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La question bateau, qu'est-ce qui t'a amené à choisir le dessin, l'art comme études et projet de carrière?
Adley : L’envie de faire du dessin est venue petit à petit. Quand j’étais enfant, je rêvais plutôt de devenir écrivain. Plus tard, je voulais me former à un métier artistique mais ne savais lequel choisir : j’avais beaucoup d’envies mais n’en avais aucune qui prévalait sur les autres. C’est un peu le hasard qui m’a poussée dans cette voie, et peut-être la fascination que j’éprouvais envers ceux qui savaient dessiner.
Je ne parviens pas à me souvenir d’un moment de déclic, il y a peut-être toujours eu une partie de moi rêvant de devenir dessinatrice même si cela restait lointain et inatteignable : je dessinais très mal.
Mais au delà de ça, j’ai toujours beaucoup aimé observer et essayer de m’imprégner de ce qui m’entourait, de ce que je voyais. Enfant, je passais beaucoup de temps dehors, à regarder la nature et mon environnement. Je ne parlais pas beaucoup, je contemplais.
2. Tu as été publiée dans le 64_page #5 et tu as participé à l'exposition 64_page, la suite... au Centre Belge de la BD, qu'est-ce que tu attendais de ces expériences et que t'ont-elles réellement apportées?
Adley : Une certaine visibilité, une porte d’entrée dans le monde de la bande-dessinée belge. Quelques bonnes rencontres aussi dont une, tout spécialement, qui m’a permis de vendre mes premiers originaux. Une première expérience d’exposition en dehors des murs de l’école.
Mais je me sens un peu déconnectée, en travaillant seule chez moi, difficile d’imaginer les impacts réels que 64_page peut avoir, de son rayonnement au sein de la communauté de la culture et à l’extérieur. 64_page nous permet de montrer qu’on existe. On distribue nos cartes et on croise les doigts pour des retombées futures.
Selon toi, qu'est-ce qu'il faudrait mettre en place pour valoriser les auteurs débutants, pour favoriser votre accès à l'édition?
Adley :
Je ne suis pas sure qu’on puisse faire quoi que ce soit pour favoriser notre accès à l’édition. J’ai l’impression que le monde de l’édition est très fermé : trop d’auteurs, pas assez de projets et peu de prises de risque. Mais il y a beaucoup d’autres possibilités qui peuvent nous amener à développer notre travail et à gagner une certaine reconnaissance sans passer par les maisons d’édition dans un premier temps. Ce sont nos projets qui nous portent. Peut-être faut-il simplement nous rendre plus visibles. Peut-être faudrait-il plus de projets comme Radio Grand papier qui mêlent des auteurs et des maisons d’éditions établis à de plus jeunes auteurs, à des fanzines, etc. Des médias qui parlent des multiples formes que peut prendre la bande dessinée sans rapport d’échelle. Peut-être qu’il nous faudrait plus d’aide pour nous permettre de continuer à créer et/ou s’autoéditer. Ceux qui s’en sortent le mieux, d’après moi, sont ceux qui ont créé un collectif durant leurs études et qui ont continué de le faire vivre. Il est plus difficile d’être seul pour se lancer dans l’aventure.
Un bon nombre de collectifs de fanzine, microédition, autoedition, etc poussent les jeunes auteurs à imaginer leur place dans le monde de l’édition et de la bande-dessinée. Je pense à des collectifs comme Jean Guichon éditeur, Tieten met haar, Kool kids klub, la revue Nyctalope, la revue Lagon, etc. Il y a une énergie et une qualité qui émanent de ce qu’ils font qui sont vraiment chouettes. Ils ont réussi à donner de l’envergure à leur projet collectif. C’est très inspirant.
Ce qu’il manque aux auteurs débutants finalement ce ne sont pas les possibilités de créer quelque chose ou de s’autoéditer. Ce qu’il nous manque, lorsque l’on sort de l’école, c’est de savoir quoi faire, ce qui existe, ce qui est accessible et ce qui ne l’est pas, comment fonctionne le milieu, à qui s’adresser, comment y accéder. Les écoles d’art nous donnent beaucoup d’armes pour développer des pratiques personnelles et intéressantes mais nous en sortons presque ignares en ce qui concerne les démarches concrètes qu’il faudra entamer à notre sortie (statut, aide, subvention, résidence, facture, contrat, etc.). On manque d’un guide. On se retrouve dans un monde hyper vaste avec d’infinies possibilités.
