Les auteur.e.s du 64_page #26 – Oiseaux
PROMO jusqu’au 25 janvier 2024
Sortie fin janvier, numéro à 12,50€ (le coût postal est offert) sur le compte de 64_page : BE51 0689 4736 3762 – BIC: GKCCBEBB
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Entretien avec Émilie REINEKE
La brigade des P.I.A.F.
Entretien Angela Verdejo
Merci Emilie Reineke pour ta participation avec cette brigade P.I.A.F., bravo pour ce travail et à bientôt !
Instagram : @zittelsasha
Entretien avec Pauline GOBERT
Syndrome du sauveur
Le coordinateur éditorial s'est pris les pieds dans ses papiers, deux interviews de Pauline ont été menées par Gérald HANOTIAUX et Marianne PIERRE, nous publions les deux.
Nous allons évoquer ici deux très belles pages présentes dans notre dernier numéro, dont la thématique est « Les Oiseaux ». Elles évoquent le temps qui passe mais aussi, avec un tout petit oiseau bien connu, le temps d’urgence qui s’écoule implacablement… Rendez-vous avec leur autrice, Pauline Gobert.
Gérald Hanotiaux. Pourrais-tu te présenter en quelques mots à nos lectrices et lecteurs ?
Pauline Gobert. Hum, ce n’est pas évident de se résumer en quelques mots… J’ai toujours aimé créer, depuis que je me sers de mes dix doigts. En grandissant, j’ai fait des choix plus « raisonnables », mais cela m’a fait tourner en rond. Je suis finalement revenue vers la peinture, puis j’ai découvert l’illustration. Depuis 2020, je suis les cours de bande dessinée et illustration à l’académie de Chatelet. Je me sens beaucoup plus épanouie depuis que j’ai renoué avec la créativité.
Qu’est-ce qui t’a poussé à te tourner vers notre revue 64_page ?
L’occasion s’est présentée dans le cadre de mes cours, justement. Beaucoup de mes camarades de classe ont déjà proposé des projets pour la revue. Le thème des oiseaux m’a inspiré, et j’ai osé proposer mon histoire.
Celle-ci tient en deux superbes pages en couleur, intitulées Syndrome du sauveur, peux-tu introduire cette bande dessinée en quelques mots ?
Je trouve que le monde ne tourne pas rond et, pour tenter de l’améliorer, j’ai envie d’assumer ma part du travail… J’ai du mal à comprendre les personnes qui disent « ce n’est pas à moi de le faire, ce n’est pas ma faute. » Cela dit, pour les questions écologiques comme d’ailleurs pour d’autres problématiques, il ne faut pas non plus se mettre trop la pression, ça peut devenir un problème si on se répète sans cesse « zéro déchet », « être un bon parent », « minimalisme », « écologie »… Je dois avouer que j’ai moi-même déjà frôlé l’épuisement. Le syndrome du sauveur s’adresse donc aux personnes comme moi, qui veulent faire leur part mais oublient parfois de prendre soin d’elles. Un équilibre est à trouver…
Dans ce cadre de pensée, tes deux pages sont particulièrement bien pensées ! J’y ai vu une allégorie du temps qui file, mais aussi du temps à « sauvegarder », on pourrait y voir une image liée aux mouvements écologistes, au petit qui fait ce qu’il peut pour redonner du temps au temps, au temps de vie de la planète, à présent compté…
Oui j’ai choisi le colibri pour cette raison. Comme le veut le conte raconté par Pierre Rabhi, cet oiseau symbolise ces personnes qui font leur part, même si le geste est minime. Ta réflexion est tout à fait pertinente, et initialement j’ai voulu représenter le risque d’épuisement lorsqu’on poursuit inlassablement un but inatteignable : la perfection. J’aime que mes histoires poussent la réflexion ailleurs que là où je voulais l’emmener… J’encourage vivement les gens à mener des actions concrètes pour aller vers un mieux, tout en étant indulgent envers soi. Un pas à la fois.
Techniquement, comment as-tu procédé pour ces pages ? Plus généralement, as-tu différents styles de travail en dessin ?
Paradoxalement, je ne me considère pas comme douée en dessin. Ne me demandez par exemple pas de dessiner quelque chose d’hyperréaliste ! Mes premières illustrations ont été réalisées en collant des morceaux de papiers colorés, découpés dans des magazines et publicités. Pour cette histoire, j’utilise des pinceaux en cahoutchouc, pour avoir ces effets dans la peinture acrylique. J’aime contraster ces effets par un trait minimaliste. De manière générale, j’aime expérimenter différentes manières d’illustrer. Qui sait, pour d’autres projets, si je trouverai encore d’autres moyens et outils…
Pourrais-tu nous parler des auteurs et autrices qui t’ont inspiré, font partie de tes influences ? Tant en bande dessinée qu’éventuellement en illustration ou dans toute autre discipline artistique.
Ma première inspiration c’est Elmer de David McKee, cet éléphant aux couleurs folles. Je me souviens, à quatre ans, avoir réalisé mon premier éléphant après la lecture de cette histoire. J’ai d’ailleurs toujours ce dessin chez moi.
Au niveau littéraire, j’ai toujours beaucoup aimé les histoires fantastiques et les romans dystopiques, tels que Harry Potter, L’apprenti épouvanteur, La quête d’Ewilan…. Globalement, j’aime sortir de ce monde quand je lis. J’aime que les histoires aient un brin de fantaisie. Je me suis intéressée très jeune à la mythologie, aux contes et légendes. J’aime trouver des sens cachés aux histoires, par exemple comment un symbole peut raconter tellement de chose à lui tout seul. Dans les autres disciplines de l’art, j’ai donc une préférence pour les artistes qui abordent ces sujets, notamment les peintres de la Renaissance.
Que penses-tu du secteur de la bande dessinée actuellement ? On parle souvent de surproduction, mais aussi d’âge d’or en matière de créativité. Qu’en penses-tu ?
Il me semble qu’il y a beaucoup plus de choix de bande dessinée actuellement, bien que je n’aie pas énormément de recul, ni une grande connaissance du secteur. Les genres et les styles graphiques se diversifient. Cela traduit également un phénomène de société plus global selon moi : l’hyperconsommation. Tellement beaucoup plus de choix dans tout, de même que la rapidité de consommation… Les gens se lassent plus vite. Je ne sais pas s’il s’agit d’une plus grande créativité ou plutôt d’une plus grande visibilité. Peut-être y avait-il autant de beaux projets il y a vingt ou trente ans, avec beaucoup moins auxquels on donnait leur chance… Je ne m’y connais pas suffisamment pour en dire plus.
Quels sont tes projets ? À court terme, sur lesquels tu travaillerais en ce moment, mais aussi à plus long terme, ce vers quoi tu voudrais aller…
Je travaille sur trois projets actuellement. D’abord un livre jeunesse destiné aux 8 à 12 ans, inspiré des livres-jeux que je dévorais dans ma jeunesse. Le lecteur y aura le choix, dans l’histoire, entre plusieurs pistes. Et trois fins possibles sont proposées. Ensuite, il s’agit d’un livre à destination des ados/adultes, dont mon mari a écrit le texte. Je suis occupée à l’illustrer. Parallèlement, je travaille également sur un oracle, un jeu de carte de type Tarot. Il s’agit de la version masculine de l’Oracle des copines, que j’ai autoédité et sorti cette année. À plus long terme, je me vois continuer cette activité en parallèle d’autres. J’illustre au gré des projets qui m’inspirent…
Un mot de la fin ?
Merci de m’avoir donné cette opportunité de publier dans la revue 64_page. J’espère que ma brève histoire plaira/aura plu aux lecteurs.
Merci Pauline !
Bonjour Marianne,
Merci, ça me fait plaisir qu’elles t’aient plus.
J’ai déjà été interviewée par Gerald. Je te met en pièce jointe le document de l’interview (il y a une version plus recente).
Pour répondre à tes questions:
Marianne : 1/ A lire tes deux planches, on pense au mythe de Sisyphe ou à celui du tonneau des Danaïdes: à savoir répéter sans cesse une tâche qui s’avère complètement inutile. J’y vois une allégorie du temps qui passe sans qu’on ne puisse rien y faire. C’était effectivement ton idée?
2/ D’où te vient cette image très poétique mais plutôt pessimiste?
3/ Pourquoi spécifiquement un colibri?
Pauline : J’aime beaucoup la mythologie, cela s’en ressent peut-être. Je suis partie du conte de Pierre Rabhi, dans lequel le colibri est l’animal qui fait sa part pour éteindre un incendie. C’est une histoire qui me touche beaucoup. Je trouve que c’est important de faire sa part dans ce monde. Chacun est responsable. Cependant, je suis déjà tombée dans le piège de vouloir faire la part de tout le monde, pas seulement la mienne. Et cela est épuisant. C’est ce que j’ai voulu représenter ici: mettre en garde ceux qui se mettent tellement la pression (zéro dechet, minimalisme, bio, parentalité positive, etc) qu’ils frôlent le burn out.
4/ Et puisque tu sembles d’humeur philosophique… quelle place occupe la peinture dans ta vie? Que fais-tu d’autres?
J’ai souvent eu du mal à gérer mes émotions. Je me suis souvent sentie à fleur de peau. À force de ruminer des questions sur le monde et le sens de la vie sûrement. La peinture est un support qui m’aide à m’exprimer autrement. On dit qu’une image est parfois plus parlante qu’un long discours.
En dehors de la peinture, je m’occupe de mon fils de 6 ans. Nous avons choisi de faire l’école à la maison, ce qui demande pas mal d’énergie et de temps. L’an prochain, j’aimerais me former pour devenir agent de pompes funèbres. Cela influencera sans doute mes prochains travaux.
Vous pouvez voir le travail de Pauline en consultant ces liens : Artiste peintre et illustratrice: https://paulinegobert.wixsite.com/website Facebook: https://facebook.com/pauline.gobert.artist Instagram : @paulinegobertartiste
Entretien avec Christophe PLAYFOOT
L’OISEAU S’EST ENFIN ENVOLÉ
Entretien Angela VERDEJO
© Christophe Playfoot
Angela : Bonjour Christophe Playfoot ! Enchantée de te retrouver encore une fois avec L’Oiseau s’est envolé enfin ! dans ce numéro spécial OISEAUX de 64_page. Afin de te présenter à ceux de nos lecteurices qui ne te connaissent pas encore, bien entendu, on commence par une petite présentation de ton parcours d’artiste ?
Christophe : Bonjour ! Alors pour parler de moi, j’aime le dessin et la bd (ainsi que le jeu vidéo, ceux qui verront mon Instagram s’en rendront compte) depuis petit, et après avoir fait des études dans le management (imposé, car j’étais nul à l’école), je me suis tourné vers des études d’art pour mes études supérieures. J’ai adoré cette période de ma vie, puis comme je voulais me spécialiser dans le dessin et la bande dessinée, j’ai fait un Master sur cette dernière à l’EESI à Angoulême. Dont je suis ressorti diplômé en 2022, j’ai beaucoup appris là-bas, sur la création d’une histoire et la culture générale autour de la BD, comment les différents Arts l’ont influencée et l’influence toujours aujourd’hui. J’ai aussi appris que j’étais très nul en dessin à cette période (c’est un peu mieux maintenant haha). Je me base toujours sur mes ressentis personnels et mon vécu pour raconter mes histoires comme pour celle que je vous ai proposée dans cette revue. Je connais 64_page, car j’ai représenté mon Master au festival d’Angoulême en 2022 et une représentante de la revue est venue nous en parler sur le stand (peut-être vous, je ne sais plus) (NDLR : il s’agissait de Marianne Pierre, envoyée spéciale de 64_page au Festival d’Angoulême). En sortant de l’école, je ne savais pas trop vers quoi me tourner et j’ai décidé de participer à la revue pour le numéro 24 ! Je suis revenu vers vous pour ce nouveau thème sur les oiseaux afin de m’essayer à quelque chose de nouveau. Sinon quand je ne dessine pas, je travaille en supermarché, je raconte mes anecdotes sur cet autre aspect de l’humanité que sont la grande distribution et ma découverte du monde du travail en bd aussi.
Ton scénario de « L’Oiseau s’est envolé enfin » semble se construire sur l’adage « partir pour mieux revenir », pourrais-tu nous parler de ton processus de création, de quoi es-tu parti, toi, justement pour aboutir à ce résultat et quel a été le processus ?
En général, quand je crée une nouvelle histoire, je fais une carte mentale du sujet, je décide des thèmes que je veux aborder avec, du nombre de pages et ce que je veux mettre dedans (scènes, événement, …), puis, je storyboard et si ça me convient, je la dessine. Vous avez complètement compris mon sujet. J’avais aussi envie de dessiner des paysages que j’aimais et le sujet était approprié haha. Pour moi, les oiseaux sont un signe de liberté et de légèreté
Pour cette histoire, j’ai gardé mon style « cartoon » que j’aime tant, j’ai fait des pleines pages et des arrière-plans gigantesques pour montrer l’évasion du récit. Maintenant, je fais des cases ondulées, car ça va bien avec mon dessin rond et un peu tordu, avant je traçais les cases à la règle, ça n’allait pas avec mon trait et ça me prenait un temps fou (comme dans mon histoire sur le magasin Waucquez). Pour les couleurs, j’adore faire des aplats numériques sur des teintes pâles pour le décor et les éléments importants (personnages, lieu, …) avec des couleurs plus vives
Est-ce que l’on pourrait lire dans ta BD une sorte de récit initiatique ? Un parcours d’artiste qui s’assimile à tout départ ou prise de décision dans la vie pour élargir le champ de l’esprit ? Quelle est ta posture, ou position, ou point de vue en tant qu’artiste ?
Je voulais parler de cette période où j’ai quitté ma famille pour me construire une nouvelle vie et mieux connaître le reste du monde, en bien comme en mal. Et je me suis rendu compte qu’avec le temps ça m’avait changé et que je n’avais plus rien à voir avec la personne que j’étais avant.
Pourrais-tu nous donner quelques tuyaux au sujet des réseaux sociaux où l’on peut suivre l’actualité de ton travail ? Que fais-tu en ce moment et quels sont tes projets à venir ?
Comme dit plus tôt, je suis actif sur Instagram où je publie des illustrations, sketchs, petit strip dans lequel je raconte des anecdotes de vie sur mon métier ou ma vie en général. Actuellement, je retravaille sur mon projet d’album qui parle de mon épilepsie lorsque j’étais adolescent. Je l’avais mis de côté, car je suis parti à l’étranger quelque temps.
Merci à toute l’équipe de 64 pages pour m’avoir donné cette chance !
