Les grandes autrices et les grands auteurs de demain sont, aujourd’hui, en interview dans 64_page
TOMASZCHKA – Décidus
Interview Marianne Pierre
Marianne Pierre : Tomaszchka bonjour! Ton récit est plein de couleurs, mais le ton n’est pas très optimiste… Pourquoi ce choix de palette?
Tomaszchka : J’ai travaillé cette BD à l’aquarelle rehaussée au crayon de couleur. Il est vrai qu’à première vue, mon histoire ne semble pas très réjouissante, mais je ne l’ai pas pensée comme un récit pessimiste, au contraire. Aucune espèce ne vit éternellement et nous nous sommes toujours refusés de penser notre finitude. Même si l’on parvient à trouver des solutions pour résister aux bouleversements climatiques en cours, l’humanité aura une fin. Je trouve cela reposant de penser que ce que l’on croit insurmontable n’est qu’un sursaut à l’échelle de la Terre, que tout le mal que l’on a pu faire se cicatrisera, comme une forme de rédemption envers la nature. Je pense qu’il est important de se réjouir de faire partie de la nature et de sa beauté. La vie en fait partie, comme la mort. Arrêter de se croire immortel en tant qu’espèce, ce sera, je pense, le meilleur moyen d’accueillir tous ces changements le plus sereinement possible.
Peux-tu expliquer le titre de ton histoire: Décidus ?
Décidu est ce qui se dissocie à d’autres choses selon les saisons. Le pollen au printemps, comme les feuilles en automne. Nous sommes tou.te.s des feuilles de passage sur Terre qui finiront pas tomber pour nourrir les bourgeons du prochain printemps en tant qu’individus, en tant qu’espèce mais aussi en tant que société. Il serait peut-être temps d’imaginer un monde dans lequel le capitalisme serait décidu, séché sur le sol et piétiné pour nourrir de nouveaux arbres qui nous apporteraient l’ombre et les fruits dont nous avons réellement besoin.
D’après ton récit, une fois que les humains se seront auto-détruits, les forêts repousseront. Et tu dis « avoir ressenti le besoin d’un peu plus de solennité. » Serais-tu un éco-anxieux?
Oui, malgré ce que j’ai pu dire plus tôt, je me sens concerné par le monde dans lequel on vit. Ne pas être éco-anxieux, c’est se voiler la face sur la réalité du monde. Il faut accepter cette anxiété générale et trouver des réponses pour la combattre. Penser et recréer un monde qui nous aidera à survivre ensemble face à l’inconnu.

© Tomaszchka – Décidus
Le besoin de solennité est plus en réponse avec ce que j’ai l’habitude de faire comme BD depuis quelques années, dont le dernier numéro de 64_page auquel j’ai participé, qui étaient plutôt tournées vers l’humour. Impossible de trouver un moyen ici d’être drôle avec ce que je voulais raconter. Plutôt que de me perdre en contorsions pour tenter de faire des blagues, j’ai préféré être plus honnête et posé dans ma narration, exprimer plus clairement ce que je voulais dire.
As-tu des projets en bande dessinée… ou dans un autre domaine?
Cela fait 2 ans que je travaille périodiquement sur un projet qui recoupe avec le thème du changement climatique dans un style dark-fantasy. J’y reviens de temps à autre lorsque je trouve l’inspiration, j’essaie de ne pas me forcer pour ne pas me perdre dans mon histoire et garder le ton juste.
Mon travail artistique qui m’occupe le plus ce sont les techniques d’impression ; gravure, sérigraphie, lithographie… Cela me correspond plus que la bande dessinée depuis plusieurs années car dans ces techniques, on est maître de toutes les étapes de la conception : narration, image, impression, reproduction. On est obligé de prendre le temps, de réfléchir, on ne peut pas forcer le travail de l’impression. À l’opposé du travail numérique où tout est modifiable et corrigible, quand on imprime soi-même, on apprend à accepter les erreurs et les imprévus, à en tenir compte, voire à s’en nourrir. Qui sait, peut-être en sortira une BD gravée dans les prochaines années ?
Pour poursuivre la découverte de Thomaszchka : Instagram : scraboudjas et Instagram Tomaszchka
Elisa GATTO : Les animaux de la forêt de Soignes
Interview Angela Verdejo
64_page : Bonjour Elisa Gatto, tu es publiée dans le numéro 28 de 64_page qui vient de paraître avec une belle page qui s’appelle Les animaux de la forêt de Soignes, que pourrais-tu nous dire sur ton parcours pour toustes nos lecteurices qui ne te connaissent pas encore ?
Élisa Gatto : Bonjour, j’ai terminé le secondaire en techniques artistiques, c’est dans cette logique, que j’ai décidé de poursuivre avec des études supérieures d’arts plastiques. Je les ai réalisés à Bruxelles, à l’ERG, Ecole de Recherche Graphique ; j’ai fait un bachelier et un master en illustration/bande-dessinée, j’ai été diplômée en 2016. Au cours de ces études, j’ai pu m’exercer à plusieurs techniques : la sérigraphie, la linogravure et la gravure sur métal. C’est la linogravure qui a retenu mon attention, une technique qui me fascinait, elle a été une révélation. Aujourd’hui, elle fait partie des médiums que j’utilise dans mon travail d’illustratrice. A la fin de mes études, l’envie de me lancer dans l’illustration était présente mais je ne me sentais pas du tout légitime. Pourtant, j’avais déjà le désir de développer une boutique en ligne avec de la papeterie illustrée, malgré cela après l’obtention de mon diplôme, j’ai abandonné le dessin et j’ai travaillé dans d’autres domaines que l’art. C’est à l’arrivée du covid et du confinement et à la suite de divers soucis personnels que je me suis interrogée sur ce que j’avais réellement envie de faire. J’ai commencé un nouveau travail dans le secteur culturel, ce qui m’a permis de me réconcilier avec l’univers artistique. J’ai repris le dessin sérieusement, chose que je n’avais plus faite depuis très longtemps, je me suis inscrite également à des cours de céramique, passion qui d’ailleurs ne m’a plus jamais quittée ; et dans mon poste culturel, j’ai animé des ateliers créatifs, j’ai fait du graphisme en réalisant des flyers et affiches, j’ai rencontré des artistes, j’ai participé à des festivals, expositions, etc. En résumé, je peux dire que ce travail m’a réellement reconnectée avec l’art. J’ai su à ce moment-là que je voulais poursuivre dans cette voie, il était évident que plus jamais je ne voulais abandonner cette fibre artistique.
Lors de mes études supérieures, j’ai réalisé un projet d’illustration sur la famille, c’était un mélange de dessins, de photographies, de linogravures et de textes écrits qui parlent de l’enfance de mon père au Caire et à Beyrouth. J’ai utilisé ce projet comme prétexte pour en apprendre un peu plus sur l’histoire familiale, sur les non-dits, les secrets, les bribes de récits que j’avais entendus. C’est un projet que j’ai beaucoup apprécié réaliser et qui a une grande valeur sentimentalement. Je pense que dans un futur proche, j’aimerais créer un roman graphique en reprenant cette thématique, ou bien sur d’autres sujets mais toujours lié à quelque chose de personnel, comme si finalement raconter une histoire était une forme de catharsis.