Comment conçois-tu un récit, une histoire? Et comment envisages-tu ton avenir proche?
Adley : Les histoires qui m’ont réellement marquées sont celles qui m’ont fait réfléchir sur les sujets qu’elles abordent. Ce que je recherche lorsque je rencontre une œuvre, c’est quelle m’ouvre l’esprit. Qu’elle me montre un point de vue que je n’ai jamais rencontré. Qu’un glissement s’opère et que je puisse envisager une nouvelle manière de regarder le monde.
C’est ce que j’attends d’un récit, donc de mes récits. J’essaie, lorsque je construis une narration, de chercher des points de vue qui m’intéressent, qui me bouleversent ou tout simplement qui questionnent mon sujet. Je m’inspire souvent de penseurs tels qu’Isabelle Stener ou Émilie Hache par exemple. Je cherche ce qui va me faire découvrir un aspect des choses auquel je n’avais jamais pensé et je le réinsuffle dans mon histoire. Parfois ces glissements, que j’essaie d’intercepter, surgissent de personnes, de rencontres, de ce qu’il se passe dans la rue et même du quotidien. Tout peut être une base d’inspiration et de réflexion pour créer des ouvertures.
Bien sûr, lorsque je raconte quelque chose, j’espère aussi que cela touchera celui qui lira et que mon histoire sera assez ouverte pour qu’il puisse se la réapproprier. J’aime les histoires où il est impossible de connaitre le point de vue personnel de l’auteur, où plusieurs points de vue sont possibles. Je préfère mettre en lumière une question qu’une réponse.
Pour ce qui est de mon avenir proche, je guette les projets dans lesquels me lancer. J’aimerais beaucoup décrocher une résidence pour pouvoir me concentrer sur le développement de ma pratique. Je participe également à la mise en place d’un atelier de sérigraphie (à Lille) avec Félix Bisiaux qui s’appellera Spectre Edition.
Raconte-nous ton parcours, qu'est-ce qui t'a amené à vouloir faire du dessin, de l'art ton métier?
Romane : Mes parents sont tous les deux amoureux des livres et des mots. Ma mère est poétesse et ma toujours emmenée avec elle lors de rencontres et de lecture. Pendant ces rencontres j’avais toujours de quoi dessiner pour ne pas m’ennuyer au cas où.
Je me suis donc plus tournée vers les images que les mots. J’ai commencé mes études à l’Erg il y a 5 ans, et j’ai commencé à allier mots et images pour raconter des histoires.
En cour de route, je suis partie en Erasmus aux Arts décoratifs de Strasbourg pour y découvrir la section ‘livre-objet’ pendant un an. J’ai eu accès à de nombreux ateliers de gravure, sérigraphie, conception de livre de A à Z et ça a été une très belle expérience qui a confirmé mon envie de travailler dans le domaine du livre et de la création de récits…
2. Que représente pour toi cette première publication dans la revue 64_page? Qu'est-ce que tu voudrais que cela t'apporte? Qu'attends-tu de ce type d'expérience?
Romane : Cette première publication dans la revue 64_page, est pour moi une première expérience de publication. Cela me permet de donner à voir et à lire mon travail dans un autre cadre que l’école. Et de pouvoir me confronter à un regard plus large. C’est assez excitant de pouvoir regarder son travail publié, c’est un nouvel angle.
C’est peut-être aussi l’opportunité de rencontrer de nouveaux auteurs et de créer des histoires à quatre mains par la suite.
Comment conçois-tu tes récits? Explique les différentes étapes d'un de tes projets? Sur quel projet travailles-tu pour l'instant?
Romane : Je n’ai pas un protocole strict, je collecte beaucoup d’images, d’objets, et d’histoires familiales rocambolesques. Je nourris mes récits de ce qui m’entoure et me questionne. Mais je n’ai pas un modèle type de fabrication d’histoire. C’est plutôt, les récits que je construis, qui en fonction de ce qu’ils amènent comme question me force à développer des manières d’y répondre.
