© Patrice RÉGLAT-VIZZAVONA et Celia DUCAJU
22! Que fait 64_page ?
32 interviews des auteur.e.s de notre spécial POLAR !
Le 64_page POLAR sera disponible au Festival d’Angoulême 128 pages dont 99 de BD, 28 BD inédites et 6 cartoons, 36 auteur.e.s. Des auteur.e.s qui venu.e.s de partout qui ont le besoin ancré au coeur de leur vie de RACONTER DES HISTOIRES ! 64_page #22 POLAR est en prévente (www.64page.com/abonnements/) au prix de 12€50 (frais de port offerts si commandé avant l’ouverture du Festival d’Angoulême le 26 janvier 2022).
Découvrir !
32. Benjamin JOTTARD & Manuel VERMEULEN pour Les excellentes enquêtes d’Hercule Poivrot
Interview Gérald Hanotiaux
Nos lecteurs pourront trouver dans le numéro 22 de 64_page les Excellentes enquêtes d’Hercule Poivrot. Oui : avec un « V » au milieu, une seule lettre supplémentaire au nom du personnage d’Agatha Christie, mais lourde de sens pour provoquer le décalage… Nous partons aujourd’hui à la rencontre des deux auteurs de ces magnifiques planches en couleurs.
d’Hercule PoivrotGérald : Pourriez-vous vous présenter à nos lecteurs, en quelques mots ?
Manuel. Je m’appelle Manuel Vermeulen, j’ai 32 ans et ai commencé les cours de Bande dessinée-Illustration en septembre 2016 à l’Académie des Beaux-Arts de Bruxelles, en cours du soir. C’est là que nous nous sommes rencontré, Benjamin et moi, et que nous avons chacun eu le projet de réaliser une bande dessinée… Une amitié en est née, Benjamin m’ayant toujours soutenu dans mes projets de bande dessinée ainsi que dans la vie privée, c’est un honneur d’aujourd’hui voir nos noms paraître dans votre magazine.
Benjamin. Perfectionniste et par conséquent éternel insatisfait, j’adore dessiner depuis tout petit. À l’école, je passais souvent mon temps à griffonner pendant les leçons. Mais ce n’est qu’à mon arrivée à Bruxelles, il y a cinq ans, que je me suis inscrit au cours de bande dessinée. J’y ai donc notamment rencontré Manu. Nous nous sommes très vite entendus, et nous partagions tous deux le profond désir d’être un jour édités…
Gérald : Comment avez-vous procédé pour ces deux pages d’Hercule Poivrot, selon le rôle de chacun?
Manuel. Suite à la parution de l’histoire de Benjamin dans le 64_page numéro 19, le spécial western*, on s’est vu avec Ben et il m’a parlé de l’appel à projet pour le spécial polar… Il m’a proposé d’y participer ensemble, y voyant l’occasion de publier une première histoire courte. En y réfléchissant, j’ai eu cette idée qui a débouché sur ces pages d’Hercule Poivrot. En en parlant avec Benjamin, il a apprécié l’idée et se voyait bien collaborer avec moi pour sa réalisation. Après quelques échanges, un storyboard réalisé à deux et quelques réflexions sur la caractérisation des personnages, Ben s’est mis au boulot avec ses crayons et ses pinceaux… Il a donc réalisé ces deux magnifiques planches !
Benjamin. En effet, Manu est venu me voir avec cette idée que j’ai trouvée amusante. Nous avons ensuite mis nos idées en commun et élaboré ensemble un storyboard en deux planches, que j’ai dessinées.
Gérald : Ces planches sont très riches graphiquement, très belles au niveau des couleurs. Pourriez-vous décrire, techniquement, la manière de procéder?
Benjamin. D’abord, j’ai réalisé un crayonné au format A3, suivi d’une grossière mise en couleur à l’aquarelle traditionnelle pour les textures. La finalisation s’est faite par un travail digital, pour les nuances de couleurs, les ombres et la lumière.
Manuel. Je suis tout à fait d’accord sur la beauté des pages, et tout le mérite va à Benjamin, j’en suis moi-même impressionné chaque fois que je les lis…
Gérald : Ces planches me donnent envie de vous demander vos influences dans la bande dessinée. Quels sont les auteurs qui vous ont marqués ?
Benjamin. Si je devais me limiter à ceux qui incarnent ce que j’aime le plus dans la Bande Dessinée, je choisirais Juanjo Guarnido (Blacksad), Matthieu Bonhomme (Esteban, Lucky Luke) et Ralph Meyer (Undertaker).
Manuel. Personnellement, je ne suis pas un grand lecteur ou connaisseur de bandes dessinées, il s’agit plutôt d’un rêve d’enfant que j’essaie de réaliser. Mais comme déjà dit, tout le travail et le mérite au niveau du dessin et des couleurs reviennent à Benjamin !
Gérald : Vous vous êtes rencontrés dans une école d’art, que diriez-vous de l’enseignement en bande dessinée ? En école d’art en général ?
Manuel. Nous sous sommes en effet rencontré à l’académie des Beaux-Arts de Bruxelles, et je l’ai rejoint brièvement à l’académie de Watermael-Boisfort, aux cours de Bande dessinée-illustration… Il s’agit de deux approches différentes, mais toutes deux m’ont beaucoup appris. Cela a éveillé en moi l’envie de réaliser des histoires illustrées.
Benjamin. Je rejoins Manu pour dire que ce sont des approches plutôt différentes. Celle de Watermael-Boitsfort, avec Philippe Cenci, a une vocation professionnalisante.
Gérald : Que diriez-vous du monde de la bande dessinée aujourd’hui ?
Manuel. Dans une période où tout est digitalisé, cela fait du bien d’encore pouvoir lire des histoires sur papier !
Benjamin. Avec un outil de diffusion comme internet, on se rend vite compte de la quantité de dessinateurs qui ne demandent qu’à percer rien qu’en Belgique et en France. Pour se faire un nom, je pense que la compétition est rude.
Gérald : Quels rôles, selon vous, peut jouer une initiative telle que la revue 64_page ?
Manuel. Je pense que cela peut être l’occasion pour de jeunes dessinateurs d’être publiés et de se faire connaître, leur ouvrir la voie dans le monde de la bande dessinée.
Benjamin. Oui, le rôle premier est de donner l’occasion à ceux qui débutent de se faire remarquer parmi cette pléthore d’artistes de talent, que j’évoquais tout à l’heure… C’est vraiment une chance pour nous qu’il existe des magazines comme 64_page.
Gérald : Sur quel projet travaillez-vous aujourd’hui ? Ensemble, ou chacun séparément…
Manuel. Pour le moment, de mon côté, c’est un peu en pause. Cela dit, en voyant les planches d’Hercule Poivrot, des idées me viennent…
Benjamin. Pour le moment, mon seul projet est celui de devenir papa. Accessoirement, j’ai toujours un récit de samouraïs sur lequel je travaille périodiquement, dans l’attente de quelque chose de plus concret.
Merci Manuel et Benjamin !
* Règlements de compte à O.K. Cantal, quatre pages visibles sur le site, à l’onglet ‘Revue’, numéro 19, pp.16 à 19. www.64page.com
Vous pouvez voir le travail de Benjamin Jottard sur :
www.instagram.com/benjaminjottard/
31. Corentin MICHEL pour Le Seum
Interview Philippe Decloux
Architecte aux heures de bureau et illustrateur le reste du temps, je cherche à exprimer dans la bande dessinée une créativité qui me manque dans ma première activité. La bande dessinée est devenue pour moi une cour de récré où je peux alterner le crayon, l’écoline, la tablette graphique…
Instagram :corentin_mitchoul
Philippe : Tu as déjà proposé dans le 64_page #20, Attraction lunaire où tu posais un regard original sur la conquête de l’espace et les « ennemis » extraterrestres. Dans Le Seum, tu portes, à nouveau, un regard très singulier sur le sujet que tu abordes, les tueries de masse en milieu scolaire ? Mais pas que… Comment conçois-tu tes scénarios ?
Philippe : Tu as un style très ligne claire, tant au niveau du dessin que du récit, c’est un style très exigeant où « l’à-peu-près » n’y est pas admis. Parle-nous de ce choix que tu pratiques avec une évidente efficacité ?
Philippe : Dans Le Seum, tu abordes non seulement les tueries de masses, mais aussi le rôle des médias d’infos continues et celui des réseaux sociaux. En 4 pages très efficaces, tu prends position et ouvres des débats essentiels. Considères-tu la BD comme un lieu de prise de conscience ?
30. KIKA pour Donjons et Dinosaures
Interview Angela Verdejo
Kika (Caterina Scaramellini ), autrice de Donjons et Dragons, est née à Chiavenna, en Italie, où elle a fait de études de Langues et Littératures Etrangères et ensuite de BD. Vous pouvez aller sur son Instagram:kika_caterina.scaramelliniou surkikascaramellini.myportfolio.com pour voir son travail.
https://kikascaramellini.myportfolio.com
Instagram :kika_caterina.scaramellini
Angela : Qui es-tu, Kika ? Pourrais-tu nous le dire en une seule phrase ?
Kika : Je suis une conteuse d’histoires passionnée de dessin et de musique.
Angela : Pourrais-tu nous expliquer d’une part les techniques que tu as employées dans ces pages et d’autre part quelle est la place qu’elles tiennent dans l’ensemble de ton œuvre ?
Kika : J’ai employé un stylo à bille pour l’encrage (technique que je n’avais jamais utilisée pour des planches, mais j’aime bien expérimenter !), et un très simple coloriage numérique. J’ai employé cette technique parce que je veux simplifier ma façon de travailler, essayer de m’en tenir seulement au strict nécessaire. Je crois que la bd est avant tout narration et que le dessin doit être mis à sa disposition.
Angela : Comment as-tu procédé pour écrire ton scénario et le faire coller au mieux au dessin? (J’aimerais que tu nous parles entre autres sur les codes des couleurs)
Kika : Comme je procède toujours, je commence par penser aux personnages et à leur monde, pour établir le style de dessin qui colle au mieux à l’histoire que j’ai dans ma tête. Je pars d’une idée, dans ce cas je me suis inspirée de Donjons et Dragons, Cluedo, et les romans policiers anglais typiques (Conan Doyle et Agatha Christie). Et après ça, je commence à écrire mon scénario, qui est à moitié un scénario écrit et à moitié un storyboard. L’encrage terminé, je fais attention surtout aux codes des couleurs, qui sont complémentaires. Chaque planche du jeu a sa propre couleur dominante, jaune/orange pour les intérieurs et la fuite du coupable, et violet pour les extérieurs et l’arrestation. Au monde « réel », en revanche, j’ai voulu donner des couleurs plus réalistes, même s’il s’agit d’un monde de fantaisie.
Angela : Qu’est-ce qui t’a poussée à participer au spécial polar de 64_page ? Quel est ton rapport au genre policier ? À la langue française ? Comment as-tu découvert 64_page ?
Kika : Un ami scénariste m’a parlé de la revue 64pages et il m’a suggéré d’essayer. Le genre policier c’est mon préféré avec le genre fantastique, et donc je ne pouvais pas laisser passer cette occasion.
Mon rapport à la langue française commence très tôt, j’ai commencé à lire des bd en français (Astérix) dès l’âge de 7 ans, et j’ai commencé à l’apprendre comme ça. Puis je l’ai étudiée à l’université, parce que j’ai toujours été fascinée par la culture (surtout de l’image) francophone de la France et de la Belgique. J’aime bien passer mes vacances dans ces deux pays.
Angela : Quels sont tes projets à venir? Voudrais-tu ajouter quelque chose à cette petite interview?
Kika : Je suis en train d’étudier le storyboard pour l’animation parce que j’aimerais bien travailler aussi pour l’animation. Mais mon rêve a toujours été de devenir autrice de bd professionnelle, et de publier mes propres histoires. On verra dans les mois à venir !
Je voudrais seulement ajouter que je remercie beaucoup l’équipe de 64_Page pour cette opportunité, un grand merci surtout à Philippe et Angela !
29. Pascal MICHEL pour Poème graphique
Interview Philippe Decloux
Né en Suisse en 1986, vivant à Paris depuis quinze ans et à Bruxelles depuis peu, je suis auteur, illustrateur, musicien et comédien.
Instagram : pascal.illustrateur
Philippe : Peux-tu nous expliquer ton parcours dans la BD, et hors de la BD? Comment as-tu découvert 64_page et ce qui t’a décidé à participer à cette revue Polar
Pascal : Si l’art était comparable à un univers intersidéral, on pourrait dire que j’ai pris l’habitude – comme beaucoup d’artistes aujourd’hui – de passer,avec délice, d’une planète à l’autre. J’ai commencé par le dessin avec une vive envie de devenir auteur de BD. Etant d’origine suisse, j’ai obtenu un diplôme d’illustrateur aux Arts-Décoratifs de Genève et j’ai eu l’occasion de publier mes planches dans quelques magazineslocaux.
Et puis, à 20 ans j’ai filé à Paris pour suivre une formation de comédien. Aujourd’hui, je gagne ma vie en tant que comédien, illustrateur et musicien (je fais du blues et du rap) et je vis actuellement entre Bruxelles et Paris.
J’écris également des nouvelles, et j’ai récemment fini un premier roman : À Peu de Chose Près . Tous mes « voyages » artistiques se relient en un point : raconter des histoires.
J’ai découvert 64-page à l’occasion d’un concours de bande dessinée: le prix Raymond Leblanc.
J’ai trouvé la démarche de la revue audacieuse et j’y ai vue une plateforme qui laisse la place à l’expérimentation d’artistes émergents.
Philippe : Tu intitules ta BD poème graphique, et tu utilises un procédé cinématographique, le zoom arrière, en partant de l’infiniment petit pour nous faire découvrir une scène de crime. Sauf que paradoxe, les premières images nous montrent ce qui nous apparaît comme un paysage. Donc l’infiniment grand. Explique la genèse de cette idée astucieuse ?
Pascal : Je tiens d’abord à te remercier pour cette description claire qui me paraît déjà dire l’essentiel.
Il y a effectivement une envie de travaillerun parallèle avec le cinéma – au niveau de l’image et du découpage- mais également avec la littérature, au niveau de la narration. Et puis, je ressentais l’envie de confronter ce genreà une forme plus abstraite, plus poétique. Je suis, par ailleurs, fasciné par les liensque l’on peut faire entre l’humain, la nature, l’univers, tout comme par l’infiniment grand et l’infiniment petit qui peuvent à la fois se confondre mais qui sont soumis à des lois physiques ou métaphysiquesapparementcontraires. Avec ces deux planches,je triture et j’expose un peu ces fascinationset j’espère légèrement troubler les sens du lecteur en jouant avec les sens premiers de ce que l’on voit.
Je trouve également intéressant d’observer à quel point le dessin peut «adoucir» une image qui aurait été répugnante et tragique en photo. Le dessin adoucitla réalité de l’image sans pour autant la banaliser ; ainsi,toute la place est laisséeà l’imaginaire.
Philippe : Quels sont tes projets? Tes désirs ? Tes espoirs ? Dans le monde de la BD ou dans d’autres domaines ?
Pascal : J’aspire à pouvoir continuer de créer, continuer decirculer et de rebondir entre mes quelques planètes artistiques ; apprendre, développer, expérimenter et rendre tout ça toujours mouvant etvivant.
J’ai participé à la création d’une BD avec une amie scénariste et nous allons commencé les envois de dossiers aux éditeurs.
En parallèle, je continue à expérimenter dans le domaine de la BD avec mes «poèmes graphiques».
Je me suis également penché sur l’écriture d’un deuxième roman. Et j’ai l’intention de travailler àrapper mes textes sur un EP qui devrait voir le jour en 2022.
J’aimerais également développer l’aspect pédagogique de la transmission du dessin et de la narration auprès des jeunes.
Je tiens à remercier les créateurs de 64-page pour l’opportunité offerte, pour votre motivation et votre bienveillance.
28. Loris MERATI pour Aurore funeste
Interview Marianne Pierre
Bonjour, moi c’est Loris. Je suis actuellement en première année de master BD à l’Académie royale des Beaux-Arts de Liège. Avant j’étais à Saint-Luc, et encore avant je faisais de la 3D, mais j’aimais moins. Maintenant, je raconte des histoires en dessin et j’aime vraiment bien.
Facebook :loris.merati.5
Marianne : Peux-tu nous dire comment t’es venue l’idée de ce récit? On croirait un fait divers, triste mais bien réel.
Loris : Avec la limite de 4 planches j’ai dû abandonner mon idée de huis-clos. J’ai donc réfléchi à un meurtre allant à l’essentiel le plus rapidement possible. Quelqu’un tuant une personne âgée avec un coussin pour un héritage m’a paru le plus évident, mais avec une fille paraplégique l’acte est un peu moins froid, même s’il reste tout aussi horrible.
Marianne : Tu as une construction et des plans assez cinématographiques. Aimes-tu le polar au cinéma ? Quelles sont tes inspirations dans ce domaine?
Loris : À part de vieux souvenirs de Columbo et Arabesque en mangeant un poulet frites chez mes grands-parents je ne suis pas vraiment familier au genre, c’est la première fois que je traite le sujet. Il y a quelques années j’ai regardé plusieurs épisodes de The Twilight Zone, ce n’est pas toujours des enquêtes, mais l’ambiance pesante des cadrages est vraiment intéressante.
Marianne : Pourquoi ce choix de cette bichromie avec un jaune très présent?
Loris : C’est peut-être décevant comme réponse, mais je suis daltonien et juste placer un aplat de couleur, au lieu de devoir jouer avec plein d’autre paramètres est beaucoup plus simple pour moi. C’est plus pratique de n’avoir qu’à vérifier l’équilibre général de la page, plutôt que si la peau des personnages n’est pas verte toutes les deux cases, ou si un T-shirt bleu ne devient pas mauve.
Marianne : Pourrais-tu nous parler de ton parcours et de tes projets?
Loris : J’ai fait un bachelier en infographie 3D mais je me voyais mal travailler là-dedans. J’ai enchaîné sur un bachelier en BD, et là je suis en master, toujours en BD. À la base je voulais faire de la biologie, je suis un peu indécis dans la vie. En ce moment, il y a un concours sur le thème du voyage pour lequel j’aimerais dessiner une histoire sur le seichi junrei.
27. Aurélien FRANÇOIS pour Saint-Valentin
Interview Marianne Pierre
Je veux faire de la BD depuis mon enfance. Et aujourd’hui, après une dizaine d’années de formation artistique en France et en Belgique, j’explore différents récits et techniques qui s’harmonisent, pour raconter mes histoires.
https://faurelien93.wixsite.com/aurelien-francois
Instagram: fr.aurelien
Marianne : On te dit « Polar », tu réponds « Saint-Valentin ». Pourquoi? (comment t’es venue l’idée, donc)
Aurélien ; Et pourquoi pas ? ahah.