© Élisa GATTO – Les animaux de la forêt de Soignes
C’est en 2023, que je suis revenue à l’illustration, j’ai décidé de me lancer et de me professionnaliser. J’ai ouvert ma page Instagram (@tiziia.tiziia) et j’ai commencé à vendre mes illustrations sur les marchés de créateurs. L’année suivante, 64_page m’a contactée pour une exposition à Tour et Taxis, pour les 10 ans de la revue, j’ai créé une affiche à tirage unique spécialement pour l’évènement et contre toute attente elle a été vendue. Cette même année, j’ai suivi une formation pour artisans et entrepreneurs afin d’avoir toutes les cartes en main pour construire au mieux mon projet. J’ai continué les marchés, je me suis réconciliée avec le dessin digital en m’auto-formant sur Procreate, j’ai développé mes illustrations sous d’autres formats comme des stickers, marque-pages, cartes postales. Bref, j’étais lancée !
64_page : Ton travail s’appelle Les animaux de la forêt de Soignes. Pourrais-tu expliquer pour ceux d’entre nous qui ne connaissons pas la Forêt de Soignes pourquoi ce choix géographique et peut-être aussi le choix restreint d’animaux.
Élisa Gatto : J’ai toujours aimé deux choses : la nature et la création. Je viens de la campagne et aussi loin que je me souvienne, enfant, je passais mon temps dans le jardin chez mes parents à observer la faune et la flore ; et quand je n’étais pas dehors à rêvasser, j’étais dans ma chambre à dessiner, créer, inventer, bricoler. Par conséquent, ce fut une évidence de choisir les thématiques de la nature et des animaux dans mon travail. Lorsque je suis venue habiter à Bruxelles pour mes études, je me suis toujours sentie plus campagnarde que citadine, et ceci n’a pas changé au bout de dix ans. Plus tard, j’ai adopté un chien et j’ai commencé à partir à la découverte de nouveaux espaces verts où il pouvait courir, c’est à ce moment-là que j’ai découvert la Forêt de Soignes qui était pour moi, la campagne qui me manquait tant à Bruxelles.
64_page : De quelles techniques t’es-tu servie pour réaliser ce travail ?
Élisa Gatto : J’ai utilisé la tablette graphique pour la création de cette illustration. J’utilise le programme Procreate depuis maintenant un peu plus d’un an. Même si j’utilise des médiums comme les crayons de couleur, par exemple, ici pour une question de facilité d’envoi numérique, j’ai préféré rester sur un travail d’écran. Pour les couleurs, il faut savoir que j’adore la couleur et dans la nature, nous sommes vraiment chanceux. J’ai réalisé ce dessin en automne, une de mes saisons préférées, où les couleurs sont merveilleuses. Quand je réalise une illustration, je commence toujours avec un élément, ici les feuilles d’arbres, et ensuite je construis le reste tout autour. Je me suis basée sur les couleurs des feuilles pour réaliser les couleurs des autres éléments afin qu’il y ait une ambiance avec un fil conducteur.
64_page : Et comment es-tu arrivée à 64_page? Que penses-tu de notre revue ?
Élisa Gatto : J’ai découvert la revue 64_page via un professeur à la fin de ma dernière année de master. Il m’a proposé de sélectionner des planches de la bande-dessinée que je dessinais à ce moment-là pour le jury. C’est comme ça que l’aventure 64_page a débuté. J’ai adoré l’idée. Je ne connaissais pas du tout avant. Je trouve cela génial qu’un espace soit créé pour les jeunes artistes ou les artistes tout court parce que le monde de l’art n’est pas facile à percer et que des aides comme ça soient là, c’est vraiment providentiel, si je peux dire.
64_page : Sur quels projets travailles-tu actuellement ?
Élisa Gatto : En 2025, je continue la formation du Boost chez FLTM (Fais le toi-même), je vais ouvrir ma boutique en ligne de papeterie illustrée (que je vends pour l’instant que sur les marchés) et également démarcher pour que mon travail soit accessible dans des points de vente à Bruxelles. J’aimerais tant faire des ateliers et des partenariats avec des marques et/ou particuliers. Ici, en janvier, une galerie à Liège m’a contactée pour participer à une exposition. C’est fou ce que les réseaux sociaux à notre époque peuvent permettre. Donc, je dirais pour répondre à la question, que mes projets sont de continuer, de persévérer, sans rien lâcher, ce qui n’est pas toujours facile tous les jours.
64_page : Merci pour ta collaboration, Elisa Gatto, nous espérons alors bientôt avoir de bonnes nouvelles sur tous ces projets alléchants ! Bonne chance dans tes entreprises et à bientôt.
Pour suivre le travail d'Élisa GATTO : Instagram : tiziia.tiziia
Murielle LECOCQ – Voyage dans l’ère du temps
Interview Gérald Hanotiaux
Partons à la rencontre de l’autrice de cette histoire placée au sommaire de notre numéro 28, intitulée Voyage dans l’ère du temps. Ces cinq pages ont pour protagoniste principal un arbre pas comme les autres, il traverse les ères pour nous livrer un message d’espoir… Murielle est enseignante en économie dans le secondaire spécialisé, le dessin est sa bulle d’air.
Gérald Hanotiaux. Bonjour Murielle, pourrais-tu te présenter à nos lectrices et lecteurs ?
Murielle Lecocq. Bien volontiers. Je suis professeure dans l’enseignement spécialisé, je dispense les cours d’économie dans le secteur « professionnel vente », mais je suis également diplômée de l’Institut Saint-Luc de Bruxelles en option Graphisme. Je dessine des portraits aux crayons graphites en autodidacte depuis des années. Si je remonte à la période de mon enfance, je sais que les crayons ont été pour moi une mine de ressources créatives, amenant dans ma vie un monde parallèle et fascinant… Ils sont devenus avec le temps le prolongement de ma pensée, objet de réflexion à mâchouiller tendrement.
Il y a deux ans j’ai eu envie de mettre de la vie et de la couleur dans mes dessins, j’ai donc fait un petit passage d’une année au cours de peinture à l’Académie des Beaux-Arts de Namur. Très vite, j’ai bifurqué vers le cours de Bande dessinée / Illustration de Benoit Lacroix (1) : ça a ouvert une porte dans mon univers créatif. Je mélange le graphisme et une narration enrobée de couleurs. Je découvre et apprends à chaque cours… J’ai retrouvé ma « mine » inspiratrice, par le dessin je peux m’exprimer et m’interroger sur le monde.
Tu présentes dans notre numéro 28 une histoire en six pages intitulées Voyage dans l’ère du temps, qu’en dirais-tu pour allécher le lecteur ?