Merci à toi pour avoir répondu à l’appel de 64_page, bravo pour ce bel envol ! Nous rappelons que L’Oiseau s’est envolé enfin ! de Christophe Playfoot est à découvrir dans le numéro 26 de 64_page qui devrait paraître pendant le festival d’Angoulême. A bientôt, Christophe Playfoot !
Instagram : chris_play_foot
Entretien avec Sandrine THERACES
Liberté de voler
Entretien Gérald HANOTIAUX
Nous partons aujourd’hui à la rencontre de Sandrine, autrice dans notre numéro consacré aux Oiseaux d’une histoire, qualifiée par elle-même de « douce-amère », intitulée Liberté de voler. Cinq pages de mélancolie bleutée…
Gérald Hanotiaux. Pourrais-tu te présenter en quelques mots à nos lectrices et lecteurs ?
Sandrine Theraces. Enchantée, je suis Sandrine, alias Wanwine sur instagram. Je suis illustratrice et graphiste de formation. J’ai vraiment commencé le dessin quand j’avais dix ans, lorsque j’ai rencontré mon mentor lors d’un stage, que d’ailleurs je ne voulaiss pas faire, hahaha… Finalement, j’ai été son élève jusqu’à mes 24 ans. J’aimais surtout l’ambiance de l’atelier, et c’est là-bas que je me suis faites mes amis les plus proches. L’illustration et la bande dessinée me permettent d’élargir mon cercle professionnel et celui de mes amis, mais surtout à m’amuser et me vider la tête.
Qu’est-ce qui t’a poussé à te tourner vers notre revue 64_page ?
L’envie de percer dans le métier ? Peut-être… Mais je dirais surtout que je voulais tester mes capacités, voir si mon travail pouvait plaire et être validé par des professionnels.
Tu proposes dans ce numéro une histoire en cinq pages intitulée Liberté de voler, peux-tu introduire cette bande dessinée en quelques mots ?
Je décrirais cette histoire comme étant douce-amère. D’un côté on parle d’une décision, d’un soulagement, d’un moment de bonheur… De l’autre, la réalité vient nous rattraper. L’histoire parle, à sa manière, d’un rêve d’évasion et d’un instant de bonheur.
La vie n’est pas toujours simple et beaucoup de personnes se posent parfois des questions ou font des choix en fonction de leur vécu difficile… J’ai fait le mien, m’exprimer sur le papier. Cela m’a beaucoup aidé lors d’une période sombre de ma vie. J’ai trouvé comment m’exprimer, ça me rend heureuse… Au passage, j’en profite dès lors pour souhaiter à tous les lecteurs et lectrices d’être heureux.
Tes pages sont très belles, marquées de nuances de bleu, pourquoi ce choix ?
Lors de mes cours en infographie, une enseignante m’a fait découvrir la symbolique des couleurs. Je dois bien avouer que sa passion a déteint sur moi. La couleur est un vecteur puissant pour faire passer des émotions, des messages. Je n’avais aucune idée de son importance pour créer des ambiances. Je vous laisse la joie de découvrir cet univers riche en messages.
Au niveau du style, ton dessin a peu de traits, les formes sont fixées directement par les couleurs, comment t’y prends-tu ? Dessines-tu toujours de cette manière ou as-tu différents styles… ?
Quand je travaille en camaïeu (NDLR. Peinture monochrome, recourant à un dégradé de valeurs d’une même couleur ou teinte), je préfère simplifier au maximum pour ne pas avoir un rendu trop lourd. Tout se joue sur les contrastes des couleurs, ou en fonction du fait qu’elles soient à tendance chaude ou froide. En fonction de la quantité de couleur, et de sa présence sur la planche, je trace ou pas des traits pour aider à la compréhension… En réalité, je dois dire que je ne réfléchi pas trop à ça quand je dessine, ça fonctionne comme ça, ça doit être mes cours qui sont enfin rentrés dans ma tête. La preuve : j’ai dû aller regarder mes planches pour vous répondre, haha.
J’ai deux styles, le « graphique », celui proposé dans la revue, et mon style jeunesse. Les deux sont très différents, mais chacun est important pour moi. Je m’adapte en fonction du message à illustrer.
Avec cette histoire, tu alternes en effet « légèreté » et « noirceur » et tu y parles de liberté en terminant par contraste avec l’inscription « police » sur le dos d’un agent. Ce type de messages en contraste est un bel exemple des possibilités propres au langage de la bande dessinée… Comment décrirais-tu ces possibilités propres à la bande dessinée ? Pourquoi le choix de t’exprimer par ce langage propre ?
La bande dessinée peut autant utiliser le langage graphique que le langage écrit, c’est ce qui fait sa force. Par rapport à l’illustration, on peut utiliser les cases comme un langage. Par exemple, les cases de libertés peuvent rester sans encadrement, alors que les cases ramenant à la dure réalité peuvent en contraste être encadrées par le blanc de la page.
Dans ta présentation tu parles d’un stage, à dix ans, avec ton « mentor »… Tu es ensuite restée dans cet atelier jusqu’à tes 24 ans. Comment présenterais-tu les acquis liés à un enseignement artistique ? Penses-tu nécessaire de passer par un tel apprentissage ?
Mon mentor est Manuel Tenret, il m’a presque tout appris. On était libre sur les sujets à dessiner, l’important était la pratique et l’envie de dessiner. Cependant, il prenait toujours le temps de nous enseigner les bases comme la construction de personnages, les cadrages,… Il passait aussi souvent près de nous et nous aidait quand on en avait besoin. Je dois bien avouer qu’on rigolait souvent ! Il s’adaptait à l’ambiance, parfois on dessinait en ne faisant que discuter et rigoler et d’autres fois, on était vraiment en mode travail. J’ai bien appris dans la liberté, mais je pense que le principal, c’est d’aimer dessiner et pratiquer. Certaines personnes sont autodidactes, elles s’en sortent très bien sans professeur.
Pourrais-tu citer les autrices ou auteurs de bande dessinée qui t’ont particulièrement inspirée ? Ainsi d’ailleurs, pourquoi pas, de personnes marquantes pour toi dans d’autres disciplines… ?
J’aime énormément le travail d’Alessandro Barbucci. Je le suis depuis que je suis petite, alors que je n’en avais même pas conscience, car je lisais déjà Witch, Monster alergy. Plus tard, quand j’ai lu Skydoll et Ekho, j’ai découvert que c’était un auteur que je suivais depuis longtemps sans le savoir. J’apprécie aussi beaucoup le travail de Marie Spénale, elle m’inspire beaucoup et me fait rêver. Elle a réussi dans le métier qui me fait rêver. J’apprends beaucoup de sa page YouTube. L’artiste Alix Garin, elle, me motive à parler de sujets parfois lourds, alors qu’auparavant je n’aurais peut-être pas osé, je ne faisais que des histoires « drôles », en évitant les sujets plus tabous.
Sur quoi travailles-tu en ce moment ? À plus long terme, quels sont tes projets, tant en bande dessinée qu’en illustration ?
Pour le moment je suis graphiste dans l’édition jeunesse. Sur le côté, je travaille sur un album jeunesse que j’aimerais soumettre à une maison d’édition. Pour le long terme, j’espère un jour pouvoir devenir illustratrice, à côté de mon métier de graphiste. On verra ce que l’avenir me réserve.
Un mot de la fin ?
Amusez-vous dans ce que vous entreprenez !
Merci Sandrine !
Vous pouvez voir le travail de Sandrine sur : Instagram : wanwine.illustration / www.behance.net/sandrintherace
Entretien avec Matthieu OSSANA DE MENDEZ & Nina BALDO
L’OISEAU REBELLE ?
Entretien Angela VERDEJO
Instagram : @_ninabaldo_ et @mattossona.
Entretien avec Enrique CROPPER
Les OISEAUX
Entretien Marianne Pierre
Marianne : On voit que tu aimes dessiner les oiseaux! Tes mésanges sont très jolies. Est-ce que tu aimes « croquer » d’après nature, dehors?
Enrique : Faire le dessin d’observation est l’une de mes rares activités en art, mais j’aime bien le faire quand j’en ai envie. Dessiner des animaux sauvages, tels que les oiseaux, n’est pas facile, parce qu’ils bougent tout le temps et ils se trouvent souvent éloignés. Pour cette raison, j’ai l’habitude de dessiner d’après des photos.
D’où t’est venue cette idée de scénario?
L’origine de mon inspiration pour mon projet « Les oiseaux » sont les enregistrements des chants d’oiseaux, faites par l’ornithologiste Geoff Sample. Quand j’étais jeune, j’écoutais un CD où il décrivait avec précision les chants d’oiseaux et depuis ce temps j’ai développé une grande curiosité pour les observer dans mon jardin. J’ai commencé à me demander quelles caractéristiques faisaient que chaque espèce soit si fascinante. Donc, depuis longtemps, j’ai eu un grand désir de vouloir expliquer ce qui avait rendu certains oiseaux si populaires.
Ta BD est clairement à visée pédagogique: c’est important pour toi de transmettre un message?
C’est important pour moi d’envoyer un message d’appréciation de la nature mais aussi un avertissement, parce que je suis très préoccupé par la menace qui pèse sur notre environnement. De nombreuses espèces animales, y compris des espèces d’oiseaux, ont disparu. Peu de gens semblent savoir qu’ils avaient existé. Par exemple, la colombe voyageuse, une espèce d’oiseaux qui existait en grand nombre sur la planète au 19ème siècle, s’est éteinte en 1914. Je n’en avais jamais entendu parler jusqu’à récemment.
Peux-tu nous dire où tu en es professionnellement, et si 64page t’a aidé à avoir un peu plus de visibilité?
Actuellement, je suis toujours à la recherche d’un emploi et je cherche aussi à faire publier certains de mes projets de BD. 64page m’a beaucoup aidé à me faire entendre dans le domaine de la bande dessinée et je suis très content d’avoir un troisième récit accepté pour le 26ème numéro.
Instagram : enriquecropper.wordpress.com
Entretien avec Marguerite Olivier
La fête de l’aube
Entretien Angela VERDEJO
© Marguerite Olivier
Angela : Bonjour Marguerite Olivier ! Pour commencer pourrais-tu nous esquisser une présentation de ton parcours artistique ?
Marguerite : C’est par l’aquarelle que j’ai commencé mon parcours artistique, il y a une vingtaine d’années lors d’un atelier hebdomadaire après-journée. Ce fut une révélation ! Depuis, j’ai appris à dessiner paysages, bâtiments et personnages et participé à diverses expositions. Intriguée par d’autres média, j’ai voulu tester l’utilisation directe de pigments, l’acrylique, la peinture abstraite, le mix-média. Puis d’autres matériaux, la mosaïque, le travail du verre et le vitrail (dont ma plus importante réalisation a pour thème la BD de mon enfance !)
Parallèlement à cela, en vacances, j’ai commencé à croquer les endroits que je visitais en racontant les anecdotes du séjour. Cette habitude ne m’a plus quittée.
En 2020, je me suis inscrite au cours de BD-Illustration de l’académie des Beaux-Arts de Namur où je concilie mon amour du dessin et mon intérêt pour la narration. C’est là que j’ai découvert la revue 64_page qui m’a tout de suite intéressée.
Dans ta BD La fête de l’aube, tu présentes une tranche de vie d’une famille de macareux, dans un lieu et à un moment bien précis, comment es-tu venue à « pondre » cette belle histoire ? Est-ce qu’il y aura une suite ?
En 2022, un des thèmes proposés par Benoît, notre professeur à l’Académie, était « entre chien et loup ». Ayant visité l’Islande en été, j’ai connu le bonheur du jour sans fin. Je me suis dit qu’a contrario, la nuit sans fin devait être terrible. Je me suis donc imaginé qu’au printemps, le premier lever de soleil devait être un moment salvateur où les êtres vivants ont envie de faire la fête. L’oiseau fétiche de ce pays étant le macareux, sympathique animal assez croquis-génique, c’est lui que j’ai voulu mettre en scène et représenter un même plan qui passe de la fin de la nuit au lever du premier soleil, ce qui répondait au thème.
Ces personnages, outre qu’ils sont macareux, pourraient-ils avoir un nom ? Je pose cette question parce que nous ne savons pas où cette scène a lieu, les personnages ne sont pas plus définis que le lieu, pourquoi avoir fait le choix de faire confiance au lecteur (pour remplir ce vide) ? C’est très bien fait, je me pose juste la question.
Au départ, j’avais indiqué le lieu (Islande) sur la première case. Ensuite, j’ai considéré que le lieu avait peu d’importance tant qu’on comprend que ça se passe au Nord, où le jour peut disparaître pendant plusieurs mois. Pour les personnages de l’histoire, il fallait représenter les oiseaux de façon réaliste et bien camper leurs attitudes pour que le lecteur puisse reconnaître le macareux sans avoir à le présenter.
Pourrais-tu nous parler de ton dessin et des techniques utilisées ici ? Pourrais-tu dire que tu as un style particulier pour dessiner ou pour raconter une histoire ?
Pour le dessin, je n’utilise que peu de médium «sec », crayon, fusain ou pastel car ils ne me correspondent pas. Par contre, j’aime toutes les autres techniques, dites à l’eau, c’est-à-dire l’encre, l’aquarelle, l’acrylique, le posca (mon autoportrait est d’ailleurs réalisé à l’encre rouge aquarellable).
Pour la BD, je varie les techniques en fonction du thème. Le plus souvent, comme pour les planches présentées, le croquis est effectué au fin marqueur noir et est colorisé à l’aquarelle. Le décor étant ici particulièrement important, il a été réalisé à l’aquarelle, en humide sur humide pour obtenir les fondus souhaités dans le ciel et la mer.
Je n’ai pas encore de style arrêté pour le graphisme. Pour le scénario, j’aime l’expression simple et directe. J’essaie aussi de varier les angles de vue et de soigner la chute de l’histoire quand c’est possible.
A quoi travailles-tu en ce moment ? Quels sont tes projets à venir ? Sur quels réseaux peut-on suivre ton travail ?
Pour l’instant, je travaille à un projet d’illustration assez sombre avec une double vision d’une même scène, en apparence et en réalité.
Après cela, j’aimerais participer à un projet d’édition sur le thème de « nos rêves du futur ».
Mes autres projets personnels ne sont pas assez concrets pour en parler mais ce qui est clair, c’est qu’à l’avenir, la BD prendra de plus en plus de place dans ma vie.
Je n’utilise pas encore les réseaux sociaux pour montrer mon travail, ce qui devrait se faire en 2024 (Instagram).
Merci Marguerite Olivier pour ta participation, bravo pour ta BD ! A très bientôt !