En fait, je ne sais pas trop dire. Je ne voulais pas créer un récit polar sérieux et je ne voulais non plus quelque chose auquel on pouvait s’attendre; l’histoire un peu classique où il y a le flic et le tueur.
Je ne pouvais pas ignorer les codes du polar non plus. J’ai donc préféré jouer avec et m’en servir pour raconter un récit de Saint-Valentin qui tourne mal à ma façon. Et puis le conflit dans un couple est souvent mis en avant dans ce genre d’histoire. La femme aurait tué son mari pour l’héritage, pour protéger quelqu’un ou parce que le mari à découvert que sa femme avait un amant.
Il y a aussi la date de parution de cette revue spéciale polar qui a joué. La parution est prévue pour fin janvier. La Saint-Valentin est proche de cette date-là. Je me suis dit « pourquoi pas m’en servir ». ahah
Je me suis donc aussi bien servi de mes envies de raconter une histoire humoristique, de la date de parution du 64page que des codes du Polar que beaucoup de personnes connaissent.
Marianne : Le noir et blanc est-il habituel chez toi ou est-ce pour les besoins du thème? Même question pour l’humour noir!
Aurélien : Les deux je dirais. Le noir et blanc est habituel dans mes récits. Non pas que je déteste la couleur mais les récits que j’écris se prêtent plus souvent au noir et blanc. Bien sûr, je compte toute les nuances de gris dans le terme « noir et blanc » car j’utilise aussi très souvent le lavis.
Et puis je trouve que ce noir et blanc très contrasté est parfait pour mon récit. De cette manière, on ne peut pas distinguer ce qui est du sang et ce qui ne l’est pas. Ce noir et blanc sert à désorienter le lecteur et l’amener sur un suspense jusqu’à la chute humoriste de mon récit.
Pour ce qui est de l’humour noir, c’est habituel et ça ne l’est pas. J’aime bien l’humour noir et un peu idiot. J’aime bien l’humour tout simplement en fait. Surtout pour de courts récits comme celui-ci. ahah.
Marianne : Puises-tu ton inspiration dans ton vécu personnel ou est-ce que cela reste complètement fictif?
Aurélien : Un peu des deux. Tout dépend du récit que l’on veut raconter. Cependant, dans un récit, même fictif, je pense qu’un auteur met toujours de son vécu ou de lui quelque part, qu’il en soit conscient ou non.
Marianne : Peux-tu décrire ton parcours dans la BD?
Aurélien : Ouh ! Mon parcours dans la BD est très court. ahah
Je sais depuis longtemps que je veux faire de la BD. Mais ce n’est qu’en arrivant en Belgique il y a 6-7 ans pour mes études à l’Erg en BD et il y 4 ans en rejoignant l’Académie de Boitsfort, que je commence vraiment à m’y mettre de manière professionnelle je pense.
Et ce n’est qu’à partir de mon master que je commence à « publier ». Pour mes deux ans de master, j’ai auto-publié deux BD de plus de 50 pages en 3 et 6 exemplaires dont l’une que je commence à retravailler pour finir l’histoire.
J’ai publié Night Club, un court récit de 3 pages dans le précédent 64page et dans le magazine !? n°11 de l’Académie de Boitsfort.
Aussi, je prépare en ce moment quelques fanzines et illustrations qui seront bientôt auto-publiés et en vente. Voir qui seront peut-être déjà publiés lors de la parution de ce numéro polar de 64page. Je l’espère en tout cas.
Marianne : Essais-tu de te faire publier? Si oui, comment?
Aurélien : Et bin comme je l’ai dit juste avant, je prépare, entre autres, des fanzines en ce moment. Mais je dois trouver les fonds nécessaires à leur impression en auto-publication avant tout comme j’ai encore peu de moyens financiers. ahah.
Pour ce qui est d’une publication avec une maison d’édition, j’y réfléchis. Mais je ne sais pas laquelle. Ça dépendra de mon récit et de quelle maison d’édition voudra me publier. Et je dois encore travailler mes projets, notamment Lucie(s), qui est ma BD de Master 2 que je retravaille. Il faudra donc que je monte un dossier à présenter en maison d’édition. Advienne que pourra.
26. Michel DI NUNZIO pour La bonne cause
Interview Philippe Decloux
J’ai 65 ans, marié, 2 enfants. Je suis un dinosaure, mais j’ai toujours dessiné et en filigrane voulu faire de la BD. Je travaille pour une asbl à vocation sociale et touristique où j’assure la plupart des illustrations didactiques et spécifiques, et bien d’autres projets.
micheldinunzio.eklablog.com/bd-a1487241
Philippe : Tu nous propose quatre belles planches en noir et blanc, c’est une technique graphique que tu maîtrises particulièrement. Qu’est-ce qui te plait dans cette technique?
Michel : Je voulais pour cette histoire retrouver les voix off désabusées et cyniques des films classiques. Et en même temps, (sur quelques cases) l’ambiance yakusa des films contemporain. J’avais en tête ici un film coréen Night in Paradise qui m’avait vraiment emballé. L’ambiance de nuit, le brouillard, l’éclairage nocturne et crépusculaire est pour moi indissociable du polar. C’était ici, une bonne façon d’y entrer.
Je constate que j’aime beaucoup écrire les monologues, (oserais-je dire que c’est mon premier polar… ? Voilà c’est dit) il permet de se projeter rapidement dans le personnage et de faire vivre son histoire de l’intérieur. Il y beaucoup de texte qu’il a fallu réduire hélas, car le personnage tout comme moi finalement est un grand bavard .
Au niveau graphique, c’est sur un autre registre que je me suis lancé.
C’est l’antithèse de ce que je fais la plupart du temps.
Ici c’est de l’aplat noir, très synthétique avec quelques touches de gris une quasi signature, avec le recul je suis assez surpris du résultat.
Philippe Cenci m’a été d’un grand secours car je n’avais pas le recul
pour porter l’estocade le plus dur, c’est de savoir s’arrêter pour éviter d’altérer l’aspect spontané du graphisme.
Certaines cases étaient ok aux premiers traits, d’autres ont été beaucoup plus laborieuses.
Philippe : Tu aimes la science-fiction, c’est la deuxième histoire de ce type que tu nous proposes, raconte-nous cet amour …
Philippe : Je voulais aussi que cela reste du domaine d’une fiction plausible.
Des implants pour avoir accès à son réseau web avec toute notre technologie, et la détourner, nous n’en sommes plus très loin.
J’aime, bien sûr agiter les futurs possibles et plausibles.
On nous promet un futur virtuel démentiel, via un réseau social très connu Ici j’ai juste mis le curseur assez proche.
Mais l’essentiel reste une histoire humaine avant tout ou, ici le protagoniste, bourré de remords et de regrets continue sa route et retrouve sa vocation première …
Philippe : Quels sont tes projets dans la BD? As-tu un futur album en préparation ?
Michel : J’ai toujours eu le virus de la bd. Depuis quelque temps, 2018, je me lance sur des histoires courtes à l’académie de Chatelet.
Les histoires courtes ont le mérite de tester les aventures graphiques et les univers. C’est un format de travail plaisant.
A l’instar des nouveaux jeunes talents de la bd , un album serait un joli rêve qui se concrétiserait.
J’ai toujours l’enthousiasme naïf et aveugle pour me porter vers les défis.
Une compilation de mes histoires, courtes serait déjà formidable.
Une suite de ma bd précédente FATA MORGANA (entre univers parallèle et réalité alternative) à paraitre dans … le 64 est en cours… Malgré parfois un graphisme old school , J’espère convaincre un (des) éditeur(s) pour tenter l’aventure.
Philippe : Question égotique, que penses-tu de 64_page ?
Michel : C’est une très belle revue de qualité, non pas parce que j’y serai mais elle fait un relais formidable avec un public ouvert à la bande dessinée, apporte une visibilité a de nouveaux illustrateurs et un contact avec des éditeurs potentiels.
Devenu rare, me semble-t-il, ce type d’édition permet de faire exister, à travers le support papier les auteurs.
Le besoin qu’un tel médium existe, est réel.
Si le virtuel fait partie de notre contexte, le passage par un support est vital pour s’améliorer.
25. Benedetta FREZZOTTI pour Attrape la fée
Interview Angela Verdejo
FREZZOTTIBenedetta Frizzotti, repérée et publiée à plusieurs reprises par 64_page, nous vient d´Italie. Elle est illustratrice, autrice et professeure. Depuis peu, elle est aussi commissaire de la série AKAbook, une série de littérature transmédia pour adolescents.
Vous pouvez en savoir davantage sur son travail en allant sur www.instagram.com/lostintranslationcomics
Angela : Tu es une autrice fidèle à 64_page, nous connaissons déjà bien ton travail, pour ceux qui ne te connaissent pas encore, pourrais-tu te « définir » en une phrase très courte et ensuite nous expliquer quelle est ton histoire avec 64_page ?
Benedetta : 64_page c’est comme Bruxelles : ma deuxième maison.
Je connais Philippe et 64_page depuis au moins 6 ans maintenant, publier avec vous est une fenêtre ouverte sur la BD hors d’Italie et un prétexte pour vous rendre visite a la fête de la BD du Bruxelles.
Angela : Benedetta, pourrais-tu te « définir » en une phrase très courte ?
Benedetta : Une phrase pour me décrire ? Je suis comme la mayonnaise : un mélange étrange qui a bien fonctionné… j’espère…
Angela : Tu pourrais aussi nous parler des techniques de narration et de création que tu as utilisées dans Attrape la fée … où la mayonnaise fonctionne très bien en effet.
La nouvelle BD que tu nous présentes, dans le cadre du spécial polar de 64_page, semble, encore une fois, être l’amorce d’une nouvelle création, pourrais-tu nous parler de ta stratégie de création ?
Benedetta : Oui, j’ai emprunté les personnages d’un projet plus long pour Attrape la fée. L’histoire originale est une BD sur la syndrome post-traumatique, située dans le monde des contes de fées : Hansel et Gretel ont grandi, se sont séparés, et chacun a pris son chemin. Hansel fait partie de la patrouille des gendarmes de la Mairie, l’un des meilleurs, avec son collègue Sam. Sam lui montre la dernière victime : c’est Gretel. Elle s’est pendue dans sa cellule, après son arrestation suite à l’accusation de meurtre à l’encontre de la maîtresse du bordel de la Pomme Empoisonnée.
Malheureusement, Davide Costa avec qui j’ai écrit l’histoire et moi cherchons toujours un éditeur pour cette histoire…
Ma méthode de travail n’est pas très méthodique… en général j’ai quelque chose dont j’ai envie de parler, comme le syndrome post-traumatique, et je commence à construire l’histoire autour de ça, quand j’ai toute la structure très très claire et un alignement de toutes les scènes, je commence à écrire, ou dans le cas d’une bande dessinée, je commence à préparer les mises en page. Puis, petit à petit, je finis tout. Quand je commence à écrire, j’ai l’air très rapide, mais seulement parce que j’ai peut-être passé un mois à peaufiner, à repenser l’histoire. Si j’accélère trop dans la première phase, ça ne correspond jamais à ce que je voulais.
Angela : Tu viens de sortir un tout nouveau livre, c’est le troisième, je crois, depuis que nous te connaissons, pourrais-tu nous expliquer dans quels univers tu travailles et comment tu conçois ton travail à venir ?
Benedetta : Oui, il s’agit d’un livre illustré, d’un roman et d’un guide pédagogique sur Scratch JR et la narration interactive.
Angela : Peux-tu nous en dire un peu plus sur Scratch JR et la narration interactive ?
Benedetta : Scratch Jr est la version de Scratch pour tablettes et téléphones portables, il est conçu pour les plus jeunes mais il est très pratique pour commencer à faire des histoires interactives.
La narration interactive est un langage à mi-chemin entre un livre, un film et un jeu vidéo, elle mélange différentes langues. Le plus grand changement dans le récit est que l’histoire se déroule non seulement à travers un récit linéaire, mais aussi à travers les actions du lecteur et ses interactions avec les objets et les personnages.
En ce moment je suis très contente car je suis aussi éditrice de la série qui héberge mon dernier livre, je suis très en phase avec Edizioni Piuma qui me permet de jouer et d’hybrider des livres avec les nouvelles technologies : S.O.N.O. (titre du nouveau livre, ndlr) comporte une partie de filtres Instagram où l’on publie l’histoire du livre et qui accompagnent les lecteurs dans leur vie de tous les jours… c’est un début… dans le prochain livre j’aimerais pousser cette partie un peu plus loin en incluant un peu plus de réalité virtuelle et un petit jeu d’hologrammes mais on verra si je peux…
Angela : Tu peux nous expliquer le titre de ton nouveau livre ?
Benedetta : S.O.N.O. est le nom du jeu vidéo autour duquel tourne toute l’histoire. C’est un acronyme (je ne vais pas spoiler, cela gâcherait la fin) mais en italien SONO c’est aussi la première personne du verbe être, car tout le livre se concentre sur la recherche du protagoniste pour construire sa vie et son identité dans un monde qui lui est encore un peu étranger.
Angela : Et que nous prépare-tu après ?
Benedetta : En attendant, je reviens avec Lost In Translation en mars…
24. Sara GRÉSELLE & Ludovic FLAMENT pour Enquête en interne
Interview Gérald Hanotiaux
Dans notre numéro 22, Ludovic Flament et Sara Gréselle, respectivement scénariste et dessinatrice, proposent une histoire en quatre pages en noir et blanc intitulée Enquête en interne. Ils la signent « Sara et Ludo », nous sommes allé à leur rencontre…
Gérald Hanotiaux : Pourriez-vous vous présenter en quelques mots ? De manière générale, en tant que personne, mais aussi au niveau du parcours dans le dessin…
Sara : À douze ans, j’avais pour hobby de recopier à l’huile des peintures du 17ème siècle. À dix-huit j’ai fait des études d’arts appliqués à Paris, où je devais imaginer du packaging pour des marques. Autant dire que c’était fort éloigné du dessin artistique ! Par contre, arrivée à Bruxelles, j’ai suivi des cours de théâtre du mouvement à LASSAAD (ndr. École de théâtre créée à Bruxelles par Lassaâd Saïdi) et, étonnament, cela me sert aujourd’hui beaucoup dans l’illustration : quand je dessine un personnage sur le papier, je commence toujours par le mimer à l’intérieur de moi-même. Je vois l’espace de la feuille comme une scène. Pour le reste, je suis autodidacte mais je participe parfois à des ateliers avec des créateurs que j’aime. J’ai commencé à illustrer pour Ludovic mais je suis également autrice de mes propres livres.
Ludovic : Quand j’avais cinq ans, je disais que je voulais aller à la « grande école » pour apprendre à écrire. J’avais le projet d’écrire une bande dessinée, c’était très clair dans ma tête. Plus tard, quand on avait pour devoir de rédiger un poème, j’en faisais trois. Mes institutrices m’encourageaient, alors j’ai continué. Mais c’est vraiment vers mes quinze ans que je m’y suis mis sérieusement : j’envoyais mes textes à des concours. En gagner certains m’a conforté dans l’idée que c’est ce à quoi je voulais consacrer ma vie. Aujourd’hui, si on me demande, je me définis plutôt comme un auteur d’albums jeunesse puisque c’est ce que je fais le plus (21 ont été publiés à ce jour) mais j’ai aussi écrit pour les adultes : du théâtre, de la poésie, un roman… Finalement, la chose que je n’ai toujours pas concrétisée, c’est ce projet de bande dessinée de mes cinq ans. M’y essayer pour 64_page est une première ! Et je suis heureux de le faire avec Sara, ma compagne dans la vie et de plus en plus dans la création.
Gérald : Comment vous est venue l’idée de participer à ce numéro spécial polar ? Est-ce un genre déjà familier ans votre travail ?
Sara : J’avais déjà participé à 64_page en 2020 et j’avais envie de me remettre à penser à une nouvelle histoire courte. Quand j’ai vu l’appel à projet du numéro spécial Polar j’ai sauté sur l’occasion, tout en me disant que ma culture dans ce genre-là se limitait à Agatha Christie, Gaston Leroux et Sherlock Holmes… J’ai proposé une collaboration à Ludovic. J’avais dans la tête que je ne me préoccuperais que du dessin et du plaisir de créer une atmosphère sombre.
Ludovic : Quand elle me l’a proposé ça m’a amusé parce que, précisément, c’est un genre qui n’est pas le mien. En gros, j’ai lu un Spillane, Pas de temps à perdre, juste parce que le compositeur John Zorn lui a rendu hommage dans un morceau, un Vilar, C’est toujours les autres qui meurent, pour ses références à Duchamp, une parodie de polar, Pulp, juste parce que c’était écrit par Bukowski et une autre de Brautigan, Un privé à Babylone, parce qu’à la base j’adore ses poèmes. Mon truc à moi, c’est plus la poésie et le détournement… C’est donc aussi sous cet angle que j’ai abordé le projet.
Gérald : Comment avez-vous procédé pour créer cette histoire en quatre pages intitulée Enquête en interne ?
Ludovic : J’ai d’abord réécouté John Zorn pour me remettre dans l’ambiance ! La musique m’influence beaucoup quand j’écris. Et puis j’ai revu The element of crime, un film de Lars Von Trier, encore un faux polar… Je me suis amusé des clichés que j’avais sur le genre et j’ai laissé émerger une sorte de monologue à partir de ça.
Sara : En fonction du texte, j’ai d’abord cherché des images qui pouvaient correspondre dans des photos anciennes, libre de droit, puis les ai transformées. D’autres compositions ont été créées de toute pièce avec Ludovic pour modèle. Pour l’image finale, je me suis inspirée du tableau très angoissant Le cauchemar, de Füssli, auquel j’ai intégré la sculpture Maman, de Louise Bourgeois, représentant une araignée géante.
Gérald : Ludovic, vous êtes donc un auteur confirmé avec des albums jeunesse, est-ce très différent de scénariser de la bande dessinée ?
Ludovic : Plusieurs fois, j’ai tenté d’écrire des bandes dessinées, sans jamais y parvenir. Le rythme de l’album jeunesse, avec son tourné de page régulier, son usage quasi permanent de l’ellipse, son ton souvent plus narratif que dialogué, me semble assez différent du séquençage de la bande dessinée. Aussi, l’album a quelque chose de plus littéraire : je veux dire qu’on peut s’en sortir avec des phrases bien tournées là où la bande dessinée, comme le cinéma, me semble nécessiter avant tout une solide structure. Et le dire n’est pas dénigrer l’album jeunesse, art qui reste celui de la concision, de loin mon préféré ! D’ailleurs, ce que j’ai fait ici n’est selon moi qu’un embryon de bande dessinée, la disposition en cases n’est là que pour faire illusion.