L’ère du temps, c’est un peu « notre » voyage à tous, porteur d’espoir et de résilience. Un voyage climatique sans, au départ, la présence de l’être humain. Ma volonté était de ne pas montrer l’Homme, même s’il est indirectement ou directement présent, c’est notre arbre qui prend la parole. Une parole qui le fait voyager dans l’ère du temps sans jugement aucun. Au fil des pages, il nous fait prendre conscience de la fragilité de la vie, de nos actes barbares et du monde qui change. Cet arbre, fossile vivant, qui a tout traversé et qui est devenu un symbole de paix, nous invite à poursuivre notre chemin à ses côtés, sereinement. C’est aussi un voyage comme devoir de mémoire : la destruction d’Hiroshima par une bombe atomique a 80 ans en 2025.

© Murielle LECOCQ – Voyage dans l’ère du temps
Très belles, ces six pages présentent une palette très variée de couleurs, pourrais-tu décrire le rôle que joue la couleur, dans cette histoire mais aussi plus généralement dans tes travaux ?
J’ai longtemps dessiné en noir et blanc en explorant le clair/obscur dans mes portraits, c’est la narration qui m’a apporté la couleur sur un plateau d’argent. La couleur est un pigment de vie, elle me permet de redécouvrir un trésor enfoui en moi. J’aime l’idée que seule la couleur puisse transmettre un message et cela depuis la nuit des temps, mais j’aime également l’idée que mes crayons puissent transcender ces couleurs pour créer un univers et emporter nos regards. Ici la couleur vient, accompagnée de peu de mots, pour « encrer » le monde de l’invisible ou de l’imaginaire.
Au-delà des questions de couleurs, au niveau technique, comment as-tu procédé pour ces planches ?
Pour la technique, je suis un peu « touche à tout », j’aime jouer avec les cases et établir des connexions entre elles. Ensuite, la couleur se déverse dans mes images dans un second temps, mais je les visualise déjà en couleur en les dessinant. Je mélange l’aquarelle et les crayons, avec également du marqueur… Ou tout ce que je peux saisir sur ma table de dessin. Pour le moment, au niveau de la technique, je me situe plutôt dans un laboratoire d’expérience.
Ce laboratoire que tu évoques pour ton travail actuel, c’est un peu également notre manière de voir la revue 64_page, un laboratoire pour permettre de tester toutes les formules possibles, permettre aux autrices et auteurs de proposer des résultats variés… Que dirais-tu, dans le monde de la BD d’aujourd’hui, des possibilités de se tester, de voir ses travaux imprimés pour une première fois, d’avancer étape par étape dans un processus éditorial ?
« Laboratoire », j’aime ce mot car mon papa était chimiste, son laboratoire représentait pour moi un lieu étrange et merveilleux, où tout pouvait arriver… Avec mille flacons, mais parfois avec un seul. Par ce mot, j’entends le fait d’explorer, de créer, de découvrir et de s’ouvrir à des choses nouvelles mais aussi d’admirer des petits accidents et d’en faire des bijoux. Mais c’est surtout le fait d’être humble et de se dire que rien n’est jamais fini, que tout peut encore se produire. Un laboratoire ne permet pas d’utiliser des « trucs » répétitifs, ma table de dessin est un laboratoire, un chantier où j’avance pas à pas…
Pour un jeune auteur, il est important de trouver des éditeurs comme vous, car cela fait partie de l’avancement de la création, ça permet de progresser mais surtout cela donne envie de créer et de découvrir… Bref : de rentrer à nouveau dans notre laboratoire. Émerger dans le monde de l’édition aujourd’hui me semble très compliqué, pas seulement par le fait que tout se digitalise, mais par le fait que les éditeurs ont des exigences et des attentes beaucoup plus pointues.
Alors comment émerger ? Envoyer son travail, comme ici, après avoir tout donné, c’est un peu comme se retrouver devant une page blanche. On ne peut être certain des exigences des éditeurs, ni d’ailleurs de celles du public. On livre quelque chose de nous, sans savoir qui le réceptionne, ou seulement très vaguement… Ces personnes qui vont nous lire ont-elles les mêmes codes de référence que nous ? Le doute s’installe vite, mais en même temps il est, pour ma part, un moteur.
Quelles œuvres de bande dessinée t’ont-elles particulièrement marquées dans ta vie et ton parcours ?
Sans aucun doute, petite j’aurais pu dire : « Je veux être calife à la place du calife ». Iznogoud, par les jeux de mots de René Goscinny, m’a plongé dans l’univers de la lecture et du sens des mots. Ensuite, j’ai recherché des lectures qui me laissaient un sourire, ou même l’esquisse de celui-ci, sur mon visage. Heureusement j’ai eu la chance, dans mon enfance, de fréquenter la bibliothèque communale de ma ville et de découvrir tous les albums devenus maintenant des classiques. Par la suite, mon univers s’est étendu, et si j’apprécie toujours particulièrement Enki Bilal, je découvre de nouveaux univers en permanence… C’est littéralement magique, car chaque page lue ou vue laisse en moi une empreinte d’inspiration, destinée à ressurgir tôt ou tard.
De même pour d’autres disciplines, par exemple en cinéma, en littérature ou autres, qui placerais-tu dans ton panthéon personnel ?
Le trio arrive très vite sur le podium. Alfred Hitchcock, qui pour moi était un visionnaire, un pionnier évoluant également dans un laboratoire, un maître du suspense. Walt Disney, lui aussi un pionnier, mais du film d’animation. Erri De Luca, un écrivain engagé qui jongle avec les mots pour nous permettre d’atteindre des idées, qui ne sont jamais des certitudes, et des sentiments bien enfouis en chacun de nous.
Quels sont tes projets en dessin ou en bande dessinée, les plus immédiats, sur lesquels tu serais occupée à travailler, et à plus long terme, ce vers quoi tu voudrais te diriger ?
A l’heure actuelle, je me découvre au niveau du scénario, je prends énormément de plaisir à créer des histoires et à les dessiner ensuite. Pour le moment, je travaille sur la représentation de la pluie avec un projet intitulé Dimanche de pluie. C’est bien belge comme histoire, mais j’ai envie de montrer la beauté de la pluie sur des paysages qui nous sont familiers. Montrer que la nature peut être magnifiée par quelques gouttes. Je travaille aussi sur le thème du « silence », pour le prochain numéro de 64_page. À plus long terme, dans les prochains mois, j’aimerais créer un roman graphique mêlant mythologie, histoire et fiction contemporaine, avec toujours une petite touche d’humour ou de positivité.
Un mot de la fin ?
Je tient à remercier toute l’équipe de 64_page, ainsi que l’Académie des Beaux-Arts de Namur. Et, bien entendu, plus particulièrement Benoit Lacroix, mon professeur.
Merci Murielle !
Vous pouvez découvrir les travaux de Murielle sur ces sites.
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artetmoimuriellelecocq et sur Instagram. artetmoi.muriellelecocq
(1) La rencontre avec Benoit Lacroix dans le cadre de notre rubrique « Les ateliers des maîtres » est à lire dans notre numéro 25, disponible sur notre site : www.64page.com cliquez « 64page - Revue ».
