espoir dans cette histoire. Mais la nature de cet inconnu aux gants blancs reste floue. Je pense que l’évocation d’une sorte d’ange de la mort est assez évidente, mais elle ne restreint pas l’interprétation, cela dépend surtout de l’optimisme du lecteur. L’envol des deux oiseaux, induit une idée de libération, qui peut avoir plusieurs interprétations également. Et puis il y a aussi un peu de moi en tant qu’auteur dans ce personnage de mendiant et l’interprétation en devient encore différente. Je crois que c’est ça la poésie, faire naître plusieurs émotions et plusieurs sens dans la plus terre-à-terre des situations.
Es-tu un adepte du noir et blanc et du muet?
Effectivement je suis un adepte du noir et blanc (c’est la raison pour la quel j’ai participé pour la première fois à la revue 64 pages dans le numéro consacré à cette technique), mais sans m’y restreindre. Dans ma BD Unisphere la couleur fait des apparitions dans des pages en nuance de gris pour souligner le surnaturel et mon webtoon L’âge du feu est en couleur. Mais je me sens bien plus à l’aise dans le noir et blanc pour exprimer les idées qui me passent par la tête, qui la plupart du temps ne respire pas la joie de vivre. Je suis toujours en recherche de style et de méthode de travail. Cette dernière planche est en hachurage, très chargée voir brouillonne avec un rendu très différent de mes autres BD plus « peintes », mais c’est aussi un style qu’on retrouve plus aisément dans mes autres dessins.
Quant au muet, l’idée de cette planche m’est venue sans texte il était donc inutile d’en ajouter. En plus la contrainte me paraît essentielle pour mieux aborder l’écriture BD et la spécificité de ce médium : raconter par succession d’images. En réalisant cette planche je me suis rendu compte que le muet me plaisait beaucoup et je compte essayer de réduire la présence de l’écrit au maximum dans mes créations futures. Pour le moment, on peut donc dire que je suis un néophyte du muet.
Pour découvrir Tréfilis : https://mangadraft.com/bd/unisphere Instagram : trefilis7
Zélie Guiot et Benjamin Jottard nous ouvrent les portes des Magasins Waucquez, futurs Centre Belge de la BD
Interview Philippe Decloux
Comme c’est devenu une belle tradition, 64_page propose à deux auteur.e.s de créer sa couverture. Zélie GUIOT a créé la Une et et Benjamin JOTTARD a conçu la quatre.
Comment ont-elle/il vécu cette collaboration ?
64_page. Comment avez-vous envisagé cette collaboration inédite ? Comment avez-vous défini le sujet de vos couvertures et vos choix graphiques ?
Benjamin Jottard : Nous ne nous sommes jamais rencontrés. J’ai pris contact avec Zélie sur les réseaux sociaux et nous avons un peu discuté. Je lui ai proposé ma vision du projet : noir et blanc pour le cadre, et couleurs pour les personnages, symbolisant le passé et le présent. Nous sommes tombés d’accord immédiatement car elle avait, à peu de choses près, la même idée que moi. Elle s’est proposée pour faire la première de couverture, ce qui m’arrangeait bien car, sans l’espace réservé au titre, cela me laissait plus de place pour aller dans les détails.
Zélie Guiot.De mon côté, quand on nous a annoncé cette collaboration, je suis directement allée feuilleter le 64_page « Polar » pour (re)découvrir le travail de Benjamin. J’ai adoré son style et son ambiance, qui faisait d’ailleurs écho à la mienne. On a principalement communiqué via Instagram et nos petites idées sont vite apparues et se rejoignaient. On a directement accroché à l’idée de ce bâtiment mythique en noir et blanc, symbole d’une architecture ancienne mais artistique, en y intégrant des personnages de la bande dessinée, ici en couleur. L’idée était vraiment de montrer que le lieu se transformait et mettait autant à l’honneur l’architecture d’Horta que le 9eart.
Qu’est-ce que cette collaboration vous a apporté ? Est-ce que vous pourriez, ou non, envisager une collaboration plus longue sur un projet de BD commun, par exemple ?
Benjamin : Nous avons pu travailler sans nous mettre des bâtons dans les roues. Dans une collaboration un peu plus étroite, l’autre peut à tout moment venir mettre son grain de sel. Ici, hormis le fil conducteur, nous étions libres de nos choix, ce qui était plutôt agréable. Nous n’avions pas besoin de l’approbation de l’autre pour proposer notre dessin à 64_page.Pour ce qui est d’une collaboration sur un projet BD, ce n’est pas prévu. En tout cas, nous ne l’avons jamais envisagé.
Zélie : C’était la première fois que je collaborais sur un projet professionnel en binôme. Voire même de collaborer avec quelqu’un tout cours. Finalement, on a principalement laissé l’autre travailler de son côté. Peut-être qu’on aurait pu discuter un peu plus, mais je suis la première à oublier d’envoyer des messages ou à y répondre ! La communication ce n’est pas encore mon fort.Mais c’est justement une collaboration comme celle-ci qui nous pousse un peu dans nos retranchements et nous force à aller vers l’autre. Je serais partante pour une nouvelle expérience !
La suite de l'interview dans le 64_page #24 à paraitre le 26 janvier 2023
Découvrir Zélie GUIOT : Instagram Zoou_Ze
Découvrir Benjamin JOTTARD : benjaminjottard
Dans le cadre de notre rubrique Une planche UNE histoire
Saysavath Sayamountry – Femme tirant une flèche
Interview Philippe Decloux
Sayamountry« Femme tirant une flèche, un exercice de style, raconter une histoire sur une seule planche puisque je devais ajouter une chute à la dernière case, aussi ce n’était pas nécessaire d’ajouter du texte, car dans genre de format, je voulais aller à l’essentiel. »
C’est ce que tu nous dis de ta planche, qui est en effet un exercice réussi, précis et efficace comme un archer.
64_page : Peux-tu te présenter plus longuement qu’en 250 signes ? Qui es-tu ? Comment es-tu venu à la BD ? Quelles sont tes formations ou écoles ? Et tes ‘maîtres’ dans le milieu du 9ème art, quels dessinateurs t’inspirent, ou de l’art en général ?
Saysavath Sayamountry : j’ai quitté mon pays, le Laos , à la suite du conflit qui sévissait à l’époque dans le sud est asiatique, la politique à cette période, nous a permis de venir en France avec ma famille au début des années 80, j’ai grandi sous le double septennat de François Mitterrand , je me suis donc forgé la base de ma culture artistique à ce moment là, je pense que ceux qui ont vécu dans l’ancien bloc soviétique auront une perception différente du monde artistique surtout si leurs gouvernements filtrent l’accès à la culture.
Je n’ai pas un grand souvenir de mon parcours estudiantin car je me considère comme un autodidacte, je remercie toutefois mes profs de m’avoir fait découvrir des techniques que je ne connaissais pas, comme celui de tendre une feuille avec des rubans kraft sur les bords après les avoir préalablement bien humidifier , on peut alors appliqué une technique de peinture à l’eau, après séchage le papier se retend comme une peau de tambour. Mes influences sur le média “Bd” , je ne vais pas chercher bien loin, car ce sont les grands noms reconnus : Franquin, Moebius…
La construction de ta planche est d’une précision et d’une efficacité redoutable. Peux-tu nous expliquer ton processus de création ? Comment l’idée t’est venue, comment l’as-tu construite ? Il y a aussi des trouvailles graphiques – comme ta neuvième case qui montre la course de la flèche – par exemple. Mais il y en d’autres, le style qui nous projette à la fois dans un passé mythologique et dans un avenir d’incertitude ? Ta façon de créer nous intéresse ! Raconte !
“Femme tirant une flèche” nous renvois à un monde ancien, la mythologie en fait parti. Dns une histoire sur une seule planche , il s’agit pour moi de simplifier au maximum avec des éléments simples qui doivent parler à tous : le soleil , un désert, une femme , un arc et des flèches, pas plus. Intervient alors un travail cérébral, que faire avec tout cela ? d’autres peuvent concevoir l’histoire différemment, mais de par ma propre sensibilité : voilà le résultat dans la planche.
oui, il y a des trouvailles, je dirais plus des inspirations, j’ai utilisé des codes graphique, pour qu’a la fois ,le lecteur ai une bonne compréhension et une vision esthétique dans la composition d’une planche :cadrages , découpage, équilibrage ; une zone dense en haut d’une planche doit être équilibré en bas comme par exemple la trajectoire d’une flèche entouré d’un rectangle noir ( case 9).