Entretien avec Julie MANDARINE
Gauthier le Majestueux
Entretien Angela VERDEJO
© Julie Mandarine
Bonjour Julie Mandarine,
Pourrais-tu dans un premier temps nous parler de ton parcours d’artiste ? Relation au dessin, à l’écriture, formation, travail, relation avec 64page… Cette rubrique est destinée aux lecteurices qui ne te connaissent pas encore. Les assidus de 64_page te connaissent déjà bien, d’ailleurs tu as été choisie pour réaliser la double couverture du prochain numéro spécial Japon « Soleil Rouge » , un vrai régal pour nos yeux ! Bravo !
Merci ! J’ai d’abord été surprise d’avoir été choisie pour réaliser cette couverture mais aussi très contente. J’ai travaillé avec un fabuleux illustrateur, Jean-Christophe T. Notre collaboration a été « comme sur des roulettes » et fluide !
Pour en revenir à la première question, je dessine depuis que je suis toute petite mais vers 20 ans j’ai décidé de suivre les cours de bd-illustration de Benoit Lacroix à l’académie des Beaux-Arts de Namur, en parallèle de mes études pour être prof d’arts plastiques.
Et maintenant, après avoir enseigné plusieurs années et après avoir travaillé dans le milieu culturel, je vais me lancer en tant qu’artiste professionnelle à temps plein.
Pour ma relation avec 64_page, elle a commencé justement à l’académie. Je croisais la pub dans les couloirs mais sans plus. C’est quand Benoit nous a proposé de travailler sur le thème « ensemble » (le 64 page n°25) que j’ai plongé dans le bain de l’édition.
J’avais justement une histoire en cours d’écriture qui pouvait parfaitement se glisser dans le thème proposé. J’ai adoré le challenge de réaliser un récit illustrée, même si ce n’est pas toujours évident de tenir le rythme.
Tu as choisi un personnage que j’aime tout particulièrement, le goéland… j’en connais un qui s’appelle Horace, le tien s’appelle Gauthier, pourquoi ce prénom ? Il ne manque pas de prétention ce Gauthier ! Ni ta BD d’humour ! Parle-nous du processus de création de ta BD…
Pour les noms, j’adore essayer de trouver des rimes. Dans cette histoire, j’ai nommé les différentes espèces de goélands suivant la rime de leur nom : Gauthier est un goéland argenté. Après avoir cherché plusieurs prénoms en « é », j’ai trouvé que Gauthier lui allait bien !
Comme je le disais plus haut, j’ai laissé une idée d’un récit complet pour une histoire plus courte. Cette histoire est partie d’une réflexion : mais que pensent les goélands, à la Mer du Nord, quand on les traite de mouettes à longueur de journée ? J’ai alors imaginé la réaction d’un goéland. Puis en construisant mon récit, l’idée du vol de frites m’est venue. La malbouffe des oiseaux (et des animaux en général) dans les lieux touristiques est un sujet important, qui affecte réellement leur santé et leur comportement. Mais en même temps cela faisait une chute amusante pour l’histoire.
Moi non plus, je ne résiste pas à l’appel de frites.
Voici les étapes de création de cette BD : d’abord, j’écris quelques brides d’histoire qui se construit au fur et à mesure. Puis vient le story-board ou je découpe mes planches en cases. Ensuite, après avoir réalisé des croquis sur base de beaucoup de documentation, je dessine mes planches au crayon. Je les scanne puis je les colorise sur Photoshop. Et pour ce projet, j’ai réalisé ma propre police d’écriture et j’ai pu écrire les textes avec elle ! Waouh !
Pour la page 3, je voulais un style graphique différent de celui des autres planches, plus expressif, j’ai dessiné mes goélands puis j’ai peint au couteau directement sur la planche.
Pour le thème des « oiseaux », j’ai eu une première idée mais elle s’est avérée être vraiment trop longue. J’ai alors viré de bord en réfléchissant à une histoire beaucoup plus courte et Gauthier le majestueux est né en un mois !
A la lecture, on comprend qu’il y a de la recherche, un intérêt particulier, peut-être, pour les mouettes et les goélands ? Pour ce récit graphique, avais-tu effectué des recherches auparavant ou c’est venu avec l’appel à contribution pour le numéro spécial oiseaux de 64_page ?
J’ai toujours adoré observer les oiseaux et je voulais que cette petite BD soit pédagogique, qu’on apprenne de nouvelles choses.
Je connaissais la différence entre un goéland et une mouette mais je ne connaissais pas du tout la différence entre les différentes sortes de goélands. Ce qui m’a permis de me renseigner et d’en apprendre, moi-aussi, plus sur ces oiseaux et ça a créé cette histoire.
On voit que dans ta BD tu cherches à rendre le mouvement je ne dirais pas réaliste mais il y a de ça, quand on lève le nez vers le ciel en bord de mer, on les voit voler majestueusement, se déplacer, planer, etc. Tardi dit, dans une interview, que le mouvement est forcément impossible à rendre dans une BD, que c’est ce qui fait la différence entre la BD et le cinéma d’animation, l’image dans la BD est forcément figée. Qu’est-ce que tu en penses?
Justement, c’est cette idée de faire transparaitre le mouvement dans cet art immobile qu’est la BD qui m’a inspiré cette mise en page où on peut suivre Gauthier dans son « planage ». J’aime quand je peux accompagner le personnage principal à travers les pages d’un livre illustré.
Quand je crée une histoire, dans ma tête, elle est animée, comme un film d’animation. Je fais des « arrêts sur image » que je retranscris sur le papier. Le but est de rendre le dessin suffisamment dynamique et fluide de sorte à ce que les lecteurices peuvent recréer facilement le mouvement dans leur tête lors de la lecture C’est tout un art mais quand ça marche, c’est génial.
Et que peux-tu nous dire au sujet de tes techniques?
J’aime travailler avec des techniques traditionnelles mais comme je manquais de temps, j’ai opté pour la colorisation numérique. Celle-ci permet de retourner en arrière, de changer la couleur si elle ne nous plait pas, ce qui est moins possible avec l’aquarelle pas exemple.
Pour le choix des couleurs, le bleu et le beige me faisaient penser aux côtes belges. J’ai restreint ma palette de couleur pour ne pas être débordée par l’énormité des possibilités.
A quoi travailles-tu en ce moment, quels sont tes projets à venir ? Sur quels réseaux sociaux peut-on suivre l’actualité de ton travail ?
Pour le moment, je me renseigne sur les démarches pour être artiste professionnelle et je poursuis une formation pour être animatrice nature.
Et je travaille également sur mon dossier d’édition du « renard qui pue » que vous avez pu suivre dans le précédent numéro, le 64_page n°25.
Je ne suis pas très assidue à la publication sur les réseaux sociaux mais je voudrais mettre à jour ma page instagram Julie.Mandarine et créer une page pro sur Facebook, où je posterai mes illustrations réalisées en sérigraphie, en gravure et des reproductions de croquis.
Merci Julie Mandarine pour ta participation à ce spécial oiseaux de 64_page, merci pour ton soutien, nous attendons la suite de ce Gauthier et attendons de voir sur papier ta belle couverture « Japon », Bravo à toi !
Instagram : Julie.Mandarine
Entretien avec Marc DESCORNET
Zina
Entretien Marianne Pierre
© Marc DESCORNET
Marianne : Pourquoi le Colorado? On sent, au niveau des paysages, que c’est documenté!
Marc : Cette BD se situe au Colorado, et plus précisément dans la petite ville de Ouray, surnommée « Switzerland of America » en raison de ses paysages montagneux particulièrement prisés pour les sports d’hiver mais aussi en toutes saisons pour des randonnées aux vues grandioses. Il ne s’agit pas vraiment d’un choix mais plutôt d’une
évidence étant donné que l’histoire que j’ai voulu raconter est celle, véritable, de Zina Lahr, une jeune femme très attachante, décédée lors d’une de ses escapades en montagne, à l’âge de 23 ans, et qui habitait précisément ce lieu.
Je me suis effectivement beaucoup documenté, notamment pour rester le plus fidèle possible aux paysages. De nos jours, il est possible de trouver foison d’images sur Internet. Le tout est de bien identifier à quels endroits elles correspondent et selon quel angle elles ont été prises, en quelle année, à quelle saison (pour la végétation, la
neige…), à quel moment de la journée (pour la direction de la lumière)… et il faut les interpréter, les adapter pour que le récit soit crédible.
Peux-tu nous expliquer la genèse de ton récit très « philosophique »?
Il y a un peu plus de dix ans, j’ai vu passer une vidéo qui m’a fort touché. Elle a été montée et diffusée à titre posthume alors qu’elle avait pour but initial de présenter les aspirations de Zina Lahr en vue de solliciter des collaborations dans les domaines qu’elle affectionnait. Zina s’autodiagnostique un trouble créatif compulsif (Creative Compulsive Disorder) qui l’a pousse en permanence à créer toutes sortes de trucs et de machins au départ de n’importe quoi, surtout des matériaux de récupération. Elle a notamment participé à la réalisation d’un film d’animation en stop-motion avec une grue royale de sa confection.
Son enthousiasme est particulièrement communicatif, fascinant et inspirant. Je ne pouvais qu’y trouver inspiration.
D’autant plus que Zina tenait aussi un blog dans lequel elle partageait ses pensées, d’une profondeur et d’une maturité rares pour une si jeune personne. J’y ai retrouvé une belle résonance avec certaines de mes propres réflexions. Il fallait que je porte cette voix.
A ce propos, je voudrais citer Zina : « Nous sommes tous des œuvres d’art, créées dans un but précis… et nous sommes tous des créateurs, car nous créons des mots et des actions destinés à être vus et entendus par d’autres, et à leur permettre de se faire une idée de l’immensité de l’art qu’ils contiennent. Lorsque ces deux éléments se
combinent et que notre identité, notre essence, la vision brute, entre en collision avec notre forme, la manifestation physique de qui nous sommes, le vaisseau, la partie de nous toujours laissée à l’interprétation… nous reflétons la lumière, l’art et l’artiste qui se cache derrière nous ».
La vie et les mots de Zina ouvrent notre esprit sur ce que nous sommes et sur le monde qui nous entoure. Elle nous incite à y réfléchir, et à nous réaliser au moyen de la création, à explorer et exprimer nos pensées. Elle vouait un grand intérêt à la notion de vaisseau, dans le sens de véhicule au sens large. Avec humilité, ma BD porte ses
réflexions.
Ton personnage un peu à la « Mad Max », cette ambiance « nuit américaine », et le cadrage de tes décors font penser que ton récit a des influences cinématographiques. A raison ou à tort?
J’ai choisi de respecter les écrits de Zina. Ce sont donc ses mots, et uniquement ses mots, qui sont repris dans la BD, bien entendu traduits le plus fidèlement possible. Etant donné sa vie à la fois palpitante et introspective, les images et la mise en page devaient apporter un contrepoids et insuffler du mouvement, sans dénaturer l’esprit. J’ai également pour principe de soigner les cadrages pour assurer la fluidité et le plaisir de lecture, imprimer des variations dans le rythme, des sensations. Ca fait partie intégrante de l’histoire. La BD est un art qui a acquis ses codes propres depuis belle lurette et évoquer des influences cinématographiques me semble dépassé. J’aime
explorer les possibilités du médium en toute liberté.
Zina avait créé son propre « outfit », c’est-à-dire son habillement, d’influence steampunk, portant parfois des accessoires comme une épée ou un pistolet antiques. Je m’y suis tenu. J’ai aussi repris une ombrelle munie de LED qu’elle a créée ainsi qu’un engin volant, un vaisseau, imaginé par Zina. Quant à l’ambiance, elle est à
l’avenant. Le récit démarre à l’aube alors que les lumières éclairent encore la ville. Zina arrive chez elle à bord de son vaisseau, un terme qui a une signification importante que je souhaite dévoiler lors d’un récit de plus longue haleine. Elle nous présente sa chambre-atelier, sa fascination pour les grues, puis, aux premières heures du jour,
elle prend son envol… au dos de la grue articulée qu’elle a fabriquée. Entre réalité et poésie, nous la suivons dans des décors de roche et de végétation, jusqu’à ce que sa ballade la mène doucement et inéluctablement vers son destin.
Quelles techniques as-tu utilisées (ou quel papier?) pour avoir ce rendu texturé?
J’utilise un vieux support papier un peu granuleux à la texture atypique. Je dessine au crayon puis je scanne le tout et travaille sur le rendu du graphisme tout en veillant bien à préserver le grain du support. Les couleurs et le texte sont également ajoutés digitalement.
Facebook : Marc.descornet - Instagram @marc_descornet
Entretien avec Marianne KOUTCHOUMOV
Une histoire de fous
Entretien Gérald HANOTIAUX
Nous menons aujourd’hui une discussion avec Marianne Koutchoumov. Sur la thématique des Oiseaux, sujet de notre numéro 26, elle nous propose deux belles pages bleutées intitulées Une histoire de fous. Devinez de quels fous il s’agit !
Gérald Hanotiaux. Pourrais-tu te présenter en quelques mots à nos lectrices et lecteurs ?
Marianne Koutchoumov. Toute ma vie, j’ai vogué entre les arts graphiques, les arts du spectacle et la musique, avec une passion pour les livres et la lecture. La branche italienne de ma famille paternelle était dans l’édition, le livre a en quelque sorte toujours été « sacré ». J’ai appris très tôt à tourner les pages d’un livre sans les corner ou les déchirer. Je suis, à présent et depuis une vingtaine d’années, lectrice à voix haute et animatrice autour du livre, jeunesse et adulte. J’ai également repris, il y a quatre ans, mes études d’Illustration & bande dessinée, à l’académie de Watermael-Boistfort sous houlette de Philippe Cenci. Écrire, illustrer, lire et diffuser, voilà mes objectifs-plaisirs !
Qu’est-ce qui t’a poussé à te tourner vers notre revue 64_page ?
Des exemplaires de la revue 64_page trônaient souvent sur les tables de notre atelier, à l’académie de Watermael-Boitsfort. Nous y avions accès dans nos moments de pause « méditative ». Plusieurs de nos étudiants y ont été publiés. En septembre, alors que j’exposais à Philippe Cenci mon projet pour la rentrée, il m’a annoncé que le thème du prochain numéro de la revue 64_page était Les Oiseaux. Il m’a suggéré de proposer mon projet quand il serait achevé. Je me suis dit : oui ! Pourquoi pas ?
Tu proposes donc une histoire en deux pages intitulée Une histoire de fous, peux-tu introduire cette bande dessinée en quelques mots, histoire d’allécher les lecteurs… ?