Fiona BOUSSIFET – Je n’en ai pas pour longtemps
Interview Angela Verdejo
64_page : Bonjour, Fiona Boussifet, nous sommes heureux de lire ton travail Je n’en ai pas pour longtemps dans le n°28 de 64_page, pour commencer et pour ceux de nos lecteur.ice.s qui ne te connaitraient pas, pourrais-tu nous dire qui tu es?
FIONA BOUSSIFET :Bonjour 64_page ! Je suis institutrice primaire depuis bientôt 12 ans. Aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours aimé dessiner. J’ai pris des cours de peinture durant mon adolescence. Pendant mes études, j’ai souvent manipulé des albums jeunesses, je les regardais avec émerveillement et cela m’a donné envie d’en faire !
Après un an en Irlande, où j’enseignais la langue française et l’art plastique, j’ai décidé de prendre des cours à l’Académie des Beaux-arts de Namur : j’ai commencé par quelques années en illustration, puis une année en infographie pour pouvoir utiliser les outils numériques.
J’apprécie particulièrement l’illustration jeunesse, les animaux, les couleurs, … J’aime beaucoup des auteur.e.s et illustrateurs/illustratrices comme Amandine Piu, Pénélope Bagieu, Rudy Spiessert, Emile Jadoul, …
64_page : C’est l’histoire d’un escargot qui… tu pourrais compléter sans spoiler ?
FIONA BOUSSIFET :C’est l’histoire d’un escargot qui va pouvoir utiliser le dicton « quand on n’a pas de tête, on a des jambes »…

© Fiona Boussifet – Je n’en ai pas pour longtemps
64_page : Cet escargot m’est particulièrement sympathique, est-ce que tu testes tes histoires sur tes enfants, par exemple ? Quoi qu’il en soit qu’est-ce qui est déterminant pour toi dans le choix de ton sujet ?
FIONA BOUSSIFET : Il est vrai que j’aime montrer mes projets à mes enfants et parfois à mes élèves. Ce qui est déterminant pour moi dans chaque projet, c’est que celui-ci soit dans un premier temps drôle, j’aime observer les gens qui lisent mes histoires afin de percevoir un rictus, un sourire et au mieux un rire. Ensuite, je prends beaucoup de plaisir à utiliser la couleur, c’est vraiment la partie que je préfère quand je réalise un projet !
64_page : Comment as-tu procédé ici ?
FIONA BOUSSIFET : Pour cette histoire, j’ai principalement utilisé de l’aquarelle pour les grandes zones puis du crayon pour les détails. J’ai retouché et mis le texte de manière informatique par la suite.
64_page : Et plus particulièrement pour les couleurs ?
FIONA BOUSSIFET : Mon escargot traversant les quatre saisons, j’ai évidemment utilisé la colorimétrie de chaque saison et ai choisi des couleurs vives.
64_page : Et maintenant cet escargot est publié dans 64_page ! Comment as-tu connu notre revue ?
FIONA BOUSSIFET : J’ai connu 64_page via mon cours d’illustration. Pour dire la vérité, j’avais envie de participer mais je n’étais pas certaine de pouvoir rendre le projet à temps, j’ai donc réalisé mon projet sans m’inquiéter et finalement je suis parvenue à le terminer deux jours avant la date butoir. J’espère qu’avec ce projet je pourrai avoir plus de visibilité, j’ai enfin ouvert une page Instagram pour l’occasion.
64_page : Nous te retrouverons avec plaisir sur ta page instagram, pourrais-tu nous indiquer comment y arriver ?
FIONA BOUSSIFET :Il suffit de se rendre sur instagram et de rechercher “fi0bou”.
64_page : Et sur cette page instagram nous allons surement suivre tes projets présents et à venir , tu peux nous donner une petite « avance »?
FIONA BOUSSIFET :Pour le moment, je prépare un projet pour mes cours d’illustration. Il s’agit d’une adaptation de la légende d’Excalibur dans un frigo ! Chaque page cache un jeu de mots en lien avec la nourriture ! Arthur est un jeune cornichon qui va être en apprentissage avec Merlot l’enchanteur ( un gars qui a de la bouteille).
64_page : Waouh, on va encore bien rire, je le sens, j’ai déjà envie de te lire, Fiona Boussifet, merci pour ta collaboration et à bientôt alors !
FIONA BOUSSIFET : À bientôt !
Pour découvrir les aventures d'Arthur le cornichon et bien d'autres surprises : Instagram fiobou
Carla Cecchinato – Prospero et les arbres à l’envers
Interview Philippe Decloux
Bonjour Carla, tu nous proposes et chouette BD, couleur sépia, Prospero et les arbres à l’envers qui se déroule à Madagascar. Explique-nous, la genèse de ce récit, comment l’as-tu conçu ? Qu’est-ce qui, ou qui, t’a inspirée ce sujet ? As-tu rassemblé une documentation ? Des souvenirs, du vécu ? Est-ce un récit que tu as découvert et adapté ?
Carla : J’ai toujours été fascinée par les baobabs aussi loin que je me souvienne, leur prestance, leur forme qui donne l’impression de pousser à l’envers, je leur trouve un certain mystère et étant d’origine très curieuse, j’ai entrepris des recherches à leur sujet.
J’ai découvert leur nom d’origine : Adansonia, qui est devenu le prénom du héros.
Cela a donné Adan Ascar pour Madagascar.
J’y ai associé le nom d’un grand explorateur et naturaliste de l’île de Madagascar du 19 ème siècle, Alfred Grandidier.
Il suffisait de lui trouver un petit fils, prénommé Prospero, comme le botaniste Prospero Alpino qui a rédigé un ouvrage sur ces arbres fabuleux, des recherches sur la signification de nombreux prénoms donnés aux habitants de l’île, leurs croyances à l’égard des baobabs, leurs traditions…et l’affaire était dans le sac ou plutôt dans la valise.
Parlons un peu de toi ! Qui es-tu ? Quel est ton parcours humain et ton parcours artistique ?
Carla : Mon parcours avec un p’ti truc en plus : comme beaucoup, j’ai tenu des crayons dès mon plus jeune âge mais étant très taiseuse…à la demande de mes parents … toute une époque !… Mon seul moyen d’expression était le dessin, ayant grandi très proche de mon petit frère trisomique qui n’as commencé à parler que vers l’âge de 5 ans, nous nous comprenions très bien comme cela, le dessin nous suffisait.
Adolescente, mes études à l’IATA à Namur en Art graphique imprimerie ne me suffisais plus et toujours plus boulimique de créations, je me suis inscrite aux cours du soir aux Beaux-Arts.
Après avoir travaillé 25 ans dans un espace communautaire d’un quartier sensible ou ma créativité me permettait de m’épanouir, j’ai repris il y a 3 ans aux Beaux-Arts en BD/Illu.

© Carla Cecchinato – Prospero et les arbres à l’envers
Créer est, je n’en doute pas, important pour toi, comment, pour toi, se construit un récit, une BD ? Le dessin – le désir de dessiner l’Afrique par exemple – vient-il en premier ? Ou est-ce le texte ? Ou les deux sont-ils liés et se construisent en même temps, en parallèle ?