Comment vois-tu ton avenir ? As-tu des projets dans la BD ? Dans d’autres domaines de création ?
je vais reprendre un proverbe latin : “Audaces fortuna juvat” , la fortune sourit aux audacieux.
Pour en savoir plus sur Saysavath Sayamountry : Instagram : say_saya_1
Élodie ADELLE – Jeanne
Interview Philippe Decloux
Élodie est une artiste éclectique, toujours partante pour créer et se renouveler dans 64_page et aussi ailleurs. Spécialiste cette technique, elle a réalisé la quatre de couverture de notre revue #23 Noir&Blanc et dans un autre domaine, la littérature jeunesse, elle a publié Le bonnet vert pour les tous jeunes lecteurs.
64_page : Tu nous présentes une histoire très simple, très poétique même nostalgique, mais qui touche très juste. En tout cas, moi, chaque fois que je vais au Centre Belge de la Bande Dessinée, je ressens, moi aussi, la présence diaphane des vendeuses des Magasins Waucquez. Explique-nous la genèse de cette idée ?
Élodie Adelle : Pour ma part, j’ai appris il y a seulement quelques mois que le musée de la BD était un grand magasin de tissus. J’ai immédiatement commencé à imaginer ce qu’il pouvait s’y passer. Je suis très nostalgique et je pense que cela se voit assez souvent dans mes séquences ou illustrations. J’aime bien l’idée de partir d’un souvenir, et le ramener à la vie grâce au dessin.
Comment travailles-tu tes scénarios ? Qu’est-ce qui te vient en premier, un désir de dessin, d’inventer un univers ou la construction d’un récit ? Ou les deux en même temps ?
J’imagine l’histoire comme un film. Au fil du temps, les personnages commencent à prendre place dans le récit. Mais pour cette séquence, tout a débuté avec le grand lampadaire qu’il y a dans le hall en bas. Il m’a beaucoup inspiré. J’avais envie de le mettre en valeur.
Raconte-nous l’aventure du Bonnet vert comment l’as-tu conçu ? Comment se sont passées tes relations avec ton éditeur ? As-tu un autre projet pour les petits en préparation ?
Cette histoire est née pendant le confinement. Auparavant, cela faisait déjà quelque temps que je voulais faire une histoire avec de la neige. J’ai pris contact avec la maison d’Editions Atramenta et les échanges se sont fait par mail. J’ai eu quelqu’un qui a su m’aider surtout dans la réalisation technique à créer un livre. C’est mon premier album et je suis contente d’avoir pu réaliser ce projet jusqu’au bout. Oui, j’ai un autre projet en cours. Je l’ai commencé il y a plusieurs années. Toujours pour les enfants, mais cette fois-ci, il s’agit d’un conte.
Tu dessines beaucoup d’autoportraits. Est-ce que tu aurais un projet de récit où tu intégrerais cette qualité particulière ?
Dessiner les portraits est ma première passion. J’aimerai bien un jour intégrer des portraits dans un projet, mais pour l’instant, je n’ai pas d’idée précise.
Pour suivre Élodie Adrelle : Instagram : elodieadelle
Raoul LEONESI – Volle petrol
Interview Gérald Hanotiaux
Aujourd’hui, nous rencontrons Raoul Leonesi, auteur dans notre numéro 24 de Volle Petrol, une histoire de six pages réalisées dans un noir et blanc tramé totalement maîtrisé. On y découvre que la bande dessinée a plus que durablement marqué les pierres du bâtiment de Victor Horta, qui abrite depuis 1989 le Centre belge de la bande dessinée (CBBD) et constitue le décor de la plupart des bandes de ce numéro.
Gérald Hanotiaux. Pourrais-tu te présenter brièvement pour nos lecteurs et lectrices, comme personne mais aussi comme dessinateur et auteur de bande dessinée… ?
Raoul Leonesi. Je m’appelle Raoul Leonesi, j’ai 29 ans et j’ai fini il y a bientôt deux ans mes études à l’école nationale supérieure des beaux arts de Paris, où je me suis formé aux côtés des artistes Eric Poitevin et Joann Sfar. Aujourd’hui, je vis entre Paris et Bruxelles. Se présenter comme auteur ou dessinateur, n’est pas franchement une mince affaire… Il y a quelques années, alors que Taiyô Matsumoto (l’auteur génial de Amer Béton, Ping Pong, Number 5…) était l’invité du festival d’Angoulême, celui-ci proposait lors d’une conférence une définition du métier d’auteur de bande-dessinée, que je trouve aujourd’hui encore très pertinente et à laquelle je n’ai pas manqué de m’identifier. Ainsi, il suggérait que l’auteur de bande-dessinée n’est jamais tout à fait qu’un dessinateur, ni tout à fait un écrivain, mais qu’il est véritablement le mélange singulier de ces deux professions. Si cette définition peut sembler évidente de prime abord, je la trouve très juste en cela qu’elle précise d’emblée le caractère « multiple » de ce métier, ainsi que l’alchimie complexe que requiert l’écriture d’un récit en séquence. De fait, je fais assez peu la distinction entre mon travail de dessin et mon travail d’écriture et de réflexion. Ces différentes pratiques s’inscrivent quotidiennement, et avec un même niveau d’intensité, dans ce que je considère être le métier d’auteur.
Tu nous as envoyé six très belles pages de science-fiction, une ode à la bande dessinée… Pourrais-tu la présenter pour allécher le lecteur?
J’ai très rapidement décidé d’opter pour un récit silencieux qui se prête assez bien, je crois, à l’exercice du format court. Il s’agissait aussi d’un type de récit auquel j’avais envie de me confronter depuis un moment, et des revues comme 64_page sont des lieux précieux – mais trop rare hélas – pour expérimenter. Dès lors, il convenait de réfléchir à comment proposer aux lecteurs et aux lectrices un récit qui allait mettre l’accent sur une forme de contemplation silencieuse. C’est comme ça que s’est présentée l’idée de donner à voir le voyage d’un personnage traversant un Bruxelles en ruine. Avec comme point de chute, bien sûr, le centre de la bande-dessinée, et au cœur de celui-ci – quelle surprise – une bande-dessinée et des lecteurs, toujours là ! Si l’idée a été naturellement nourrie par la thématique de ce numéro de 64_page, je dois dire que j’étais ravi de pouvoir écrire un récit qui intègre un espace comme le centre de la bande-dessinée. Car en bon romantique de la BD et de son histoire, souvent discrète, des lieux comme celui-ci agissent à mes yeux comme autant de temples où se cristallise joyeusement notre passion pour cet art. Je remarque par ailleurs que nous sommes plusieurs à avoir proposé des projets qui gravitent tous autour de la même idée, celle de l’exploration d’un centre de la bande-dessinée qui aurait survécu aux catastrophes et aux affres du temps. J’espère ne rien prophétiser, mais si un jour nos sociétés s’effondrent, combien seront nous à affluer sous les colonnades des anciens magasins Waucquez… ?
Pourrais-tu expliquer comment tu as procédé techniquement pour la réaliser ?
Après quelques griffonnages dans des carnets, histoire de trouver la dégaine des personnages et le tempo du découpage, la première étape, bien sûr, c’est le crayonné. Pour celui-ci, j’utilise systématiquement un Blackwing Matte pour le dessin, un crayon incroyable que je ne peux que recommander… Dans mon cas c’est une étape critique parce que j’ai la fâcheuse tendance à faire des crayonnés trop riches graphiquement, ce qui a pour effet de me faire perdre du temps et, surtout, d’étouffer l’étape de l’encrage, au risque d’en faire un genre de repassage qui tuerait tout le dynamisme et la vitalité du trait.