Je faisais des recherches sur les oiseaux depuis deux ans, en m’intéressant aux facultés remarquables de certains d’entre-eux telles que, par exemple, la capacité à imiter n’importe quel son… Le bruit de la tronçonneuse ou de l’appareil photo, pour l’Oiseau-lyre. La capacité à modifier et embellir son environnement, comme un architecte-paysagiste, pour le Jardinier Satiné ! Les mises en scène nuptiales fascinantes des Oiseaux du Paradis ! Ayant pratiqué la danse, le théâtre et la musique, cela m’a passionnée. Ensuite mon attention s’est arrêtée sur la famille des Sulidae dont je connaissais déjà le Fou de Bassan, et j’ai découvert le Fou à pieds bleus… Turquoise ! J’étais fascinée, c’était le parfait personnage burlesque à développer dans une histoire. J’aime son côté paradoxal : il a une démarche pataude, mais est également un « plongeur-kamikaze », un peu fou. Le titre de mon histoire est un jeu sur son nom et son comportement un peu dingue.
Au niveau des instruments de travail, comment as-tu procédé ? Dessines-tu toujours par ces moyens ? As-tu d’autres styles ?
Pendant deux ans, j’ai travaillé à l’encre de Chine, avec un stylo-pinceau. Et au crayon graphite. J’ai eu besoin de passer à la couleur. Depuis toute petite, je suis fascinée par les crayons de couleur, comme objet aussi bien que comme outil de mise en couleur. Je suis donc naturellement passée à l’illustration au crayon pour mon Histoire de fous.
Au niveau des cases, tes dessins ont l’air très précisément « cadrés » mais les lignes des cases n’apparaissent pas, ça donne ce qu’on pourrait appeler une « aération cadrée ». Pourquoi ce choix ?
À l’origine mon projet était de réaliser un album illustré. Mes illustrations originales sont de grand format, 20x55cm, de style « format-paysage ». Pour entrer dans le format de 64_page, j’ai modifié la présentation, en disposant quatre planches en réduction sur chaque page de la revue. Au final, c’est cette contrainte de format qui donne le séquençage bande dessinée, avec cette « aération cadrée ». Beaucoup d’albums illustrés intègrent certains codes de la bande dessinée, de nos jours. Et j’y suis sensible.
Pourrais-tu nous parler des auteurs et autrices qui t’ont influencé en bande dessinée ? Et aussi, pourquoi pas, dans d’autres disciplines artistiques ?
Il est difficile de déterminer pour soi-même ce qui nous a influencé. Les influences sont souvent inconscientes. Mais je peux dire ce dans quoi j’ai baigné, et les grosses « claques » esthétiques reçues au fil de mes lectures. Enfant, j’ai dévoré les Tintin, Gaston Lagaffe, Ric Hochet, Astérix et Obélix, Buddy Longway, Comanche, Blueberry… Plus tard, j’ai découvert Hugo Pratt et son fascinant Corto Maltese. J’étais subjuguée par sa technique et la poésie qui en émanait, la profondeur du silence dans les séquences sans parole. J’ai adoré ses aquarelles préparatoires! Puis Comès, même claque esthétique ! Un univers très différent et personnel. Tardi, Cosey, Dodier, Chabouté… mes goûts sont éclectiques. Récemment, j’ai découvert Joris Mertens et son surprenant Nettoyage à Sec, autre coup de cœur.
Dans le domaine de l’illustration, un des illustrateurs qui m’a le plus marquée est Carll Cneut. Son travail sur la couleur, la matière, ses mises en scène sont extraordinaires ! Un grand maître ! En ce moment je lis une monographie sur Tove Jansson, autrice, peintre, illustratrice et créatrice de bande dessinée suédo-finlandaise. Qui ne connaît pas les Moomins ? Au niveau du Street Art, j’ai acquis un livre sur Banksy, sur lequel je fais des recherches, ainsi que sur Blek le Rat et Jeff Aérosol. De grands artistes au pochoir du Street Art. J’aime également Marie Détrée, peintre officielle de la marine, dont le livre À la poursuite de Djibouti tient à la fois du carnet de voyage, du livre de bord, de l’album illustré et du roman graphique. Une belle découverte.
Que penses-tu du marché de la bande dessinée actuel ? On parle souvent de surproduction, comment faire sa place dans ce flot ?
En effet, depuis quelques années on entend parler de surproduction en bande dessinée. D’un côté, s’il y a beaucoup de sorties d’albums, cela signifie l’existence d’un lectorat important, ce dont on peut se féliciter. Mais d’un autre côté, plus il y a d’auteurs et d’autrices, plus cela devient difficile de vivre de sa plume… C’est un constat, pas un jugement. Comment faire sa place dans tout cela, je l’ignore… La recette est peut-être : du talent, beaucoup de travail, beaucoup de patience, des rencontres et de la chance. Et, également, un boulot alimentaire !
Sur quoi travailles-tu actuellement ? À plus long terme, quels sont tes projets ?
En ce moment, je travaille sur plusieurs projets, notamment sur une recherche de paysages marins pour une reprise ultérieure de mon Histoire de fous. Je me suis également attelée à la rédaction d’un récit de Noël, non féerique et ancré dans le présent. D’autres projets à plus long terme se mijotent dans le plus grand des secrets !
Un mot de la fin ?
Mon mot de la fin tiendra simplement en un petit flottement chargé de mystère…
Merci Marianne !
Entretien avec Johanna GOUSSET
Les falaises de Moher
Marie-Pascale PEETERS
Les mouettes et le marin
Entretien : Gérald HANOTIAUX
Entretien : Gérald Hanotiaux
Entretien Gérald HANOTIAUX
Aujourd’hui, fait inédit dans l’histoire de la revue 64_page, nous proposons une rencontre croisée entre deux autrices qui nous proposent chacune une histoire dans notre numéro 26, dont la thématique portait sur « Les Oiseaux ». Ce qui est inédit, plus précisément, est que ces deux autrices sont liées familialement, elles sont mère et fille. La fille, Johanna Gousset, nous propose six pages très colorées intitulées Les falaises de Moher, alors que la maman, Marie-Pascale Peeters, propose une histoire en six très belles pages intitulée Les mouettes et le marin.
Entretien : Gérald HANOTIAUX
Gérald Hanotiaux. Pourriez-vous chacune vous présenter brièvement à nos lecteurs et lectrices ?
Johanna Gousset. Je suis illustratrice et artiste d’animation indépendante. J’ai grandi dans les montagnes des Pyrénées, entourée de parents artistes. J’ai obtenu mon diplôme d’illustration à Londres en 2017, et je travaille depuis comme illustratrice indépendante. En plus du monde de l’édition, je collabore régulièrement avec des musiciens à travers le monde, pour créer des clips animés. En 2023, j’ai notamment eu la chance de travailler avec Tom Odell, pour illstrer sa chanson Streets Of Heaven. Pour les lecteurs intéressés, il est disponible en ligne.*
Marie-Pascale Peeters. Après des études de gravure et de dessin à Bruxelles, j’ai choisi de vivre au soleil, d’abord en montagne au milieu de la nature, ensuite au bord de la mer Méditerranée. J’écris et illustre des albums jeunesse, dans lesquels je fais découvrir des artistes aux enfants. Parallèlement à mon travail d’artiste j’enseigne l’art au collège.
Johanna, tu proposes Les falaises de Moher, six belles pages en couleur, pourrais-tu présenter brièvement cette histoire ? Marie-Pascale, peux-tu faire le même exercice pour le joli conte Les mouettes et le marin ?
Johanna : J’ai découvert les falaises de Moher lors d’un voyage en Irlande, en début d’année. C’est un endroit magnifique, qui m’a beaucoup inspiré. Comme toujours lors de mes voyages, j’ai voulu dessiner la vue dans mon carnet de croquis, mais le vent était tellement fort que mes pages volaient dans tous les sens. J’ai finalement dû me résigner à terminer mes croquis un autre jour, bien au chaud dans un café ! L’histoire est venue de là, et de ce qui aurait pu arriver si les pages de mon carnet s’étaient envolées. Peut-être qu’un macareux curieux et bien intentionné serait allé les chercher pour moi. Ou alors, peut-être qu’il les aurait emportées pour décorer son nid ! Qui sait ?
Marie-Pascale : À l’académie des Beaux-Arts de Bruxelles, j’ai fréquenté l’atelier de gravure. La fable que je présente a été réalisée ici en gravure sur tetrapak, ce qui permet également du recyclage d’emballages… Elle met en avant cette « particularité » propre à la nature humaine, son éternelle insatisfaction et son désir d’être -ou de paraître- toujours plus. Sinon, pour le choix de l’oiseau : habitant dans un petit port, les mouettes sont mon quotidien…
Comment êtes-vous arrivée vers la revue 64_page ?
Johanna : Grâce à ma maman ! Elle a participé aux deux précédents numéros, donc je connais la revue. Cette fois le sujet m’inspirait particulièrement, je me suis donc également lancée.
Marie-Pascale : Au mois de septembre 2022, j’ai participé à la « rencontre éditeurs », organisée lors de la Fête de la bande dessinée, à la gare maritime de Tour & Taxis. Entre autres personnes, j’y ai rencontré un membre de 64_page, pour recevoir des conseils… J’ai ensuite proposé des projets et il s’agit aujourd’hui de ma troisième participation. Lors de présentations de la revue sur des stands, à des manifestations publiques, j’ai pu réaliser de belles rencontres…
Ce doit être un fait inédit dans l’histoire de la revue, cela vous fait quoi d’être toutes les deux, mais chacune avec son travail personnel, au sommaire de la même revue ?
Johanna et Marie-Pascale : C’est une première pour nous aussi ! On trouve ça à la fois drôle et génial ! Nous avons des styles graphiques très différents, mais nous consultons régulièrement l’une-l’autre sur nos projets respectifs… Nous échangeons beaucoup. Être publiées dans la même revue montre bien que 64_page encourage la diversité des styles, nous trouvons ça super.
Pourriez-vous chacune décrire comment, au niveau du style, vous avez procédé pour cette histoire ?
Johanna : Je venais d’acheter quatre crayons Derwent Inktense, j’ai donc décidé de les tester sur ce projet. C’est une technique un peu différente de ce que je fais d’habitude mais, depuis ce « test », je ne sais plus m’en passer ! J’ai également beaucoup aimé travailler avec une palette limitée de deux bleus et deux orangés. C’est un accord de couleur que j’aime vraiment beaucoup.
Marie-Pascale : J’ai souhaité faire quelque chose de moins traditionnel. Lors de ma dernière venue à Bruxelles, au BD Comic Strip Festival, j’ai assisté à un débat intéressant sur la bande dessinée alternative. Y participait notamment Martin Panchaud, qui a reçu le prix du meilleur album à Angoulème l’an dernier avec son livre La couleur des choses, publié aux éditions Ça et là et réalisé dans un style abstrait totalement inédit… Ça m’a conforté dans l’idée de tenter une autre approche de la bande dessinée. Comme je l’ai signalé plus haut, les images sont gravées sur tetrapak, des emballages de boissons, et imprimées ensuite sur papier. La mise en page des planches et les textes sont ensuite réalisés avec l’outil photoshop.
Pourriez-vous chacune nous parler des auteurs et autrices de bande dessinée qui ont marqué votre parcours, de lectrices d’abord, mais aussi de dessinatrices ?
Johanna : Étant enfant j’ai adoré lire Yoko Tsuno. C’était et c’est encore aujourd’hui ma bande dessinée préférée et, déjà enfant, je m’amusais à recopier les magnifiques dessins de Roger Leloup. Nous avons toujours aimé les bandes dessinées, dans ma famille. Chez mes grands-parents, nous avions la collection complète des Tintin. Ils ont été lus tellement souvent que ma grand-mère devait sans cesse refaire les reliures. Lors de nos visites à Bruxelles, je revenais systématiquement avec une dizaine de vieux Bob et Bobette sous le bras. Nous allions également beaucoup à la bibliothèque où je dévorais Papyrus, Natacha, Les Tuniques Bleues, Lucky Luke, Petzi, Les 4 As, et bien d’autres… Aujourd’hui, des choses magnifiques sont réalisées, surtout parmi ce qu’on appelle les « romans graphiques ». Je pense en particulier à Léonie Bischoff et son superbe travail sur Anaïs Nin, mais il y en a d’autres, et vraiment pour tous les goûts !
Marie-Pascale : J’ai grandi avec les bandes dessinées classiques franco-belges, que j’ai ensuite fait découvrir à Johanna… J’adore Cosey, Léo, Gibrat ou Loisel mais je découvre régulièrement de nouvelles bandes dessinées, des romans graphiques et même des Mangas, grâce à la médiathèque de ma ville, au rayon bande dessinée très bien achalandé.
De manière plus générale, toutes disciplines artistiques confondues, qu’est-ce qui vous fait particulièrement du bien ?
Johanna : J’aime les illustrations pour enfants. Ce sont elles qui me font le plus voyager. Les carnets de voyage, également ! Pour la même raison. Mais il y a dans les illustrations pour enfants une sensibilité qui parfois s’oublie dans nos vies d’adultes. J’adore la beauté du travail de Quentin Gréban ou la poésie des illustrations de Thibault Prugne. C’est vraiment dans ces mondes-là que j’ai envie de plonger…
Marie-Pascale : J’aime découvrir de nouvelles choses, vivre des expériences inédites, que ce soit grâce à une lecture, une exposition, un spectacle, une musique ou un film.
Quels sont vos projets respectifs ? À court terme, sur lesquels vous travaillez en ce moment, mais aussi à plus long terme, ce vers quoi vous voudriez aller dans le futur… ?
Johanna : J’ai beaucoup de projets devant moi ! Je viens de publier un livre pour enfants avec une maison d’édition au Royaume-Uni. Le livre a été écrit par Mike Thexton et s’appelle An Adventure. Il existe en version française et en version anglaise, et je suis très fière de l’avoir illustré. C’est une belle réussite. Au printemps, je publie mon premier livre dont je suis à la fois l’autrice et l’illustratrice, dans une maison d’édition belge qui s’appelle Bulles d’Albane. Je vous la recommande vivement, pour tous ses beaux titres déjà publiés. Dans la foulée, je vais me lancer dans la production d’un livre pour enfants en collaboration avec le site du Lac de Bambois, ainsi que dans la création de diverses expositions. En parallèle, je continue à travailler sur la création de clips animés pour des musiciens dont je ne peux malheureusement pas communiquer les noms pour le moment. C’est une facette de mon travail que j’adore et, d’ailleurs, si des musiciens belges me lisent, n’hésitez pas à me contacter ! Je suis toujours ravie de rencontrer de nouveaux artistes.