Gérald : Sara, le style graphique adopté est en noir et blanc, au crayon… Est-ce un style familier pour toi, ou l’as-tu adapté pour cette thématique ? Qui pourrais-tu citer parmi les artistes t’ayant influencé graphiquement ?
Sara : J’ai toujours aimé le noir et blanc. Il permet d’installer une étrangeté, une atmosphère en décalage avec le quotidien. Je lui trouve une certaine élégance, aussi. Le premier album jeunesse que j’ai illustré, Bastien, ours de la nuit, a entièrement été dessiné au crayon noir, un « Mars Lumograph Black 2B », pour être tout à fait précise… Mais dans le livre, deux couleurs apparaissent, ajoutées ensuite par ordinateur. Faire un livre jeunesse entièrement en noir et blanc est compliqué : la croyance en le fait que les enfants ne l’apprécieront pas est tenace, les éditeurs ont donc vite tendance à le bouder. Mais ici, avec Enquête en interne, j’avais moins à me soucier de la réception d’un public précis et de ces critères… Ce fut donc un plaisant terrain de jeu et d’expérimentation !
Concernant la technique, je me rappelle être tombée sur une interview de Jean-Claude Götting (ndr. Auteur d’une quinzaine d’albums depuis 1985, au style graphique reconnaissable entre mille) qui parlait de trames de gris qu’il faisait au rouleau encreur pour commencer ses peintures. Alors je me suis mise moi aussi à salir volontairement mon papier avant de dessiner. Lors de la réalisation des images, j’avais envie de créer une impression de malaise, dans un environnement hostile, dur et inquiétant, où la folie n’est jamais loin. Notre bande dessinée traite d’un personnage aux zones d’ombres, tentant d’élucider une situation qui échappe à sa raison, ce qui me semble bien coller avec l’usage du noir et blanc, un travail de contrastes fait d’ombres et de lumières.
Gérald : Quels sont vos éventuels projets actuels, individuellement et en commun?
Ludovic : J’ai un album avec Mathilde Brosset chez Pastel qui sort au printemps 2022 : La dame aux 40 chats. Et nous planchons actuellement avec Sara sur une toute nouvelle histoire humoristique qui devrait s’appeler Ismolène et Chipolata, la folle virée.
Sara : Quant à moi, je sortirai en 2022 mon premier album jeunesse en solo chez Versant-Sud : Les lundis de Camille ! Et un deuxième livre adulte en solo chez Esperluète est prévu pour 2023.
Merci Ludovic et Sara !
Pour découvrir la bibliographie de Ludovic Flament, rendez-vous sur Babelio :
www.babelio.com/auteur/Ludovic-Flamant/43559/bibliographie
Pour le travail de Sara Gréselle, rendez-vous sur Instagram ou sur Ultra-book
https://saragreselle.ultra-book.com/
23. Romain RIHOUX pour Le chant du glacier
Interview Philippe Decloux
Infographiste indépendant (graphiste et motion designer depuis dix ans), je me suis mis récemment à l’illustration, ainsi qu’à la bande dessinée, qui me passionne. J’explore donc de nouvelles techniques dans ces domaines.
https://www.romainrihoux.com
Philippe : Tu avais participé à notre revue #19 sur le thème du Western avec une BD tout en couleurs avec une technique proche de l’infographie, tu nous reviens pour ce numéro Polar avec un noir et blanc « dur ». Peux-tu nous expliquer tes choix graphiques ?
Romain : Je cherche encore ce qui me convient comme techniques et comme styles. Étant infographiste, je connais les logiciels, mais ce n’est pas pour autant évident de trouver ce qui convient comme style pour de la BD. J’ai un style plus défini pour de l’illustration, mais qui ne convient pas tout à fait pour ce que j’ai en tête quand je réfléchis à un projet BD. J’ai toujours bien aimé le noir et blanc (j’apprécie entre autre beaucoup Marc-Antoine Mathieu dans ce style). Le polar me semblait bien convenir pour faire un projet avec ce type de visuel.
Philippe : Comment construis-tu tes histoires? Tu as un humour bien à toi, une légèreté qui contraste, ici, avec ton dessin fait d’aplats noirs. Que tu anime par des traits, des notes musicales ? des symboles graphiques ?
Romain : Je pars d’une idée que j’essaie de disposer et de découper en cases, avec des schémas, des croquis ou des images existantes, juste pour imaginer ce que ça peut raconter. C’est très bricolé, mais ça me donne un aperçu, et me permet de me rendre compte que ce que j’avais en tête est très lacunaire… Comme ce sont des recits très courts, c’est souvent une idée simple et pas très aboutie, qui se construit ensuite et qui évolue en fonction de ce qui me semble fonctionner une fois que ça prend forme. Donc au final c’est en concrétisant d’une façon ou d’une autre ce que j’ai en tête que ça peut se construire. Ruminer de trop une idée ça fini vite par se détricoter chez moi.
Philippe : Qu’est-ce que tes participation à 64_page t’apportent dans ton travail, ton approche de la BD?
Romain : Tout d’abord, avoir quelques contraintes m’aide beaucoup à avancer sur des projets (un thème, un délai, …). Donc c’est une occasion d’avancer dans un projet.
Par ailleurs, 64_PAGE est très ouvert sur les variétés de style, de narration, … Les BD publiées vont dans des directions et dans des styles très variés et c’est chouette de voir tout ce que d’autres font, et de se positionner par rapport à des styles variés (plutôt que de se comparer à d’autres projets trop proches).
Donc c’est un bon cadre pour avancer !
Philippe : Quels sont tes projets à court et à plus long terme ?
Romain : J’aimerais arriver à avancer sur un projet plus ambitieux de BD, mais pour le moment, je ne trouve pas encore comment avancer. Je ne suis sans doute simplement pas assez expérimenté, ni à l’aise en dessin. Donc à court ou moyen terme, je voudrais continuer à développer des petits projets BD pour apprendre. Et peut être à long terme réussir à faire quelque chose de plus ambitieux.
J’aimerais également avancer sur des projets de livres pour enfant, qui sont un peu plus dans l’illustration et avec lesquels je me sens un peu plus à l’aise pour le moment.
Y a plus qu’a… 🙂
22. JUAN pour 2 Cartoons
Interview Philippe Decloux
Juan MENDEZ est un des auteurs remarqué par Cécile BERTRAND. La dessinatrice de presse liégeoise anime, avec 64_page, sa Cartoons Académie. Juan : « J’ai fait des études en arts plastiques à l’Institut Saint-Luc de Bruxelles et j’ai fait du dessin mon métier.
Je réalise essentiellement des dessins de commande, notamment des illustrations pour des magazines ou des revues.
Je fais également du dessin en « live », pour des conférences par exemple ».
Philippe : Explique le cheminement de tes idées? Es-tu un assidu de l’info? Quels sont les éléments déclencheurs de tes cartoons?
Comment construis-tu ton humour ? Et l’éventuel ‘message’ que tu veux communiquer à tes lecteurs?
Juan : Je considère l’art du cartoon comme une récréation. C’est sans doute pour cette raison que j’aurais beaucoup de mal à avoir l’obligation d’en pondre un par jour (même si je serais ravi d’être davantage sollicité par des rédactions pour en faire !).
(pour la Cartoon Académie Cécile Bertrand)
Je ne sais pas trop comment je conçois mes cartoons. Je me dis seulement que l’humour n’est pas toujours une obligation, qu’on peut faire un cartoon qui ne suscite pas forcément des rires mais qui peut aussi nourrir la réflexion des lecteurs et lectrices sur un sujet de société ou d’actu.
Je crois que ce qui m’amuse le plus dans la réalisation d’un cartoon, c’est l’occasion que cette discipline nous offre de prendre le contre-pied d’une situation. Je veux dire qu’un sujet a priori grave ou déprimant, qu’on aurait le réflexe de traiter avec une certaine amertume, peut être pris à rebrousse-poil et présenté sous un angle imprévu, surprenant. En fait, c’est la recherche du «twist créatif» qui me motive.
Philippe : As-tu déjà été amené à t’auto-censurer? Si oui pour quel motif? Penses-tu qu’un dessinateur de presse peut tout dire?
Si non, quelles sont, selon toi, les limites?
Juan : Oui. Je m’auto-censure parfois. La plupart des cartoons que je réalise finissent à la poubelle ou dans le fond d’un tiroir. La raison c’est que je manque un peu de confiance en moi, et que je me dis régulièrement : « Pas terrible, ce dessin. Pas certain qu’il soit réellement pertinent. Ce sujet mérite rait un meilleur cartoon, … »
Il s’agit donc plus d’une raison qui concerne un certain niveau d’exigence que je me fixe par rapport à mon propre travail…
Mais finalement, est-ce vraiment de l’auto-censure? Je ne sais pas, mais j’aimais bien l’idée de commencer ma réponse par «Oui. Je m’auto-censure parfois».
Je pense qu’on peut tout dire, qu’on peut traiter tous les sujets, tant que le dessin est drôle ou qu’il suscite une réflexion et qu’il est réalisé sans amertume ou colère.
Philippe : Quels sont tes projets à courts et à moyens termes? Sur quel(s) projet(s) travailles-tu pour le moment? Qu’est-ce que la Cartoons Académie t’apporte ?
Juan : La cartoons Académie m’offre l’occasion de diffuser des dessins, de les confronter au regard des lecteurs et lectrices du 64 Page. C’est aussi une invitation à en réaliser au moins un par semaine, et de consacrer du temps à l’exercie du cartoon. En gros, la Cartoons Académie, c’est un peu comme une salle de fitness, mais pour cartoonistes.
Mon projet à moyen terme est de finaliser la bande dessinée sur laquelle je bosse depuis plusieurs années et qui paraîtra dans le courant 2022 chez Bang Ediciones, une maison d’édition située à Barcelone. L’idée, c’est de livrer l’album dans les temps, et ça, ça va vraiment être chaud!
A long terme, c’est de persévérer dans la pratique du cartoon et qu’il prenne plus d’importance dans mon activité professionnelle. Ca m’amuserait aussi d’enseigner le dessin. Et aussi de développer mes projets en sculpture, mais ça, c’est une autre histoire…
21. LOU pour Fiançailles
Interview Gérald Hanotiaux
Dans le numéro 22 de 64_page, Louane nous propose Fiançailles, une bande dessinée constituée de quatre pages en noir et blanc. Nous sommes allé à la rencontre de la jeune autrice pour en connaître plus sur son parcours…
www.instagram.com/confrerie_du_porte_mine/
Gérald : Pourrais-tu te présenter en quelques lignes… ? De manière générale, en tant que personne, mais aussi au niveau du parcours dans le dessin.
Louane : Je m’appelle Louane, je suis au crépuscule de mes vingt ans et je dessine sérieusement depuis quelques années. Par « sérieusement » j’entends avec l’intention d’en faire mon métier. Je suis plutôt introvertie mais réaliser un bachelier artistique, et maintenant un Master à Liège, m’a permis de surmonter petit à petit cette timidité. Dans ce cadre, mes avancées sont surtout le résultat de bonnes rencontres : entre artistes introvertis, on se comprend !
Mes proches, à mon avis, me qualifieraient de « sérieuse », mais personnellement je pense que je mériterais le qualificatif si je pouvais au moins appliquer cette rigueur dans mon travail ! Or, disons que je suis plutôt du genre à attendre la dernière minute pour m’y mettre sérieusement, grâce à la pression de la deadline. Ce que j’aime dans l’art séquentiel c’est la façon dont on peut allier l’écriture et le dessin, mes deux média d’expressions de prédilection. J’aime par dessus tout créer des histoires auxquelles tout un chacun peut facilement s’identifier, en abordant des questions de sociétés, des drames familiaux, des tabous, etc. J’aime beaucoup les romans graphiques, dans lesquels l’ auteur ou l’autrice a pu prendre son temps pour découper l’action et le scénario, dans lesquels on peut bien suivre l’évolution du ou des personnages. J’aime bien les intrigues qui s’immiscent dans le comportement humain, explorent nos manières de vivre…
Gérald : Nos lecteurs vont découvrir ton travail pour la première fois. Comment présenterais-tu ton histoire en quatre pages Fiançailles, que tu proposes pour ce numéro spécial polar ?
Louane : Dans Fiançailles, dont le scénario est très classique, j’ai surtout voulu me faire plaisir en explorant des années que j’affectionne dans notre Histoire. Même si ce n’est pas explicitement dit, je situe le récit dans les années 20-30. Le monde de la danse et de l’Entertainment, me fascine beaucoup et les cabarets sont toujours une bonne source d’inspiration. Ensuite, j’ai interprété le thème polar à travers une enquête menée par un détective d’un genre peu commun à l’époque, pour ce métier, avec une petite histoire de vengeance. Je veux avant tout que le lecteur apprécie visuellement les pages et comprenne pourquoi le ou la protagoniste a agi de cette manière…
Gérald : Comment définirais-tu ton style graphique ? Qui seraient les dessinateurs les plus marquants parmi tes influences ?
Louane : Je suis encore dans une période où j’expérimente beaucoup, notamment sur la nature du médium. Je suis souvent partagée entre le besoin d’être rapide et efficace et l’envie d’être le plus proche de la réalité. J’aime particulièrement « encrer » mes planches au graphite et mettre en couleur à l’encre ou à l’aquarelle. J’aime beaucoup les artistes qui travaillent en « ligne claire », ou qui ont un style d’encrage épuré, surtout dans les romans graphiques dont je tire beaucoup d’inspiration. Grâce à l’accès à internet, tellement facile de nos jours, je puise énormément dans la base de données d’Instagram ou encore de Pinterest, dans lesquelles on peut trouver sans cesse de petits artistes moins connus. Des perles rares en quelque sorte. En termes d’artistes j’aime Barbucci, Guarnido, Homs, Bastien Vivès, Cyril Pedrosa, Cy, Alix Garin et Tillie Walden, un de mes coups de cœur depuis quelques années, pour n’en citer qu’une infime poignée.
Gérald : Comment t’es venue l’envie de proposer cette histoire à 64_page ?
Louane : Avec des amis proches nous avons fondé un collectif qui répond au doux nom de « Confrérie du porte-mine » (nous sommes sur Instagram !), ce qui nous permet d’avoir accès à un large panel d’informations, petits tuyaux etc. Via une amie, j’ai appris l’existence de 64_page, qui donne sa chance à de jeunes artistes tels que moi, et le chouette projet du numéro polar. J’ai donc sauté sur l’occasion de me rapprocher un peu plus du monde professionnel.
Gérald : Que dirais-tu de l’importance de voir son travail pré-publié dans une revue ?
Louane : :Pour faire écho à ce que j’ai précédemment abordé, il est très important, en tant que jeune et/ou débutant dans le monde du travail et plus particulièrement dans celui de la bande dessinée, d’être présent, de se faire connaître, montrer son travail… Cela passe par des conventions, des fanzines, des concours, ou bien comme ici être présent dans une revue qui permet de toucher un large public. Je pense qu’il ne faut pas lésiner sur les moyens et saisir un maximum d’opportunités pour promouvoir son travail, il ne faut pas attendre que le boulot vienne à nous.
Gérald : Pour rebondir, je reprendrais les propos du scénariste Zidrou, qui disait ceci dans notre numéro 21 : « Je vais y aller d’un lieu commun : nous manquons tous de supports papier, la remarque est donc bien entendu valable pour les jeunes. C’est très évident. Voir ses planches sur ordinateur, ou photocopiées, n’a rien à voir avec le fait de les voir imprimées. Toute personne dans ce métier a ressenti l’émotion de la première publication. » Qu’en penses-tu ? Par ailleurs, tu parles de fanzines, j’imagine donc que tu as participé à ce genre de publications… Pourrais-tu dès lors décrire cette « émotion de la première publication » dont nous parle Zidrou ? Et ses effets éventuels sur la suite de ton travail ?
Louane : Je pense parler au nom de tous mes camarades en disant que l’on partage ou avons partagé à un moment ce grand désir et cette satisfaction de voir notre travail sous forme physique. Zidrou, j’imagine, parle d’impressions professionnelles à destination d’un vrai lectorat, mais je pense – même si c’était à moindre échelle – qu’imprimer nos planches pour la première fois dans le cadre d’un cours ou d’un jury nous a tous marqués, en effet. C’est une sacrée concrétisation, même au niveau étudiant, dans un cours… Malgré tout, on sait qu’il faut garder les pieds sur terre et que dans le pire des cas, cela ne pourrait peut-être jamais nous arriver professionnellement. Cependant, il s’agit tout de même d’une des premières réalisations concrètes, lorsqu’on met les pieds dans le monde de la bande-dessinée.
Cela dit, si je devais décrire le sentiment je parlerais avant tout de satisfaction. C’est un mélange de soulagement et de contentement que de tenir un travail entre ses mains. Mais malheureusement, ça ne dure pas très longtemps. En tant qu’artistes on se doit d’être critique et nous sommes nos pires ennemis en la matière. Personnellement, la durée pendant laquelle j’aime mon travail varie d’une semaine à quelques mois. Plus que la satisfaction d’avoir imprimé des travaux, on recherche surtout la satisfaction des travaux en eux-mêmes. Ce qui nous pousse à produire plus… Ou pas. La peur de ne pas en être fier peut pousser à ne pas faire, tout court… Dans mon cas, ça fonctionne un peu comme ça.
Gérald : Une question liée à l’actualité difficile, depuis presque deux ans. On sait que le travail de dessinatrice est solitaire, on est seule face à sa page. L’actualité a imposé des périodes de confinements ou de limitations des activités extérieures. Personnellement, cela a-t-il eu un effet sur ton travail ? Si oui, comment ? Était-ce quelque part plus facile pour toi de rester seule sur tes pages, avec des tentations extérieures limitées (et en imaginant tout le monde réduit à la solitude de la dessinatrice) ou bien comme certaines artistes cela t’a-t-il bloquée dans ton inspiration ?
Louane : Comme beaucoup d’introvertis, j’ai mis du temps à ressentir les effets des confinements, car cela ressemblait déjà beaucoup à la vie que je menais. C’est assez comique, quand on y pense… Personnellement, cela m’a apporté une certaine liberté de savoir que puisque tout le monde en était réduit à rester chez lui, je n’avais en quelque sorte plus d’exigences en regard de l’extérieur. Je pouvais gérer mon emploi du temps comme je le voulais, dessiner selon mes horaires et mes envies, presque comme ce sera dans mon futur métier en somme… Pour moi, c’est sortir qui me prend beaucoup d’énergie, au début de cette période j’ai donc pu recharger mes batteries. Mais comme tout le monde, après un moment cela commençait à peser car, hormis dans l’espace réduit de ma maison, je ne pouvais rien contrôler d’autre. Pour ce qui est de mon inspiration à ce moment-là, je n’ai pas de souvenirs particulièrement négatifs, ayant connu des périodes hors-covid plus difficiles au niveau de mes travaux. Il y avait peut-être juste le fait d’être chez moi, qui me poussait à travailler avec moins de rigueur que je ne l’aurais fait dans un environnement scolaire.