Ensuite, donc, on passe à l’encrage, que je réalise à l’encre de chine, une bien épaisse – on dirait un genre de pétrole liquide ! – à l’aide de plumes, une plume G pour le gros œuvre, Atome pour les détails, et une vieille plume anglaise qui n’a pas de nom et qui est bien raide pour le tracé à la règle des cases… C’est l’étape qui révèle le dessin et, à mon sens, est la plus excitante. D’ailleurs je ne me lasse jamais du bruit de la plume sur le papier. En l’occurrence, pour celui-ci j’essaie d’éviter les papiers trop fins et trop blancs ou trop traités. Il s’agit ici d’un multi-techniques 200g tout ce qu’il y a de plus basique. À titre personnel j’essaie, autant que faire se peut, de tout exécuter à la main en matière de dessin. Ce n’est pas tant un choix dogmatique, mais plus le résultat de l’ambition que j’avais, enfant, de devenir moi-même un auteur et de pouvoir faire l’expérience pratique des dessins et des univers qui me fascinaient tant à l’époque.
Enfin, la dernière étape est celle de la trame « mécanique ». Ça n’aurait tenu qu’à moi, j’aurai adoré faire cette étape à la main aussi, mais c’est devenu un procédé franchement laborieux, et trouver du papier à trame de qualité coûte affreusement cher. Cela aurait relevé plus d’un fétichisme désuet que d’un bon sens professionnel. Les planches ont donc été scannées et nettoyées. Une fois faite la balance des blancs et des noirs, j’ai appliqué les trames en calques photoshop. C’est quand même drastiquement plus simple comme ça. Puisqu’on parle trame, c’était pour ainsi dire une première pour moi. J’ai donc copieusement épluché certaines planches qui ont recours à ce procédé. En particulier Les yeux du chat de Mœbius et Jodorowsky.
Pour ce qui est des références, je sortais de la lecture du catalogue de l’exposition d’Angoulême de Shigeru Mizuki. Son travail m’a beaucoup inspiré. Le groupe de personnages de la dernière case de l’histoire est d’ailleurs une référence directe à la couverture du catalogue. La capacité qu’a l’auteur a donner à voir des personnages graphiquement « pauvres », mais soumis à des décors complexes et riches en détails, est aussi un élément qui a inspiré l’élaboration de ma bande-dessinée. Enfin, si je n’ai pas pour habitude de trop nourrir mon dessin de références photographiques, de peur ici aussi de ramollir l’énergie du dessin, je suis quand même allé chercher un peu de matériel pour que l’on reconnaisse le Centre de la bande-dessinée… Mais je ne sais pas vraiment jusqu’où c’est réussi, la porte d’entrée ne me convainc pas tout à fait !
Personnellement je me suis senti comme aspiré dans une ambiance très « Métal Hurlant »… Connais-tu ce journal, qui vient de renaître?
Tout à fait ! Métal Hurlant, entre autres, est l’un des marqueurs principaux qui ont accompagnés ma découverte de la bande-dessinée. Quand j’étais enfant, en vacances, tous les prétextes étaient bons pour éviter la baignade ou les sorties, afin de plutôt plonger – un peu trop jeune parfois ! – dans la collection « interdite », mais très mal gardée, de mon oncle. Métal Hurlant, À suivre, Fritz the cat, Les Métas-barons, Den, et tant d’autres revues, bande-dessinées, auteurs… J’étais complètement fou de ces univers incroyables, et je le suis d’ailleurs toujours, même si le vernis s’est un peu écaillé ici et là…
Pendant mes études d’art je pense qu’un enjeu majeur a été de réussir à me défaire de ces références, afin d’éviter une forme de fétichisation tout en parvenant à garder l’essence de ces œuvres qui m’ont donné l’envie du métier. Pour cela il a fallu apprendre à regarder ailleurs, notamment du côté de la bande-dessinée japonaise. L’étiquette de manga, bien pratique pour ranger des bouquins dans les librairies, crée une distance complètement virtuelle entre la bande-dessinée franco-belge – disons plutôt aujourd’hui européenne – et japonaise, car une fois les contraintes éditoriales mises à part, il y a énormément à importer et à apprendre de l’intelligence graphique de certains auteurs et autrices japonais !
Cela étant dit, je suis ravi de savoir que Métal renaît de ses cendres. La formule est un peu curieuse de prime abord (NDLR. En alternance un numéro avec des travaux inédits et contemporains et un numéro avec du matériel du Metal Hurlant des années 1970-80, cinq numéros parus), mais c’est un plaisir de découvrir de nouveaux talents, et le coup d’après de pouvoir se replonger dans le travail de la vieille garde ! C’est d’ailleurs grâce à eux que j’ai découvert récemment Nicollet, dont je ne connaissais pas du tout le boulot. Les revues sont des espaces nécessaires, en ce sens qu’elles nous offrent des lieux pour se rencontrer, écrire, expérimenter et jouer avec nos pratiques… Autant d’éléments difficiles, à une époque où le métier est précaire et nous impose parfois d’autres impératifs.
Bon et puis attend… On n’y est pas encore mais… Ce qui hier était tout bonnement impossible, devient aujourd’hui une perspective dans l’univers, un mirage auquel il faut tâcher de donner corps, un véritable objectif de shōnen bordel : avoir peut être un jour la chance d’être publié dans Métal !
On le comprend un peu avec les références à Metal Hurlant, mais plus généralement qui citerais tu parmi les auteurs influents pour toi, celles et ceux qui t’ont marqués ? Que ce soit, d’ailleurs, en bande dessinée ou dans une autre discipline…
Des auteurs comme Tanino Liberatore, Das Pastoras, ou encore Richard Corben, me fascinent par le rapport qu’ils peuvent entretenir avec la couleur. Chez des géants comme l’ont été Hugo Pratt, Jean Giraud, ou encore Osamu Tezuka, il y a – outre l’intelligence de leur dessin, leur vocabulaire, et leurs nombreuses et singulières qualités d’auteurs – une élégance du trait qui ne cesse de m’inspirer. C’est d’ailleurs une particularité graphique que je retrouve chez des auteurs de la nouvelle ligne claire comme Ted Benoit, Yves Chaland ou, dans un registre un peu différent, Jacques de Loustal. Cela étant dit, j’ai une appétence particulière en ce moment pour le travail de Katsuhiro Otomo. Dômu et Akira sont deux œuvres absolument incroyables et qui m’ont marqué très fortement. Otomo est probablement l’auteur qui m’inspire le plus aujourd’hui. Il est à mon sens l’un des seuls à avoir su conjuguer avec brio toutes les qualités graphiques et narratives que l’on peut attendre d’un grand auteur, en y ajoutant une dimension sociale et politique qui, tout en restant subtile et jamais moralisatrice, structure fortement son travail. Le caractère politique de la science-fiction est d’ailleurs quelque chose qui me passionne, et des auteurs qui en explorent les potentialités comme Philip K. Dick, Frank Herbert, Alain Damasio, ou plus récemment Michael Roch, sont ici aussi des sources d’inspiration. Pour finir, et sur une note un peu différente, il y a quelque chose dans le cinéma de Bertrand Blier qui me fascine. Je ne sais pas tout à fait ce dont il s’agit, le ton peut être, l’humour noir, l’écriture des personnages, les dialogues… Il y a dans son cinéma une espèce d’anticonformisme feutré que j’adore.
Tu parles de 64_page comme d’un espace trop rare pour expérimenter, tu pourrais en dire plus ? Pratiques-tu des styles différents, et quels « critères » t’orientent vers tel ou tel style?
Si le style est toujours sujet à évolution, j’ai à cet égard un dessin qui me satisfait et avec lequel je suis assez constant. De fait ce n’est, aujourd’hui, pas tant le style qui chez moi est sujet à expérimentation, mais plutôt la question des outils et des procédés que l’on intègre ou pas dans son vocabulaire graphique. Je griffonne beaucoup dans des carnets, histoire d’explorer de nouvelles idées, formes, ou effets. Selon les résultats, il y a des choses que je confirme et d’autres qui disparaissent. Mais la question de l’espace d’expérimentation se pose dès lors que l’on souhaite justement confirmer des recherches, ou bien explorer concrètement de nouvelles idées. Un projet de livre c’est déjà énormément de travail, et les enjeux pour de jeunes auteurs et autrices sont énormes. Cela fait du livre, en particulier le premier, un objet avec lequel il n’est pas toujours facile d’expérimenter. C’est là, à mon sens, que les revues entrent en jeu. En proposant aux auteurs et aux autrices des espaces pour des récits courts et avec moins d’enjeux personnels et de contraintes, les revues nous permettent d’aborder nos pratiques avec plus de libertés. J’aurais même tendance à croire qu’il devrait s’agir, comme ça a pu être le cas par le passé, d’une étape professionnelle en soi.