Marie-Pascale : Je souhaite continuer mes albums, en illustration et en bande dessinée, mais également installer un atelier de gravure avec organisation de stages, de résidences d’artistes et d’expositions, afin de pouvoir échanger davantage avec d’autres créateurs et partager avec le public. Début 2024, je déménagerai dans le Limousin pour mettre en œuvre ce projet.
Un mot de la fin?
Johanna : Merci d’avoir pris le temps pour cette interview, et merci aux lecteurs de nous avoir lues jusqu’au bout ! Il ne vous reste plus qu’à naviguer vers nos sites internet respectifs pour en savoir plus !
Marie-Pascale : Merci 64_page de nous publier, merci pour cet interview et, oui, idem, merci aux lecteurs de nous avoir lues jusqu’au bout !
Merci johanna et Marie-Pascale !
* Voir le clip à cette adresse : www.youtube.com/watch?v=2KU3mEDH4ig Vous pouvez aller voir leurs travaux sur : Marie-Pascale : Instagram : mariepascale_peeters Johanna : www.johannagousset.com / Facebook : johanna.gousset.artist / Instagram: goussetjohanna
Entretien avec Michel DI NUNZIO
Kirikik parade
Entretien Angela Verdejo
Qui es-tu ? Je sais, c’est un peu répétitif comme question pour toi qui es un assidu de 64_page, mais en même temps la répétition est une belle figure de style ! Et nous avons de nouveaux lecteurs qui ne te connaissent peut-être pas !
Oui, au fond, la répétition est une forme de mantra, en effet qui suis-je… je me pose encore la question…
J’espère ne pas trop me répéter !
Je m’appelle Michel Di Nunzio, je suis graphiste de formation et je me trouve, sans entrer dans la polémique des milléniaux, dans la case des boomers.
J’ai toujours voulu faire de la bande dessinée, et je me suis orienté très tôt vers le dessin et le graphisme.
Aujourd’hui, je dispose d’un temps « libre » inestimable que je savoure, je l’espère à sa juste valeur.
Passons à la BD, Kirikik Parade, sans spoiler, essayons tout du moins ! Le choix des couleurs passe par une symbolique bien marquée ici, tu peux nous parler de ce choix et surtout nous raconter comment tu as procédé pour dessiner tout ça et aussi d’un point de vue narratif, pour inventer cette nouvelle langue que personne ne connaissait jusque-là et que tout le monde comprend pourtant ?
Pour Kirik Parade, je voulais avoir des teintes sobres, sur un univers que je voulais baroque et luxuriant.
(De plus j’adore le thème des oiseaux. Et ce, même en céramique, que j’ai exposé récemment.)
Le gris et rouge, que j’aime beaucoup, me paraissaient graphiquement le plus adaptés, ce sont des teintes qui s’imposaient : rouge passion et gris neutre, calme et tempérance, tout moi quoi,
je travaille à l’ancienne, crayonné noir et blanc puis la colorisation. J’avais intégré le critère Oiseaux, Baroque, et tout ce que j’aime dessiner :
(étant d’origine italienne, ultra fan de Léonard de Vinci) les vêtements époque renaissance, j’adore. J’avais des images plus contemporaines en tête bien sûr.
« Tales of tales » de Giambattista Basile, le conte de tous les contes … un film extraordinaire, à tout point de vue.
(Pour une bd du même ordre …pourquoi pas !)
Et puis, le fait qu’il n’y ait aucun visage humain m’a obligé à penser un peu autrement, fini les regards frontaux, fini mâchoires serrées, etc… cela a entrainé une gestuelle différente, et qu’il ne fallait pas encombrer de textes compréhensibles… cela m’a permis de jouer sur la dramatisation sur les becs, serres, bref de changer de points de vue.
Pour le coté narratif, les humains tiennent beaucoup du paon et du coq et ce tournoi avec hippocampe, car on essaie toujours de renouveler, le genre s’y prêtait assez bien. Pour les dialogues, les onomatopées kirikik étaient d’une limpidité cristalline, plus je « caquetais », plus je trouvais cette langue universelle … très confortable,
tout n’était que cris, caquetages, surprises et parade, j’étais entré dans l’histoire.
Il y a du dramatisme dans ta BD mais aussi une chute bien choisie qui met en abîme l’humour et l’importance de la chute elle-même, mais aussi du décalage qu’elle provoque, un peu comme dans la littérature fantastique, ce moment essentiel où tout bascule… on retrouve cela dans les nouvelles fantastiques de Borges ou de Cortázar notamment. Comment as-tu pensé cette BD et comment l’as-tu construite ? Je veux dire comment un artiste se forge justement cette capacité d’invention et de créativité ?
Merci de m’associer à Borges et à Cortázar,
Ah oui, en effet, je lis sur Wikipédia, ses résumés de nouvelles, j’y adhère tout à fait …
Le format de l’édition (6 pages) a tout simplement structuré la chute… avec plus d’efficacité.
Avec le recul de cette question, entrer par le « toctoctoc » comme au théâtre c’est donner du bruit aux dessins. Cela modifie réellement la manière de dessiner.
En termes de construction et la capacité d’inventer, pour un dessinateur, c’est un peu dans sa nature d’essayer de construire des mondes et d’en en assurer leur réalité… ce sont des portes vers d’autres univers où j’ai quelques clefs mais pas entièrement, que cet univers soit ouvert, en laissant des fenêtres aux lecteurs… par exemple, Tiens ! Pourquoi des hippocampes ? Ah tiens ! là, il y a des vaisseaux spatiaux, etc…
Bref, pour ce qui est d’inventer en permanence, j’aime à penser que je suis une jeune âme ou je découvre encore et tout est toujours à faire …mais je ne pense pas être le seul.
Mes dessins de mes premières années étaient d’une lourdeur abyssale et il m’a fallu du temps pour devenir plus aérien.
L’histoire courte permet d’aller à l’essentiel.
C’est un format agréable, même si cela demande quand même pas mal de recherches et permet de « patauger » dans des univers dans lesquels je peux improviser.
Et de voir, au fond, ce que j’ai dans mes « tiroirs graphiques » je pense que mon travail antérieur où je dessinais des panneaux didactiques m’a été d’une grande utilité.
Pour ce qui est de l’invention et de la créativité c’est un vaste débat…
Mais c’est vrai, même si beaucoup d’autres dessinateurs en ont bien plus que moi, construire des mondes, m’a toujours plu…
Je suppose que cela remonte à mon enfance
La bande dessinée est un peu le résultat de ces réflexions qui intègre (du moins, j’essaie) la réalité d’aujourd’hui.
Mais cela ne se fait pas tout seul…
Et au fond, autour d’une planche BD, il y a pas mal de monde autour !
Je suis fan, entre autres, des univers de Leo pour Aldébaran, Bajram, de Delabby ;-( et, bien sûr, pour Duffaut pour la complainte des landes perdues où la sonorité de son texte me fait penser aux films d’Orson Welles lorsqu’il interprète William Shakespeare.
Ils sont de magnifiques moteurs à penser !
Tu es un artiste prismatique, avec des faces qui donnent chaque fois à voir ton art sous un nouvel aspect. Je ne suis pas assez calée pour entrer dans les détails de ton art, mais il y a une chose qui attire toute mon attention chez toi et c’est cette ouverture d’esprit dont tu témoignes en permanence. Alors, Michel Di Nunzio, peux-tu nous dire ce que c’est que d’être artiste pour toi, non pas justement en relation avec ton art mais plutôt avec une prise de position humaniste et d’ouverture d’esprit dans la recherche et la création ?
Merci pour ces compliments.
J’ai là aussi aimé mélanger les genres et ne pas m’enfermer dans des « milieux » mais voyager de l’un à l’autre.
J’ai un peu découvert, par hasard que j’étais « divergent » mais pas dans le sens superficiel des choses, et je voyais quand même que ce que je faisais, était une opportunité de rencontre et de collaboration, ces projets aboutissaient à une réalisation.
C’est un mélange d’audace, un coup de poker et de pari…
J’ai réalisé il y a quelques années une sculpture de 3m de haut pour un symposium alors que je n’avais jamais utilisé une disqueuse !
Les sculpteurs sur place en ont été surpris…
« Purée, il l’a fait ! » et… je me suis dit la même chose !
Elle existe maintenant à La roche en Ardenne.
Ce fut une aventure exceptionnelle qui m’a vraiment
donné l’impression que tout devenait possible.
Et je ne remercierai jamais assez Bastien (j’en ai parlé dans un post 64 précédent) pour ce challenge abouti.
A la question de ce qu’est un artiste …
Je ne sais pas au fond ce que c’est… sinon que c’est quelque chose qui vous pousse.
C’est assez mystérieux, vous semblez vous isoler du monde alors qu’en fait vous dialoguez dans un espace-temps différent… et vous êtes au cœur de tout, sensible à ce qui touche l’humain, je ne sais pas si je suis assez clair pour la jolie phrase que je me répète : en toute modestie, vous modelez l’espace qui vous appartient qui, en retour, modifie l’espace qui l’entoure… mais avec le plus de légèreté si possible.
La générosité est une chaine qui se met en route et qui ne s’arrête pas au fond … car cela fait partie du processus …Et en bd, c’est un moteur essentiel, parler avec conviction d’univers parfois abscons, y croire et convaincre, oui, il faut de la passion, car personne n’y croira si vous n’y croyez pas vous-même, c’est une certitude.
Il faut se mentir avec sincérité mais avec panache !
Le projet avec Inès Royant en était un aussi.
Magnifique rencontre.
Un pari, l’audace de Philippe d’y avoir cru et le coup de poker sur le fait de quelles cartes nous disposions.
Une prise de risque, même si nous ne nous casserions pas une jambe, importante.
Et là aussi, grâce à 64_page, car les difficultés étaient énormes, distances, génération et technologie.
Et nous l’avons fait ! Purée !
A quoi travailles-tu, en ce moment, et quels sont tes projets à venir ? Quels sont les réseaux où l’on peut suivre ton travail.
Cette année a été une année des plus intenses avec 4 expositions pour ma partie sculpturale dont le point d’orgue a été une foire à Singapour, pour des toiles en techniques mixtes sélectionnées pour un concours.
Avec Bastien, un gros projet éditorial a vu le jour, « Horrifique » dans un superbe écrin graphique, un univers Lovecraftien dans lequel je me suis plongé avec délectation. (Cf. pièces jointes)
Graphiquement d’une autre facture, plus frénétique et « incroyables bourgades » une petite série d’illustrations en noir et blanc
faites quasi entièrement à la tablette graphique, j’en apprends tous les jours encore !
Mais cette publication à 64_page, pour Angoulême, ce sont encore des bulles de champagne sur la création.
Ici donc, j’atterris doucement, ou pas, je ne sais pas si j’en fais trop… mais bon, cela m’est savoureux, grâce à vous bien sûr.
Et au passage à Philippe Cenci, d’un soutien sans faille et d’une justesse d’appréciation formidable. J’en apprends beaucoup encore.
Mes premiers contacts, cette année, et, grâce à vous, avec les équipes éditoriales Dargaud et Humanoïdes associés ont été vraiment bienveillants.
Oui, il y a encore du chemin à faire. Mais ils sont devenus « plus proches » !
Et ce serait vraiment avec plaisir si des choses se concrétisaient avec eux…
Je louvoie donc entre ces univers multiples avec délectation… bien sûr pas de quoi vivre dans une station orbitale, mais qui sait un jour…
En attendant pour l’année prochaine, de l’ordre sculptural, continuer mes projets, pour 2024-25 etc. j’ai une tonne de croquis qui attendent de passer à la 3ème dimension.
Et en BD, pareil, en fait, en mode roue libre, après Kirikik Parade, j’avais envie d’achever quelques ultimes histoires courtes, comme « tagliatelle hôtel », une petite histoire d’un très très vieux couple de milliardaires, qui veulent retrouver leur jeunesse à travers de nouveaux corps.
« Dernière zone », une histoire de boucle temporelle ou je voulais essayer l’atmosphère neigeuse et fantastique… mais je pense mieux faire, je suis en train de remanier le storyboard de l’enfant-monde qui été un peu mis de côté cette année, mais il est toujours là, j’ai mon introduction de 3 pages pour la suite de « fata morgana » !
Je voudrais aussi tenter l’aventure du concours Raymond Leblanc.
Entre d’autres instants dispos, j’ai une fenêtre de décollage pour de la photogravure … mais bon j’en suis qu’aux débuts.
En ce qui concerne mes réseaux de diffusion, rendez-vous en cliquant ici https://www.instagram.com/mich3000/
Voilà ! Je crois que c’est à peu près tout
Entretien avec DELCASY
Drôles d’oiseaux : Comme une oie
Entretien Angela Verdejo
Bonjour Sylvia Delcambe, tu es mieux connue comme Delcasy, donc bonjour Delcasy!
1/ Pour commencer, pourrais-tu te présenter aux lecteurices qui ne te connaissent pas encore et qui vont te découvrir dans ce 64_page spécial oiseaux ?
Hello ! Je suis indépendante à titre complémentaire dans l’illustration depuis décembre 2022. Je suis des cours du soir à l’académie des Beaux-Arts de Châtelet dans plusieurs disciplines pour me professionnaliser et acquérir davantage de techniques. Rien ne me fait plus plaisir que de raconter des histoires et donner vie à tous ces personnages qui peuplent mon imaginaire !
2/ On retrouve dans ta narration une volonté de recourir aux expressions, nombreuses dans notre langue, recourant aux oiseaux. Est-ce là ton point de départ, c’est-à-dire qu’au départ il y aurait eu la langue parlée avant le scénario ? Raconte-nous comment est née cette histoire, quel a été le processus de création… En quoi, le recours à l’humour, par exemple, a été important dans la construction de ce travail ?
J’ai acquis sur brocante un livre graphique « Gangsters à Chicago » de Robert Nippoldt (édité par Gerstenberg). Il relate la vie d’Al Capone, de ses généraux et rivaux sous un angle très original. J’ai alors découvert que beaucoup d’entre eux étaient affublés de surnoms en tout genre en relation avec leurs activités mais aussi de noms d’animaux…
Leurs histoires fantasques m’ont inspirée, la presse s’emparait volontiers de leurs « exploits » durant la prohibition mettant à mal la crédibilité des forces de l’ordre durant les poursuites tonitruantes dans les rues de Chicago et lors des procès très médiatisés.
J’ai réalisé des recherches sur les expressions recourant à des noms d’animaux. Puis les oiseaux m’ont paru être de bons candidats pour occuper les rôles dans cette histoire tant il existe d’expressions en relation directe avec leurs anatomies et comportements.
Je ne souhaitais pas que l’univers de ces gangsters soit trop violent toutefois, le recours à l’humour m’a paru nécessaire et approprié à l’utilisation de toutes ces images véhiculées par la langue française sur le thème des volatiles !