Carla : Je construis bien souvent mon récit avant de m’endormir, les idées fusent à ce moment. Je pose par écrit toutes ces idées, j’assemble, superpose, mélange, j’en fait un melting-pot et à un moment l’histoire tiens la route, ensuite viens le temps du story-board.
L’Afrique car ma petite fille est une jolie petite métisse d’origine nigérienne qui m’inspire chaque jour qui passe.
J’ai d’ailleurs illustré une histoire dont elle est l’héroïne : Anouck et les cosmoproutes!
Comment as-tu découvert 64_page ? Qu’est-ce qu’une revue de ce type peut apporter aux jeunes créateurs, illustratrices et/ou bédéistes ?
Carla : Mon professeur Benoit Lacroix m’as fait découvrir La revue qui est pour moi d’une variété incroyable d’illustrateurs très riche de styles, de scénarios, de graphismes, tout le monde y trouve son bonheur pour les yeux et l’esprit.
Quels sont tes projets à court, moyen et longs termes ?
Carla : Tout d’abord profiter un maximum du savoir et de l’expérience de mon professeur Benoit Lacroix, J’aimerais avoir plus de visibilité, ou être éditée, ou travailler comme coloriste, ou qu’un scénariste fasse appel à moi pour illustrer ses histoires ….ca fait beaucoup…
J’ai encore 20 ans dans ma tête ….mais chut!
Voici cher Philippe
Belle journée
Carla
Vous retrouvez les travaux et projets de Carla sur Instagram : cecchinato carla
Tatiana CIRIOLO – Arbres
Interview Gérald Hanotiaux
Nous discutons aujourd’hui avec Tatiana Ciriolo, 20 ans, italo-belge et étudiante en troisième année d’architecture. Elle aimerait explorer d’autres disciplines : l’illustration, la bande dessinée ou encore l’animation, pour donner vie à ses dessins autrement… C’est chose faite dans notre numéro 28, consacré aux Arbres.
Gérald Hanotiaux. Bonjour Tatiana, pourrais-tu te présenter à nos lectrices et lecteurs ?
Tatiana Ciriolo. Je m’appelle Tatiana, Tati pour les intimes. J’ai vingt ans et je suis actuellement étudiante en architecture à Bruxelles. Cette année marque un tournant pour moi, car une fois mon bachelier en poche, je me lancerai dans des études en bande dessinée ou en animation. Éternelle rêveuse, souvent la tête dans les nuages, j’ai nourri ma passion pour le dessin pendant mon enfance et mon adolescence, tant à l’école qu’à travers des cours extra-scolaires.
Cette réorientation est une évidence : grande lectrice de bande dessinée, j’ai plongé dès mon plus jeune âge dans la bibliothèque pleine à craquer de mon grand-père, qui possédait une superbe collection de classiques dont je ne me lassais jamais. Fidèle spectatrice du Festival Anima à Bruxelles, j’y retourne chaque année pour m’immerger dans une sélection de courts-métrages aux univers graphiques inspirants. Ces deux médiums qui allient narration, créativité et mouvement me fascinent profondément.
Pendant mes deux ans et demi d’études d’architecture, mes cours préférés ont été ceux de « moyens d’expression » (techniques de dessin et représentation). C’est là que j’ai pris conscience de mon envie de m’exprimer plus librement, de raconter des histoires et de créer un univers graphique qui m’est propre.
Dans notre dernier numéro tu proposes une très belle page, pleine d’acrobaties. Pourrais-tu présenter ce travail ?
Le thème « arbre » m’a inspirée ce dynamisme, probablement parce qu’il me rappelle mon énergie débordante d’enfant hyperactive. J’aime beaucoup travailler le mouvement, le corps en action, d’où mon envie de me lancer dans le cinéma d’animation. Je voulais que ce dynamisme se ressente dans cette page, pour que le lecteur ait l’impression de plonger dans une chorégraphie en pleine action.

© Tatiana Ciriolo – Arbres
J’aime aussi l’idée que le lecteur puisse interpréter librement cette courte séquence d’acrobaties, car certains de mes proches m’ont demandé si le personnage était tombé, ou s’il s’était simplement endormi… Ascension et dépassement personnel, émerveillement, rêve ou impulsivité ? J’invite le lecteur à s’approprier les faits selon sa propre sensibilité. L’arbre devient un miroir des émotions et des aspirations humaines, et peut résonner différemment chez chacun. Ce projet m’a permis d’explorer, d’apprendre et de me dépasser… Et je suis fière du résultat.
Au niveau technique, comment travailles-tu ? Pour ce travail-ci, mais aussi plus généralement, développes-tu différents styles ?
Je commence souvent par de nombreuses esquisses pour poser les bases du mouvement et de la composition. Pour cette planche, j’ai travaillé au crayon avant de passer au numérique. Sur Procreate, j’ai continué à ajuster la composition jusqu’à ce qu’elle me convienne. En tant que perfectionniste, cet outil est une aubaine, car il me permet de peaufiner mes traits, dans les moindres détails, sans tout effacer.
En général, j’aime travailler la couleur et tester différentes techniques. Par exemple, j’hésitais à utiliser l’aquarelle pour cette planche, car c’est une technique avec laquelle je suis très à l’aise. Mais comme je venais tout juste de recevoir ma tablette graphique, j’ai préféré expérimenter la mise en couleurs numérique. Depuis presque un an, je me familiarise avec Procreate, qui est de plus en plus intuitif pour moi. Pour de futures réalisations, j’aimerais m’ouvrir à d’autres médiums comme le pastel gras ou le crayon de couleur, et combiner numérique et papier. L’architecture m’a également beaucoup apporté : elle m’a poussée à dessiner en extérieur, à capter des perspectives et à affiner ma perception de l’espace.
Artistiquement, comment évoquerais-tu ton parcours ? Tu as suivi un enseignement artistique ?
Mon parcours est encore en construction ! Mais il est marqué par une passion constante pour l’art. J’ai eu la chance de suivre des cours d’art enrichissants, pendant mes deux dernières années de secondaire, ce qui m’a permis de poser des bases solides. C’est lors de ces cours que j’ai réalisé une aquarelle, choisie pour illustrer la couverture de l’agenda de l’école, une expérience qui m’a procuré une immense satisfaction. Enfant, je suivais également des cours de dessin extra-scolaires qui me plaisaient beaucoup.
Plus récemment, pendant mes études en architecture, les cours de « moyens d’expression » ont été un moment décisif : c’est là que j’ai compris que raconter des histoires et m’exprimer par le dessin me faisait vraiment vibrer. C’est pourquoi, cette année, je me suis réinscrite à des cours de bande dessinée et d’illustration, afin d’approfondir mes compétences et de participer à des projets concrets, comme celui-ci pour 64_page. Aujourd’hui, je suis fière de cette planche, l’une de mes premières réalisations en bande dessinée. La voir publiée est un immense honneur, et une confirmation de mon envie de poursuivre dans cette voie. Cela m’encourage à progresser, à développer ma technique et ma rigueur, et surtout, à consacrer encore plus de temps à la création. Je suis impatiente de continuer sur cette lancée et de relever de nouveaux défis.