Gérald : Question classique pour terminer, quels sont tes projets actuels en bande dessinée, à court terme sur lesquels tu serais occupée à travailler et, à plus long terme, ce vers quoi tu voudrais aller dans cet art ?
Louane : Étant à l’école, mes projets en cours sont des projets purement scolaires, quelques planches sur un thème donné. Cela dit, j’ai une plus grande liberté de mouvement dans mon master actuel qui peut me permettre d’envisager de plus longues histoires étalées sur plusieurs mois voire un an. À la fin de l’année dernière j’ai commencé à développer l’envie de créer un roman graphique (qui serait condensé pour rester à la hauteur de mes moyens) et j’aimerais pouvoir mettre ce projet en branle lors de mon master et, espérons-le, dans ma carrière future.
Merci Louane !
20. Mario LANCINI pour des détournements d’affiches
Interview Philippe Decloux
Mes études secondaires artistiques et mes enseignant·e·s passionné·e·s m’ont montré qu’il y avait mille façons de raconter une histoire. Avec le temps, j’ai mis tout ça de côté. Un jour, on me parle d’une académie, d’un cours sympa, d’un chouette prof. J’écoute mes amis, et là, tout redémarre.
Instagram : ml_skuletton
Philippe : Raconte-nous ton parcours et tes passions BD et hors BD ?
Mario : Du plus loin que je me souvienne, j’ai toujours aimé le dessin. Au moment de choisir une école secondaire, j’arrive dans une école de techniques artistiques et là j’accroche. La plus part des enseignants nous transmettes et nous font évoluer dans la détente et le plaisir de découvrir. Après cela, j’ai testé pas mal de techniques en académie mais le temps m’a fait mettre tout ça de coté. En parallèle, depuis longtemps je dessinais un petit bonhomme et son parcours entre le réel et l’imaginaire. Je savais que je voulais raconter son histoire mais comment ? Le temps passe et je commence à travailler au BPS22, un musée d’art où vont se combiner deux passions, l’animation des groupes et les ateliers artistiques. J’y fais, au fil du temps, la rencontre de deux amis et collègues qui me parlent d’un atelier d’illustration et BD à l’académie de châtelet. Finalement, je teste cet atelier et cinq ans plus tard j’y suis toujours.
Pour ce qui est de la BD, je ne suis pas un grand connaisseur. J’ai lu des Tintin, des Tuniques Bleues, etc. Mais j’étais plus adeptes de format d’histoires courtes tels que Boule et Bill, Game Over, Kid Paddle, etc. où parfois une planche suffit, court, clair et efficace. Pour le reste pas mal de manga, Saint Seiya étant mon number one, Gunnm, Tsubasa reservoir chronicle, etc. et pour ce qui est du reste, j’aime cuisiner (ça donne l’impression de jouer aux alchimistes), les cocktails, le tir à l’arc, la musique et observer les comportements (ça me donne pleins d’idées pour tourner les choses en dérision).
Philippe : Ton personnage du squelette est ta marque de fabrique, comment es-tu arrivé à ce choix? Comment comptes-tu le développer? Quel avenir tu voudrais lui donner ?
Mario : Le squelette m’impressionne de part la complexité du corps et le rôle de fondation qu’il joue, de plus c’est ce qu’il reste en dernier, il tient bon. C’est aussi toute la symbolique social que ce soit des pirates ou même l’aspect fédérateur « nous en avons tous et toute un, au fond nous sommes tous pareils ! ».
Un soir d’académie où mon projet avec le « petit bonhomme » stagnait, pour passer le temps je griffonne un squelette que j’aurais sans doute jeté si notre professeur n’était pas passer par là. Il m’a conseillé d’y travailler et je les ai vus évoluer avec le temps.
Ce qui lance mon raisonnement, c’est une phrase entendue mainte fois « ça ne doit pas être pire après vu que personne n’ai jamais revenu ! ». J’ai commencé à me dire « et si ce n’était qu’une version de notre vie mais à l’état squelettique ? », quels seraient les aléas du quotidien dans une telle situation ? À partir de là le développement par dans tout les sens. Pour l’instant je me suis intéressé au sport, au Freak Show, au western via 64_page et pour le moment c’est le burlesque et l’effeuillage qui ont toute mon attention.
Pour l’avenir, je compte le faire évoluer dans pleins d’environnement et aborder pleins de sujets qu’ils soient d’actualité ou autre, c’est intarissable, et pourquoi pas travailler comme pour le western, différentes partie de l’histoire revue en oubliant pas d’en tirer des leçons, comme j’aime le penser Skuletton c’est tout le monde et personne mais c’est surtout un regard sur la vie avec le recul de la mort.
Philippe : Et pour toi, comment vois-tu la suite de ta carrière de créateur ?
Mario : Je n’aurais jamais imaginé avoir des illustrations ou quelques pages BD publiées, ce qui rend la chose très plaisante. Du coup je me laisse un peu porter par les occasions qui se présentes mais à l’avenir, je souhaiterais en faire des petits guides humoristiques de l’après vie, par thème, qui serait porteur non pas d’une morale à moitié camouflée mais plutôt direct et emplie de sarcasme.
19. SERNA pour Fantastique
Interview Philippe Decloux
Fan de gros lézards et de science-fiction, je lis des BD et dessine depuis toujours. Je me remets vraiment au dessin après mes études en sciences et m’inscris aux académies de Charleroi et de Châtelet (dessin et illustration/BD). Je m’intéresse aussi au concept art pour le jeu vidéo et le cinéma.
Philippe : Parles-nous de toi ? De tes passions, de la BD, de ton parcours…
SERNA : Je dessine depuis tout petit. Ca a commencé avec les dinosaures, une grande histoire d’amour! Je n’arrêtais pas d’en dessiner et j’apprenais leurs noms, j’en collectionnais des figurines, des livres…
J’ai aussi de vieux souvenirs des dessins animés de la fin des années 80 (les Tortues Ninjas, Olive et Tom, le Livre de la Jungle en version anime, finalement la belle époque du Club Dorothée!), ainsi que les films de Disney (Aladdin, le Livre de la Jungle, …).
Ma passion pour la BD est venue très tôt aussi, j’ai lu tous les albums de Tintin, des Schtroumpfs, les grands classiques franco-belges (surtout belges au début!). Vers les 10-12 ans, on m’a offert deux albums du Petit Spirou et je lisais Mélusine, Kid Paddle,… J’aimais beaucoup la série Papyrus, car je m’étais intéressé un moment à l’Egypte ancienne, mais voilà, je ne pourrais pas tous les citer, il y en a tellement!
Maintenant que j’y pense, j’adorais les Légo. J’avais 7 ou 8 ans et mon père, qui a toujours été passionné d’astronomie, m’offrait régulièrement de grosses navettes spatiales à construire en légos. Ca a probablement mené a mon goût actuel pour la science-fiction…
SERNA : Très petit j’inventais des personnages et je dessinais leurs histoires dans des planches de BD. Mes tous premiers persos étaient de petits extraterrestres voyageant dans des soucoupes volantes à leur taille… En revoyant mes anciens dessins, j’ai retrouvé l’influence des dinosaures et des animes de l’époque dans mes autres personnages : adolescent j’avais dessiné un groupe d’humanoïdes à tête de Parasaurolophus (un dino à tête de canard et au crâne allongé). Ils étaient musclés tels des guerriers de l’espace (cfr. Dragon Ball Z)!
Un autre élément que j’aimerais mentionner est un jeu de cartes avec des dinosaures que j’avais entièrement réalisé moi-même quand j’avais 14 ans. J’avais recherché les informations dans mes livres et ça devait se jouer comme une bataille, en comparant les caractéristiques des cartes. C’étaient les jeux de cartes avec des voitures et des motos auxquels mes amis de l’école jouaient dès le matin dans le bus, qui m’avaient donné l’idée… et finalement, pendant un bon moment on ne jouait plus qu’avec mes cartes de dinosaures faites maison!
C’est aussi à cette époque que j’ai eu mes grands coups de coeur vidéoludiques (Final Fantasy VII, Soul Reaver, Diablo I et II,…) et cinématographiques (Star Wars – épisodes I et II, le Seigneur des Anneaux,…). Au passage, j’avais lu le Hobbit quelques temps avant. J’avais tellement adoré l’histoire qu’en voyant le Seigneur des Anneaux à l’écran, j’avais très envie de voir le Hobbit adapté au cinéma. Vous imaginez donc comme j’ai été ravi en décembre 2012! J’avais évidemment adoré aussi les Jurassic Park, mais ma passion pour les dinosaures était plus ancienne.
A 18 ans, j’hésitais grandement entre apprendre la 3D pour le jeu vidéo et étudier la biologie. Comme j’avais bien réussi à l’école, c’est la deuxième option que j’ai suivie. J’ai réalisé un mémoire en paléontologie à l’Institut Royal des Sciences Naturelles de Belgique. J’éprouvais une grande joie de pouvoir voir des fossiles de reptiles de l’Ere secondaire dans les bureaux et de passer une fois par semaine l’entrée de ce musée que j’avais visité plusieurs fois étant petit. Malgré cela, j’en garde un souvenir mitigé, car boucler le mémoire m’a coûté beaucoup de sueur et de stress. Par la suite, je suis resté encore dans les sciences en m’intéressant à l’environnement et à l’épidémiologie. C’était il y a 10 ans déjà.
Pendant mes études j’ai continué à aller voir les suites des films que j’aimais (les Star Wars, les films de Peter Jackson,… ). Matrix – revolutions (le 3ème film) m’a donné une grande claque, de par sa représentation d’un futur apocalyptique dominé par les machines, si sombre et à la fois effrayant et fascinant! Un autre film m’a vraiment marqué – et là on rejoint plus l’univers de mes planches pour 64_page -, c’est Silent Hill. Je ne savais pas qu’ils avaient adapté ça d’une série de jeux vidéos, mais l’horreur à la japonaise est tellement tordue et malsaine, que ça ne peut laisser personne indifférent. Je n’y avais jamais joué car il paraît qu’ils font encore plus peur que les Resident Evil! J’avais joué au deuxième opus de ces derniers et n’avais jamais pu le finir. D’autres (ex)gamers ont certainement partagé cette angoisse de la caméra fixe dans les deux premiers Resident Evil en particulier. Le commissariat du 2ème jeu est très grand et on entend par moment des portes claquer au loin, sans jamais savoir si c’est la bande-son qui passe en boucle ou si c’est réellement une indication de danger à prendre en compte pour ne pas s’éterniser dans la pièce où l’on se trouve!
J’ai aussi joué à Prince of Persia (la version d’Ubisoft au rendu presque « crayonné » des personnages). Il y avait une liberté dans ce jeu! Les décors étaient très aériens et les espaces immenses! La dernière claque vidéoludique que j’ai prise était Diablo III. Je sais qu’il a un peu divisé les fans du 2, mais il faut bien reconnaître que graphiquement il est magnifique, à tous les niveaux (personnages, armes et armures, monstres, décors,…). L’immersion est alors inévitable et cet univers est délicieusement sombre!
Pour finir le tour de mes influences principales et rester dans le thème, il faut citer les Conjurings, avec les autres films d’épouvante de manière générale (pas ceux comportant du sang et de la violence gratuite, mais plutôt ceux qui tiennent le spectateur en tension pendant les 3/4 du film).
Je me suis égaré à nouveau, mais je suis vraiment à la croisée de tous ces éléments. Dans la BD, j’ai aussi beaucoup aimé la série Sillage, ainsi que les séries des Elfes, des Nains,… (publiées chez Soleil Delcourt). Pour le polar, j’ai pensé un peu au style de narration à la première personne utilisé dans les Blacksad, une série absolument géniale elle aussi!
Une autre série m’a marqué au début de la période de mes études : les Lumières de l’Amalou, dessinée par la talentueuse Claire Wendling, avec Christophe Gibelin au scénario. Je suis par ailleurs un grand fan du style graphique de José-Luis Munuera et plus récemment de Kenny Ruiz, deux dessinateurs espagnols qui ont travaillé ou travaillent encore chez Dupuis.
Enfin, j’ai dévoré des mangas comme Gunnm et Berserk. J’ai adoré regarder les séries animées de Ghost in the Shell et de Fullmetal Alchemist. D’autres anime plus « expérimentaux » qui m’ont inspiré sont Serial Experiments Lain et Ergo Proxy, où le rythme de narration est assez lent et l’expérience contemplative. Au cinéma, c’est pareil, les nouveaux Blade Runner et Dune (du même réalisateur, Denis Villeneuve) ont aussi un rythme différent des films d’action habituels et ça me parle beaucoup. Un dernier manga à citer absolument est Blame! mais je ne l’ai pas encore lu ni vu en anime, malgré le grand attrait que j’éprouve pour ses décors sombres et cette sensation d’infini qu’il s’en dégage.
Bon, je m’arrête là pour mes influences… sinon je risque d’en trouver encore d’autres!
Philippe : Quels sont tes projets ? Comment vois-tu ton avenir dans la BD ? ou plus généralement dans ta vie créative….
SERNA : Au niveau de mon parcours dans les sciences, j’aimais beaucoup apprendre, mais comme il fallait que je trouve un travail, j’ai enseigné dans le secondaire pendant quelques années. J’ai commencé ça « gentiment », à temps partiel, car j’avais pas mal d’appréhension à me retrouver devant une classe et en même temps, ça m’a laissé du temps en parallèle pour me remettre sérieusement au dessin. C’était il y a presque 10 ans. J’avais recommencé à dessiner régulièrement après un vide de huit ans. J’ai alors regardé des tutoriels sur Youtube, j’ai essayé de les appliquer,… mais ça a été très difficile au début, parce que mon oeil s’était affiné et mon niveau n’avait en réalité pas changé depuis mes 14 ans. J’avais bien fait un an en cours du soir aux Beaux-Arts de Charleroi quand j’étais en rhéto, puis quelques cours avec des bases de perspective plusieurs années après, mais ça reste anecdotique en fin de compte et on peut dire que je suis pratiquement resté 10 ans sans dessiner.
Quand fin 2011-2012, j’ai voulu me remettre à dessiner, je débutais comme prof de sciences en secondaire et j’étais donc entre deux chaises : l’une de la raison avec la sécurité financière et l’autre celle de la passion.
Il y a quatre ans, je fais le choix de la passion et je m’inscris à l’atelier d’illustration/Bande dessinée à l’Académie de Châtelet chez Philippe Cenci. Je retourne aussi m’inscrire à l’Académie des Beaux-Arts de Charleroi en dessin, chez Graziela Laini et Dimitri Carez. D’un côté le dessin d’observation avec modèle vivant, de l’autre le dessin d’imagination. Les deux m’apportent beaucoup, mais je dois reconnaître que c’est en illustration / BD que je me sens le plus à ma place, car là je sais qu’il me suffit d’un crayon et d’une feuille de papier et que la magie peut alors opérer. Comme je suis sur le point de finir un cycle à Charleroi, on me laisse la liberté d’apporter des éléments imaginaires à mon dessin d’observation et ça m’amuse bien! En même temps je travaille des techniques traditionnelles assez complexes, je trouve, comme l’aquarelle et précédemment le lavis à l’encre de Chine, des techniques laissant moins de place à l’erreur que le dessin en digital. Les débuts à la tablette graphique ont été difficiles aussi, mais deux bonnes années plus tard, je commence à être à l’aise avec le médium. Toutefois, je ne suis pas encore bien capable de faire de la « peinture digitale » à proprement parler et je sais que c’est important aussi pour travailler vite, en particulier dans l’industrie du jeu vidéo…
Bon, c’est à peu près tout, je pourrais juste ajouter que comme passe-temps, j’apprends la guitare. J’écoute souvent de la musique quand je dessine ou des podcasts. Il y a peu j’ai trouvé des musiques et sons d’ambiances sur Youtube qui m’ont aidé à me concentrer pour finir mes quatre planches. Comme c’était la période d’Halloween, c’était juste parfait pour ce que je dessinais!
En ce qui concerne mon expérience en tout cas, je dois conclure que même si on peut apprendre le dessin en autodidacte, ça ne vaudra jamais l’accompagnement personnalisé et les retours d’un bon professeur. C’est quand je me suis (ré)inscrit dans les deux académies que j’ai réellement senti une grosse évolution dans mon dessin. Le groupe joue aussi énormément sur la motivation. On s’encourage mutuellement et ça fait du bien!
18. François JADRAQUE pour Dans de sales draps
Interview Jacques Schraûwen
J’ai 62 ans. Je suis graphiste. Dans ma vie estudiantine, je suis passé par Saint-Luc de Bruxelles et par un master en arts plastiques.Mon parcours professionnel est à l’image de mon parcours estudiantin. Toujours en mouvement malgré un état contemplatif stationnaire en voie de rétablissement.
https://fjadraque.wixsite.com/fjad
Instagram : jadraque9
Dans l’univers de ce 64-page consacré au polar, ce dessinateur fait effet d’ancien, de patriarche, du haut de ses 62 ans. Ce qui rend sans doute son dessin très assuré, mais ce qui ne l’empêche pas, loin s’en faut, de se révéler d’une évidente originalité.
Son trait ne doit rien à personne, sans doute, il est fait de mouvements, de mise en scène. Avec un réalisme qui lui fait appartenir à une famille parmi les membres de laquelle il cite : « Giraud, Mezières, Gotlib, Bézian, Bilal, De Crecy, Goossens… »
J’y ajouterais Boucq, même et surtout peut-être pour le plaisir d’une certaine forme d’absurde… Un absurde qui s’inscrit, en même temps que le polar, dans une sorte de sens de la tragédie, avec des personnages bien typés.
« Le décor planté expose et explore l’ironie tragique si chère à Aristote qui fait que celui qui ne veut pas faire le mal en voulant faire bien, finalement fait mal.On voit se profiler l’ombre affûtée de l’absurdité humaine où chacun d’entre nous est finalement coupable de quelque chose. La prise de conscience de l’absurdité de l’existence agit comme un antidote qui permet justement d’en accepter les turpitudes surtout lorsque ce sont les autres qui les subissent. Car finalement, qu’est-ce qui est absurde ? La tragédie de l’existence ou imaginer que l’on peut échapper à cette tragédie ? L’humour est peut-être une amorce de réponse… »
17. Boris VAN NIEUWENHOVEN pour EXCIT
Interview Marianne Pierre
Boris Van Nieuwenhoven est étudiant à l’ULB où il suit le master en analyse et écriture cinématographique. Habituellement scénariste, EXCIT est l’occasion pour lui de reprendre le crayon et de revenir à son premier amour : la bande dessinée.