Être publié une première fois, discuter comme nous sommes en train de le faire, voir le travail des autres, etc, sont autant d’éléments qui permettent de mettre le pied à l’étrier, de gagner en confiance, et de nous sortir de l’idée du livre comme seule finalité. Par extension, il y a peut être aussi dans la revue une façon de remettre en perspective la relation – pour ne pas dire le rapport de force, parfois inégal – entre auteur et maison d’édition. En nous donnant les moyens de dessiner ailleurs et autrement que dans un espace conventionnel et commercial, le principe de revue rend aux auteurs de bande-dessinée la possibilité d’être dans une forme de jeu pur, tout en offrant l’opportunité d’inscrire son travail dans un principe collectif, un principe dont la bande-dessinée, qui est une pratique tout de même très solitaire, peut cruellement manquer. Peut être y a t-il d’autres espaces qui verront le jour, peut être y en a t-il déjà que je ne connais pas… Mais pour le moment les outils numériques et les réseaux sociaux, que l’on nous imposent souvent comme étant des éléments désormais constitutifs de nos pratiques, ne sont à mon sens pas de véritables alternatives au principe de revue.
Que dirais-tu du monde de la bande dessinée aujourd’hui, souvent présenté comme « saturé » de sorties ? Comment y faire sa place ?
Que dire… ? Si la saturation est flagrante, je crois qu’elle est le résultat d’un abandon total de discussion autour du statut du métier d’auteur de bande-dessinée. En l’occurrence, les rares à monter au front font des constats assez alarmants. Si on prend l’exemple du travail qui a été mené lors des états généraux de la bande-dessinée (francophone) en 2016, le résultat était sans appel en terme de précarisation du métier, de médiocrité de revenus, de difficulté à faire carrière, de faiblesse en terme de protection sociale… Maintenant, je dirais qu’il y a aussi une absence de discussion sur l’objet bande-dessinée en lui même. Si l’on peut se réjouir de la reconnaissance du statut de 9ème art attribué à la bande-dessinée, force est de constater que le milieu souffre d’une absence presque totale d’environnement critique. Dès lors, j’ai le sentiment qu’on ne fait jamais que constater les phénomènes dont est sujette la bande-dessinée, au lieu de les penser et de les combattre. C’est quelque chose qui évolue, lentement, mais qui évolue tout de même… Et c’est peut être dans l’invention d’un espace critique sain que l’on trouvera comment engager et résoudre les problématiques du métier. En ce qui me concerne, il faut juste baisser les yeux, bosser un max, sortir un premier livre et après… ma foi, on verra bien. J’imagine que la meilleure façon de se faire une place c’est en étant endurant, et en tâchant de bien s’entourer. Qu’il s’agisse d’amis qui partagent nos pratiques et nos galères, et dont le regard est précieux pour nourrir son travail, mais aussi de professionnels. J’ai eu la chance dans mon parcours de rencontrer des auteurs confirmés, et ce sont eux qui m’ont aussi énormément fait progresser. Tant au niveau du dessin, de l’écriture, mais aussi pour m’aider à comprendre le microcosme de la bande- dessinée et les attentes éditoriales.
Quels sont tes projets ? Sur quoi travailles-tu en ce moment ?
En ce moment, je travaille d’arrache-pied sur un projet de bande-dessinée. J’ai écrit l’histoire et je suis actuellement en train de réaliser le story-board. Le dossier sera prêt courant janvier, après ça partira dans les boites mails des éditeurs ! Histoire de donner le ton : on suit, dans un futur proche et le temps d’une journée, le dernier ministre de France, dont la particularité est de ne jamais rien dire. Alors qu’il se retrouve à jouer le baby-sitter d’une petite fille, et que la capitale disparaît sous une tempête de neige sans précédent, la population renverse le gouvernement en place et promulgue une nouvelle Commune de Paris. Il s’agit d’un genre de road-trip urbain aux accents grand guignolesques, si je puis dire…
Un mot de la fin?
Merci pour cet entretien, il s’agissait d’un exercice nouveau pour moi, et je suis ravi d’avoir eu l’occasion de discuter autour de mon travail et de la bande-dessinée en général.
Merci Raoul !
Pour découvrir certains travaux de Raoul sur Instagram : @Raoul_Leonesi
François JADRAQUE – Une mise en abîme et ça rép’Art!
Interview Philippe Decloux
On ne va pas faire comme si… Il y a des mois que nous échangeons régulièrement des mails, sur la BD, le monde, la vie… On ne va pas faire, François Jadraque, comme si tu n’étais que 3 pages de BD et 250 signes de présentation.
64_page : Tu as proposé trois BD dans les trois derniers 64_pages. Trois BD courtes*, 10 planches en tout, qui fleurent bon le Paris des années 1960. Tes personnages ont des gueules de Robert Dalban ou de Francis Blanche, de toutes ces tronches immortalisées par le cinéma de Michel Audiard. Une de tes sources d’inspiration ?
Comme le sont aussi, j’imagine, les BD de Tardi, de Tillieux, de Goossens ?
François Jadraque : Hé oui ! Cette époque et les noms de ces personnages que tu évoques ne sont pas celle et ceux de ma génération mais pas loin non plus. Ce qui me fascine en eux c’est qu’ils étaient pour moi des personnages hauts-en-couleur presque toujours dans des fictions en noir et blanc. Et c’est ce contraste fort qui m’a toujours inspiré. En tout cas ce qui est certain pour moi, c’est que ces tronches ont baigné ma jeunesse sur les grands et petits écrans de mes nuits grises. Ces tronches à la gouaille bien salée, aux ambiances d’un autre temps et dans une truculence politiquement incorrecte très savoureuse. Un peu comme un bon plat qui se déguste. D’ailleurs, ces protagonistes là dégustaient aussi d’une certaine façon. Quand les pruneaux volaient bas, c’était ma madeleine que je m’envoyais avec délectation. Bref, une autre époque où les gens pouvaient s’allumer, se provoquer et se rentrer dedans, mais toujours avec la bonhommie placide du type qui vitriole…
Tardi, Tillieux et Goossens sont tout droit issus de la même lignée et d’une certaine façon les derniers mammouths d’une époque en voie de disparition.
Tes scénarios sont gouailleux, tes héros agités, voire speedés, énervés et énervants, et comme écrasés par le poids du monde, de leur vie, de leur quotidien absurde, invivable. Quelle est la proportion de François Jadraque dans tes personnages ? J’ai l’impression qu’ils sont comme une boule à facettes qui éparpille tes douceurs, tes peurs, tes désirs, tes colères, tes espoirs, ton énergie et tes amertumes ?
C’est une bonne question à laquelle il n’est pas facile de répondre. C’est un peu comme être en face d’une immense commode avec plein de tiroirs et qu’on te demande de tirer la poignée de celui qui contient la clé de toi-même alors qu’en vérité chaque tiroir en a une petite de toi. Pas pratique cette commode. Dali aurait certainement aimé représenter cette idée à la pointe de son pinceau ou de sa moustache malicieuse. Mais bien sûr qu’il y a un peu, beaucoup, passionnément, pas du tout et à la folie… Une bonne proportion de moi-même dans chacun des personnages de mes histoires même si ma part d’imagination se nourrit de beaucoup d’observation sur les différentes espèces de bipèdes qui m’environnent. Il s’agit aussi d’un regard à la fois porté et emporté comme celui d’un yo-yo fou qui va et vient dans une bascule trépidante au gré des circonstances. Le principal truc consistant à trouver les bonnes circonstances.