Tu parles de la bibliothèque de ton grand-père peuplée de classiques… Pourrais-tu nous parler de ceux qui t’ont marquée dans cette bibliothèque ?
Parmi ces intemporels du neuvième art se trouvent des bandes dessinées de Peyo : Johan et Pirlouit et Les Schtroumpfs, de nombreux albums de Franquin : Gaston Lagaffe, Spirou et Fantasio, Le Marsupilami, une belle série d’Astérix et Obélix de Goscinny et Uderzo, et enfin, l’intégralité des Tintin d’Hergé et des Lucky Luke de Morris. Ces albums, aux univers distincts et peuplés de héros fascinants, se mêlaient harmonieusement dans cette bibliothèque.
Sources d’inspirations et moments d’évasion, ces pages me captivaient par leur comique et leurs graphismes. Je m’attardais sur le trait des auteurs, le dynamisme des personnages, et la richesse des univers. Je note que, en bon bruxellois, mon grand-père privilégiait les albums d’auteurs belges, qui m’ont moi aussi marquée, avec leur humour irrésistible et leurs styles uniques. Ces bandes dessinées ont nourri mon imaginaire et éveillé ma sensibilité au dessin et à la narration.
De même pour le cinéma d’animation, que tu évoques plus haut, quels sont tes grands « chocs » parmi les œuvres découvertes dans ce médium ?
Je ne peux évoquer mes sources d’inspiration en animation sans mentionner le grand Hayao Miyazaki. J’ai dû voir l’intégralité de sa filmographie. Ce qui me fascine principalement dans son œuvre, ce sont les détails minutieux, un trait épuré qui laisse néanmoins place à une richesse graphique époustouflante, et surtout une profusion de personnages féminins forts, aussi attachants qu’intrépides. Miyazaki rend également hommage à la nature, qu’il utilise comme un moyen d’exprimer son éco-anxiété. À mes yeux, ses films sont pure poésie.
Voici quelques autres titres d’œuvres contemporaines que j’affectionne particulièrement : La Vieille Dame et les Pigeons de Sylvain Chomet, La Tortue Rouge de Michael Dudok de Wit, Interdit aux chiens et aux Italiens de Alain Ughetto et Les Hirondelles de Kaboul d’Eléa Gobbé-Mévellec.
Grâce au Festival Anima de l’an dernier et aux réseaux sociaux, j’ai découvert le travail de jeunes réalisateurs talentueux tels que Lola Lefèvre, Heta Jäälinoja, Gabrielle Selnet et Les Groos. Leurs courts métrages admirables sont en général disponibles sur leurs profils respectifs. J’encourage tous vos lecteurs et lectrices à aller suivre ce qu’ils réalisent !
Dans la bande dessinée contemporaine, quels sont les autrices et auteurs dont tu te sens proche, qui te transportent, dont les graphismes pourraient jouer une influence sur ton travail ?
Il y a de nombreux auteurs et autrices contemporains que j’admire, certains pour leur maîtrise technique exceptionnelle, d’autres pour leur capacité à retranscrire des problématiques politiques et sociétales actuelles. Je me reconnais pleinement dans la vision de Bill Watterson, l’auteur de Calvin et Hobbes, qui affirme : « Je ne vois pas la bande dessinée comme un simple divertissement ». Grâce au succès de sa série, il a eu la possibilité de toucher des millions de lecteurs et a su, parfois, transmettre des messages sur des sujets d’actualité. Ce qui me fascine chez lui, c’est la manière dont il traite ces sujets avec finesse et subtilité, sans jamais adopter un ton moralisateur et pesant. Ce que j’aime dans Calvin et Hobbes c’est le décalage constant entre la dimension réelle, dans laquelle tout adulte se retrouve, et le monde parallèle de l’enfant qui s’y heurte.
Dans cette même optique, j’admire des autrices féministes telles que Marjane Satrapi, qui documente le mouvement iranien contre l’oppression féminine dans Femmes, vie, liberté. J’apprécie également le travail de Pénélope Bagieu et de Catherine Meurisse, qui abordent des thèmes engagés tout en explorant des styles graphiques variés. Une bande dessinée que je dois encore absolument lire est Moi, ce que j’aime, c’est les monstres d’Emil Ferris. J’en ai vu quelques extraits, et son style graphique au stylo bille est tout simplement remarquable. Par ailleurs, je suis aussi inspirée par les romans graphiques de Bastien Vivès, dont j’admire la composition, la narration et le traitement des couleurs (tout en faisant la distinction entre l’homme et son œuvre). Enfin, j’aime beaucoup les illustrations de Camille Jourdy (Rosalie Blum) et d’Alfred (Come Prima), qui me transportent par leur sensibilité et leur créativité. Je serai présente au Festival d’Angoulême en janvier, car je souhaite encore élargir mes horizons et découvrir de nouvelles inspirations.
As-tu des projets de bande dessinée en cours ? Quelques mots pour lever le voile du secret ?
Pour l’instant, bien que des idées pour de futurs personnages et scénarios germent, je focalise mon attention sur ma technique, pour gagner en fluidité en en confiance. En parallèle, je continue à produire des planches de bande dessinée, à lire et à m’inspirer d’auteurs et autrices que j’admire, mais aussi à esquisser du vivant et illustrer. Ces étapes sont pour moi essentielles pour poser les bases solides de mes futurs projets.
Merci Tatiana !
Vous pouvez voir le travail de Tatiana sur instagram : @art.tatee
Chloé SLEILATI – Plénitude
Interview Gérald Hanotiaux
Un grand dessin en noir et blanc, et quel dessin ! Voilà ce que nous propose Chloé Sleilati dans notre numéro 28, surmonté d’un mot : Plénitude. Chloé est originaire du Liban, elle nous parle aujourd’hui de son travail et de ses sources d’inspiration.
Gerald Hanotiaux. Bonjour Chloé, pourrais-tu te présenter à nos lectrices et lecteurs ?
Chloé Sleilati. Je suis une illustratrice et autrice de bande dessinée de nationalité franco-libanaise. Formée à l’Académie libanaise des Beaux-Arts, je m’inspire principalement de la faune et de la flore à travers de multiples randonnées et voyages. La nature a toujours été pour moi un endroit où je peux m’évader, me sentir entière et me retrouver.
Tu présentes dans notre numéro 28 un grand dessin somptueux en noir et blanc, Plénitude, comment en parlerais-tu brièvement pour donner envie d’aller le voir au plus vite ?
Plénitude (2023) représente une femme se reposant au creux d’un cèdre, brillant dans l’obscurité. Alors que le Liban s’enfonçait de plus en plus dans la crise économique (et aujourd’hui, la guerre), je me réfugiais auprès des immenses cèdres de Maaser el Chouf. On raconte que c’est ce cèdre-là qui a été dessiné sur le drapeau libanais. Un grand symbole de force et d’espoir.
Techniquement, comment as-tu procédé pour ce dessin ?
Plénitude a été réalisé au fusain et à la mine sur un papier de 70 x 50 cm. Je me suis basée sur une photo, prise lors d’une randonnée dans la forêt de cèdres de Maaser el Chouf, au Liban.