Pour le moment je travaille sur le récit d’une femme qui est sous l’emprise d’une force qui la dépasse. Selon le monde l’entoure elle doit être maîtrisé par la force et la discipline. Cependant, elle essaye de la contenir et de la maîtriser. Pour se faire elle rejette les normes sociales mais très vite elle perd pied. Et tente de se donner la mort. Cette force qui l’habitait ne peut disparaître même si elle n’a plus d’enveloppe charnelle.
4. Selon toi, que faudrait-il mettre en place pour valoriser les jeunes auteurs comme toi? Comment envisages-tu ton avenir? Que comptes-tu mettre en place pour y parvenir?
Romane : Comment envisager l’avenir ? C’est à la fois très excitant de voir toutes les possibilités qui existe : publications, collectifs, résidences, rencontres et échanges… J’ai beaucoup d’envies notamment de continuer à créer mes récits mais aussi de fabriquer un lieu d’accompagnement de jeunes auteurs qui serait un lieu où on peut réfléchir au fond de son histoire mais qu’on puisse aussi créer la forme qui lui correspond. Le milieu de l’édition a beaucoup de facette, mais parfois ne répond pas assez aux envies des jeunes auteurs. Les formes que prennent les récits doivent autant s’adapter que la manière de créer de nouveaux récits. Il faut des nouvelles manières de raconter, mais aussi des nouvelles manières de les diffuser.
Rencontre avec un humoriste débridé et un imaginaire délirant…
1. Quel est ton parcours? Comment es-tu venu au dessin? Et à ce dessin d'humour très débridé, très libre c'est le fruit d'un long travail ou c'est ton style naturel?
Thomas : Enfants, j’avais toujours des supers commentaires sur mes dessins, je pense que c’est ce qui m’a encouragé à continuer à faire ça et à me perfectionner plus tard en recopiant tous ce qui visuellement m’intéressait. J’ai toujours eu tendance à me servir de tous ce que je créais pour raconter des histoires. C’est donc naturellement que je me suis tourné vers la bande dessinée.
Par rapport à l’humour, je pense qu’il vient d’abord de mon père qui a toujours eu un humour très absurde. Quand j’avais 12 ans, il m’a fait découvrir les films des Monty Pythons, les Nuls, les Robins des bois … Et je pense que naturellement cet humour s’est ancré en moi. Ça m’a vraiment apprit à regarder les choses différemment et pas toujours sous le même angle.
Tu as collaboré un an au magazine Focus, comment cela s'est-il fait et qu'est-ce que cela t'a apporté dans ton travail quotidien?
Thomas : Ça a été une chouette expérience car ça m’a permit de réguler mon travail. Quand tu as une planche et un strip à rendre chaque semaine, ça te met la pression pour bosser tous les jours. On peut voir une réelle évolution dans mon style au fur et à mesure des semaines. Et puis je me suis éclaté à faire les strips de Fanjo et Lémo, qui reste des personnages super importants pour moi. (pour découvrir Fanjo et Lémo : https://www.google.be/search?q=F+anjo+et++l%C3%A9mo&biw=1015&bih=444&source=lnms&tbm=isch&sa=X&ved=0ahUKEwjSmKviy9jQAhVHqxoKHSB2AHUQ_AUIBigB )
Thomas : Les deux récits que j’ai publiés dans les numéros de 64 pages sont mes travaux les plus aboutis, donc oui, je suis super fier qu’ils aient pu être exposé au CBBD. J’aime beaucoup travailler sur des récits courts, avec une histoire qui a un début et une fin. Ca me permet d’avoir des œuvres finies et de prendre du recul à chaque fois sur ce que j’ai écris, pour continuer à évoluer par la suite. Ca me rassure de voir que je continue toujours à progresser.
Thomas : J’ai toujours plein de projets en tête. En ce moment, j’ai plusieurs histoires démarrée qui verront peut être le jour, comme l’histoire d’un garçon qui parcoure le monde pour combattre des géants, ou encore des projets autobiographiques qui sont écrit et que retravaillerai plus tard. En tout cas j’ai pas mal de matière. Je suis toujours dans l’auto-publication et je vais bientôt commencer à lancer une série de fanzines scientifiques appelés « Puddles »
Raconte-nous ton parcours? Ton choix de t'orienter vers des études artistiques?