Ton trait est rapide, comme toujours pressé, et énergique et en parfaite osmose avec tes sujets, comme d’ailleurs ton utilisation des noirs et des blancs, des pleins et des déliés … Comment as-tu acquis cette maîtrise ?
Je suis très touché par tes compliments, Philippe. En fait, ce qui donne cette ligne énergique à mon trait, je crois que c’est parce que j’encre au pinceau. En effet, la technique de l’encrage du pinceau demande une sorte de « lâché-relâché » rythmé qui donne cette souplesse nerveuse au tracé car elle induit une certaine rapidité d’exécution. J’ai toujours été impressionné aussi par les prouesses et la maîtrise du pinceau que réussissaient notamment les Giraud, Mézières, Pratt, Franquin ou Uderzo… Je me suis entraîné aussi pas mal pour essayer de leur ressembler, en rêve…
Tu es aussi un inconditionnel de Brel – vos univers s’imbriquent, toutes ces petites gens ordinaires à la recherche d’un idéal, de « l’inaccessible étoile » qu’ils savent inaccessible mais ils ne baissent pas les bras, fort de leurs rêves et de l’amour, même impossible, ils aventurent leurs vies. Parle-nous de ton travail de peinture, de tes singes ?
Brel, ses textes, ses chansons, ses mélodies, m’ont toujours accompagné dans ma vie et dans tous les différents moments de celle-ci. Les bons et les moins bons. Brel, c’est mon compagnon de fortune. Écouter la puissance et la force évocatrice de sa voix, c’est comme la lumière qui jaillit. C’est comme la palette de la vie colorée de toutes ses nuances de noir et blanc et qui rencontrerait ses accords de guitare et sa voix. La question de la joie ou de la peine n’existe plus. On sait que l’on n’est pas seul mais multiples face à l’incompréhension de l’existence. J’en rajoute un peu, mais pas tant que ça. Quant aux gorilles j’ai une tendre et lointaine affection pour eux. Un mélange encore de restes de l’enfance entre Tarzan, la Planète des singes et du Gorille a bonne mine … Ce fort contraste, encore, que dégage un gorille entre sa masse imposante et sa grande fragilité m’inspire. Quand je regarde la profondeur triste de son regard, j’ai envie d’essayer de capter, de traduire ou d’imaginer ce qu’il n’arrive pas à nous dire mais qu’il essaye de nous faire comprendre. C’est cet intervalle d’espoir que j’aimerais réussir à traduire et à inventer aussi par la peinture, par le dessin, par l’imaginaire…
Pouvons-nous espérer un premier album ? Quand est-ce que ton univers cruel et drôle, désespérant et décapant déchirera les bacs ensommeillés des libraires BD ?
Alors là, je suis incapable de te le dire. Je ne voudrais pas chanter comme la bonne du curé que « j’voudrai bien, mais que j’peux point… » car ce n’est pas le cas non plus. Mais la seule chose dont je suis certain, c’est que même si ça dépend de moi d’un certain point de vue, ça ne dépend pas de moi non plus d’un certain autre point de vue. Tout ceci pour avancer un peu plus sur le sujet et répondre le plus précisément possible à ta question qui me fait grandement plaisir et me flatte dans ta façon de la poser.
François Jadraque : Instagram jadraque9
Quentin HEROGUER – Bruxelles 2189
Interview Philippe Decloux
Tu es un auteur prolifique et tous terrains, tu nous as déjà proposé des BD, des cartoons, des gags en une planche, … On peut suivre, sur ton Instagram, tes histoires en 6 cases et tes aquarelles de lieux publics. Tu as d’ailleurs illustrés plusieurs beaux livres. Cette fois tu nous propose une histoire en deux pages, une dystrophie.
64_page : Bruxelles 2189, est quasi une synthèse de toutes tes facettes graphiques, tu mets en scène un jeune garçon dans un avenir lointain qui se déroule dans un bâtiment classé les Magasins Waucquez conçus par Victor Horta, une fois de plus à l’abandon après que le Centre Belge de la BD l’ait quitté. Mais qu’est devenue la BD en 2189 ? Question importante pour un créateur de BD passionné de patrimoine, comment t’est venue cette belle idée ?
Quentin Heroguer : J’avais envie de faire le bâtiment à l’état d’abandon. On a très peu de documents photo sur la période où il a été abandonné entre les Magasins Waucquez et le musée de la BD, donc je me suis bien amusé à l’imagier ainsi. Et je me suis dit que le futur est un point de vue intéressant. Donc c’est le mélange de ces deux idées. Au début, je voulais juste faire déambuler mon personnage, sans but, dans ce bâtiment vide et en ruine. Puis j’ai eu l’idée de la chute, et c’est devenu une évidence !
A mon avis, la BD existera toujours dans 267 ans, peut-être dans des formes différentes.
Mais je mets justement cette question en avant dans mon récit : est-ce que le 9eme art résistera dans le temps vu l’état de la planète en ce moment ?
Et par ailleurs, je travaille comme guide au CBBD, donc je connais très bien les lieux !
Au fait, comment te glisses-tu dans toutes ces techniques très différentes ? Il y a-t-il plusieurs Quentin ou est-ce ta palette graphique qui est multiple ?
J’ai toujours adoré tester plein de techniques différentes, chaque médium s’adapte à l’univers de ce qu’on veut raconter. Depuis 1 an et demi, je dessine aussi sur l’Ipad avec Procreat, donc il y a plein de style à encore explorer sur cet outil !
Comment travailles-tu tes aquarelles de bâtiments ou de lieu. Les petits films en accéléré, que tu publies nous montrent une facilité déconcertante… Mais nous savons tous que c’est le travail qui permet cette facilité apparente, comment prépares-tu tes aquarelles ? Es-tu un bourreau de travail ou un surdoué ?
Je fais de l’aquarelle depuis 13 ans et je redessine le monde qui m’entoure depuis mon plus jeune âge, donc les dessins que je poste sur Instagram n’est que le fruit de ce long apprentissage !
Quand je voyage et que je repère un beau paysage, je me pose dans la rue et dessine directement. Capter l’instant, l’ambiance, la lumière, l’architecture, les couleurs, la chaleur, l’angle de vue… C’est mon défi à chaque nouveau dessin. Et ce n’est pas toujours facile.
Mais c’est sûr qu’être très productif permet d’évoluer. Tout ceci est motivé par la passion.
Et passion rime avec patience.
Quels sont tes projets à court, à moyen et à long termes ? Peux-tu nous en parler ?
Je publie mes courtes histoires humoristiques sur Instagram, le but, c’est de les sortir en album un jour chez un éditeur.
Et pareil pour mes aquarelles de voyage : un jour, il y aura un livre. J’espère…
Découvrir Quentin Heroguer : Instagram : quentinheroguer
Marie-Pascale PEETERS – Ismaël et les pigeons
Nous continuons l’exploration des nouvelles venues dans nos pages par une rencontre avec Marie-Pascale Peeters. Dans notre numéro 24, elle signe six pages en noir et blanc, rehaussées d’un agréable bleu ciel. Ces six pages ont pour cadre, comme le veut ce numéro, le bâtiment dessiné par Victor Horta, qui abrite aujourd’hui le Centre belge de la bande dessinée (CBBD).
Gérald Hanotiaux. Pourrais-tu te présenter à nos lectrices et lecteurs ?
Marie-Pascale Peeters. Née en 1969, je passe mon enfance et adolescence en Belgique où j’étudie la gravure à l’Académie Royale des Beaux-Arts de Bruxelles, et le dessin à l’Académie de Saint-Gilles. Je vis actuellement dans le sud de la France et rêve de vivre de mon travail d’artiste. Aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours lu des bandes dessinées, nous étions quatre enfants et l’immense bibliothèque de la maison en regorgeait, ainsi que de comics. Il m’a fallu du temps pour passer de lectrice à autrice. Je suis venue à cet art parce qu’il a une manière bien à lui d’inventer, de raconter et d’explorer des territoires qui sont inaccessibles aux autres domaines de l’art.
Pour allécher les lecteurs et lectrices, pourrais-tu présenter l’histoire Ismaël et les pigeons, que tu proposes dans ce numéro 24 de 64_page ?