3/Cette histoire semble être « à suivre », as-tu déjà entamé la suite ? Ce projet existait déjà avant l’appel à projets de 64_page ou c’est lui qui l’a suscité ? Comment vois-tu ce projet dans son ensemble.
Je compte donner suite effectivement, quelques scénarios sont soigneusement conservés dans mon carnet et je dispose déjà de quelques visuels pour compléter cet univers en plus d’une belle galerie de personnages. Je le vois sous forme de courts chapitres successifs impliquant de nouveaux intervenants à chaque fois. J’ai adapté mon premier chapitre pour le 64_page lorsque j’ai vu l’appel à projet, 64_page m’a donné en quelque sorte l’impulsion nécessaire pour m’y atteler sérieusement !
4/ Ta BD est très « colorée », les personnages, encore une fois, semblent être engendrés par des coïncidences linguistiques, pourrais-tu nous parler du choix de la palette, de la ligne, des techniques utilisées dans ta BD ?
Les espèces d’oiseaux ont été choisies pour utiliser pleinement les expressions dans l’histoire effectivement ! J’ai cherché la cohérence au travers d’une même planche en me limitant à quelques crayons de couleurs seulement (choix de couleurs complémentaires majoritairement), j’ai colorisé en couches successives pour enrichir les couleurs. La palette des dernières planches a été choisie pour donner un effet désuet du mobilier.
5/ Raconte-nous aussi l’état de tes projets en ce moment, les projets à venir autres que celui-ci. Et dis-nous sur quels réseaux nous pouvons suivre l’actualité de ton travail.
Je travaille actuellement à l’élaboration d’un livre jeunesse dans la lignée de l’histoire « Otaka et les fourmis gourmandes » parue dans le précédent numéro du 64_page. Il se composera à priori de 24 pages hautes en couleurs et s’intitulera « Otaka et le monstre vrombissant ».
Nous avons également pour projet collectif à l’atelier de BD & illustration de réaliser un plateau de jeux Monopoly spécialement sur la ville de Châtelet.
Les lecteurs peuvent me suivre sur instagram @delcasy_drawings et si d’aventure quelqu’un souhaite me contacter pour un projet, il pourra le faire via le site www.delcasy.be !
Merci Delcasy pour ta participation et bravo encore pour ce chapitre, « Comme une oie », de Drôle d’oiseaux ! On attend la suite ! A bientôt!
Instagram : delcasy_drawings
Entretien avec Lucinne SALVA
Sam et Mauricette à la recherche de Rose
Entretien Gérald Hanotiaux
Rendez-vous est fixé aujourd’hui avec Lucinne Salva, autrice dans notre dernier numéro d’une histoire en six pages largement teintées de rose… Ses personnages sont frappés d’anthropomorphisme, ce qui s’explique bien entendu en partie par la thématique de ce numéro : Les Oiseaux. En route avec Lucinne, pour voir la vie en rose…
Gérald Hanotiaux. Pourrais-tu te présenter en quelques mots à nos lectrices et lecteurs ?
Lucine Salva. Je m’appelle Lucinne, j’ai 27 ans et je fais de la bande dessinée depuis que je suis arrivée en Belgique. Je suis une personne créative et solaire.
Qu’est-ce qui t’a poussé à te tourner vers notre revue 64_page ?
À la suite d’une rencontre entre auteurs-autrices et éditeurs-éditrices à la maison de la littérature jeunesse à Bruxelles, j’ai discuté avec un membre de la revue 64_page, ce qui m’a donné envie d’être publiée dans cette revue, pour montrer mon travail à un nouveau public.
Tu proposes dans ce numéro une histoire en six pages intitulée Sam et Mauricette à la recherche de Rose, peux-tu introduire cette bande dessinée en quelques mots, pour allécher les lecteurs et lectrices ?
Sam et Mauricette à la recherche de Rose est une histoire courte sur la disparition de Rose, pendant une visite touristique en Camargue. C’est une bande dessinée loufoque et, comme dirait Edith Piaf : La vie en rose !
Dans la thématique sur Les Oiseaux, tu as décidé d’utiliser un flamand rose, pourquoi lui ?
Je suis originaire du sud de la France et tous les étés, avec ma famille ou des amies et amis, je vais me baigner en Camargue. À chaque fois, je m’arrête pour observer les flamands roses et les marais salants. Quand j’ai appris le thème de la revue, j’étais justement en Camargue, l’idée m’est donc venue de mettre en avant ce bel oiseau bien rose ! (à prononcer avec l’accent)
Tu as choisi de représenter en majorité des personnages animaliers, qu’aimes-tu dans cette pratique ? Quels seraient tes influences dans le domaine du dessin animalier ?
Je m’intéresse beaucoup à la représentation des animaux dans la bande dessinée. J’ai d’ailleurs un projet en cours qui tourne autour de l’anthropomorphisme animal : Gary et Joon. Mes influences dans le travail de la bande dessinée anthropomorphique sont nombreuses, j’aime particulièrement le travail d’Oriane Lassus, notamment sa bande dessinée Les gardiennes du grenier. J’aime aussi le travail de Sophie Guerrive avec ses personnages anthropomorphisés, comme Tulipe, et pour finir Fabienne la super grenouille dans Animan, d’Anouk Ricard.
De manière plus générale, quels auteurs et autrices citerais-tu parmi tes influences majeures ? En bande dessinée mais aussi, pourquoi pas, dans d’autres disciplines artistiques…
Je ne sais pas si j’ai une inspiration précise, j’aime beaucoup de choses et lis et suis beaucoup de styles différents. J’ai l’impression que mes inspirations se portent plutôt vers des autrices et auteurs contemporains qui expriment leur force, leur humour, leur douceur, leur intelligence. Je pourrais citer Joanna Lorho, Tamos le termos, Élodie Shanta… Je travaille également avec des amies et amis, ainsi que le collectif Ginko Biloba, ils m’inspirent et me questionnent beaucoup sur mon travail.
Du point de vue du style, comment procèdes-tu ? T’arrives-t-il de travailler dans différents styles ?
Je travaille beaucoup à la ligne en utilisant un crayon mine HB, puis je fonce le trait sur l’ordinateur. Pour la couleur je suis encore en réflexion sur mon travail car j’aime le feutre, mais j’aime aller vite, d’où l’utilisation de couleurs numériques. Je travaille également aux crayons de couleurs et en niveaux de gris… Tout dépend du projet et du sujet.
Nous avons beaucoup aimé ton traitement très libéré des codes de la bande dessinée : les cases se touchent, leurs bords sont arrondis, c’est très réussi ! L’impression générale est hyper-joyeuse. Selon toi, les cases en bande dessinée sont trop anguleuses… ?
En effet, je suis une personne d’humeur joyeuse, et j’aime les arrondis ! La forme ronde est pour moi une forme réconfortante, je l’utilise dans mes bandes dessinées sans l’associer à une histoire précise, mais plutôt car elle correspond à ma personnalité. J’aime l’expérimentation et le monde du fanzinat, il y a plusieurs façons de faire des planches de bande dessinée, et heureusement, car ça permet énormément de variété !
Que penses-tu de la situation actuelle du secteur de la bande dessinée ? On le décrit souvent comme marqué par la surproduction, mais aussi comme traversant une sorte « d’âge d’or », avec une grande créativité dans tous les styles… Qu’en penses-tu ?
Je dirais que oui, nous assistons à une explosion de couleurs et de variétés stylistiques ! Tant mieux ! Je n’ai pas encore été publiée, donc je ne peux pas vraiment me situer personnellement dans ce secteur… Cela dit, oui, je ressens une inquiétude au sujet de la précarité des auteurs et autrices.
Pour terminer, parles-nous de tes projets proches, sur lesquels tu travailles, par exemple Gary et Joon, peux-tu nous en dire plus ? Aussi, quels sont tes projets sur un plus long terme, as-tu déjà des idées ?
Gary et Joon est un projet de bande dessinée jeunesse, de 120 pages. C’est l’histoire d’un chat et d’une chienne qui vivent chez Roger, leur « maitre ». Un jour, tous les humaines et humains disparaissent : ils vont devoir apprendre à vivre seuls. Par la suite, j’aimerais dessiner un peu plus d’illustrations et proposer mon travail à des maisons d’éditions jeunesse. Un autre projet d’album jeunesse est en début de construction.
Un mot de la fin ?
Même si la bande dessinée c’est chouette, et de temps en temps un peu moins, il faut s’accrocher aux branches !
Merci Lucinne !
Vous pouvez aller voir le travail de Lucinne sur : Instagram : lucinnesalva
Entretien avec Jean-Chistophe T.
Catalogues d’oiseaux
Entretien Marianne Pierre
Bon, très sympa tes planches, mais pas très optimistes! Tu es de la génération des « éco-anxieux »? Penses-tu que nous allions réellement vers ce genre de futur?
Jean-Christophe T. : Merci. Je suis plutôt optimiste sur l’avenir de l’humanité, ce qui tranche avec ma petite histoire. Elle ne reflète pas vraiment mes idées. D’ailleurs, ce n’était pas le but.
J’ai plutôt envisagé cette dernière comme émanant d’une vision passéiste du future, à la manière des pulp que les kids lisaient dans les fifties. En l’an 2000, les voitures volaient!
Avais-tu plusieurs idées de scénario pour ce thème?
Oui, deux ou trois. Avec le printemps, le bord de mer, le chant,… C’était trop évident.
Tout le monde s’attend à lire une histoire sur la nature avec un thème comme « les oiseaux » alors j’ai préféré me démarquer en choisissant l’exercice de style. Imaginer le futur du passé. Des oiseaux, oui. Mais des robots. Dans un monde post-apocalyptique et froid.
Par contre, j’avoue que le propos ou plutôt la morale de l’histoire reste très conventionnelle.
Est-ce difficile pour toi de soumettre tes planches au regard du public?
Tout à fait. Je reste peu sûr de mon dessin. Je le trouve encore malhabile. Mon style doit encore s’étoffer.
Pour être honnête, je ne montre mes dessins que depuis deux ans. J’ai attendu la presque quarantaine!
Sur le plan du scénario, c’est déjà mieux. J’adore la mise en scène.
Mais je travaille et je me vois progresser. Et ça, c’est bien!
Quels sont tes projets? (graphiquement parlant)
J’ai différentes idées de bandes dessinées sur lesquelles j’avance en vue de les présenter à des maisons d’édition. Pour les plus jeunes comme pour un lectorat plus âgé.
Sur le plan purement graphique, chercher ce style qui me fait tant défaut. En fait, trouver mon écriture, ma voix.
Instagram : jchristophe.t
Entretien avec Véronique SERAN
La vie dissolue du coucou
Entretien Angela Verdejo
Bonjour Véronique Seran,
Pourrais-tu te présenter à nos lecteurices ?
Bonjour, je m’appelle Véronique Seran. Je suis née à Toulouse et je réside à Namur, une ville que j’adore.
Avant, mon métier c’était la création de bijoux, mais j’ai toujours dessiné et rêvé d’en vivre un jour. Aujourd’hui l’illustration reste encore une activité accessoire. Je salue le travail de 64_ page qui publie jeunes et moins jeunes pour les faire connaître. C’est la deuxième fois que j’ai le plaisir de faire partie de l’aventure et j’en suis fière.
Ma première publication c’est en 2017 avec le collectif Les Harengs rouges et l’ouvrage BD « la ville rêvée » suivie de « la vallée rêvée » aux éditions namuroises.
Mais c’est surtout à partir de ma collaboration avec l’auteur de romans jeunesse Thierry Stasiuk que je rentre dans le métier de l’illustration avec la sortie du premier de nos quatre livres « la disparition de l’échasse d’or » en 2019.
Je suis maman de quatre enfants et j’ai un petit fils. J’ai peint le grand mur de sa chambre d’animaux de la savane et il adore.
Ma formation d’illustratrice, c’est à l’académie des Beaux-Arts de Namur que je l’ai suivie, avec Benoît Lacroix comme professeur. En plus du dessin, j’ai eu envie de raconter des histoires pour mes enfants, pour moi, pour le plaisir.
Je fais partie du groupe des Urban Sketchers Namur, des mordus du dessin in situ, d’après l’observation directe de la vie urbaine et quotidienne, mais des USK Il y en a partout dans le monde. On publie nos dessins sur le groupe Facebook.
Je dessine, je sculpte, je peins. Mon carnet de croquis m’accompagne partout, dans le bus, le train, dans les cafés et même au cinéma.
La première chose qui saute à mes yeux de lecteurice ce sont évidemment les nombreux mots d’oiseaux accolés à un sous-texte que l’artiste a volontairement plongé dans une espèce de flou pour créer une distance. On pense évidemment à une espèce de lynchage du « pauvre » coucou dont les explications savantes ne suffisent pas à l’en sortir… Cela n’est pas sans rappeler le fonctionnement de la cancel culture dans les réseaux sociaux… mais là, j’interprète. Cela crée un grand malaise chez la lecteurice que je suis néanmoins ! Loin de moi, tout jugement, évidemment. Le jeu est très bien mené, les mots d’oiseaux pris au pied de la lettre, l’enjeu linguistique est d’une grande importance, et l’effet stylistique crée un choc, raconte-nous comment as-tu procédé pour écrire ce scénario.
Les nombreux noms d’oiseaux accolés au sous texte sont volontairement exagérés pour amener le lecteur à la curiosité et à s’interroger. Mes recherches sur les oiseaux en vue du projet m’ont amenée naturellement à ce coucou si extraordinaire avec un comportement que l’on traduit humainement et du coup, ça choque, ça nous heurte , ça nous émeut et me donne le sujet idéal de mon histoire.
Continuons sur le processus de création, est-ce que tu peux nous en parler…
L’idée de départ, c’est le projet « minuscule » qui a fait suite à l’ exposition collective « inattendu » du 04.12.23 au 12.01.24 à l’académie des Beaux-Arts de Namur. Un petit livre construit par pliage d’une feuille d’un format A4. J’ai scanné la feuille A4 avec les huit cases que j’ai réparti sur deux pages pour coller au format du magazine de 64_ pages. J’ai donc dessiné tout petit, ce qui est une première pour moi.
Et pour ce qui est de tes techniques ?
Le choix du papier, sa couleur, le texte écrit à la main au stylo donnent à ce travail un côté naturel qui en fait un bel objet. Le dessin est encré à la plume avec une touche d’aquarelle. J’ai voulu garder cet aspect authentique et original pour le magazine .
A quoi travailles-tu en ce moment ? Quels sont tes projets ? A travers quels réseaux peut-on suivre l’actualité de ton travail ?