Léo Gillet : Donc moi c’est Léo, j’ai 20 ans et je suis en Bac 03 illustration/ Graphisme à l’Ecole de recherche graphique.
Depuis tout gamin, je dessine des conneries, des bonhommes avec des gros pifs, des femmes à poil,etc. J’aimais bien faire rire autour de moi. Selon mes proches j’étais destiné à devenir dessinateur de bd et j’avoue que cela ne m’aurait pas déplu.
Par la force des choses, j’ai pris l’option art dans mon lycée, pour ensuite rentrer à L’ERG en 2014.
L’année passée, j’ai commencé à bosser sur mon projet de strips qui finira dans le numéro #7 de 64 page.
C’est le premier vrai projet bd que je mène à bien après une formation en cinéma d’animation.
64_page a publié (cf #7 de juin 2016) une vingtaine de tes strips en 3 cases, tu as un humour assez trash et un style graphique simple et efficace. En quelques traits et/ou quelques mots tu mets en place des récits fulgurants, désopilants, voire dérangeants. Comment t'es-tu découvert cette efficacité graphique et cet esprit de synthèse?
Léo Gillet : Je suis quelqu’un d’assez impatient, j’aime les choses rapides et bien faites. C’est cela qui m’a malheureusement détourné du cinéma d’animation. Cela me demandait énormément de temps pour un très petit résultat.
Alors j’ai décidé de suivre mon intuition et les notes que j’avais sur mon iphone. En m’inspirant de « la vie secrète des jeunes » de Riad Sattouf, j’ai commencé à dessiner des scènes de la vie de tous les jours. Des scènes banales qui, à priori ne sont pas spécialement intéressantes mais qui le deviennent une fois mises sur papier.
Je n’ai pas voulu m’attarder sur le dessin car pour moi l’idée générale du strip était plus importante. L’humour est absurde, potache et un peu con mais j’ai le sentiment que cela représente un peu la société dans laquelle nous vivons.
Quels sont tes projets?
Léo Gillet : Pour le moment, je travaille sur un projet bd qui raconte l’histoire d’un serial killer qui n’opèrent que dans les fast food.
Sinon, j’ai la chance d’étudier dans une école pluridisciplinaire qui me permet de tester énormément de médiums comme la vidéo, le graphisme, le son, etc. J’essaye de toucher à tout tant que j’en ai l’occasion.
Qu'est-ce que t'a rapporté cette publication dans 64_page et cette première expo au Centre Belge de la BD?
Léo Gillet : L’exposition 64 page a donné une vraie visibilité à mon travail et m’encourage à continuer dans ce domaine. C’est vraiment jouissif de voir ses dessins dans une vraie édition et je remercie énormément toute l’équipe pour cette opportunité!
Tu as participé à deux éditions de 64_page, les #4 de septembre 2015 et le #8 de septembre 2016, et aux deux expos au Centre Belge de la BD, qu'est-ce que cela t'a apporté? Qu'est-ce que en tire comme enseignement pour la suite de tes projets ?
Qu'est-ce que 64_page - ou d'autres - devrait mettre en place pour promouvoir les jeunes auteurs?
Patrice Réglat-Vizzavona: Qu’est-ce que ça m’a apporté ? Un peu de confiance en moi, des rencontres, mais surtout de la motivation, parce qu’une une fois que ton travail est accroché là-bas, ça te fait réfléchir, tu te balades dans les expos et puis tu passes devant tes planches en te disant qu’il y a encore pas mal de boulot.
Pour la suite ? Bosser plus et puis garder un œil sur les accrochages des futures expos (rires)
Question promo, je ne sais pas trop. Pour 64_Page j’aimerais bien des numéros à suivre, je trouve que ça aide le lecteur à se souvenir, ça pousse aussi les gens à s’abonner. Mais bon peut-être que je suis un peu vieux jeu et que ce n’est plus trop d’actualité. Et puis peut-être améliorer la forme de la revue, en prenant de la distance on peut se demander si c’est une revue de BD, une revue sur la BD, ou un catalogue de BDs, dans tous les cas c’est BD ça c’est sur, mais je pense qu’il y aurait moyen de rendre le tout plus clair. Dans une optique plus directe, peut-être qu’organiser des rencontres avec des éditeurs serait une bonne chose.