Instagram : boris_van_nieuwenhoven
Marianne : » Tes strips font clairement penser à du dessin de presse. Est-ce un domaine dans lequel tu tentes de percer ou y es-tu déjà parvenu ? »
Boris : » Plus que le dessin de presse, je crois que j’ai surtout toujours eu un goût prononcé pour le strip car c’est pour moi le format idéal pour délivrer efficacement une idée. 3 cases et un rire, c’est tout ce qu’il me faut quand je compose Excit. »
Marianne : » Raconte-nous la genèse d’Excit, comment t’es venue l’idée ? »
Boris : » Depuis toujours, j’ai une fascination pour les albums de Lewis Trondheim et en particulier « Le dormeur ». J’ai toujours trouvé ça hallucinant cette capacité à raconter des histoires avec 3 mêmes dessins identiques. Je crois donc qu’Excit est né de ce désir de minimalisme. »
Marianne :« Pourrais-tu, à ton avis, tenir longtemps un rythme quotidien avec Excit ou un autre strip? En gros, où cherches-tu ton inspiration, et comment faire pour l’entretenir ? »
Boris : Le strip, c’est une forme de musique. Je crois que le scénariste, comme le musicien, doit repasser ses gammes, il doit faire en sorte de toujours être à l’affût d’une idée et de jamais cesser de griffonner. Sur 10 idées, il y en aura peut-être deux ou trois de vraiment bonnes alors autant être productif !
Concernant Excit j’ai déjà brouillonné l’équivalent d’un ou deux albums. J’ai tendance à écrire plus vite que je ne dessine !
Marianne : « Dis-nous d’où tu viens… et où tu vas ! »
Boris : « Je viens très clairement du monde de la bande dessinée. Quand j’étais plus jeune, j’ai dévoré l’immense collection familiale et je lisais le journal SPIROU chaque semaine. A ce moment là, je dessinais énormément et ne rêvais que de devenir auteur de bande dessinée. Puis, avec l’âge je me suis rendu compte que ce qui me plaisait avant tout, c’était raconter des histoires plus que de les dessiner. Je me suis alors concentré sur l’écriture et le scénario. J’ai fait des études de lettres et je termine aujourd’hui un Master en écriture et analyse cinématographique à l’ULB. J’ai pour objectif de pouvoir vivre de ma plume. »
16. Maximilien VAN DE WIELE pour Une balle au cœur
Interview Philippe Decloux
VAN DE WIELEFranco-belge né à Anvers. Après des études supérieures passées à Saint-Luc (Bruxelles), en section bande dessinée, un stage au sein d’une galerie d’art spécialisée dans les originaux de bandes dessinées, sans compter les petits boulots çà et là, je continue à m’investir dans ce que j’aime faire par-dessus tout, à savoir raconter des histoires.Plusieurs projets sont en cours, dont une fiction avec pour toile de fond ma ville natale.
https://maxvdwiele.wixsite.com/pencilssmoker
Instagram :maxvandewiele
Philippe : On sent que tu aimes travailler le noir et blanc… je me trompe? Quelle est ta technique?
Maximilien : Le noir et blanc est un confort, je travaille avec l’encre de chine depuis un bon bout de temps maintenant et je ne risque pas de le lâcher avant de m’en lasser pour de bon. J’ai encore beaucoup à expérimenter avec et la majorité de mes visuels dépendent régulièrement de contrastes assez fort pour être mis en scène. Par ailleurs, c’est souvent en y intégrant de la couleurs que je me rends compte de l’évidence.
Philippe : Peux-tu nous faire le pitch de ton récit?
Maximilien : Un inconnu se retrouve à l’intérieur d’un train sans que l’on sache trop le pourquoi du comment, et une apparition lui propose un marché. Je ne sais pas si j’ai besoin d’être plus précis.
Philippe : Comment t’es venue l’inspiration?
Maximilien : Je ne sais plus précisément comment m’est venue l’idée, je vivais encore à Anvers quand l’annonce du prochain magazine 64_page de Janvier 2022 m’était annoncé par mail. Je me rappelle cependant que je voulais réécrire l’histoire précédente du spécial western d’une autre manière et y insérer des éléments et émotions plus « soutenue », ou autrement dit c’est un peu une excuse pour revoir ma copie.
Philippe : Trois pages, c’est court… aimerais-tu développer cette histoire plus en amont? On sent que tu as quelques idées!
Maximilien : Je n’ai pas l’intention d’aller plus loin dans cette histoire.
Ces 3 pages sont d’abord un 1er essai, dans le sens où je cherchais d’abord à introduire des éléments graphiques et débuter dans le processus d’écriture dans une fiction.
Je suis content du résultat malgré tout, j’ai pu y ancrer des éléments et des émotions que je cherchais à mettre en scène sur papier, et si c’est à refaire, je compte bien le rendre différent de ce qu’on a jusqu’à présent.
Philippe : As-tu des projets de publication?
Maximilien : Rien de concret en l’état, beaucoup de petits comme de gros projets par-ci par-là, dont un en particulier qui est en cours depuis longtemps maintenant et qui a pas mal changé de forme durant sa gestation.
J’espère pouvoir vous présenter les 3 premiers chapitres de cette future bd fin d’année prochaine sous leurs meilleurs formes.
15. Patrice RÉGLAT-VIZZAVONA & Celia DUCAJU pour la double couverture
Interview croisée de Gérald Hanotiaux
Patrice Réglat-Vizzavona
-VIZZAVONA
L’onglet « Auteurs » du site de 64_page nous rappelle deux de ses travaux parus au début de la revue : Herser, quatre pages dans le numéro 4, et Le crible, quatre pages également, dans le numéro 8. Ces pages sont également visibles sur le site 64page.com, sous l’onglet « Revue ». Depuis, Patrice a publié son premier album, Le passager, un pavé en noir et blanc aux ambiances troubles et oppressantes, publié en 2019 chez Warum. Aujourd’hui, il travaille à son second album, à paraître courant 2022 chez Delcourt : Djemnah, les ombres corses, sur un scénario de Philippe Donadille.
Instagram de Patrice Réglat-Vizzavona : patricerv
Instagram de Philippe Donadille : donaphi_bd
Celia Ducaju
La dessinatrice de la quatrième de couverture a plusieurs cordes à son arc. D’un côté, elle travaille dans le domaine de l’illustration scientifique, de l’autre elle poursuit différents projets dans le dessin artistique et la peinture. Elle a déjà publié Sauvage, une histoire de quatre pages dans le numéro 19 de 64_page. Cette histoire est visible sur notre site, sous l’onglet « Revue ». Pour en savoir plus sur l’auteure, le lecteur pourra aussi se reporter à l’onglet « Auteurs-Interviews », pour découvrir un entretien détaillé autour de son parcours. Celia travaille actuellement sur un projet de bande dessinée avec la scénariste Céline Pieters.
Making-of d’une double couv’
Ce numéro spécial polar présente une double couverture, le dessin situé à l’arrière de la revue répondant à son dessin situé en une. Avec le duo d’artistes formé pour l’occasion, nous avons voulu en savoir plus sur l’emballage somptueux de ce numéro 22.
Tout bon polar – édité en DVD, pour notre comparaison – est suivi d’un onglet intitulé « Bonus », présentant différents documents liés à l’œuvre cinématographique principale gravée sur l’objet. Parmi ces bonus, il n’est pas rare de trouver un « Making-of », document dévoilant les coulisses de la réalisation, souvent marqué d’interviews des différents protagonistes du film… Nous pratiquons ici le même type d’exercice avec Patrice RéglatVizzavona, dessinateur de la une, et Celia Ducaju, dessinatrice de la quatrième de couverture.
Gérald pour 64_page. Pour vos deux illustrations, au premier regard, on pourrait imaginer une réalisation en deux temps, chronologiquement, le premier dessin précédant le second dans sa réalisation. Qu’en est-il ?
Patrice Réglat-Vizzavona : Justement, la réalisation ne s’est pas déroulée de cette manière, car nous avions dès le début défini ensemble une trame narrative.
© Patrice RÉGLAT
-VIZZAVONACelia Ducaju : Nous avons vraiment essayé de construire le projet ensemble, du départ avec le partage de nos références, jusqu’à l’arrivée avec la couleur du titre. Cela nous paraissait important pour une collaboration de ce type, afin d’être le plus cohérent possible. Et puis, c’était l’occasion de vraiment échanger entre auteurs, pour justement ne pas simplement créer l’image 1, suivie de l’image 2.
Gérald : Comment avez-vous procédé, pratiquement ?
- Celia : Après plusieurs échangespar e-mail, nous avons eu un rendez-vous téléphonique avec partage d’écran, pour fixer au mieux les éléments. Nous avions notre idée principale et les différents échanges ont permis de faire une sélection dans nos croquis, de choisir les couleurs et de vérifier que la séquence des deux images faisait sens.
- Patrice : Une fois fixés ces choix, nous avons réalisé chacun notre partie, pour ensuite les rassembler et accorder un peu mieux les couleurs et quelques détails. Graphiquement, j’ai réalisé un crayonné, ensuite encré au pinceau. Après avoir scanné le résultat, j’ai ajouté une seconde couche de valeurs, numériquement, grâce à des textures « maison », pour coloriser le tout ensuite.
Gérald : Une illustration unique peut raconter une histoire, on connaît également le format du strip, généralement constitué de trois ou quatre images avec une chute. Ici, vous êtes dans un format intermédiaire, constitué de deux images…
- Patrice : L’exercice était intéressant. Très vite, nous sommes tombés d’accord sur le fait d’essayer de raconter quelque chose entre ces deux images. Plutôt qu’une séquence linéaire classique, nous avons choisi de représenter un seul instant sous deux angles différents. De manière générale, même si ce n’est pas à tous les coups possibles, j’essaye de composer des images qui soient graphiquement porteuses de sens, et pas uniquement un support pour le texte. Ce type de vignette laisse plus de place au lecteur, en apportant un complément, par exemple des indices invisibles au premier coup d’œil, mais qui peuvent permettre de résoudre une énigme. Dans ce projet, le plus plaisant était d’accorder nos univers pour créer une ambiance générale, tout en gardant une fenêtre faisant écho au travail de l’autre. On ne peut pas raconter quelque chose de très compliqué en deux images, mais on peut instaurer une ambiance intrigante et alléchante. Cela dit, le côté « archétypal » de la thématique nous a cadrés dès le départ…
-
Étude couv' © Celia DUCAJU
Celia : Comme je l’évoquais, nous avons au départ échangé sur nos références classiques du polar, des livres, affiches de films, ou autre… Nous désirions un effet un peu Fenêtre sur cour, le film d’Hitchcock bien connu, dans lequel James Stewart observe le voisinage avec une longue-vue. Patrice voulait éviter l’image du détective à l’ancienne, masculin… Mais on n’a pas réussi à lâcher le cliché de la cigarette ! Au final, si l’exercice n’est pas si facile, il rend la tâche intrigante. On se pose beaucoup de questions sur le regard du lecteur, la lisibilité et l’histoire qui peut se créer avec seulement deux images. Une couverture ne se construit pas comme une page pleine ou une case de BD, c’était pour moi une vraie nouveauté.
La revue 64_page #22 "Polar" proposera d'autres recherches et études de Patrice et Celia. Revue en prévente (sortie mi-février). 128 pages, 30 BD complètes, 36 auteures et auteurs à découvrir.
14. Romain EVRARD pour Enfants des villes
Interview Philippe Decloux
Fraîchement diplômé de Saint-Luc Liège. Le jour, je travaille sur mes BD et peintures afin de pouvoir un jour en vivre. Mais quand vient le soir, je range mes pinceaux et mon encre pour apprendre à devenir professeur d’art plastique.
Insta : @romin_evrar
Site : www.romain-evrard.be
Philippe : Raconte-nous ton parcours de jeunes créateurs BD?
Romain : J’ai commencé par faire des études secondaires artistiques à Saint-Luc Bruxelles. Là-bas, j’ai eu un exercice ou je devais faire une BD. J’ai tellement adoré ce travail que j’ai recommencé mes planches 3 fois après la remise, juste pour moi.
Il a fallu encore quelques mois de réflexion, mais je me suis décidé : je voulais faire de la bande dessinée !
Une fois mon CESS obtenu j’avais enfin la possibilité d’étudier la bande dessinée. J’étais enjoué, personne ne doutait de mes capacités.
La douche fut d’autant plus froide lorsque vint la réponse de l’ESA St-Luc Bruxelles : refusé.
Je m’étais lamentablement raté durant l’entretien oral.
On m’avait conseillé Preparts, une école qui prépare aux examens d’entrée. Malheureusement, elle coûtait très cher. Ma mère avait épargné 18 ans pour mes études et j’allais presque tout dépenser en un an. J’étais déprimé, prêt à tout abandonner…
C’est la volonté de ma mère qui souhaitait que je n’abandonne pas ainsi que la colère d’une de mes anciens professeurs qui m’a poussé à m’inscrire dans cette école privée. Là-bas, on nous a conseillé d’aller voir les écoles dans d’autres villes pour trouver un établissement qui nous corresponde. J’ai donc lâché mon dévolu sur Saint-Luc Liège.
J’ai aujourd’hui 25 ans, je viens de finir mon bachelier et avec quelques ami.e.s rencontré.e.s durant ces 3 ans nous avons décidé de nous rassembler en collectif : « la confrérie du portemine ».
Philippe : Tu nous proposes un extrait d’une histoire longue. Tu rends de façon très efficace la vie de ces enfants des villes. L’ambiance, le langage, la gestuelle, les émotions… Parle-nous de la préparation et de tes recherches préliminaires pour accomplir ce projet ?
Romain : Pour la création d’un univers, je passe un long moment à faire des recherches sur le sujet. Je cherche des moments de vie qui pourront nourrir mon histoire. Je rassemble aussi des œuvres qui vont bien dans l’ambiance. Je crée souvent une playlist de musique qui me suivra pendant toute la production de la BD. J’imagine quelle musique irait pour quel personnage, cela donne à chacun un certain rythme et un langage.
J’utilise souvent des phrases que j’entends autour de moi. Je trouve que c’est le meilleur moyen d’être proche de l’absurde du réel. C’est aussi pourquoi j’utilise souvent un langage châtié.
J’ai dû faire très attention pour certaines scènes, car j’utilisais un argot qui peut être incompréhensible pour le lecteur lambda. C’était un travail de jongle entre parler réel et compréhension du lecteur. J’ai souvent dû demander si j’utilisais bien certains mots, car ils venaient d’autres langues et je voulais être sûr de les placer correctement.
Je voulais aussi que les personnages vivent dans un environnement réel. J’ai donc pris mon appareil photo et j’ai sillonné pendant une journée complète le quartier du midi et ses environs.
Philippe : Comment crées-tu tes personnages ? Comment tu travailles leur personnalité pour leur donner une épaisseur, une existence psychologique ?
Romain : J’ai beau être quelqu’un de très visuel, je m’occupe en premier lieu d’écrire l’histoire. Je cherche les moments forts du récit, ceux qui possèdent le plus de force. C’est ces moments qui me permettent de créer les émotions des personnages. Je me dis « Si ce personnage s’énerve à cet instant, pourquoi le fait-il ? Est-ce qu’il le fait, car il est colérique ? Ou, car il se retient depuis longtemps ? …» . De ces questions découlent les points d’évolution du personnage et les relations avec les autres.
C’est souvent après avoir fait mon découpage que je commence à créer les charadesigns.
Philippe : Quels sont tes projets ? Pour demain, après-demain et plus loin dans l’avenir …
Romain : Je pense que je vais ouvrir un club de musculation sur le thème de l’humour, cela s’appellera « Bisco’Toto ».
Plus sérieusement, je suis occupé à passer un CAP pour devenir professeur d’Art plastique en secondaire. Parallèlement je travaille sur une nouvelle BD dans un univers rock.
13. Élodie ADELLE pour Mystère fleuri
Interview Philippe Decloux
Après être partie à la conquête de l’Ouest américain, puis, à la recherche du bonnet de la petite Lucie dans mon premier album jeunesse « Le bonnet vert » (aux éditions Atramenta), me voilà embarquée dans un sujet plus sombre. Je retourne dans une histoire en noir et blanc avec une touche de couleur.
www.instagram.com/elodieadelle
Philippe : Tu es une des bonnes plumes de 64_page, tu nous as déjà proposé des BD, des cartoons, tu es présente quand on propose une activité, qu’est-ce que t’apporte 64_page?
Élodie : Ça fait toujours plaisir de voir son travail terminé. Pour chaque histoire que j’ai faite pour le magazine 64_page, j’ai pris ça pour un défi. Puis, j’ai pu faire de chouettes rencontres lors des précédentes expositions et fêtes de la BD, autant avec les auteurs que les organisateurs du magazine.
Philippe : Rappelle-nous ton parcours d’artiste et les étapes qui t’ont amenés à Bruxelles ?
Élodie : Ayant toujours voulu faire des études d’art, j’ai donc été à l’Erg à Bruxelles, j’ai fait de la bd et de l’illustration. Depuis, j’ai fait pas mal de choses : de l’illustration pr enfants, Kamishibaï, de la coloration de BD, de la BD, …
Philippe : Tu as publié, l’an dernier, un très chouette et très coloré livre pour enfants Le bonnet vert, d’un style très différent de tes BD qui sont souvent en noir et blanc, avec des personnages mystérieux. Tu as donc deux personnalités, peut-être plus, il y en a sûrement que nous ne connaissons pas encore ! Développe tes façons de travailler, de concevoir et de raconter un récit pour enfant et pour adulte ?
Élodie : Je suis nostalgique, je pense beaucoup à l’enfance. C’est pour cela que de temps en temps j’aime me plonger dans cet univers. Pour « Le bonnet vert », mon but était de faire une histoire dans la neige, j’y réfléchissais depuis pas mal de temps.
Et à l’opposé, je suis fan de films d’horreur, c’est 2 univers très différents. Je pars souvent d’un élément qui en emmène un autre, ainsi dessuite. En art, je suis une touche à tout, comme en narration.
Philippe : Comment t’est venue l’inspiration pour Mystère fleuri et le subtil jeu de noir et blanc avec une couleur qui s’impose comme l’indice principal de cette enquête ?
Élodie : L’inspiration m’est venue en me baladant. Je suis passée devant une fontaine et je me suis dit : « c’est là que se passera ma prochaine histoire ! ». Et à partir de cela, j’ai commencé à écrire, à imaginer ce qu’il aurait pu s’y passer.