Au numéro 20 de la rue des Sables vit Ismaël, homme solitaire qui partage son temps entre la création de récits graphiques et ses pigeons. Dans les fabuleux bâtiments de l’architecte Victor Horta, un drame s’organise… Un artiste peu scrupuleux échafaude un plan diabolique pour s’approprier le travail d’une concurrente, et transforme ses pigeons en drones. Sur ceux-ci, plus tard, la caméra sera échangée contre une petite bombe…
Comment es-tu arrivée vers notre revue ?
Au mois de septembre, j’ai participé à la « rencontre éditeurs » organisée lors de la Fête de la BD, à la gare maritime de Tour et Taxi. Entre autres personnes, j’y ai rencontré Philippe Decloux, de 64_page, pour recevoir des conseils…
Que penses-tu de ce type d’espace de publication, qui permet de présenter ses premiers travaux ? Plus généralement, que dirais-tu des possibilités et difficultés aujourd’hui pour les jeunes autrices de se faire connaître ?
Ce type d’espace de publication peut être une opportunité pour se faire connaître et pour rencontrer d’autres auteurs ou acteurs de cette « industrie » qu’est le monde de la bande dessinée. C’est aussi la possibilité de concrétiser un projet, ce qui me semble important pour prendre confiance et continuer d’avancer, d’évoluer et de progresser.
Au départ, en découvrant tes pages, j’étais persuadé que tu avais visité le bâtiment du CBBD avec nous. En lançant l’idée de ce numéro, nous avions en effet organisé une visite collective et étions allés sur le toit ! Comment t’es venue l’idée de situer ton personnage sur le toit du bâtiment de Horta ?
Depuis longtemps maintenant, j’ai choisi de quitter les grandes villes pour une vie plus tranquille entre mer et montagne. Une vie plus confortable au quotidien, même si j’aime toujours passer quelques jours à Londres, Bruxelles ou Paris pour profiter de la culture. Ne vivant plus dans cet environnement, j’ai essayé de me projeter dans la ville et la présence de pigeons s’est imposée. Ensuite j’ai repensé au film de Jim Jarmusch, Ghost dog, la voie du Samouraï, et me suis inspirée de ce personnage colombophile évoluant en partie sur les toits. J’aime beaucoup l’architecture Art Nouveau de Victor Horta, j’aime la bande dessinée de Hergé et aussi le travail de Magritte. Voilà ce qu’étaient mes souvenirs de Bruxelles, que j’ai distillés dans mes pages.
Pourrais-tu décrire comment tu procèdes techniquement ? Pour cette histoire-ci plus précisément, mais aussi en général, dans ta manière d’aborder la pratique de la bande dessinée ?
Je travaille sur papier, et quand je découvre les autres planches présentes dans ce numéro, je me dis qu’il faudrait que je retravaille mes dessins digitalement, pour rehausser au moins les noirs. J’aurais besoin de me former aux techniques actuelles. Techniquement, je pense avoir besoin de m’améliorer…
Quels auteurs et autrices citerais-tu comme influences majeures ?
J’adore Cosey et aussi Leo, Gibrat ou Loisel. Et tant d’autres…
Pour terminer, quels sont tes projets en bande dessinée ? Sur quoi travailles-tu ou projettes-tu de travailler ?
Je travaille sur une bande dessinée en plusieurs tomes, avec pour héros un scientifique fourbe et fou, qui veut débarrasser la nature humaine de certaines tares.
Y a-t-il des éléments que tu voudrais livrer à nos lectrices et lecteurs, que nous n’aurions pas abordé plus haut ?
Je travaille également sur de la littérature jeunesse. Entre autres choses, j’invente et dessine des histoires destinées à initier les jeunes lecteurs à l’art, en particulier aux artistes qui sont passés dans le sud de la France, Chagall, Matisse et les fauves, le sculpteur Maillol et d’autres… Un livret pédagogique avec des activités termine chaque album.
Merci Marie-Pascale !
Instagram mariepascale_peeters
PAMANCHA – En te regardant…
Publiée dans le cadre de la rubrique UNE planche UNE histoire Interview Philippe Decloux
En regardant sur tes réseaux, j’ai été étonné par la diversité de tes inspirations, de tes approches. Notamment par tes dessins du vieux marché, le marché aux puces de la place du Jeu de balle, celui-là même où Tintin acheta la maquette de La Licorne. Un lien aussi subtil que puissant entre le père de la BD belgo-française et un étonnant créateur contemporain.
64_page : J’avais été scotché à ton Bill Keane dans vite ! (64_page #19, Western) et je le suis à nouveau par ton En te regardant (64_page #24 Horta, Magasins Waucquez, Centre Belge BD). La rencontre avec les deux univers très différents qui cohabitent en Pamancha est fascinante. Cela élargit ta palette et tes horizons ?
Pamancha : Je ne sais pas si je me pose tant que ça la question de ma palette. Quand je dessine librement, je préfère me laisser porter par des envies. Et comme je m’ennuie vite avec un style, j’en change d’autant plus vite. C’est en partie de là que viennent ces grands écarts de style (ou de ton dans les histoires, ce qui va avec), et c’est tant mieux si ça élargit mon champ des possibles.
Il y a aussi le simple fait que je m’attelle le plus possible à être curieux en art, et comme tu disais plus tôt, à diversifier les inspirations. Se confronter à des choses et des images très différentes les unes des autres, ça permet de toujours ajouter de nouvelles pistes à son arsenal. Le reste, ce sera un jeu d’associations d’idées. Je pense qu’être toujours curieux a son importance pour éviter de s’embourber dans une méthode machinale.
Qui est Pamancha ? D’où vient ce pseudo ?
C’est une drôle de question, « Qui est Pamancha? » On m’a beaucoup demandé d’où venait ce pseudonyme. Au risque de décevoir, il n’y a pas d’histoire particulière derrière. Je voulais simplement trouver un pseudo reconnaissable, qui ne soit pas connoté auteur sérieux ou auteur humoristique. Que ça ne suggère pas de personnalité claire, que ça pose un minimum question, ça me plaît. En résumé, Pamancha, c’est juste un nom qui me permet un certain espace de liberté, qui me permet d’être inattendu, voire contradictoire. Il ne faut pas y voir plus.
En te regardant est fascinant par l’angle que tu as choisi, le trois quart arrière – une sorte de « caméra sur l’épaule » qui suit, en gros plan, le personnage. Explique ce choix graphique ?
Comme je le dis dans la présentation de la planche dans le magazine, ça a d’abord été dessiné, puis écrit. De base, c’était un simple exercice d’attitudes, donc je cherchais à créer une image simple, dont les variations puissent être plus ou moins rapides à dessiner. Cet angle permettait de ne pas perdre de temps à dessiner le visage du personnage à chaque fois. Je pouvais plutôt utiliser les subtilités de son corps, ce qui m’intéressait plus.
Ce n’était pas prévu pour être narratif. En termes d’image, ça pourrait même plus se rapprocher d’une proto-animation. Cependant, c’est vrai que l’angle suggère quelque chose de plus sur le personnage, une distance pudique par rapport aux émotions décrites dans les attitudes, ou peut-être un autre personnage dont on adopterait le point de vue, qui chercherait, de loin, à capter le regard du premier. Je ne sais pas trop.
Revenons le temps d’une question à ses dessins sur le marché aux puces, quel est ton objectif ? As-tu un projet en préparation qui sous-tend ce travail d’observation ? Ou est-ce un exercice libre pour l’œil et la main ? C’est en tout cas, pour moi, une découverte d’un aspect de ton talent.
Les dessins auxquels tu fais allusion datent de 2017, et avaient été réalisés pour un projet de bande dessinée journalistique durant mes études. Ce projet avait été mené à son terme mais n’avait pas vu de débouché propre à l’époque, et depuis la période Covid, me semble ne plus être d’actualité.
J’ai fait ces dessins pour me familiariser avec le marché aux puces comme endroit, pour avoir des repères, me construire une image mentale. De mémoire, aucun d’eux n’a été utilisé dans le reportage final, je les avais donc postés sur ma page Facebook, pour en garder une trace. Aujourd’hui, je n’utilise plus cette page.