Mais je pense que le principal pour promouvoir un auteur c’est de le publier et la prépublication est pour moi une solution relativement simple, qui permet à l’auteur de se former dans ses jeunes années. Mais c’est peut-être un format qui s’essouffle un peu quand on regarde ce qui se fait maintenant chez les grandes maisons d’édition.
La revue Pandora est un bon exemple du climat actuel. Une revue de récits cours et inédits qui plus est de fiction, c’était du pain béni compte tenu de la prédominance de la BD documentaire qui me fatigue un peu. J’étais impatient de lire ça, je m’attendais à des réminiscences de l’esprit (A SUIVRE), avec des auteurs inconnus. Mais en fin de compte c’est uniquement des auteurs relativement bien installés dans le métier qui dessinent là dedans.
Donc je pense que c’est en grande partie à l’auteur de se promouvoir en faisant preuve d’initiative et en participant à des projets.
Lors de l'exposition de 64_page, la suite... en 2016, tu as présenté un extrait de quatre pages de Herser un projet beaucoup plus ambitieux. Expliques comment tu travailles? Scénario, découpages, recherches, documentations, croquis préparatoire? On veut tout savoir...
Patrice Réglat-Vizzavona: En fin de compte, j’ai écrit cette histoire sans faire de scénario à proprement parler. J’ai commencé en faisant une sorte de time line reprenant tous les éléments importants de l’histoire de façon chronologique, l’apparition des personnages etc… Ça m’a déjà pris pas mal de temps parce que je voulais que le lecteur se pose des questions.
Une fois que j’ai eu ma time line, j’ai commencé directement le découpage. Je ne suis pas très familier avec l’écriture, j’ai tendance à en rajouter des tonnes, à faire des phrases à rallonge, alors j’ai juste dessiné.
Du coup, j’ai un story-board qui n’est pas très lisible parce que pour ne pas oublier mes idées je devais dessiner super vite. Lorsque j’ai commencé mon story-board, j’étais encore à l’école et je devais le montrer à mes profs. Mais parfois, mes dessins étaient tellement vite faits qu’on ne parvenait même pas à reconnaître les personnages, du coup, j’ai dû leur ajouter des signes distinctifs. C’est par pure nécessité que mon héros est devenu myope et fut contraint de porter des lunettes. (rires)En parallèle, j’ai fait pas mal de recherche documentaire, surtout pour les passages en bateau, il fallait que ce soit crédible. Je voulais que l’histoire commence sur un huis clos et je trouve que le bateau est la meilleure illustration de cette idée. Mais si j’ai fait ce passage c’est aussi parce que je savais où trouver la doc’.
Quand il était plus jeune, mon père habitait à Marseille. Avec son frère et un ami à lui, ils ont retapé un huit mètre à voile, puis ils sont partis à trois au Sénégal. Son ami est resté et vit toujours là-bas aujourd’hui. Puis à deux, ils sont repartis et ont traversé l’atlantique jusqu’au Brésil. Il a fait pas mal de diapos de ce voyage et je les regardais souvent quand j’étais petit.
Du coup, j’ai récupéré ces images et je lui ai posé plein de questions sur le fonctionnement du bateau, la navigation, la vie à bord.
Il m’a expliqué plein de choses et m’a même fait un plan du bateau avec les dimensions et l’emplacement du moteur, des couchettes, les astuces qu’ils avaient trouvés pour gagner de la place, ils avaient bricolé ça super bien. Grâce à tous ces éléments, j’étais capable de dessiner tous les angles de vue que j’avais en tête.
Le reste de l’histoire n’est pas situé géographiquement, dons la plupart du temps j’invente les décors,
je me sers pas mal de mes souvenirs pour créer les environnements même si je continue de me documenter au fur et à mesure de mes besoins.
Pour les planches finales, je suis passé par pas mal de phases, j’ai testé beaucoup de choses. Mais le premier test concluant que j’ai fait c’était en gravure sur métal, je voulais quelque-chose avec des valeurs de gris, des aplats, du coup j’ai fait une page en aquatinte. Le rendu me plaisait, mais c’était vraiment long pour un exemplaire unique du coup j’ai décidé d’essayer d’approcher ce rendu au lavis.