Quand j’ai trouvé l’idée de la fleur, j’ai pensé au rouge… puis en travaillant le texte, je me suis rendue compte que le bleu pourrait être un bon fil conducteur vu les éléments de l’histoire.
Philippe : Quels sont tes projets et tes objectifs à court et moyen termes ?
Élodie : J’ai toujours des histoires sous le coude. Notamment une nouvelle histoire pour enfants est en cours. C’est un conte.
Puis, j’ai un nouveau projet qui concerne toujours le dessin mais différemment. J’ai fait une formation, il y a peu de temps, pour commencer à tatouer.
12. Yana KNIGHT pour Bunny Bones, histoire d’ordures
Interview Philippe Decloux
Yana Knight est une artiste et illustratrice anglo-russe qui vit à Bruxelles où elle peint, dessine des BD, enseigne l’art et se promène beaucoup. Parfois avec des gants au poulet rôti, parfois sans. Tu peux suivre ses aventures sur Instagram.
Mon site: www.storyofyana.com,
instagram: https://www.instagram.com/yana_knight/
Philippe : Raconte-nous ton parcours de vie et d’artiste ? Quelles sont tes passions ?
Yana : Je suis un artiste russo-britannique, j’habite à Bruxelles depuis 2014. En tant qu’artiste, je suis autodidacte – l’art est apparu dans ma vie alors que j’étais sur une route ‘légèrement’ différente, faisant mon doctorat en Artificiel Intelligence il y a environ 7 ans et m’a changée le cours de vie. Des que j’ai réalisé que je pouvais dessiner et peindre c’est vite devenue tout ce que je voulais faire. Et pendant les années qui ont suivi, c’était tout ce que j’ai fait de ma vie.
Je suis passionnée par la vie quotidienne et par la possibilité de créer des choses. C’est un peu comme, écoute, j’ai un corps, qu’est-ce que je peux en faire dans ce monde, comment puis-je l’utiliser, que puis-je créer? Oh, et attends, il semble y avoir un cerveau quelque part ici, qu’est-ce que cette chose fait? La vie est pleine de matières premières pour l’art, il se passe tellement de choses autour de nous et je trouve incroyablement intéressant de regarder ces petites mais énormes choses, découvrir combien il y a de beauté partout, transformer en quelque chose d’artiqtique, partager avec les autres…
Philippe : Comment as-tu découvert la revue 64_page ? Et qu’est-ce qui t’a motivé à te lancer dans cette BD polar ?
Yana : J’ai découvert la revue grâce à une connaissance qui m’a montré le spécial Western. Quand j’ai vu l’appel pour le Polar, je l’ai noté, puis je me suis assise quelques jours avant le deadline pour voir si une histoire aimerait paraître. Et si quelque chose voulait sortir, cela le ferait, et sinon, tant pis. Une fois que j’ai vu une histoire émerger, j’ai décidé de continuer; tout a été dessiné en un jour ou deux.
Philippe : Tu as un style très personnel. Explique nous comment tu conçois un récit, une BD ?
Yana : Ma façon de travailler est liée aux mes inspirationes et passiones, je pars en voyage d’épongement où je ne fais beaucoup de travail productif, à part éponger des choses, entendre, écouter des histoires de gens, regarder autour de moi, essayer des trucs, faire subir à mon corps des sortes d’expériences différentes. Mes inspirations sont rarement purement visuelles. Je trouve beaucoup de choses très belles et intéressantes, je les enregistre de toutes les manières possibles. Je ne fais aucune planification, je commence à dessiner et l’histoire commence à apparaître, et parfois pas, mais pour moi l’histoire vie dans le dessin et je dois l’aider à sortir. Alors je m’assois devant une feuille de papier vide que je trouve très excitante, et je dis, OK, voyons ce qui se passe, qui est dans mon cerveau aujourd’hui, qui a quelque chose à dire, qui veut sortir nous parler ? Je commence par le première cadre, je dessine ce qui me vient à l’esprit, puis je me demande, d’accord, où est-ce que cela me mène, où cela pourrait-il me mener, qui est là maintenant…? Et maintenant? Les matériels sont souvent aussi trouvés de cette façon dans cette exploration, je travaille en technique mixed.
C’est comme cela que j’ai fait cette bande dessinée. J’ai dessiné la poubelle dans le premier cadre et puis lentement l’histoire a commencé à apparaître, à se dérouler. Cela vient de ma frénésie de poubelles il y a quelques années quand il y a eu une fois une grève des poubelles ou quelque chose du genre et la ville en était remplie, partout où vous allez. J’ai commencé à les connaître, à les visiter et à les revisiter, à remarquer leurs personnalités, imaginer leurs histoires personnelles, alors qu’ils restaient allongés là pendant des semaines, et j’en faisais des enregistrements.
Philippe : Quels sont tes projets ? Comment vois-tu ton avenir de créatrice ?
Yana : Eh bien, j’aimerais travailler sur plus d’histoires et de livres, j’ai déjà auto-édité deux romans graphiques et j’illustre actuellement un livre pour enfants. Je vois mon avenir dans les livres et histoires, à la fois pour les enfants et les adultes, les romans graphiques et les bandes dessinées, à ma façon spontanée, imprévisible, avec leur vie propre, laissant les histoires filtrer à travers moi et sortir. D’autre côte, je vais toujours continuer mes grandes peintures en toiles, qui sont crées dans la même façon. J’enseigne également mon approche aux autres, en aidant les gens à découvrir leur créativité sur la vie quotidienne, je trouve cela trés important.
11. Olivier LAMBERT pour ses Cartoons
Interview Philippe DECLOUX
Olivier ne dessine que des caricatures d’humour et de presse, ses dessins sont publiés uniquement sur sa page FaceBook et d’autres pages comme ≪L’Hebdo déchaîné≫, ≪Vive la presse satirique libre≫.
https://www.facebook.com/olivier.lambert.5
Philippe : Tu es un habitué de 64_page, en quelques mots rappelle-nous ton parcours de cartoonist ?
Olivier : J’ai fait des études d’art graphique à St Luc liège et à l’académie royal de liège dans les années 80, je suis un touche à tout graphique, j’ai fait de la peinture, j’ai bossé dans la publicité ainsi que dans l’illustration.
J’ai seulement découvert la caricature humoristique et satirique début 2010, qui est devenu ma réel passion et je ne dessine plus que ça chaque semaine.
Philippe : Tu animes une page Facebook, « le semainier », où tu publies tes amis cartoonists. Cette page est internationale et très libre, souvent hors des actualités et des « tendances à la mode » du dessin de presse. Explique-nous votre philosophie éditoriale. Comment sélectionnez-vous les dessins publiés ? Vous arrive-t-il de censurer certains dessins ?
Olivier : J’ai fondé « Le Semainier » sur Facebook, il y a un peu plus de deux ans, j’avais envie de faire de la caricature de presse différente de ce que l’on nous serre quotidiennement. J’ai tout de suite contacté mes 3 amis dessinateurs (Jimm, Alain Rorive et Papybic) pour participer à l’aventure. J’ai juste demandé à mes amis de faire des dessins noirs et blancs avec une touche de couleur.
Nous traitons l’actu, avec l’œil critique et neutre, nous ne sommes pas politisés.
Nous dessinons aussi des dessins justes d’humour pour le plaisir du rire
Actuellement nous sommes 13 dessinateurs belges, français, argentins, anglais : Olivier de Wispelaere, Quentin Chaillez, Jimm, Papybic, Sob, Banx, Alain Rorive, Kripto Pablo, Alejandro Becares, Maxence Granger, Vin’s Tezwin, Pati Adrian Franco et Olivier Lambert. Chaque auteur est administrateur de la page et publie à son rythme… Oui je sais il y a des paresseux et des bosseurs (hahaha) mais on s’entend tous très bien et longue vie à au Semainier
Philippe : Comment te viennent tes idées? Es-tu un boulimique de l’info quotidienne?
Olivier : Mes idées viennent quand je ne fais rien et que je regarde le plafond ou alors quand je roule en voiture en écoutant la musique ou les infos de la première.
Quand je n’ai vraiment pas d’idées, je vais sur des sites d’infos et je cherche l’info qui me parle le plus et c’est souvent la plus loufoque.
Philippe : Quels sont tes projets personnels ?
Olivier : J’ai toujours en tête de publier un bouquin format livre de poche.
10. Gilles PROUST pour Un plan parfait
Interview Gérald HANOTIAUX
Dans le numéro 22 de 64_page, Gilles Proust propose trois pages flamboyantes et très lumineuses intitulées Un plan parfait. Nous discutons avec lui de ces pages, et de biens d’autres choses…
Gérald : Pourrais-tu te présenter en quelques lignes… ? De manière générale, en tant que personne, mais aussi au niveau du parcours dans le dessin.
Gilles : Je suis né à Lyon, il y a un peu plus de 50 ans, et j’y habite toujours. Depuis tout petit, j’aime la bande dessinée, j’aime dessiner, ainsi que créer mes propres personnages et univers. Si certains aiment chanter sous la douche, moi j’ai plutôt tendance à concevoir des histoires et des univers pour les personnages que je conçois graphiquement.
Au niveau des lectures, il y eut d’abord Tintin et Lucky Luke, puis les comics US, et enfin Partie de chasse, de Bilal et Christin, Corto Maltese de Hugo Pratt, Den de Richard Corben, Druuna de Paolo Eleuteri Serpieri, Torpedo de Jordi Bernet et bien d’autres, les mangas aussi. En 2019, j’ai décidé de crée ma propre structure, Gilles Proust Comics, pour enfin m’auto-publier et ainsi connaître la gloire et la fortune… Non, plus sérieusement, j’avais envie de partager ce que je faisais, et de rencontrer peut-être mon lectorat. Cette même année, grâce à une campagne de financement participatif réussi sur Kickstarter, j’ai publié mon 1er comics en anglais Ayaka Slash #1. La version française n’avait pas été financée sur Ulule, aussi j’ai tenté l’expérience anglo-saxonne. Enfin j’ai un peu triché, vu que c’était un comics sans dialogue. J’en ai écoulé une petite centaine.
L’aventure se poursuit en 2020, avec un second comics en français financé de justesse sur Ulule : SuperBlaster #1 composé de trois histoires courtes, avec des dialogues cette fois-ci. Je n’ai pas trouvé mon lectorat. Peut être que ces deux comics étaient trop expérimentaux, et qu’il n’y a plus de place pour les récits un peu « couillus » dans le monde de la bande dessinée d’aujourd’hui. Pour ces deux comics, j’avais utilisé de la 3D soignée et hyper réaliste, et pour beaucoup cela n’a rien d’artistique, ce qui est plutôt hypocrite vu que la plupart des auteurs de bande dessinée dessinent maintenant sur tablette. Aux USA, les gens n’ont pas ce genre de limitation, on peut faire des comics avec tout ce que l’on veut comme technique, seul compte le résultat final. La seule règle, c’est qu’il n’y a pas de règle. J’ai eu une période 3D de quatre ans environ. En fait, je sais faire pas mal de choses différentes, mais je me lasse assez vite et je suis toujours à la recherche du Saint Graal : un style qui rencontre toutes mes exigences artistiques, qui m’amuse et me procure des sensations et des surprises, tout en me permettant d’être très productif.
Au début, je ne faisais que du noir et blanc dans un style proche de ce que faisait Miller sur Sin City. Sauf qu’il n’avait pas encore fait Sin City, et que si j’étais arrivé a ce style, c’était tout simplement que j’étais un piètre encreur, masquant mes défauts en les recouvrant par beaucoup d’aplat de noir et de blanc correcteur, jusqu’à ce que cela devienne vraiment artistique. Ensuite l’outil informatique m’a beaucoup aidé pour la couleur, qui n’était pas quelque chose de facile pour moi à aborder, mais finalement j’y suis arrivé.
Gérald : Tu évoques l’autopublication dans ton parcours, que penses-tu du monde de l’édition en bande dessinée aujourd’hui ?
Gilles : Ayant découvert la bande dessinée dans les années quatre-vingt, je dirais qu’aujourd’hui il y a un réel manque d’ambition et de prise de risque de la part des gros éditeurs. Les différents publics sont identifiés et on leur ressert toujours la même soupe. Après, à défense des éditeurs, pour vendre, il faut aussi coller à l’air du temps, suivre le mouvement et la mode est toujours plus facile que de les créer, ou de proposer une alternative. Beaucoup d’auteurs manquent également d’ambition et ne font pas dans la prise de risque, ils s’autocensurent ou, tout simplement, ils n’ont pas un niveau nécessaire pour cela. Le monde de l’édition représente une équation à trois compliquée, impliquant l’auteur, l’éditeur et le lecteur… Au niveau du lectorat, il y a les « vieux nostalgiques » dont je fais partie, les « bobos », les « LGBT », les « jeunes » ou que sais-je encore, chacun réalisant son propre lobbying pour placer son travail, un lobbying plus ou moins passif ou activiste.
Lobbying : j’adore ce mot. Aujourd’hui, par ce biais, on peut parler de n’importe quoi, et le placer tellement facilement, dans le secteur adéquat… Bref, si l’équation à trois est très compliquée, l’auto-édition la réduit à une équation à deux. Cela dit, l’offre n’a jamais été aussi vaste, aussi chacun devrait y trouver son compte… Je lis presque de tout, des comics, de la bande dessinée européenne et du manga, et j’arrive toujours à m’enthousiasmer et à dénicher des pépites.
Gérald : Parmi ce monde de l’édition, la plupart des revues de prépublication, autrefois nombreuses, ont disparu, faut-il passer par l’auto-publication pour se faire connaître ?
Gilles : Les réseaux sociaux et le financement participatif ont totalement changé la donne de l’auto-édition, ils offrent une certaine visibilité que n’avaient pas à la base les petites structures. Le financement participatif est très simple à utiliser, et rend l’auto-édition accessible à tous. C’est une révolution. Cela est évidemment un très bon outil pour se faire connaître. Mais pas que, il y a aussi des auteurs connus qui l’utilisent pour s’affranchir de l’éditeur, pour avoir plus de liberté et de maîtrise de leurs créations, ou tout simplement pour avoir une part plus importante « du gâteau ». C’est bien sûr beaucoup plus facile si l’on a énormément de followers ou une réputation établie. En partant de zéro, c’est un peu plus difficile. Il me semble que cela s’est un peu durci avec la crise du covid. Je me suis moi-même « durci », j’ai soutenu une centaine de projets de bande dessinée sur une plateforme française, et je vais bientôt atteindre les 250 sur une plateforme US. Ce qui est quelque part un peu désolant, c’est que ces plateformes mettent en avant un supposé esprit de communauté, mais qu’au final il n’y en a pas. Les gens sont là pour faire égoïstement leur business, ensuite pour ce qui est de renvoyer l’ascenseur, ils ne savent pas vraiment ce que ça veut dire… S’auto-éditer demande du temps et de l’énergie, qu’un auteur peut préférer passer à créer. Dès lors, je pense également que les éditeurs ne vont pas mourir… Par ailleurs, ils pourront toujours se reposer sur leurs fond historique.
Gérald : Outre le plaisir à la réaliser, 64_page est née aussi pour pallier ce manque d’organe de publication. Comment es-tu arrivé vers nous ?
Gilles : Indirectement, par la revue Casemate ou je suis tombé sur la pub pour le prix Raymond Leblanc 2021. J’ai participé au concours, ce qui me donnait le droit de participer aux rencontres éditeurs à Bruxelles. Trop compliqué pour moi de m’y rendre pour une seule demi-journée, surtout que le délai pour se décider et s’organiser était plutôt court. Mais j’ai quand même parcouru la liste des éditeurs présents. 64_page, que je ne connaissais pas, était dans la liste et sur leur site, il y avait cet appel à création pour le #22 sur le thème du polar, un thème très inspirant. Et je suis vraiment très heureux de faire partie de l’aventure.
Gérald : La thématique de ce numéro fait-elle partie de tes préoccupations habituelles, ou tu t’es adapté à celle-ci ?
Gilles : Western, polar et SF sont les principaux fantasmes de la plupart des auteurs de bande dessinée. Ce sont aussi les genres cinématographiques qui m’attirent le plus. L’adaptation personnelle s’est plutôt faite au niveau du format, quatre pages maximum, c’est vraiment très court pour correctement raconter une histoire. Surtout que je mets peu d’illustrations par page et que le format de la revue va également dans ce sens.
Gérald : Comment présenterais-tu à nos lecteurs ton histoire de trois pages, « Un plan parfait » ?
Gilles : Une histoire avec une héroïne sexy, en slow action, dans la veine de Sin City pour le côté cynique et désabusé. Mais beaucoup de polar le sont, en fait. Sin City de Miller a été ma principale inspiration pour ce récit.
Gérald : Les pages sont extrêmement lumineuses, les couleurs sont flamboyantes. Comment as-tu procédé, au niveau du style graphique ?
Gilles : Au départ, je voulais illustrer mon histoire en noir et blanc, parce que cela va parfaitement bien pour du polar. J’ai même dessiné une page et demie de cette manière, avec un encrage de type « plume » nerveux, rehaussé d’un lavis gris. Et puis, à un moment, je me suis dit « Merde ! Les opportunités d’être publié sont très rare, tu pourrais quand même proposer quelque chose de plus flamboyant ! ».
Depuis le début d’année, je me suis trouvé un style « peinture », un peu nerveux, sale et gras, qui me convient pas mal. Et je me suis alors dis : « C’est ça qu’il faut utiliser pour mettre en valeur ce récit ». En plus, ça permettait un test intéressant pour moi. La luminosité n’est sans doute pas très réaliste, mais je voulais retranscrire le contraste entre le huit-clos dans la semi-obscurité et le soleil extérieur, avec sa chaleur et sa luminosité écrasantes. Dans les récits de Miller, il y a pas mal de scènes en huit-clos intérieurs, avec des stores à travers desquels on arrive à percevoir l’ambiance extérieure. Pour rendre la luminosité un chouïa réaliste, je lui ai donné un ton bleuté, et ça fonctionne pas trop mal. Avec cette nouvelle technique, je ne suis pas toujours satisfait du résultat, et il y a pas mal de choses que je n’arrive pas à réaliser… Mais la plupart du temps je m’éclate. Comme c’est quelque chose de nouveau, je suis souvent surpris par le résultat, parfois en bien, parfois en mal. Mais c’est important d’être surpris pour éviter la lassitude et avoir du plaisir. Quand je dessine, je n’ai pas envie d’avoir le sentiment de travailler.