Ça fait longtemps, cependant, que je ne suis pas allé au marché aux puces. Peut-être que j’y retournerai dessiner un de ces jours, quand il fera moins froid.
Tu parles souvent d’un ‘grand projet’ sans préciser. Peux-tu nous dévoiler un peu ? Juste un petit peu ? Tu es un étudiant dans l’atelier de Philippe Cenci, parle nous de ce maître qui apporte beaucoup de nouveaux talents au 9ème art ?
Je dis souvent « UN grand projet » mais il y en a eu plus d’un avec le temps. J’ai travaillé sur plusieurs projets d’album qui ont suscité leur part d’intérêt chez certains éditeurs, mais qui n’ont finalement été retenus nulle part. Dans ces cas-là, je ne préfère pas rester accroché à un projet, donc je suis plusieurs fois reparti de zéro avec une nouvelle idée, un nouveau sujet, un ton différent…
Ces idées refusées referont peut-être leur apparition à l’avenir, mais pour l’instant je suis concentré sur le présent.
Ce qui est intéressant avec l’apport de Philippe Cenci, c’est qu’en plus de maîtriser les codes techniques du travail d’illustration ou de bande dessinée, il a l’expérience pratique du terrain, des contacts à donner, ou des pistes à explorer pour toujours au mieux faire aboutir l’un ou l’autre projet, et peut-être, justement, le faire publier. Ce qu’il anime n’est pas tant un cours en vase clos, il encourage toujours à penser à l’étape suivante, à comment faire sortir ce que l’on y produit de son atelier. En ceci, l’avoir derrière soi est très positif.
Émilie REINEKE – La fille du magasin
Interview Gérald Hanotiaux
Comme à notre habitude, nous partons à la rencontre des autrices et auteurs du numéro à paraître très prochainement, dont cette fois la plupart des histoires prennent leurs quartiers au Centre belge de la Bande dessinée (CBBD). Aujourd’hui, Émilie Reineke a répondu à nos questions, elle est l’autrice de l’histoire intitulée La fille du magasin, six pages en couleurs très lumineuses.
Gérald Hanotiaux. Pourrais-tu te présenter pour nos lecteurs et lectrices, de manière générale mais aussi plus particulièrement sur tes pratiques artistiques et tes bandes dessinées.
Émilie Reineke. J’ai 23 ans et je suis actuellement game designer à temps plein, je fais de la bande dessinée durant mon temps libre. Au départ, je comptais faire des études dans l’animation mais, au dernier moment, j’ai bifurqué vers le jeu vidéo. Je voulais travailler à des jeux narratifs et raconter des histoires, même si au final je réalise un travail beaucoup plus technique. J’ai eu quelques cours de dessin ici et là, mais mon parcours n’est pas du tout académique. Le dessin et la bande dessinée sont venus naturellement très tôt pour m’exprimer, développer des idées… J’aime dessiner des gens, j’aime montrer des expressions, suggérer une émotion. La vie intérieure des personnages m’intéresse beaucoup, et j’ai tendance à centrer mes histoires entièrement sur eux. Souvent je trouve qu’il n’y a pas vraiment besoin de dialogue… En terme de pratique artistique, je fait généralement des sketchs papier que je digitalise, mais la suite dépend surtout de ce que j’ai envie d’expérimenter. Ces temps-ci, je fais beaucoup de hachurage en noir et blanc, assez différent de ce que j’ai fait pour la revue.
Tu nous proposes une histoire en six pages, très colorées. Pourrais-tu présenter cette histoire à nos lecteurs et lectrices, pour les allécher ?
Mon histoire parle d’une rencontre entre deux personnes, un facteur et une vendeuse férue de bande dessinée. À la sortie de chaque nouveau Journal de Spirou, ils se croisent dans le magasin et deviennent peu à peu intimes. Puis un jour, le magasin ferme…
Puis-je te demander de nous parler de tes influences en bandes dessinées ? Quels auteurs et autrices placerais-tu dans ton Panthéon ? Lesquels ont été des jalons personnels dans ton intérêt pour la bande dessinée, mais aussi dans ta manière de dessiner ?
Le premier qui me vient comme une évidence, c’est Manu Larcenet. J’aime énormément les thèmes qu’il aborde dans Le combat ordinaire, dont je trouve la subtilité de l’écriture et le ton contemplatif vraiment parlants. Mais son livre le plus marquant selon moi, est Crevaisons (dessiné par Daniel Casanave, dans la série Une aventure rocambolesque de, ici le soldat inconnu…). Je ne l’ai lue qu’une fois mais je me souviens encore de l’ambiance sombrement onirique et du décalage poétique qui en ressortait. J’aimerais bien réussir à créer des histoires dans ce ton-là. Je peux également citer Lewis Trondheim dont j’aime beaucoup l’écriture, surtout dans la série Lapinot, mais aussi l’écriture de Mathieu Bablet dans Adrastée, et celle d’Arthur de Pins dans La marche du crabe. J’avoue que je m’attache souvent plus aux œuvres qu’à leur auteurs… En tout cas, ce sont surtout des inspirations pour l’ambiance et l’écriture. Ma manière de dessiner est assez erratique, j’ai tendance à me sentir inspirée par tous les styles que je trouve beaux… Et il y en a beaucoup !
Comment es-tu arrivée à proposer des travaux à 64_page, et que penses-tu de ce genre d’espace de publication ?
J’ai participé aux « rencontres éditeurs » du dernier BD Comic Strip Festival de Bruxelles et j’ai découvert 64_page à cette occasion. C’est une super initiative, c’est chouette de pouvoir participer au monde de la bande dessinée sans avoir besoin de percer d’abord… Et travailler sur des projets plus courts, sur un thème défini, est rafraîchissant. Ça m’a permis de réfléchir à de nouvelles idées, de tester de nouvelles techniques, et de voir plein de travaux différents.
Tu évoques l’opportunité d’avoir testé de nouvelles techniques, ce qui était justement l’intérêt des revues de prépublication dans le passé, pour les jeunes autrices. Que dirais-tu des possibilités/difficultés aujourd’hui de se faire connaître en bande dessinée ? Et ce d’autant plus dans un contexte souvent caractérisé de « surproduction ».
Il est normal, ou du moins prévisible, qu’il devienne de plus en plus compliqué de se faire connaître. Ce serait naturel, même s’il n’y avait pas de surproduction, puisque le nombre croissant de nouveaux auteurs restera toujours en compétition avec les auteurs déjà établis. Ce que je trouve dommage, c’est l’effet de cette saturation sur le milieu de l’édition. Souvent les standards sont devenus très hauts, ou alors l’accent est mis sur la potentielle rentabilité plutôt que sur la valeur artistique. À la limite, on a parfois l’impression qu’il faudrait avoir déjà percé ailleurs pour avoir de l’attention… Là où je trouve que les revues ont leur niche, c’est qu’elles permettent cet entre-deux où l’on peut avoir une petite audience sans déjà être un maître ou avoir trouvé son style.
Tu l’évoques brièvement dans ta présentation, tu sembles aimer varier les techniques… Quelle fut ta méthode pour cette histoire-ci ?
Cette fois-ci, je voulais essayer de jouer un maximum sur les ambiances colorées et le clair/sombre. J’ai gardé un ombrage assez simple, avec un « pinceau » qui a un petit effet feutre, et très peu de hachurage. Dans le magasin, les scènes sont très chaudes et saturées, comme pour évoquer un souvenir enjolivé, puis par la suite la colorimétrie redevient un peu plus neutre, proche de la réalité… Jusqu’au retour dans le CBBD qui retrouve un peu des tons chauds d’avant.
Quels sont les « ponts », selon toi, entre ton travail de game designer et la bande dessinée ? Les deux pratiques se nourrissent-elles mutuellement, selon toi ?