Aujourd’hui, je travaille beaucoup à la table lumineuse. Je fais mes crayonnés sur du papier machine très fin, je découpe, je refais une case, un élément, un visage, et une fois que je suis satisfait j’encre sur ma planche définitive à la table lumineuse. Ça me permet de gagner beaucoup de temps parce que je peux recadrer, refaire certaines cases si j’ai fait une tâche et puis je n’use pas mon papier qui réagirait mal avec le lavis par la suite.
Une fois que j’ai fais tout ça, je pose mes lavis pour donner une ambiance à la planche. Je me rends compte en écrivant que c’est assez artisanal !
Tu auras bientôt un récit publié? Ce serait un récit érotique, peux-tu expliquer ce projet?
Patrice Réglat-Vizzavona: Oui, il s’agit d’une série d’histoire courte qui s’appelle « Maudites ».
Au début, j’avais juste envie de faire de l’érotique pour améliorer mon dessin et c’est ma copine qui c’est collée au scénario. On c’est vraiment amusé à faire le premier épisode, C’était vraiment drôle pour moi de voir de quelle manière elle tournait les choses. Et puis on c’est pris au jeu et on a eu envie d’en faire d’autres.
Du coup, elle a écrit quatre histoires courtes au total, elles sont toutes inspirées de la mythologie. La première histoire s’appelle « PZ66″et est inspirée du mythe des sirènes scandinaves, la deuxième s’appelle « M » et … sort en décembre si tout se passe bien!
Pour le moment c’est seulement pré-publié numériquement sous le label « Dynamite » de la Musardine. Ils se servent du numérique pour sonder un peu le public et sortent une de nos histoires tous les trois mois. Du coup on espère que ça plaira et que le recueil sortira en papier lorsque j’aurai achevé les dessins.
Comment vit un jeune auteur? Quelles sont tes contraintes? Comment concilies-tu ton travail de création et les essentiels, te loger, manger, te cultiver, ... Selon toi, qu'est-ce qu'il faudrait mettre en place pour que les jeunes auteurs puissent, après le master, continuer à se former tout en ayant la possibilité de publier, de montrer leurs travaux?
Patrice Réglat-Vizzavona: Comment je vis ? Plutôt simplement je pense. Je ne sors pas beaucoup pour ne pas me détourner de mes objectifs. J’ai mon atelier chez moi, du coup je suis assez sédentaire. Pour palier au mode de vie assis, je fais un peu de sport. Je suis aussi inscrit dans une académie de gravure à Etterbeek où je vais plusieurs fois par semaine.
Pour le moment, je ne gagne pas grand chose avec mes dessins alors je fais la plonge dans un restau, ce n’est pas glorieux, mais ça te rappelle quel boulot tu ne veux pas faire toute ta vie.
Je ne suis pas allé jusqu’au Master, j’ai simplement un Bachelot en Illustration et je pense qu’il existe déjà pas mal de chose pour les jeunes auteurs. A mon avis, ces choses là sont relativement à notre portée si l’on fait preuve de discipline.
Mais je pense que pendant les études, les profs devraient mettre l’accent sur la construction des dossiers d’édition, car c’est pour moi une étape très importante pour démarcher les éditeurs, surtout à notre époque où les revues de prépublications sont très peu nombreuses et où il faut tout de suite arriver avec un projet d’album.
En guise d’hommage aux victimes du 13 novembre 2015, et à toutes les autres…
Dessin de Remedium réalisé le lendemain des tueries en mémoire d'une connaissance assassinée.
Pierre Mercier fait partie de la « promotion » 2015 de 64_page, depuis deux années que nous le connaissons, il a multiplié les expériences intéressantes et enrichissantes. L’occasion d’en parler avec lui…
1. Explique-nous ton parcours. Qu'est-ce qui t'a amené à suivre des cours de dessin, de venir à l'ERG à Bruxelles? Et ce que cela t'a apporté?