Le projet que j’ai proposé pour le prix Raymond Leblanc utilisait aussi ce style, mais j’ai découvert le concours un mois avant sa clôture, dès lors ce que j’ai proposé était en partie bâclé sur la dernière moitié, car j’étais parti de rien, à part l’illustration de couverture déjà existante. Mais ce genre de challenge me motive, ou me motivait… J’ai maintenant envie de réaliser un album avec ce style. Je vais prendre le temps qu’il faudra, et si un jour j’arrive à l’achever, on verra alors pour le faire éditer. L’auto-édition n’a pas été un succès pour moi, ça m’a demandé trop d’effort par rapport au résultat, et apporté beaucoup de déception. Je préfère la création à la commercialisation.
Gérald : Outre cette envie d’album, travailles-tu en ce moment sur d’autres projets en bande dessinée ?
Gilles : Non. J’ai une activité professionnelle qui me prend pas mal de temps et d’énergie. Et puis ma compagne est très compréhensive par rapport à ma passion, mais il ne faut quand même pas non plus en abuser… Ma principale résolution pour 2022 est d’éviter de me disperser. J’ai passé le cap de la cinquantaine, il faut que j’arrête de déconner et que je reste focalisé sur mes objectifs. Cela dit, si on me proposait de faire une histoire très courte pour le nouveau Métal Hurlant, peut-être que j’y réfléchirais à deux fois ! Je ne dis jamais « plus jamais ». Parfois j’aime bien avoir de petites récréations, si c’est très motivant et que ça peut-être « vite fait bien fait »… Je suis plutôt efficace sur ces coups-là. Mais ça ne sera pas ma priorité.
Gérald : À plus long terme, pourrais-tu nous parler de tes projets dans le dessin et la bande dessinée, ce vers quoi tu voudrais aller ?
Gilles : Aujourd’hui, mon seul objectif est de réaliser un album complet et de le faire éditer par un vrai éditeur. Ça devrait être de l’heroic-fantasy lorgnant vers Robert Howard, il y a quelque chose de viscéral et puissant dans ses récits. Je suis sur le design des personnages et sur la finalisation de mon récit. C’est un tout nouveau projet. J’ai des tas de projets dans mes cartons, mais la plupart sont trop ambitieux, à la fois graphiquement et également au niveau du récit, impossible à faire tenir cela en un one-shot. Beaucoup d’éditeurs sont désormais demandeur de one-shots. Le risque est moins grand pour eux, ainsi que pour le public.
De mon côté, je ne veux pas passer les dix prochaines années de ma vie sur ce premier album. Je veux quelque chose de simple, beau et efficace, je veux avancer rapidement sans me prendre la tête tout en m’amusant. Dès lors, après réflexion, j’ai décidé que ce thème serait le plus adéquat. Le récit est ensuite venu de lui-même, en un week-end, et ça ne sera pas quelque chose que l’on a vu cinquante mille fois, enfin je l’espère… Après cette étape du premier album franchie, j’ai comme je l’ai dit beaucoup de cartons. Dedans, il y a pas mal de comics grim and gritty (ndr. Littéralement : « sinistre et graveleux »), un style et une période initiés par Alan Moore et Frank Miller en 1986 avec Watchmen et The Dark Knight returns, bien qu’il y ait eu quelques prémices un peu plus tôt… Il y a aussi de la science-fiction, du western et du thriller fantastique.
Si un jour j’arrive à produire et faire publier rien qu’un seul album dans chacun de ces genres, je serais alors plus que comblé…
Merci Gilles !
Vous pouvez voir le travail de Gilles Proust sur :
1/Art of Gilles Proust | Facebook
4/ Ayaka Slash #1 by Gilles Proust — Kickstarter
9. PAMANCHA pour Il faut apprécier son métier (pour les raisons qu’on a)
Interview Jacques Schraûwen
Vit à Bruxelles, qui lui inspire images et mots variés. Il est sorti de l’Institut Saint-Luc de Bruxelles avec une formation en bande dessinée et édition, ainsi qu’une passion encore accrue pour le médium (si cela était encore possible, bien sûr).
www.instagram.com/pamanchathebelgianartist
Avec une formation en bande dessinée et en édition, ce Bruxellois use de moyens
graphiques proches du style « dessin de presse », s’inscrivant ainsi dans une tradition bd dans laquelle se sont illustrés quelques grands noms comme Bretécher, Wolinski ou Reiser.
Mais ce ne sont, finalement, que des jalons dans son parcours.
« Je peux simplement dire que si ce sont les anciens qui m’inspirent, ce sont les nouveaux – mes amis, mes collègues et mes contemporains – qui me motivent le plus. »
Pour lui, l’humour est un vecteur important, une sorte de révélateur qui peut permettre à l’anecdote d’un « polar » de s’ouvrir à de nouvelles émotions : « L’humour est une forme malléable et subjective, et pris sous le bon angle, beaucoup d’éléments du polar peuvent s’y rapporter. Le sang, l’horreur… des émotions fortes que l’on peut retrouver dans un cadre banal, qui nous met à distance de notre propre vie, et nous en fait apprécier la tragédie de plus belle. »
8. Daran & Marc DESCORNET pour Doudouble
Interview Marianne Pierre
Daran a 14 ans. Il aime dessiner, comme son papa, Marc. À deux, ils se racontent des histoires et aiment surtout en imaginer. Au petit déjeuner ou dans le tram, les idées fusent et rebondissent d’un cerveau à l’autre, pour finalement donner naissance à de chouettes gags ou, comme dans ce numéro, des BD plus sombres.
www.instagram.com/xiaoba_labdenbulles
Marianne : Comment est-ce de travailler à deux? Et surtout en tant que père et fils? Qui écrit? Qui dessine? Et comment en êtes-vous arrivés à collaborer?
Marc : Je vais également répondre pour mon fils, Daran (14 ans). Nous prenons une idée de départ que nous développons par émulation réciproque. Il y a une complicité unique. Nous savons que chaque idée émise va générer quelque chose d’intéressant chez l’autre. Nous nous sommes mis à collaborer de manière naturelle. Depuis des années, on se raconte des histoires. Daran est un grand fan de Gaston et, quand il avait 8 ans, dans le tram pour aller à l’école, nous imaginions ensemble des nouveaux gags inspirés du gaffeur, que nous avons relooké et renommé Gaspar. Daran m’a aussi donné des idées pour mon personnage Abelard N. Nombrill. Pour le numéro spécial polar de 64_Page, nous avons voulu surprendre le lecteur par un contre-pied.
Marianne : Le noir et blanc est très sombre, c’est plutôt du noir et gris! Quelle est la technique utilisée? Et faites-vous aussi de la couleur?
Marc : Nous voulions donner à cette histoire les codes du polar de façon très prononcée, et j’ai donc opté – je dessine seul sur ce projet – pour un traitement graphique vraiment sombre et une narration qui provoque une tension dramatique. Les quatre planches se sont élaborées de manière assez particulière, d’abord autour d’images clés, puis les intermédiaires, presque toutes dessinées au crayon, scannées et travaillées sur ordinateur pour obtenir le rendu final, avec une mise en page équilibrée. J’ai hésité à ajouter de la couleur, mais ça aurait été un choix monochrome, comme des variations de sépia. Finalement, les niveaux de gris conviennent très bien.
Marianne : Le dessin me fait penser à Crumb, entre autres! Quelles sont vos influences, vos inspirations?
Marc : Je suis un grand lecteur de BD et mes influences sont multiples. Je connais le travail de Crumb, mais je lis très peu de comics. Je me fie surtout à mon instinct. Selon l’ambiance du récit, j’expérimente de nouvelles façons de faire. Du coup, mes réalisations peuvent paraître un peu éclectiques, comme vous pouvez en avoir un aperçu dans les précédents numéros de 64_Page (un western, un hommage à Louis Joos, un strip d’Abelard N. Nombrill, du cartoon aussi). Je préfère dire « multiple »; je peins également.
Marianne : Peut-on dire que cette histoire sent le vécu?
Marc : Cette BD est inspirée de faits réels. Nous sommes partis d’une histoire vraie, que nous avons détournée, je dirais que nous l’avons… polarisée. Nous jouions à cache-cache. Daran devait avoir 5 ou 6 ans. Il s’est caché dans la penderie et y a découvert son doudou. Bizarre. Il est ressorti pour aller vérifier dans sa chambre, et son doudou y était… aussi. Il a ainsi réalisé qu’il y avait deux doudous. Dans la BD, l’histoire, les lieux et les personnages sont différents. A noter que, pour l’enfant qui parle, j’ai utilisé l’écriture de mon fils. Et pour le papa… c’est celle de mon papa, décédé en octobre dernier. J’espère qu’il aurait apprécié, car il suivait mes créations avec admiration, mais n’a pas pu voir celle-ci.
7. Zélie GUIOT pour Pigments écarlates
Interview Philippe Decloux
Comme beaucoup d’artistes, je pense être née avec des crayons en main ! Peu après, je me suis lancée dans des études de bande dessinée à Saint-Luc à Liège. J’ai toujours aimé créer des histoires et des personnages (et parfois des décors). J’aime user de la couleur et notamment de l’aquarelle, pour qu’à elle seule, elle raconte une partie de l’histoire.
instagram : @zoou_ze Sur Facebook : Zou
Philippe : Présente-toi ! Dis nous quel est ton parcours. Ce qui te passionne dans la BD et quelles sont tes autres passions ?
Zélie : Je m’appelle Zélie, j’ai 21 ans et je viens tout juste de terminer un bachelier en bande dessinée à l’ESA Saint-Luc à Liège. Après mon bachelier, je voulais en connaitre davantage sur le milieu des maisons d’édition, et toute la chaine du livre. Je me suis donc lancée dans un master en communication visuelle et graphique en spécialisation édition, et je peux dire que ça me plait beaucoup !
Je pense que comme beaucoup d’auteur.e.s et dessinateur.ice.s, j’ai toujours trouvé un moyen de créer une histoire rocambolesque. En une illustration, je pouvais conter l’aventure de mes personnages ! C’est ce qui me plait le plus dans la bande dessinée, la possibilité de narrer à un lecteur.ice une multitude d’histoire qui fera voyager.
Mais je n’ai pas que le dessin et la narration dans la vie (même si j’y consacre 95% de mon temps !), je m’intéresse aussi à l’histoire, aux arts picturaux et cinématographique. Mais tous ces centres d’intérêts se retrouveront inévitablement dans mes récits, et j’espère faire partager mes passions à d’autres.
Philippe : Comment as-tu découvert la revue 64_page et qu’est-ce qui t’a décidée à te lancer dans ce défi ?
Zélie : J’ai découvert la revue par l’intermédiaire d’un ami. Avec d’autres de nos amis, nous avons créé un collectif et il avait partagé le « concours ». On était plusieurs à être emballé par le thème donc je me suis lancée. Qui ne tente rien n’a rien comme on dit !
Philippe : Tu places ta BD dans un contexte historique, une exposition des surréalistes à Paris et tu y mets à travers la narratrice Rose, une touche autobiographique. Raconte-nous la genèse de cette belle idée ?
Zélie : Depuis que j’ai commencé ma formation en bande dessinée, j’ai toujours inclus mes travaux dans une époque historique ou un lieu bien précis, que ce soit Venise, les années 50 ou la construction du mur de Berlin en 1961. Donc tout naturellement j’ai inscrit cette histoire dans un Paris des années 20, époque qui me charme tout particulièrement. Je voulais vraiment retranscrire l’ambiance typique de ce début du siècle.
C’était important pour moi d’y inclure un personnage féminin, indépendante et déterminée, dans le récit. Sûrement que j’inclue une partie de ma personnalité dedans, mais je sais que Rose est beaucoup plus déterminée à trouver le véritable assassin !
Philippe : Quels sont tes projets ?
Zélie : Pour le moment, je me concentre sur mes études, mais j’ai plusieurs projets qui me trottent dans la tête. J’aimerais développer un petit fanzine avec notre collectif, donc c’est un sacré défi que je me lance ! Mais bien évidemment, je n’abandonne pas Rose et Helena. Leurs aventures parisiennes ne font que commencer !
6. Noelia DIAZ IGLESIAS (SylloDiaz) et Xan HAROTIN pour J’ai couru, couru,…
Interview Angela Verdejo
Elles nous proposent ici justement un duo scénariste-illustratrice qui plonge plume et pinceau dans un monde plutôt pour adultes. Mais pas « que » !
Nous vous rappelons les liens où vous pouvez vous rendre pour en savoir davantage et surtout pour voir leur travail :
Xanharotin.ultra-book.com ou www.instagram.com/xan_harotin
Angela : Vous êtes deux autrices fidèles à 64_page, nous connaissons bien votre travail mais tout d’abord, pour ceux qui ne vous connaissent pas encore, j’ai envie de vous demander à chacune, séparément, de vous définir en une petite phrase et, ensuite, de nous parler de votre travail passé et à venir.
Xan – Nous avions, toutes les deux, envie de participer au spécial polar de 64_page. De mon côté, j’ai été inspirée au niveau du texte mais je voyais mal mon dessin pour cette histoire. J’ai réfléchi aux personnes à qui j’aurais pu proposer le texte et j’imaginais assez bien le dessin de Noelia si elle acceptait. J’aime son côté graphique et ses mises en couleurs. Je savais qu’elle n’avait pas encore eu d’idée de scénario.
Noelia – Effectivement, je n’avais pas d’idée (ni de temps pour y réfléchir sérieusement), je ne pensais finalement paspouvoir y participer quand soudain Xan me propose d’illustrer son texte. Dès la première lecture je l’ai trouvé très fort, d’actualité (malheureusement) et inspirant. Et j’ai accepté de l’illustrer.
Au début, j’ai eu un peu peur de ne pas être à la hauteur de son texte. De ne pas proposer des images assez fortes. Après quelques croquis, tout s’est débloqué.
Angela : La première chose qui nous étonne (et, nous l’avouons, nous fait énormément plaisir !) dans le travail que vous présentez dans ce numéro spécial polar de 64_page est que vous vous êtes associées pour créer ces pages… comment l’idée vous est-elle venue d’écrire et de dessiner à quatre mains et comment avez-vous vécu ensemble et séparément cette expérience ?
Noelia – On peut vraiment dire que l’on a travaillé de manière très classique, scénariste d’un côté et illustrateur de l’autre. Xan m’a laissé la main pour le découpage, le dessin et la couleur.
Xan – J’ai adoré l’expérience, c’est la première fois que je confiais mon texte à quelqu’un d’autre et que je voyais naître ses idées suite à mon texte. Comme Noelia le dit, j’étais au scénario et elle au dessin, je ne suis pas intervenue quant à la mise en page, on s’est fait confiance.
Angela : Comment avez-vous procédé dans le cas précis de J’ai couru, couru ? Avez-vous d’autres projets ensemble ?
Xan – Pour le moment, nous n’avons pas d’autres projets ensemble.
Noelia – Aucun projet commun à l’horizon, mais je ne dirais pas non à une nouvelle expérience !
Angela : Cette BD ne s’inscrit pas du tout dans le cadre de ce que vous faites habituellement toutes les deux, c’est-à-dire la littérature jeunesse, ou peut-être oui, je ne sais pas, à vous de me le dire. Comment en êtes-vous venue à choisir cette thématique, qui est une thématique fort engagée ?
Xan – Je suis plus connue pour mes illustrations jeunesses, mais j’écris et dessine aussi des choses plus adultes. Je dirais qu’elles sont moins vues.
Pour la thématique, c’est le thème du polar qui m’a inspiré cette idée. Je pense que tout ce qui nous entoure nous inspire, dans ce cas, mes lectures, les films, ce qui se passe autour de nous…Il y a des sujets qui sont parfois durs mais je trouve ça intéressant qu’on en parle, se mettre à la place des gens et essayer de comprendre.
Noelia -Comme Xan, je ne dirais pas que je fais que de la jeunesse. C’est effectivement le médium de l’image qui me parle le plus, car il est pour moi l’espace qui offre le plus de liberté. J’aime jouer sur des thèmes « sérieux » et un graphisme plus enfantin ou naïf.
Angela : Quelle question vous poseriez-vous l’une à l’autre en évoquant cette nouvelle expérience avec 64_page autour du polar ? Et comment y répondriez-vous ?
Noelia -As-tu été surprise par mon découpage de ton texte? C’est -à-dire, la relecture de ton texte illustré t’a-t-il tenu en haleine ?
Xan – Je ne m’attendais pas à un découpage comme ça. Je l’ai trouvé original et en même temps cela fonctionnait bien. Même si je connaissais la fin, cela m’a tenu en haleine !
Xan- Et la mienne, est-ce que cela t’a plu d’illustrer ce scénario ?
Noelia – Évidemment ! Je ne m’attendais pas du tout à cette demande et j’en suis très contente ! Déjà, j’ai pu découvrir un aspect de ton travail très mature que je ne connaissais pas bien. Et puis c’était également la première fois que j’illustrais, sous forme de bande dessinée, le texte de quelqu’un d’autre. Tout un challenge.
5. Vincent GRIMM – Mauvaises langues
Interview Philippe Decloux
Passionné depuis toujours par la bande dessinée, j’apprends à développer mon propre style à l’académie de Watermael-Boitsfort dans l’atelier BD/Illustration de Philippe Cenci. Je réalise mes propres scénarios et dessins et j’espère partager mes planches avec le grand public.
https://www.instagram.com/grimm_vincent/
Philippe : C’est ta première participation à 64_page. Explique-nous ton parcours dans la vie en générale et dans la BD en particulier ?
Vincent : Je ne suis pas très original à ce niveau-là, mais j’ai toujours lu des BD depuis mon enfance et j’en dessinais très tôt aussi. J’ai en premier suivi des études dans le cinéma et la vidéo, mais tout en dessinant dans mon coin. J’ai vite compris que dessiner de la BD me convenait mieux que faire des films, il y a moins d’imprévus et ça coûte beaucoup moins cher de faire des monstres ou des vaisseaux spatiaux. En 2017, j’ai rejoint l’atelier BD/Illustration de Philippe Cenci à l’Académie des Beaux-Arts de Boitsfort, c’est là que j’ai tout appris dans le dessin avec pour but de me faire publier.
Philippe : Mauvaises langues nous plonge en quelques cases très efficaces dans une ambiance anglaise (?) d’un orphelinat… Tu as une facture très classique et tu traites un sujet qui bouscule le lecteur. Comment as-tu conçu ce scénario très prenant ?
Vincent : Au départ je voulais détourner le polar et le mélanger avec de l’horreur, j’ai toujours bien aimé le mélange de ces deux genres. L’histoire est venue de ma copine qui m’a réveillé à 3h du matin pour me raconter une idée qu’elle venait d’avoir. Elle m’a dit que ça collerait parfaitement pour ma BD. J’ai fait plusieurs ajustements, j’ai rendu le personnage principal mal intentionné, mais globalement toute l’idée du monstre dans l’orphelinat qui défend les orphelins vient de ma copine. Quant au sujet plus grave du récit, je voulais faire du personnage principal un être répugnant et il n’y a rien de plus répugnant qu’une personne qui s’en prend à des enfants. Pour le monstre, je me suis inspiré des langues des oies: elles ont des crêtes dentelées en forme de dents de cartilage le long des mandibules. C’est terrifiant…
Philippe : Qu’est-ce qui t’a motivé et décidé à te lancer dans ce récit Polar pour 64_page?