© Chloé SLEILATI – Plénitude
C’est la seconde fois que tu apparais dans les pages de notre revue, après Head first dans notre numéro 23 (1), que dirais-tu de l’intérêt de pouvoir montrer ses travaux de cette manière, lorsqu’on est une jeune autrice ?
Cette revue est une belle opportunité de montrer mon travail à l’international et de me faire repérer par des éditeurs. Merci encore 64_page !
Étant donné l’actualité de ton pays, Plénitude prend évidemment tout son sens… De manière générale, ton état d’esprit peut-il influencer les thématiques choisies, ainsi que les styles graphiques et les techniques que tu utilises ?
Dessiner est mon moyen d’échapper à la réalité le temps de quelques heures par jour. De manière générale, je dessine la nature et ses habitants parce qu’ils m’apportent de la joie. Mais quand les temps sont trop durs, mon envie de dessiner s’en va…
Il y a énormément de jeunes auteurs et autrices, candidats pour être publiés, comment vois-tu les possibilités offertes aujourd’hui pour les premières publications ? Internet semble regorger de nombreux talents, comment émerger ?
Les réseaux sociaux sont un très bon moyen de tisser des liens avec des personnes du monde du livre et de l’édition. Des appels à projets apparaissent régulièrement, il ne faut pas hésiter à tenter sa chance.
Pour ma part, une publication dont je suis très fière est le livre Just Draw Fineliner Art par Liam Carver, dans lequel sont publiées trois de mes illustrations. Ce livre est vendu partout dans le monde, et je l’ai récemment trouvé à la boutique de la National Gallery à Londres !
Quels sont les auteurs et autrices libanais que tu citerais comme source d’inspiration ? Et plus largement, comme auteurs et autrices en général ?
Entre autres, j’apprécie de travail de Nada Matta, Michèle Standjofski, Maya Fidawi, Catherine Meurisse, Shaun Tan, Lorenzo Mattotti, Andrea Serio et Charles Nogier.
Quels sont tes projets en dessin ou en bande dessinée ?
Je travaille actuellement sur une série de dessins, destinés à une potentielle première exposition solo. J’aimerais également illustrer des livres pour enfants et dessiner des bandes dessinées.
Un mot de la fin avant de se quitter ?
Merci à toute l’équipe 64_page pour votre beau travail. J’ai hâte d’avoir ce nouvel exemplaire entre les mains !
Merci Chloé !
(1) Travail visible sur notre site internet, cliquer sur « 64page - Revue ». www.64page.com Vous pouvez trouver les travaux de Chloé dans son portfolio en ligne chloesleilati.crevado.com et sur www.instagram.com/chloesleilatiart
ROMAN RG – La garenne
Interview Gérald Hanotiaux
Aujourd’hui nous rencontrons Roman RG, auteur de six grandes planches en carte à gratter, pour une histoire intitulée La Garenne. Encore lycéen, il expose dans ce travail l’espace à la fois libre, menaçant et protecteur de la forêt…
Gérald Hanotiaux. Pourrais-tu te présenter en quelques mots à nos lectrices et lecteurs ?
Roman RG: Bonjour, je m’appelle Roman RG, j’ai 17 ans et je suis au lycée. Je dessine et lis beaucoup de bandes dessinées, et ce, depuis longtemps. J’ai toujours aimé ça, et je voudrais en faire ma profession. Grâce à 64_page, j’ai pu réaliser mes premières parutions. Merci à la revue et à son équipe ! J’aime aussi beaucoup la musique et le cinéma.
Tu présentes dans notre numéro 28 une histoire en six pages intitulée La Garenne, comment la présenterais-tu aux lecteurs qui vont se pencher sur celle-ci ?
Roman RG : Concernant cette histoire, j’aimerais que les lecteurs prêtent un intérêt tout particulier à la signification de ce que j’ai raconté… Mais je n’en dis pas plus, car j’aimerais que le lecteur suive son instinct et se laisse aller aux interprétations, même les plus saugrenues possibles. J’adore ça personnellement, lorsque l’ont fait dire tout et son contraire au contenu d’une œuvre.
Ces six pages sont présentées en six grands dessins en carte à gratter, pourquoi ce choix technique ?
Roman RG : J’ai fait le choix du médium de la carte à gratter pour deux raisons : 1. Car je n’avais jamais essayé (c’est trivial) et 2. parce que cette technique donne selon moi d’emblée une profondeur et un mystère typique de la forêt. Le noir suggère l’omniprésence des ombres, et donne au lecteur une sensation d’ensemble, tout se fond dans cette obscurité plane.
© Roman RG – La garenne
Qui citerais-tu parmi tes guides graphiques, que ce soit pour ce style de la carte à gratter qu’on découvre ici, ou de manière plus générale, pour la globalité de tes travaux ?
Roman RG : Pour ce projet, je me suis amplement inspiré de Thomas Ott, le roi incontestable de la carte à gratter – d’après moi en tout cas -, il a notamment réalisé une bande dessinée sur le thème de la forêt. C’est en me rappelant le « sublime » dégagé par cette œuvre que j’ai voulu utiliser cette technique. Mais de manière générale, j’essaie de puiser partout et de glaner le maximum d’influences afin qu’au final, parmi ces « maîtres » et « techniciens », les plus marquants m’influencent et resurgissent dans mon style, lorsque j’ai besoin d’exprimer des éléments précis…
Dans un parcours de jeune auteur, quel rôle vois-tu pour une revue comme 64_page ?
Roman RG : J’ai véritablement trouvé un appui avec 64_page, c’est pour moi nécessaire que ce genre de revues existent pour faire valoir les « jeunes talents » (je dis ça sans prétention, c’est comme ça que les pros d’Angoulême disent) mais aussi ceux qui ont toujours voulu se lancer, pour le plaisir ou par défi, et qui étaient bloqués par la barrière de la parution. En résumé, je pense que dans le monde actuel, des revues papier tel que 64_page sont nécessaires, presque vitales !
Pourrais-tu nous parler de tes projets en bande dessinée, sur lesquels tu serais occupé à travailler en ce moment, ou à plus long terme, vers quoi voudrais-tu te diriger ?
Roman RG : Actuellement, mes projets sont pour la plupart en « stand-by » car je dois préparer mes études supérieures et mon bac. Mais j’ai hâte de m’y remettre. J’ai réalisé quelque 180 pages pour un manga que j’aimerais auto-éditer, je me suis également mis à la peinture (et j’adore)… J’ai d’autres projets encore, mais plus balbutiants.
Un mot de la fin?
Roman RG : Oui, on ne refuse pas un dernier mot ! Que pourrais-je dire ? Voilà : VIVE LA BD, VIVE 64_PAGE ! Et bonne lecture.
Merci Roman !
Vous pouvez trouver les travaux de Roman sur instagram : rooman.rg
CHRISTELLE ROS : Dans la forêt
Interview Angela Verdejo
64_page : Bonjour, Christelle Ros, nous découvrons ton travail Dans la forêt dans le 64_page n° 28, pour commencer cet entretien pourrais-tu te présenter ?