Pierre : Je suis arrivé à l’ERG (un peu) par hasard. Quand on a commencé à nous parler de métier, je savais que je voulais dessiner et j’ai alors choisi l’illustration. J’ai passé mon bac STI Arts Appliqués (section artistique) et j’ai atterri à La Souterraine en BTS (2 ans) en communication visuelle. Ensuite j’ai tenté Illustration Scientifique et Médicale à Paris. J’ai raté le concours mais une de mes profs de BTS nous avait parlé des écoles bruxelloises. J’ai donc postulé à l’ERG (puisque la Cambre n’enseigne pas la BD ou l’illustration et que les frais de dossiers étaient plus chers à St Luc, je crois. Bref) et je suis arrivé directement en BAC 2. J’ai l’impression que l’ERG a autant de qualités que de défauts, et les deux pourraient se résumer à la liberté qu’on y a. Tout en suivant l’atelier d’illu-BD, j’étais aussi au fil des années en cours de gravure sur métal, d’art numérique et d’animation. Je parlerais pour la section narration, mais aucun prof ne vous dit vraiment ce que l’on DOIT faire. Si tu ne travailles pas ce n’est pas vraiment le problème des profs, tu es tout seul à en pâtir. C’est à toi de savoir ce que tu veux faire, comment et d’organiser ton temps pour, sinon, et bien tu glandes. C’est cool, mais au final tu n’es pas allé bien loin.
2. Tu as publié dans le 64_page #2 (avril 2015) un extrait fascinant d'un projet très vaste Le Palais, que devient ce projet? Est-ce que tu y travailles toujours?
Pierre : Et bien il est en pause depuis un moment ! C’était mon travail de M1, et en M2 je me suis lancé dans la couleur et dans un autre projet. Il s’avère que je vais me replonger dedans avec deux amis, Vérane Rebet et Noam Rzewski. Vérane, qui avait suivi sa réalisation, s’en était inspiré pour un atelier son à La Cambre, et elle avait demandé de l’aide à Noam (le créateur sonore du projet Jungle Space in America, dont je fais partie). L’idée était, en gros, d’en faire la bande son, d’en faire une déambulation sonore. Je n’avais pas du tout participé à ce travail mais ils m’ont proposé de pousser plus loin le projet, ce que j’ai tout de suite accepté. L’idée est de mélanger BD, son, scénographie et maquette, puisque je voulais en Master qu’il y ait un dialogue entre maquette et dessin. Affaire à suivre donc.
3. Parle-nous de projet collectif Jungle Space in America, raconte la genèse de ce projet et son évolution future ?
Pierre ; En septembre dernier je suis parti en résidence de création à Talange (FR) avec quatre amis qui sortaient de mise en scène à l’INSAS et de scéno à la Cambre, pour créer une pièce de théâtre sans paroles, Jungle Space in America, inspirée d’une nouvelle de H.P. Lovecraft.
Au départ je ne devais faire qu’une sorte de carnet de bord, une documentation dessinée de la résidence. Mais on a très vite voulu aller plus loin ; sont alors nées les parties installation et bande-dessinée du projet. Il s’avère que chacun d’entre nous avons un rôle et une pratique de prédilection au sein du collectif ; il y a Noam, dont j’ai déjà parlé, qui s’occupe du son, Léonard Cornevin de la lumière, Marie-Laeticia Cianfarani de la scénographie et Camille de la mise en scène. Mais nous travaillons en collectif où chacun suggère des idées aux autres, dans toutes les disciplines. Nous ne restons pas cantonnés. Il y a deux jours se terminait Visions aux Halles de Schaerbeek où l’on a présenté notre première étape de l’installation. Il y aura notamment une présentation de la pièce à Talange, la sortie de la 1ere partie de la BD, Jungle, avec une expo aux Halles Saint-Géry et aussi la création d’une forme « Conférence », toujours en lien avec ce projet, un brin tentaculaire.
4. Tu vas en Avignon pour participer à une résidence artistique, expliques-nous ce projet? Ce que tu en attends? Et aussi quels sont tes autres projets?
Nous y sommes déjà avec ERSATZ, le même collectif que pour JSA, mais pour un autre projet de théâtre et d’installation, Quelques Rêves Oubliés. Il s’agit du travail de fin d’études de Camille, une adaptation d’un texte jamais monté ou édité en français, de Oriza Hirata, auteur japonais. Ici, à La Chartreuse de Villeneuve-lez-Avignon, nous travaillons uniquement sur la technique. Et comme pour JSA, le dispositif scénique a une place prépondérante.