Vincent : Je connais des dessinateurs qui ont publié dans le spécial Western de 64_page et je me suis dit que ça pourrait être un bon exercice de faire une BD en seulement quatre planches avec un thème imposé. Ça fait toujours plaisir de publier un récit évidemment !
Philippe : Et tes projets ? Comment vois-tu ton avenir dans la BD ?
Vincent ; Je monte en ce moment un dossier avec un auteur de BD et j’espère que ça plaira à un éditeur. Sinon j’écris toujours des scénarios dans mon coin, pour monter les prochains dossiers jusqu’à ce que je signe quelque part.
4. Jordan BERTRAND – Face caché
Interview Jacques Schraûwen
Je suis un jeune artiste de 25 ans, j’ai fait un parcours à Saint-Luc en bande dessinée.
J’aime énormément travailler de façon traditionnelle, à l’encre de Chine et au pinceau, pour donner différentes ambiances, tout en laissant courir le pinceau sur la page.
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Encre de chine et pinceau sont les outils de prédilection de ce jeune dessinateur de 25 printemps.
Un dessinateur qui aime les ambiances, les couleurs traitées d’une manière qui n’est pas sans rappeler Philippe Berthet ou certains comics américains.
Sa participation à une thématique « polar » correspond pour lui à un plaisir, d’abord et avant tout : « Je trouve que le polar est un univers assez vaste où on peut passer d’un roman policier basique à quelque chose de beaucoup plus complexe. C’est d’ailleurs pour ça que c’est mon thème préféré, le travail des personnages est très important ainsi que l’ambiance car si on n’arrive pas à rentrer dans celle-ci le polar perd tout son charme. »
La bande dessinée, pour lui, naît essentiellement de la construction d’une narration, « d’un récit qui doit transporter le lecteur ou la lectrice dans un univers, une ambiance, et ce avec des personnages qui nous donnent envie de le ou les suivre du début à la fin. »
3. Charles P. – PermaLag
Interview Gérald Hanotiaux
Dans le numéro 22 de 64_page, nos lecteurs trouverons PermaLag, une histoire de celui signant ici du pseudonyme « Charles P. » Rencontre avec l’auteur de ces pages en noir et blanc, rehaussées de quelques touches de rouge marquantes…
Gérald Hanotiaux. Pourrais-tu, pour nos lecteurs, te présenter en quelques lignes… ?
Charles P. Je m’appelle Charles mais je préfère l’usage d’un pseudonyme comme Charlie P ou CH.P, plus sympa et plus court selon les circonstances. Comme le veut un cliché bien connu, concernant les artistes : je dessine depuis tout petit ! J’ai ensuite poursuivi des études d’arts, à l’Académie Royale des Beaux-Arts de Liège, où j’ai pu parfaire ma technique et développer mes visuels par la bande dessinée, et plus généralement par le dessin.
Gérald : Que dirais-tu des apports des écoles d’art, est-ce selon toi un passage nécessaire pour la bande dessinée ?
Charles : Dans mon cas je pense que les écoles d’art sont un excellent complément pour se perfectionner en bande dessinée. Mais pour peu qu’on soit autodidacte et qu’on connaisse certaines règles de lecture et de découpage, on pourrait théoriquement s’en passer. Le plus important et le plus difficile à mon sens reste la pratique du dessin et les différentes techniques associées, c’est à dire être capable de concevoir un univers graphiquement cohérent et original, avec une bonne histoire. C’est également important d’avoir des retours de professeurs critiques, pour se perfectionner tout en évoluant dans un milieu artistique qui entretient la motivation. Donc, difficile à dire mais je dirais que, bien que non nécessaire, une école d’art est essentielle pour s’éveiller et pratiquer ! Encore que, ça dépend de l’école, il y a celles qui nous poussent à devenir un salarié du divertissement, et celles qui nous invite à sortir des moules.
Gérald : Comment es-tu arrivé vers la revue 64_page ? Et quel rôle penses-tu qu’une revue de ce type peut jouer ?
Charles : C’est une camarade de l’Académie royale des beaux-arts de Liège qui m’a informé de l’existence de la revue. Elle s’appelle Zoé Bayenet : je la salue au passage ! Il me semble que son rôle premier est de porter les nouveaux auteurs vers un public plus large, et ce n’est pas ça qui manque avec l’avènement d’internet, où les jeunes auteurs sont très nombreux à présenter leur travail. C’est important d’apporter du sang neuf dans la bande dessinée, où de nombreux jeunes auteurs méritent leurs places.
Gérald : Pourrais-tu évoquer à nos lecteurs les techniques avec lesquelles tu travailles ? En général, mais aussi plus spécifiquement sur les pages de PermaLag ?
Charles : J’ai toujours cherché le plus simple, le moins contraignant et le plus direct avec un résultat que j’estime expressif… J’ai donc adopté les plumes dès le début de mes études, avec quelques compléments d’aquarelles. Ce genre de simplicité me permet de créer – et me contraint – à produire des travaux remplis de détails, où mon imagination carbure. De temps en temps je colorise à l’aide d’une tablette graphique, pour obtenir des résultats qui me plaisent, mais ce n’est pas la partie que j’aime le plus dans mes travaux…
Gérald : Au niveau des couleurs, justement, les pages que tu nous proposes dans ce numéro 22 sont en noir et blanc, avec des ajouts de matière rouge. Ces inserts de couleur sont réalisés comment ?
Charles : Je réalise ces inserts d’une manière très simple avec du latex liquide, une brosse à dents et un peu d’ecoline rouge. Une technique que m’avait montrée un camarade et, depuis, je ne peux plus m’en passer pour réaliser des textures cosmiques et d’autres effets graphiques. Le tout est de bien la placer.
Gérald : Le climat « oppressant » émanant de tes pages fait-il partie des ambiances habituelles dans ton travail, ou tu t’es adapté à la thématique du numéro… ?
Charles : C’est une partie intégrante de mes travaux. Comme je travaille principalement en noir et blanc, j’essaye de compenser le manque de couleur en produisant des ambiances par le scénario et la composition, même si le simple fait d’utiliser du noir et blanc produit déjà quelque chose de contrasté et graphique.
En fait, la thématique du numéro tombait pile poil avec mon univers, c’est pour ça que je vous ai contacté, j’allais pouvoir travailler sur un projet qui me plaît, en produisant des travaux qui me plaisent. Cependant, je fais aussi des dessins plus « bonne ambiance », disons, mais c’est souvent pour produire du contraste avec un univers oppressant et mystique.
Gérald : Qui citerais-tu parmi les auteurs qui ont influencé ton style ? Que lisais-tu et que lis-tu régulièrement ?
Charles : Indéniablement Katsuhiro Otomo et Kentaro Miura (respectivement Akira et Berserk), Franquin (Gaston Lagaffe), Rosinski (Thorgal, Le Schninkel), Druillet (La nuit, Lone Sloane) pour ce qui est du manga et de la bande dessinée franco-belge. Je m’inspire également du jeu vidéo avec des titres comme Silent Hill 2, Dark Souls, Metal Gear Solid et autres Shin Megami Tensei, mais c’est un sujet très vaste, j’adore utiliser les codes du jeu vidéo dans mes travaux. Récemment je me suis également remis à la lecture de romans et deux titres m’ont fortement inspiré : La trilogie des trois corps de Liu Cixin et La horde du contrevent de Alain Damasio. C’est incroyable à quel point ces deux œuvres produisent du vertige et de l’inspiration. Pour le reste je dois avouer que je ne lis pas régulièrement, je passe plus de temps à bosser en m’inspirant de films ou en écoutant des podcasts.
Gérald : Quels sont tes éventuels projets actuels en bande dessinée, à court terme sur lesquels tu serais occupé à travailler, et à plus long terme, ce vers quoi tu as envie d’aller…?
Charles : Je suis actuellement occupé à travailler sur un projet de science-fiction, il s’inscrit dans une démarche à long terme… Pour être plus précis, à court terme j’aimerais finaliser une première partie de ce projet, pour à plus long terme avoir une œuvre complète e plus grande ampleur. Tous mes travaux et expérimentations s’inscrivent dans cette logique, ils servent un seul et même projet. Pour le moment, l’écriture et le scénario sont bien entamés, suffisamment en tout cas pour produire une première partie. Niveau dessin, j’ai déjà une vingtaine de planches, je travaille dessus activement pour avoir un premier chapitre publiable.
Merci Charles !
Vous pouvez voir le travail de Charles P. sur : https://chepire.wixsite.com/permalag https://www.instagram.com/permalag/ https://www.projets-bd.com/2021/12/17/permalag-2/
2. Lucas Bouvard – Bloody Cheesecake
Interview Marianne Pierre
Lucas Bouvard est un bédéiste reconnu dans le monde de la musique, figure de proue du mouvement avant-gardiste du « jaipascomprisme ». Honoré par ses pairs et impairs, il continue malgré tout de barbouiller ce qui lui passe par la tête.
https://www.instagram.com/bouvarddessin/?hl=fr
https://portfolio.adobe.com/d0b38a4d-98a5-4e50-b241-c32a58f6e4e4/preview/work
Marianne : Peux-tu nous décrire ton parcours, comment tu es tombé dans la BD?
Lucas : Je crois que mon amour de la BD est une chose que j’ai toujours eue. Même avant de savoir lire, j’essayais de comprendre les histoires de Tintin par les dessins. Pendant toute mon enfance puis mon adolescence, j’ai dévoré toutes les BD de mes parents, des bibliothèques et des librairies de ma ville natale. Mais pendant toute cette période, je ne dessinais pas encore.
C’est en commençant mes études en architecture du paysage que j’ai rencontrée des amis qui dessinaient. Ils m’ont vite donné envie de me lancer là-dedans.
Je n’avais pas de formations en arts et je ne voulais pas quitter mes études pour une formation en BD. Alors j’ai appris en autodidacte, via des livres, par internet ou en cours du soir.
Puis suivant le vieil adage qui dit que c’est en forgeant qu’on devient forgeron, j’ai participé à des concours, des fanzines et des microéditions. Aujourd’hui j’arrive un peu à concilier BD et architecture dans ma vie. Mon rêve serait de faire les deux en même temps : une BD sur l’architecture du paysage… Ou un plan de jardin en forme de BD ? Je ne me suis pas encore décidé.
Marianne : Bloody Cheesecakeest un parfait exemple d’humour noir. Est-ce ton registre habituel?
Lucas : Je n’irais pas jusqu’à dire que j’ai un registre habituel en fait. Je me cherche encore alors j’essaie d’écrire toutes sortes d’histoires (polar, fantaisie, vulgarisation), tout en essayant d’y ajouter de l’humour.
Marianne : Tu as un beau sens du noir et blanc, très travaillé. Je pense à Charles Burns ou Mezzo. Quelles sont tes influences graphiques?
Lucas : Du côté du graphisme, mes références me viennent plutôt des écrivains américains. Mike Mignola, Will Eisner, Eric Powell ou Paul Azaceta pour citer des virtuoses du noir et blanc.
Marianne : Techniquement, comment et avec quoi travailles-tu?
Lucas : Me considérant encore comme étudiant en BD, je cherche à me perfectionner dans toutes sortes de techniques : plume, feutre, pinceau, dessin informatique…
Pour cette BD-ci j’ai réalisé les planches à l’encre de chine et au pinceau. Puis je les aie scanné pour une finition des aplats et des contrastes sur Photoshop.
Pour le moment je n’ai pas de constantes. Ma prochaine BD sera d’ailleurs faite entièrement sur tablette graphique.
Marianne : Quels sont tes projets?
Lucas : Continuer à apprendre et continuer à participer à des publications de magazine comme celles de 64 pages. J’ai deux trois projets de BD en tête mais j’ai encore du travail avant de pouvoir les écrire.
1. Inès SANCHEZ-ROYANT – Petit Meurtre Matinal
Interview Angela VERDEJO
-ROYANTInès Sanchez-Royant, autrice de Petit meurtre matinal, est franco-espagnole, dès ses dix ans, elle accumule prix et reconnaissances aussi bien hispaniques que francophones. Pour faire plus ample connaissance avec son travail je vous invite à lire l’entretien ci-dessous et à visiter son Instagram : @ines.sanchez.royant et son blog : https://losdibujosdeines.wordpress.com/
Angela : Si tu pouvais te « définir » en une phrase, pourrais-tu me dire : Qui es-tu, Inès ?
Inès ; Je suis une autrice-illustratrice de 14 ans qui rêve de publier un album.
Angela : Sur ton Instagram il y a pas mal de publications en espagnol, pourrais-tu nous parler de ce travail bilingue ?
Inès : Je suis Franco-espagnole et j’aime écrire dans les deux langues, cela dépend du sujet et du projet. Comme je vis en Espagne et que j’aime participer à des actions artistiques, alors, dès que l’occasion se présente localement, je réponds favorablement aux propositions. L’écriture se fait donc naturellement en espagnol. Comme je suis également baignée dans la culture française, je suis toujours à la recherche de projets francophones.
Angela : L’accent, tantôt aigu tantôt grave, sur ton prénom, en dit long sur la question, non ?
Inès : Pour l’accent sur mon prénom, ma signature inclut les deux : je trace un triangle. Mes parents n’ont pas vraiment choisi le côté de l’accent (Inès pour ma mère française et Inés pour mon père espagnol) et finalement, je m’identifie avec les deux côtés. Comme l’article est pour 64_page, revue francophone, je choisis pour cette occasion Inès.
Angela : Raconte-nous les techniques que tu as utilisées dans ce Petit meurtre matinal.
Inès : J’ai commencé le travail au crayon à papier puis j’ai réalisé l’encrage avec des feutres à l’encre de Chine. Pour la mise en couleur, j’ai utilisé des aquarelles et des feutres à alcool. Dans Petit meurtre matinal, j’ai testé le ruban de masquage pour faire des cases sans contour.
Angela : Pourrais-tu nous parler de ton choix de narration ? Il y a beaucoup d’humour, d’ironie dans ton travail, l’ironie est un très bon moyen pour aborder la critique sociale. Qu’en est-il dans ce travail et dans ton travail en général ?
Inès : Il est vrai qu’il y a toujours un message dans chacune de mes productions. L’actualité et les faits de société m’inspirent et j’aime exagérer les choses, cela les rend risibles.
En général, les histoires que j’écris se construisent sans prévenir dans ma tête. Les idées surgissent à partir d’éléments de conversations ou d’un vécu qui peut paraître banal. Par association d’idées, elles s’évadent alors de leur caractère plus ou moins sérieux pour devenir drôles.
Pour Petit meurtre matinal, j’ai réfléchi à partir du thème Polar et, à la façon d’Agatha Christie, j’ai pensé donner de fausses pistes au lecteur. Ensuite, je trouvais amusant d’introduire des personnages avec des caractères marqués : le détective incompétent, la mère qui fait tout un drame à partir de pas-grand-chose, Tante cracra qui est en avance sur son époque et incomprise, la petite fille plus lucide que tous les autres, mais qui ne dit rien parce qu’elle sait qu’elle ne sera pas écoutée de par son jeune âge… Pour le choix de l’époque, ce sont mes lectures des classiques du genre qui m’ont inspirée.
Angela : On dit que dans les rêves nous sommes nos propres metteurs en scène et que nous sommes tous les personnages de même que la scénographie, rêve et création se ressemblent beaucoup au fond, qu’en penses-tu pour ce qui est de ta création ?
Inès : Ce n’est pas mon cas. Je trouve mes rêves désorganisés et bizarres. Ils me paraissent intéressants au niveau personnel, ils m’aident à mieux me comprendre moi-même. Par contre, ils ne me sont pas utiles dans mon travail d’écriture. Mes créations partent de la réflexion même si tout se passe très vite.
Angela : Donc tu ne t’identifies pas quelque part avec tes personnages par exemple ?
Inès : C’est rarement le cas. Dans Petit meurtre matinal, je ne m’identifie à aucun personnage. En général, je crée des personnages qui me paraissent avoir du relief, tout simplement.
Par contre, dans mon prochain projet d’album, le personnage principal aura plusieurs de mes traits de personnalité et vivra certaines de mes expériences, mais ce ne sera pas pour autant une autobiographie.
Angela : Qu’en est-il de ton rapport au genre policier, quelles raisons t’ont-elles amenée à participer au défi lancé par 64_page autour du polar ?
Inès : J’aime les polars en tant que lectrice, mais c’est la première BD que je réalise dans ce genre. J’ai rencontré les membres de 64_pages en septembre à Bruxelles grâce au Prix Raymond Leblanc. 64_page POLAR était leur projet suivant. J’ai tout de suite voulu participer.
Angela : Le prix Raymond Leblanc ?
Inès : J’ai participé au prix Raymond Leblanc en mai dernier avec mon tout premier projet d’album : GAÏA à travers la cascade. Il m’a été décerné un des deux prix “très jeune talent ». Le Prix Raymond Leblanc invite les participants à une Master class et à des rendez-vous éditeurs. Ce fut une belle expérience et c’est là que j’ai eu la chance de rencontrer les responsables de 64-Page.
Angela : Quels sont tes projets à venir ?
Inès : Je veux publier des albums. Pour avancer dans mon parcours, je participerai au prochain concours de la BD scolaire d’Angoulême pour tenter de décrocher un cinquième petit fauve d’or, je présenterai un nouveau projet d’album au prochain prix Raymond Leblanc, je continuerai à proposer mon travail à 64_pages et je suis ouverte à toutes les propositions dans le monde de la BD et de l’illustration. Je crée aussi des affiches, prépare des expositions et réalise des peintures street-art.
Angela : Un cinquième petit fauve d’or ?
Inès : Cela fait 4 ans que je participe au concours de la BD scolaire du Festival d’Angoulême. La première fois, j’avais 10 ans. En tout, j’ai obtenu 4 petits fauves d’or et 3 petits fauves de bronze. J’ai déjà plusieurs idées pour ma cinquième participation.
Numéro actuellement en prévente (sortie au Festival d’Angoulême le 26 janvier 2022). 64 pages, spécial SCÉNARISTES. Longue interview exclusive de ZIDROU, prix Rossel 2021 pour l’ensemble de son oeuvre, par Gérald Hanotiaux.
Prévente 9€50 (frais de port offerts) – 20€ en achat couplé avec le 64_page #22 POLAR. info : www.64page.com/abonnements/