Je termine la couverture et les dernières illustrations du cinquième roman jeunesse « Les étranges magiciens de Namur en Mai » avec Thierry Stasiuk à l’écriture qui sortira en 2024 aux éditions namuroises.
Je commence des planches BD avec le collectif les Harengs Rouges pour notre prochain album aussi prévu pour 2024.
Mais avec ça j’ai des projets peintures, dessins, expos et peut-être encore une histoire pour 64_page.
On peut me suivre sur ma page Facebook Véronique Seran et depuis peu sur instagram seranveronique.illustration .
Merci Véronique Seran pour ta participation à ce spécial oiseaux de 64_page et bravo pour cette BD qui ne manque pas de piquant !A bientôt!
Instagram seranveronique.illustration
Entretien avec Inès SANCHEZ ROYANT
Pépito et Solange
Entretien Angela Verdejo
Bonjour Inès Sanchez Royant,
Pourrais-tu te présenter, pour ceux qui ne te connaissent pas encore, bien entendu ? A 64page nous te connaissons déjà à travers ton travail, tes nombreux prix et tes allées et venues entre l’Espagne, la France, la Belgique et l’Afrique. Raconte-nous tous ces épisodes de ta vie d’artiste, jeune artiste en herbe mais qui dessine depuis toujours.
Inès : J’ai 16 ans, je suis en 1re (NDLR: 5e en Belgique), je suis franco-espagnole et j’habite en Espagne. J’aime dessiner et inventer des histoires depuis toujours. Je lis beaucoup de BD, de romans et le cinéma me plaît aussi. J’apprécie l’originalité et la qualité du scénario. Mon attachement aux personnages joue de même un rôle important dans n’importe quelle histoire quelqu’en soit la forme.
Ta BD est une incursion des oiseaux dans le monde des humains à travers une astuce, que l’on ne va pas spoiler ici, mais qui dénote une connaissance, voire une conscience, non seulement du dessin mais aussi de la langue, cela attire mon attention car je sais que tu es bilingue espagnol-français. Je me demandais comment se passe le processus de création pour une artiste bilingue, pourrais-tu nous en parler ? En ce qui concerne ta BD, Pepito et Solange, comment as-tu fait pour baptiser ces personnages avec ces noms qui font aussi d’ailleurs état de ton bilinguisme (y compris pour Cornelio)? D’ailleurs, tu t’es posé la question de la traduction, par exemple, de ta BD ?
Cette histoire ne pourrait malheureusement pas se traduire, ce qui est dommage pour mon père qui ne peut donc pas la lire dans sa langue maternelle. Moi, je suis complètement bilingue et je ne me suis pas posé de questions. J’ai pensé au scénario en français et j’ai écrit les dialogues dans cette même langue.
J’ai choisi les noms des personnages selon leur ressemblance sonores avec les espèces des oiseaux respectifs. Solange est une mésange et Cornelio est une corneille. « Pépito », qui est en effet un prénom hispanophone, n’ a rien à voir avec la « huppe fasciée » mais je trouve que ça lui va bien et je lui ai mis ce nom instinctivement.
Sur la BD encore, après nous avoir exposé ton processus de création narratif et linguistique, raconte-nous quelles techniques as-tu utilisées pour le dessin.
J’ai utilisé des feutres à encre de Chine pour l’encrage et pour la couleur j’ai utilisé des aquarelles et des feutres à alcool. Les bulles sont faites à l’ordinateur cette fois-ci.
Est-ce que tu t’étais déjà intéressée aux oiseaux ou c’est l’appel à BD sur le sujet qui t’a fait te plonger dans cette thématique ? Est-ce qu’il y a d’autres thématiques qui éveilleraient, plus particulièrement, ton intérêt et que tu voudrais que 64_page vous propose ?
Je trouve les oiseaux très beaux et des fois, j’aimerais être comme eux quand je les vois voler ou se poser sur un rebord périlleux d’un bâtiment sans avoir peur de tomber. 64_page nous surprend toujours avec des thématiques que je trouve très inspirantes. Ce sont des thèmes que je n’aurais pas forcément abordés et je pense que c’est bien. Il y a des thèmes qui m’attirent en effet plus que d’autres, mais je ne suis pas sûre de vouloir les voir dans 64_PAGE. C’est des fois intéressant de sortir de sa zone de confort.
Et raconte nous, ce que tu fais en ce moment, sur quoi tu planches et comment tu concilies cette passion pour la BD qui t’anime si fort avec la fréquentation de l’école ? Des projets, nous savons que tu en as beaucoup, quels sont-ils dans un avenir proche ? Te reverra-t-on à Angoulême ? Et encore, pour ceux de nos lecteurs qui ne te connaissent pas encore,pourrais-tu nous rappeler les réseaux sociaux où l’on peut suivre ton travail ?
Je poste mon travail sur Instagram ( @ines.sanchez.royant). Je viens de finir des planches que j’ai envoyées au concours hippocampe et je serai là à Angoulême. Cette année et la prochaine, je ferais sûrement un peu moins de BD, car il y a plus de travail en terminale au lycée (NDLR: 6e, rhéto en Belgique) et il faut aussi que je prépare un book et que je m’entraîne au dessin d’observation pour passer les concours d’entrée aux écoles supérieures.
Merci, Inès pour ta participation fidèle et très active à 64_page et bravo pour ton Pepito et Solange !Bonne chance pour Angoulême!
Instagram ( @ines.sanchez.royant)
Entretien avec Alexandre KONSTANTATOS
Avancer hors du temps
Entretien Gérald Hanotiaux
Aujourd’hui, nous rencontrons Alexandre Konstantatos, qui propose dans notre numéro 26 une histoire en quatre pages noir et blanc, dont l’action démarre à Liège pour finir à Thuin… Une déambulation sentant bon la nostalgie…
Gérald Hanotiaux. Pourrais-tu te présenter en quelques mots à nos lectrices et lecteurs?
Alexandre Konstantatos. Je suis Alexandre Konstantatos, aspirant auteur. Comme expliqué dans mes planches, je suis originaire de la campagne entourant Charleroi. J’ai fait des études de sciences et de mathématiques et j’ai intégré l’université en agronomie, avant de me rendre compte que ça ne correspondait pas à ce que je voulais faire de ma vie. Mon parcours m’a beaucoup appris et je suis toujours passionné par la nature et tous ses secrets, mais la bande dessinée me rend heureux et je suis fier d’avoir choisi cette voie. Raconter des histoires est une si belle passion !
Qu’est-ce qui t’a poussé à te tourner vers notre revue 64_page ?
J’avais besoin d’écrire et de dessiner quelque chose, une histoire courte, pour me mettre en selle. Ce n’est pas simple de sortir de l’école, où on nous donne un énoncé pour créer, et de soudain devoir le faire à partir de rien. Votre revue à l’avantage d’être ouverte à tout le monde, sans être une grosse machine éditoriale. Ce qui m’a permis de créer librement sans trop de pression, juste ce qu’il me fallait pour remettre le pied à l’étrier.
Tu proposes dans ce numéro une histoire en quatre pages intitulée Avancer hors du temps, peux-tu introduire cette bande dessinée en quelques mots ?
Comme je le signale dans la petite introduction dans la revue, j’aime réaliser des récits sur le voyage et dessiner les quatre coins du monde… Cette fois, cependant, j’ai décidé de me concentrer sur moi et mon patelin. J’avais envie de revenir chez moi durant cette petite parenthèse. Cet été j’ai dessiné un récit qui se déroule en Grèce, car j’y suis retourné après une longue absence et j’avais envie d’exploiter mes racines. Pour Avancer hors du temps, c’est un peu pareil, je suis fier d’où je viens, et j’avais envie de le montrer aux gens. J’ai tendance à beaucoup réfléchir en marchant, ça m’aide à clarifier mes pensées. Cette bande dessinée montre cette part de moi.
Ta bande est sans couleur, travailles-tu toujours en noir et blanc, privilégies-tu cela ?
En réalité, je ne travaille jamais en noir et blanc ! En fait, j’essaie même de le supprimer de mes planches, au point d’encrer avec des encres colorées… Mais pour cette histoire, j’avais envie de revenir aux bases. J’ai voulu travailler avec de belles masses de noir, pour jouer avec la lumière, donner un contraste fort entre ce paysage paisible et magnifique, et mes pensées sombres qui m’empêchent de le voir.
Le narrateur de l’histoire cite Jiro Taniguchi, est-ce un auteur que tu apprécies particulièrement ? Si oui, pourquoi ?
C’est un de mes auteurs préférés, si pas le « number one ». C’est clairement une de mes références, malgré qu’en général je ne sois pas dans le même genre narratif. Quand je l’ai découvert, ça a été une claque, sur le mode « Wouaw, on peut faire ça en BD ! ». Depuis, je ne peux m’empêcher de m’inspirer de sa façon de mettre en scène et de montrer le monde, car je m’y retrouve complètement.
Quels auteurs et autrices de bande dessinée, ou d’autres disciplines, citerais-tu comme source d’inspiration ? Ou simplement que tu apprécies particulièrement… ?
Pour les auteurs récents, je citerais Jérémie Moreau dont le livre Les Pizzlys représente ma dernière claque en date. Il y a aussi Guillaume Singelin, Julien Lambert, Julien Neel et Shigeru Mizuki. Avec Taniguchi, ce sont mes principales sources d’inspiration. J’en ai plein d’autres, notamment parmi les anciens de Saint-Luc-Liège, comme Aniss El Hamouri, Lisa (keuponof sur instagram) ou Jean Cremers. Je peux aussi citer Maxime Gillot, un auteur liégeois… Ou encore, dans l’animation, le studio Ghibli. Personnellement, je suis encore à la recherche d’une façon de synthétiser la réalité et mes personnages en dessin et tous ces auteurs ont trouvé une solution, que j’admire et qui me donne envie de faire pareil.
Ton histoire commence par Liège, où le personnage est allé s’installer pour ses études… Il s’agit donc de ton parcours personnel. Selon ton expérience, comment présenterais-tu l’enseignement artistique reçu dans cette institution ?
J’ai en effet obtenu le diplôme de bachelier en bande dessinée à l’ESA Saint-Luc-Liège, en juin 2023. Je suis à présent installé dans une colocation avec des personnes rencontrées lors de ces études, qui pratiquent également le dessin, en attendant de trouver un travail ou de décrocher un contrat éditorial. Je conseille ces études à toutes les personnes désireuses de faire de la bande dessinée leur métier. Selon moi, c’est l’endroit idéal car on y découvre tout ce qu’il faut savoir : la théorie, les outils de la narration et de la mise en scène, et des lectures et références insoupçonnées. On y rencontre aussi -et surtout- des artistes inspirants, dont les profs, qui sont là pour nous soutenir et nous conseiller, même une fois le diplôme en poche.. J’y ai vécu trois années géniales !
Tu es très enthousiaste sur l’enseignement à Saint-Luc, mais penses-tu que cela puisse également aider sur le terrain de la publication, en agissant en quelque sorte comme une « carte de visite » ?
Je ne sais pas, les profs nous soutiennent et nous aident en montrant notre travail à certains éditeurs, mais notre diplôme ne nous permet pour autant pas de montrer patte blanche et de signer un contrat immédiatement. Je dirais que l’avantage d’y avoir fait nos études est que ça permet aux éditeurs de savoir qu’on sait travailler, ils seront donc plus confiants pour nous faire signer un contrat si un projet leur plaît. Plusieurs anciens étudiants ont sorti quelques bijoux en bande dessinée, certains ont remporté pas mal de prix ces dernières années, cela crée une sorte de réputation collective qui peut se répercuter sur nous, lorsqu’on sort de l’école… Si ça permet d’être mieux écouté, c’est déjà beaucoup dans le milieu de la bande dessinée… Donc, d’une certaine façon oui, ça peut aider, mais il reste toujours à chacun de prouver sa valeur.
Que penses-tu de la situation de l’édition en bande dessinée, souvent décrite comme marquée par la surproduction, de manière générale mais aussi en tant que jeune auteur qui doit se faire une place… ?
Il est vrai que je suis un peu dégoûté par la tonne de livres qui sortent annuellement, privilégiant la quantité et le public existant pour certains auteurs, plutôt que la qualité… Mais l’édition ne se résume pas à cette situation, les éditeurs ont aussi besoin de nous, en quelque sorte. Les auteurs vieillissent et la demande ne diminue pas. Au contraire, ils essaient en permanence d’attirer des jeunes lecteurs, pour ça ils comptent sur nous, les jeunes auteurs. Ce n’est pas simple d’y entrer pour autant, et le petit revenu qu’offre ce métier en décourage plus d’un. Une phrase que j’ai entendue résume assez bien la réalité : « ce ne sont pas les plus talentueux qui réussissent en bande dessinée, ce sont les plus motivés ». Tant qu’on travaille, qu’on n’abandonne pas, on a sa chance. Ces derniers temps, j’ai l’impression que les bandes dessinées sont toutes les mêmes, c’est un peu déprimant… Mais certains auteurs sortent du lot, j’espère pourvoir me joindre à eux pour créer une vague de renouveau, dépoussiérer tout ça.
Sur quoi travailles-tu en ce moment ? Quels sont tes projets ?
J’ai plusieurs projets longs sur le feu, des romans graphiques comme diraient les éditeurs, mais j’ai envie de bien préparer mes dossiers de présentation, alors je prends un peu mon temps. Je vise l’échéance du prix Raymond Leblanc pour finir les dossiers, histoire de ne pas trop tarder non plus… En parallèle, je dois chercher un travail car je suis inscrit au chômage. J’ai un petit projet de 34 planches, pour une résidence à l’Atelier du Toner, à Bruxelles. Si vous êtes habitué des salons de bande dessinée, vous me croiserez peut-être pour au stand de Guerre Molle, un fanzine collectif réalisé avec des amis.
Un mot de la fin ?
J’avoue ne pas savoir comment conclure une interview étant donné que c’est ma première, mais je compte bien en faire pleins d’autres tout au long de ma longue carrière… N’hésitez pas à suivre mon travail pour constater si j’y parviens, la prochaine fois. Ça fait toujours plaisir de se sentir soutenu alors si vous êtes curieux, allez voir mon compte instagram (@drawaka), ou celui de Guerre Molle.
Merci Alexandre !
Vous pouvez voir le travail d’Alexandre sur : Instagram : drawaka
Entretien avec Masha Vander Kelen
Le grand vol
Entretien Angela Verdejo
Bonjour Masha Vander Kelen,
Bonjour Angela 🙂 !
Pourrais-tu dans un premier temps nous parler de ton parcours d’artiste ?