La lumière, le son et la scénographie sont des « personnages » à part entière, ou en tout cas ils sont au même niveau que les comédiens. Ils permettent, comme la 2D et le dessin, de témoigner des présences étranges inhérentes au réalisme onirique de ce projet, de ce texte. Nous serons par ailleurs en avril prochain en résidence au Japon, cette fois avec les trois comédiens (Gwen Bérou, Pauline Gillet et Aurélien Dubreuil-Lachaud), et où je continuerais l’archive dessinée du projet.
Au théâtre il n’y a pas que le jeu et le texte. En traversant un châssis ou un élément de scénographie, les personnages peuvent se retrouver à changer d’espace, de temps et de lumière. Exactement comme sur une planche de BD. Si cela a été un réelle découverte, elle m’a beaucoup et continue de m’apporter et de m’inspirer dans le dessin. Et dans le cas de notre collectif, cela fonctionne aussi dans l’autre sens.
Pour l’instant je suis pas mal occupé avec tout cela mais je voudrais reprendre mon travail de Master 2, un dialogue quasi fantastique entre 2 employés d’une centrale hydraulique souterraine confrontée à une panne plus qu’inattendue, puisqu’en principe inexistante. J’aimerais aussi faire de l’illustration pour la presse, mais je n’ai encore engagé aucune démarche.
Ce grand voyageur, dans sa vie comme dans ses bd, a visité tous les continents, tous les pays ou presque et même quelques planètes biscornues qui peuplaient son univers onirique. Pour beaucoup, Marc Sleen restera l’homme des records : le plus grand nombre d’albums, 217 ; la plus longue bd, 125.592 cases; le seul auteur ayant un musée de son vivant, rue des Sables à Bruxelles; le dessinateur qui a dessiné le plus de gaufres, 17.367.487; celui qui a fait déguster le plus de cornets de frites à son héros, Néron/Nero, un par album au minimum; le seul auteur de BD fait chevalier par le roi Albert II; le seul auteur qui aurait, c’est lui qui le disait, emmené 60.000 abonnés avec lui quand il a quitté le quotidien, Het Volk, pour un autre, De Standard…
Sleen est probablement le plus flamand des auteurs de bd flamand, plus que Willy Vandersteen (Bob et Bobette), et le plus belge des auteurs belges. Plus belge que Hergé, Franquin ou Peyo, les aventures de Néron sont ancrées (et encrées) en Belgique par l’auteur qui faisait tout lui-même, pas de studio, pas de scénariste. Sleen s’inspirait du monde qui l’entourait, Bruxelles, la Flandre, l’Europe, l’Afrique, le Japon, l’Univers, … et inventait son strip quotidien et il le fera pendant 55 ans, de 1947 à 2002, date où il jettera sa dernière plume, il avait 77 ans.
Resté fidèle à ses petits albums souples, il n’a pas la notoriété de ses contemporains, pourtant ses albums, peu réédités et souvent uniquement en néerlandais, sont des petits trésors d’humours, de surréalismes, d’analyses désopilantes ou grinçantes de la société dans laquelle il vivait et créait. Sleen était aussi et, peut-être avant tout, un talentueux dessinateur de presse aux regards acérés et critiques. Un dessinateur de presse qui avait fait des choix et les revendiquait. Comme il les faisait encore quasi quotidiennement au jeu d’échec dont il était un passionné.
Pour mieux connaître Marc Neels dit Marc Sleen (Gentbrugge 1922 – Hoeillaart 2016):
Le Musée Sleen, 33-35 rue des Sables à 1000-Bruxelles (juste en face du Centre Belge de la BD). Les 217 albums de Néron aux éditions Standaard. En néerlandais et quelques'uns en français, accessible à la bibliothèque d'études du Centre Belge de la BD, 20, rue des Sables à 1000-Bruxelles. 64_page #8, pages 40-41, Génie populaire, une analyse de la Belgique et du monde de 1958 à travers l’album De Pax-Apostol (L’Apôtre de la Paix). Le Nerocafé, 1, avenue Antoine Biesmans, 1560-Hoeillaart (ancienne gare vicinale) Boire une NERO, une ambrée brassée en l’honneur du personnage fétiche de Sleen au Nérocafé, à la Brasserie Horta (CBBD) et dans les bonnes brasseries belges.
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