C’est une question intéressante, parce que ce sont deux pratiques qui ne sollicitent pas du tout les mêmes compétences. En game design, il est surtout question de réflexion et de résolution de problèmes – techniques mais aussi abstraits -, alors que ma façon d’aborder la bande dessinée découle plutôt d’une sorte d’instinct créatif. La bande dessinée me semble avoir plus d’influence sur le game design que l’inverse, notamment au niveau de la communication et de la transmission d’idées. Le dessin et le storyboard peuvent être des outils très utiles. Dans mon métier, la question la plus importante est « Comment je rends mon jeu fun ? » et, souvent, la réponse est difficile à expliquer à l’oral. En contrepartie, j’imagine que la réflexion du game design m’aide à trouver la structure et les mises en page les plus pertinentes pour raconter au mieux mes histoires.
As-tu aimé placer tes personnages dans ce somptueux bâtiment, survivant Art Nouveau dans un quartier bruxellois extrêmement meurtri ?
C’était un exercice difficile ! J’ai eu beaucoup de mal à dessiner le bâtiment, et si j’avais eu plus de temps j’aurais revu beaucoup de détails de l’intérieur. Mais globalement, j’ai apprécié. Je trouve son histoire passionnante. J’ai beaucoup aimé en apprendre plus sur le contexte de sa construction et m’imaginer les gens qui ont vécu autour, entre les femmes que ça a émancipé, les opportunités que ça a créé pour les habitants… Ça a dû être un bâtiment important dans beaucoup de vies. C’est chouette que l’histoire du lieu ne se soit pas arrêtée en 1965, et qu’il ait pu être réhabilité.
Pour terminer, quels sont très projets en bande dessinée ? Vers quoi voudrais-tu te diriger ?
J’ai un gros projet, sur lequel je retravaille petit à petit depuis quelques années, que j’aimerais bien pouvoir publier… Son histoire mêle aventure onirique et introspection, où deux jeunes cherchent à retrouver un ami dans un monde qui se délite progressivement. C’est mon projet le plus important pour le moment, même si j’aimerais pouvoir explorer d’autres histoires dans le même ton, un peu sombre et flottant. Sinon, j’ai commencé à dessiner des nouvelles que je poste sur mon site. La plupart se passent dans le même univers médiéval fantastique et seront surtout pour moi-même, mais j’aimerais bien participer à plus de revues à l’avenir… Alors, qui sait ?
Y a-t-il des éléments que tu voudrais ajouter, que nous n’aurions pas abordés ensemble dans cette interview ?
Pas spécialement, mais je tenais à saluer 64_page pour l’opportunité, et pour leur gentillesse lors des rencontres éditeurs. Merci encore !
Merci Émilie !
On peut voir le travail d’Émilie en suivant ces liens: https://sashazittel.wordpress.com/ et https://mobile.twitter.com/sashazittel
Enrique CROPPER – Rencontre avec Horta
interview Angela Verdejo
Angela Verdejo : Bonjour Enrique, avant de rédiger ces quelques questions je me suis intéressée à tes réseaux sociaux, Enrique.Cropper pour FB, Enrique Cropper pour Flickr, Enrique Cropper sur Insta, et surtout enriquecropper.wordpress.com où tu expliques ton projet en long et en large. J’ai été ravie donc d’apprendre que ta BD Rencontre avec Horta a surgi d’une véritable rencontre-découverte avec Horta, l’architecte, son œuvre et aussi avec le CBBD que tu sembles avoir parcouru de nombreuses fois.
1/ Pourrais-tu nous expliquer comment tu as découvert Horta bien avant ce projet BD ?
J’avais entendu parler de Victor Horta et de l’art nouveau pour la première fois pendant mes études à l’école Sainte-Marie à Bruxelles. Même si je connaissais déjà Horta et son travail, j’ignorais jusqu’à maintenant qu’il avait fait construire le bâtiment utilisé pour le musée de la Bande Dessinée. Je l’avais visité pendant ma jeunesse à de nombreuses reprises, mais je dois avouer qu’à cette époque-là, je n’avais des yeux que pour les planches exposées et les bande-dessinées.
2/Une fois n’est pas coutume, normalement on commence par les présentations, mais pourrais-tu présenter en deuxième lieu l’artiste Enrique Cropper ? Comment devient-il bédéiste et à quoi travaille-t-il actuellement ?
Je me suis intéressé aux bande-dessinées très jeune. Quand j’avais entre onze et douze ans, je faisais des petites histoires courtes, soit d’une page ou de plusieurs pages. Pendant mon adolescence, je commençais à faire des histoires plus longues et je faisais tout aux crayons de couleurs. Je travaille actuellement sur des projets de bande-dessinées sur les contes de fée et les histoires mythologiques, tel que ‘L’oie dorée’ et ‘L’histoire du roi Minos.’
3/Comment t’es venu cette idée de scénario, question sources et inspiration bien entendu et surtout comment l’as-tu construit ?
Ma source d’inspiration pour mon récit, est l’histoire courte dans ‘Cédric 10’, intitulée ‘Réveillon tendresse’, quand le grand-père de Cédric, passe son réveillon de Noël avec sa défunte femme Germaine. Il entre directement dans l’époque où ils étaient encore jeunes. Cette idée de jouer avec deux temps dans la même histoire m’a beaucoup amusé.
4/Dans ta BD Rencontre avec Horta, il est beaucoup question pour la protagoniste de faire revivre l’art nouveau au XXIe siècle, elle cherche sa voie, son inspiration dans l’art qui lui préexiste, est-ce que l’œuvre originale existe vraiment, et selon toi, quelles sont ses caractéristiques ?
Je n’y avais pas pensé à ça. Tout ce que je sais, c’est que j’avais voulu raconter l’histoire d’une fille qui souhaitait faire revivre le style d’Horta, tout en utilisant le même matériel dont se servait Horta pour faire construire ses édifices. Mais quand elle fait la rencontre d’Horta, il lui conseille de ne pas employer le même style que lui et de plutôt suivre ses propres idées. Cette rencontre avec Horta, a été d’une grande aide pour Stella, qui réalise que ce qui l’inspire vraiment chez Horta, c’est sa façon de fusionner la nature et l’environnement dans ses édifices. Elle comprend alors qu’elle peut développer ses propres idées concernant l’architecture et l’environnement. Cela dit, je pense que l’œuvre originale n’existe pas, mais que les artistes du passé donnent de l’inspiration aux artistes d’aujourd’hui pour développer leurs propres idées. Cela leur permet de créer de l’art nouveau avec le matériel et leurs croyances de leur époque.
5/Tu as choisi des codes couleurs pour faire passer certaines idées dans ta BD, tu peux nous en dire plus, sans spoiler bien entendu, sur ce choix ?
Je me suis inspiré de la technique des deux temps de Laudec et Cauvin, qui ont joué avec deux codes couleurs dans ‘Réveillon tendresse’. Pour montrer que leur histoire se déroule dans le passé, Laudec l’a colorié en noir et blanc, tandis que le présent est multicolore. Comme je voulais faire un hommage à Horta et à l’art nouveau, et que les photos au début du 20ème siècle étaient en sépia, j’ai choisi des couleurs proches du brun quand Horta entre en scène.
6 /Ce qui a attiré mon attention c’est aussi, partant de ce code couleurs, une confusion voulue de l’espace et du temps, par exemple quand Stella dit « chez moi » elle ne se réfère pas forcément au lieu, à l’espace, mais plutôt au temps, à son époque, cette confusion espace/temps me paraît particulièrement « judicieuse » dans le contexte de ce projet, est-ce le fruit du hasard calculé ou bien c’était prémédité ? Si je pose cette question c’est parce que j’ai été particulièrement étonnée par toute l’analyse qui entoure cette création. Pourrais-tu nous dire plus sur cette démarche autour du processus de création ? (Je fais référence aux documents sur WordPress)
Je ne sais pas si le moment où Stella dit ‘comment faire pour rentrer chez-moi’ est le fruit du hasard ou de la préméditation ! Je cherchais un moyen de mener l’histoire à sa fin. Ce qu’elle veut dire, c’est qu’elle veut rentrer à son époque. D’une certaine manière, j’avais en tête qu’elle savait dès de le début qu’elle n’était pas dans notre temps, qu’elle parlait avec un fantôme du passé. Elle ne l’a simplement pas encore exprimé.
enriquecropper.wordpress.com Facebook : enrique.cropper