Masha : Petite, j’aimais beaucoup me mettre dans ma bulle et créer. Je passais parfois des récréations entières à dessiner, à écrire des poèmes sur une histoire qui m’avait touchée (comme celle d’Helen Keller), à peindre une mésange charbonnière, à écrire des histoires (dont l’une d’elle fut transformée en dictée par mon institutrice pour le plus grand bonheur de mes camarades…).
Ado, j’ai commencé à faire des caricatures. C’était comme si je donnais le sourire à mes idées. Caricaturer les gens qui m’agaçaient me permettait de mieux les accepter. J’adorais aussi les dissertations. M’emballer sur un sujet puis m’envoler littérairement vers un magnifique ciel ouvert sur tous les possibles. Quelle belle évasion des quatre murs de la salle de classe… ou de retenue.
À mes 18 ans, j’ai voulu m’inscrire en bande dessinée à la Cambre (une école artistique bien connue à Bruxelles). Mon papa m’a plutôt conseillé de faire un parcours universitaire. J’ai donc choisi d’étudier la psychologie sociale et interculturelle, qui est un domaine passionnant. Bien occupée, je n’ai quasiment plus touché à un crayon ni à un pinceau. Cependant, j’ai utilisé des planches de BD faites par un ami talentueux dans mon travail de fin d’études. Elles ont servi de matériel expérimental.
Après cela, je suis partie étudier quelques mois les primates (non-humains) dans une station biologique en Bretagne. Puis, j’ai travaillé comme psychologue et animatrice dans un planning familial. Ensuite, comme psychologue indépendante. J’exerce comme psychologue depuis 17 ans maintenant et j’y ai intégré l’hypnose et la walking therapy en forêt.
Suite à quelques soucis personnels, j’ai diminué ma charge de travail et j’ai replongé dans… l’art! Comme s’il avait fallu cette contrainte pour m’autoriser ce plaisir. J’ai donc commencé des cours de peinture il y a 4 ans chez la très chouette Isabelle Malotaux. Il y a deux ans, je me suis inscrite aux cours de BD/illustration à l’académie des beaux arts de Namur. Mon prof de BD, Benoit Lacroix, est assez exceptionnel. Merveilleux transmetteur, motivant, pertinent et honnête. À chaque fois que le « 64_page » était mentionné durant les cours, j’éprouvais une profonde admiration pour les sélectionnés. Je n’aurais jamais imaginé en faire partie un jour. C’est Aurélie, une copine de mon cours, qui m’a motivée à tenter ma chance. Merci à elle, et à Benoit qui a supervisé mon histoire. (Benoit Lacroix est interviewé dans L’atelier des maîtres du 64_page #25)
Nous nous sommes envolés avec tes personnages et avons beaucoup apprécié l’humour et l’ironie qui se dégage de leur envol… pourrais-tu nous parler de ton processus de création, comment en viens-tu à créer cette BD?
Le thème des oiseaux migrateurs est une idée soufflée par mon fiston avant même de savoir que c’était le thème du prochain 64_page. Grande passionnée d’observation éthologique, c’est avec plaisir que j’ai pris mon envol pour les dessiner, même si leurs attitudes ne sont évidemment pas typiques de leurs espèces. Parfois, je trouve que c’est plus facile de se projeter dans des animaux que dans des humains. Le phénomène de la migration chez les oiseaux me fascine. Cette aventure de navigation complexe, longue et difficile qui se répète chaque année. Dans mon récit, j’ai rajouté quelques quiproquos et embûches qui participent à l’aventure de nos comparses, sinon il n’y a pas d’histoire…
Les touristes, dans ta BD, ont des ailes mais se comportent comme des touristes humains… On promet la lune, on fait chez les autres ce que l’on ne fait pas chez soi, on devient bonimenteur… on fait dans la pub… est-ce dire que tu as créé une BD volontairement engagée en quelque sorte ?
La psychologue sociale que je suis a toujours aimé observer les phénomènes de groupe, « les influenceurs » et les influencés par exemple, tous ceux chez qui on crée aisément des désirs qui sont si facilement confondus avec des besoins. Peut-être ai-je voulu illustrer ce phénomène si courant chez nous les humains? Aller voir si l’herbe du voisin n’est pas plus verte. Et c’est sans jugement. A l’image des oiseaux migrateurs qui cherchent un milieu plus favorable, certains d’entre nous fuient le froid et le gris, mais… pour d’autres raisons que celles liées à la survie. Dans l’autre sens « migratoire », pour celles et ceux qui trouvent refuge chez nous, c’est une autre histoire.
Dans ce grand vol, j’ai plutôt voulu illustrer de manière légère l’histoire d’amitié entre Gérard et Raoul. J’ai cherché le contraste entre ces deux personnages; l’un est plus naïf et se laisse guider, l’autre prend ses désirs pour des réalités mais ça le rend plus moteur. Comme entre Don Quichotte et Sancho Panza. Ils sont faillibles, comme nous tous. Et puis n’oublions pas la finalité de l’histoire: c’est l’amour qui nous sauvera ! Moins de petite criminalité, plus de liens, et … plus de petits oisillons !
Pourrais-tu parler de tes choix techniques dans ton dessin?
Dans cette histoire, j’ai d’abord travaillé toutes les cases au crayon, puis j’ai assez vite voulu intégrer l’une de mes toiles acryliques en dernière case. Dans un souci de cohérence au niveau du style et des couleurs, j’ai choisi d’en mettre d’autres (de mes peintures) en « toile de fond » des autres cases. Puis, j’y ai ajouté mes croquis et j’ai travaillé les couleurs à la tablette. C’était un défi parce que j’ai commencé à manier cette tablette et Procreate un an auparavant. Un mélange de crayon, d’acrylique et de tablette donc. J’ai vraiment adoré ce travail des couleurs, j’ai senti ce fameux « flow » artistique dans lequel les minutes se transforment joyeusement en heures sans s’en apercevoir.
Tu travailles dans un projet actuellement ? Quels sont tes projets à venir ? Est-ce qu’il y a d’autres thématiques qui t’intéressent plus particulièrement ? Sur quels réseaux sociaux peut-on suivre l’actualité de ton travail ?
Pour le moment, je travaille sur le job 2 de l’année à l’académie et qui a pour thème « didactique ». J’ai envie d’illustrer des métaphores que j’utilise souvent en psychologie pour mieux faire comprendre certaines choses. Avec les années, j’ai quelques « classiques ». Et comme un petit dessin vaut parfois mieux qu’un long discours, ce thème me motive.
Maman de deux enfants à l’école primaire, je reçois aussi pas mal de matos de ce côté là. Ils nous ramènent leurs joies, leurs frustrations, leurs défis et autres cocasseries qui m’ont déjà inspiré quelques récits. J’ai, entre autres, écrit une histoire pour enfants qui me tient fort à cœur et que j’ai envie d’illustrer prochainement et qui pourrait s’appeler « La petite étoile qui n’osait pas briller »… A suivre!
Tout nouveau site (en cours d’amélioration) : www.matieresapenser.be
Instagram: matieresapenser.be
Merci, Masha Vander Kelen, pour ta participation , bravo pour ton travail et à bientôt !
Entretien avec Émilie Reineke et François Jadraque
Les oiseaux
Entretien : Angela Verdejo
Bonjour Emilie Reineke. Bonjour François Jadraque
Commençons par le début, qui êtes-vous ?
François : Je suis un graphiste à la retraite qui a toujours aimé à la fois dessiner et raconter des histoires. Que ces histoires se déroulent dans le cadre d’un scénario de BD ou fixées dans une illustration, il est important pour moi qu’une proposition graphique ou picturale raconte quelque chose. Mon fil conducteur étant de tenter de jouer sur le questionnement de la personne qui lit ou qui regarde en souhaitant interpeller son regard.
Dans mes études, je suis passé par l’ESAG (l’Ecole Supérieure d’Arts Graphiques) et l’Ecole Saint-Luc, sans pouvoir en finaliser les cycles d’études. Je suis diplômé d’un Master en Arts Plastiques.
Ma rencontre avec 64_page s’est faite en 2020 lors d’une présentation de projets BD aux éditeurs présents au Centre Belge de la BD à Bruxelles. Cette rencontre s’est coordonnée ensuite de façon progressive, naturelle et amicale avec son coordinateur le plus éminent. Je veux dire Philippe Decloux.
Emilie : Je suis Game Designer et je travaille pour une entreprise de jeux vidéo. Je fais de la BD depuis toujours, dessiner est quelque chose de très naturel pour moi même si l’aspect narratif m’a toujours beaucoup plus intéressé que l’aspect technique ou graphique. Je n’ai pas de formation professionnelle dans ce domaine même si j’ai eu quelques cours, j’ai préféré aller dans le game design pour pouvoir faire un métier créatif qui ne risquerait pas de me dégoûter du dessin.
J’ai rencontré Philippe en 2022, lors du BD Comic Strip Festival. J’aime bien l’ambiance autour de la revue, alors j’essaye de participer quand j’en ai l’occasion et l’inspiration.
Comment décide-t-on de créer une histoire à quatre mains ?
François : Notre rencontre avec Émilie s’est faite justement par le biais de Philippe Decloux qui nous a proposé cette collaboration à quatre mains. Le flair implacable du coordinateur sus-cité. Ma collaboration avec Émilie s’est déroulée à distance en nous contactant par téléphone, par mails et par l’envoi de fichiers. Nous avons choisi de travailler avec les outils numériques (Tablette, stylet, scans, Photoshop et Procreate…) plus adaptés dans ce contexte de travail. Mais nous avons véritablement réalisé nos 6 planches à quatre mains puisque d’emblée l ‘élaboration de cette histoire a été un mixed entre nos deux scénarios initiaux combinés en une seule narration. Après avoir réalisé un crayonné assez précis de l’ensemble, nous nous sommes répartis les encrages. Le chasseur, l’oiseau et la dernière planche pour Émilie et les décors pour moi-même. Le plus contraignant à été de garder une homogénéité dans la progression graphique de nos deux styles pour que l’ensemble du rendu reste cohérent jusqu’à la superbe dernière planche dessinée par Émilie.
Emilie : Nous voulions vraiment que l’on ressente la présence de deux artistes et deux styles, tout en limitant un contraste trop fort. On ne voulait pas se contenter d’avoir une personne pour faire l’encrage et une personne pour faire la couleur, par exemple. J’ai croqué le storyboard initial à partir de l’idée de scénario que nous avions élaboré ensemble. Puis, François l’a refait à la bonne taille en adaptant le dessin à son trait que je trouve très dynamique et fluide. La progression d’un style à l’autre s’est faite naturellement au cours de la BD par la disparition progressive des éléments encrés par François et l’apparition de ceux que j’ai encrés moi-même.
Le titre de l’histoire, et même son atmosphère et ambiance, n’est pas sans nous faire penser au célèbre film de Hitchcock… Qu’en est-il ?
F: En fait, le titre des Oiseaux n’avait pas pour moi l’idée de rappeler le célèbre film d’Hitchcock, à moins qu’il y ait eu comme un lapsus révélateur car c’est vrai que j’aime beaucoup ses films. Je crois que sans nous le dire vraiment nous n’aimons pas les chasseurs et l’idée d’une sorte de vengeance ou de revanche de la gente volatile nous a inspirés. C’est vrai que le choix d’un découpage et d’un cadrage en longueur peut faire penser à des prises de vue cinématographiques car l’objectif premier était surtout de maintenir un certain rythme visuel dans le déroulement de l’action jusqu’à sa chute finale. Comme il n’y a pas de dialogues il fallait dynamiser le mouvement et l’action de l’histoire. Deux sources d’inspiration personnelles pourraient être Tarantino et Tex Avery. Quant au choix du noir et blanc, il s’est imposé tout de suite car l’histoire a une trame de fond plutôt sombre.
E: J’avoue: Je ne suis pas du tout cinéphile (à tort, je sais bien) et je n’ai jamais vu les films de Hitchcock. Cela dit, c’est un parallèle très intéressant. En rétrospective, j’aurais plutôt nommé la BD “Chasseur”, puisque c’est sur ça que repose toute l’ambiguïté de l’histoire: qui est chassé par qui?
Pourriez-vous approfondir au sujet des techniques et style employés dans votre BD ?
F: Le découpage et le crayonné préparatoire des planches ont été faits au crayon sur papier de façon traditionnelle. L’ensemble a été scanné et nous avons chacun de notre côté travaillé notre encrage respectif sur les différents calques que proposent des logiciels graphiques comme Photoshop et Procreate. L’avantage du travail sur calques, c’est que nous pouvons modifier autant de fois que nous le souhaitons notre encrage et le partager lorsque c’est nécessaire. C’est un mode opératoire à la fois souple et précis pour travailler en binôme et à distance. En ce qui me concerne, j’ai utilisé un outil pinceau pour l’encrage. Il permet de développer un style ample et dynamique qui apportait un bon contraste avec le style d’Emilie dont l’encrage est réalisé avec un outil plume plus précis et plus minutieux. On s’est rapidement rendu compte que finalement nos deux styles étaient complémentaires, je trouve.
E: J’avais envie de faire un style avec des ombrages très marqués, en utilisant le moins d’outils possible. Tout est porté par le même trait, il n’y a pas de variations des niveaux de gris, sauf dans les décors. J’aime bien cet effet de “bruit” visuel qu’il y a quand l’encrage est utilisé pour les gradations d’ombre, je trouve que ça rappelle cet aspect que prend notre vue quand on est presque dans le noir. À l’avenir, j’essaierais peut-être d’avoir une ligne plus brouillonne pour accentuer cette sensation.
Quel est l’état actuel de votre travail, quel sont vos projets à venir ? Avez-vous des réseaux sociaux sur lesquels on peut vous suivre ?
F: Actuellement je m’essaie à la peinture en testant différents médiums et je vais m’initier à la gravure dont j’aime beaucoup le rendu. Pour autant, je continue de dessiner et de réfléchir sur des projets BD personnels et sur les prochains thèmes à venir de 64_ page qui m’inspireront. Je suis inscrit sur un site de vente en ligne The Art Cycle et j’ai un compte Instagram jadraque9 mais de façon générale je ne suis pas très actif sur les réseaux sociaux. Merci pour cet entretien.
E: Je suis active sur Instagram (@zittelsasha) où je poste des dessins. Pour l’instant, je n’ai pas grand chose à montrer de mes projets mais je compte bien changer ça en 2024! Merci pour cet entretien, et merci à toute l’équipe de 64_page pour tout leur travail.
Merci, François Jadraque et Emilie Reineke pour votre participation et votre enthousiasme, bravo pour le travail accompli à quatre mains et à très bientôt !
Pour suivre Émilie : sashazittel.wordpress.com et Instagram ; @zittelsasha
Pour suivre François : francoijadraque.canalblog et Instagram : @jadraque9