Christelle Ros : Bonjour. A 15 ans j’ai eu la chance de pouvoir faire tout mon cursus de secondaire supérieur à l’académie des Beaux-Arts de Namur. Ensuite, à Bruxelles, j’ai d’abord tenté des études de réalisation à l’Insas mais c’est en Sculpture que j’ai finalement fait mon Master, à l’Académie Royale des Beaux-Arts de Bruxelles. Après mes études, j’ai travaillé sur des petits formats, sculpture et dessin, et j’ai aussi repris ma caméra et réalisé quelques courts-métrages, il y a eu quelques expos, quelques projections. J’ai commencé à me former au métier de tatoueur par curiosité et j’ai maintenant mon propre salon privé depuis 10 ans, c’est une belle façon de gagner sa vie tout en restant créatif et performant.
Depuis 7 ans je suis des cours du soir de BD-Illustration chez Benoît Lacroix, c’est un retour aux sources puisque c’est à l’Académie de Namur que cela se passe. Depuis 3 ans j’y suis aussi des cours de Dessin de Modèle vivant chez Marie-Sophie Joie. Je pratique également l’Urban Sketching qui consiste à aller dessiner avec d’autres dessinateurs en un lieu prévu à l’avance, la seule règle est de dessiner ce que l’on voit et de partager cela sur les réseaux. Bref, je vis quasiment dessin H-24, sous diverses formes.
Je suis totalement fan de Larcenet, j’ai des copies de certaines planches de Blast scotchées au mur de mon bureau. Une autre de mes BD favorites est « Un léger bruit dans le moteur » de Jonathan Munoz au dessin et Gaët’s au scénario (d’après un roman de Jean-Luc Luciani) aux éditions Petit à petit, pour moi tout y est parfait, y compris le format. J’avoue que je suis aussi assez fan de sang qui gicle et de meurtres sordides.
Et puis il y a Tezuka, appelé souvent le père du manga, il a le don de me happer dans son récit, il me faudrait une heure ou deux pour expliquer pourquoi, si j’y arrive. Et s’il existait un trait parfait, ce serait bien celui de Kazuo Kamimura, un autre mangaka des années 60, son trait est vivant, épuré, poétique..

© Christelle Ros – Dans la forêt
64_page : Je comprends mieux dès lors, pourquoi ta bd intrigue ainsi par le suspens mais également par l’événement insolite qui se met en place assez vite et finit par nous surprendre, j’avais pensé aux nouvelles fantastiques de Poe, mais maintenant que tu nous as parlé de tes références en BD et manga, ça change tout. On sent que quelque chose se prépare mais on ne sait pas quoi et soudain tout bascule… Pourquoi avoir fait le choix du fantastique pour raconter cette histoire?
CHRISTELLE ROS : C’est vrai que j’ai adoré lire Poe que j’ai découvert à l’adolescence, cela m’inspire sans aucun doute. Quand je conçois une histoire, j’ai besoin d’y ajouter du fantastique, de l’extraordinaire, de la magie, de l’inattendu ou du paranormal… J’aime l’idée que nous n’avons aucune limite, contrairement à la réalisation je peux introduire dans mon récit un monstre tentaculaire de 50 mètres de haut sans qu’aucun producteur ne s’affole. En tant que lecteur j’aime qu’on me surprenne et en tant que dessinatrice c’est ce que j’essaye de faire aussi.
64_page : A quelles techniques as-tu eu recours pour nous raconter mais aussi pour dessiner cette histoire et créer justement cette ambiance? Que pourrais-tu nous dire sur le choix particulier des couleurs, par exemple ?
CHRISTELLE ROS : Pour ce récit j’ai travaillé sur papier conçu pour l’aquarelle, du 300g/m2. J’ai dessiné au double du format de la revue, chaque case séparément (j’ai tout assemblé et réduit ensuite sur tablette graphique, avec le logiciel Krita). Ce que j’utilise très souvent en ce moment et dans ce récit particulièrement c’est le crayon noir Woody de Stabilo, qui est à la base un gros crayon pour enfant. Je viens directement sur la mine avec mon pinceau mouillé ou je frotte le crayon sur la feuille mouillée ou bien à sec. Avec lui, je peux obtenir des noirs très denses. J’ai utilisé de l’aquarelle, des neocolors II aquarellables (crayons gras) et toute sorte de crayons, pierre noire, graphites qui me tombaient sous la main. Pour la fumée du fusain auquel j’ai ajouté un peu de blanc numériquement pour le souligner. Quant à la couleur, j’ai hésité: en noirs et gris cela n’allait pas, c’était sombre directement, dans les tons verts je ne le sentais pas, ni le bleu, trop froid. Alors le rose s’est imposé, un petit clin d’œil aux mythique forêts japonaises de cerisiers en fleur.
64_page : Une dernière petite question comment et quand as-tu connu 64_page?
CHRISTELLE ROS : A l’Académie de Namur, le prof veille à ce que nous puissions le parcourir.
Ce sera ma première publication dans un magazine, j’aime l’idée du partage, c’est le but final d’une histoire je pense.
64_page : Avant de nous quitter, veux-tu nous dire ce que tu fais en ce moment et quels sont tes projets pour l’avenir ?
CHRISTELLE ROS : Je viens d’être publiée pour la première fois dans une BD collective « Namur Hors les murs« , aux éditions Namuroises (collectif Les harengs rouges) et de réaliser mes toutes premières dédicaces, c’est quelque chose de voir son récit imprimé!
J’ai entamé l’année dernière un nouveau projet de roman graphique, je suis en pleine élaboration, je travaille de manière un peu chaotique, mon scénario évolue en même temps que mes recherches graphiques, les éléments s’attachent et se détachent de mon histoire en pleine construction: des ombres-monstres, un hôpital psychiatrique, du mystère … Tout un programme! Il va me falloir un certain temps pour aller au bout de cette histoire.
64_page : Des réseaux sociaux où nous pourrons suivre ton travail ?
CHRISTELLE ROS : Fb By Kik
64_page : Nous serons ravis de te lire et de te suivre en librairie ou sur les réseaux sociaux ! Merci pour ta collaboration et à bientôt !
CHRISTELLE ROS : Merci à vous! Bonne soirée
Ben LOU – Le feuillage ne fait pas l’arbre
Interview Philippe Decloux
64_page : Bonjour Ben Lou, tu présentes une « mini-BD » ou un « cartoon en deux cases » intitulé Le feuillage ne fait pas l’arbre, avec comme seul commentaire « Jour – Nuit » (mais cela pourrait aussi être « Printemps – Hiver » !). Un dessin tout en contraste.
Raconte-nous l’histoire de ce dessin ? Comment l’as-tu pensé, conçu ?
Ben Lou : C’est un dessin autour d’une idée simple, mais il porte toute une réflexion philosophique sur la vie/la mort, la lumière/l’ombre, le renouveau, le cycle des saisons, de la vie, … Est-ce moi qui fais cette lecture ou était-ce ton intention ?
Pour ce projet, l’arbre de nuit a pris forme au gré des esquisses, un peu par hasard. Au départ, je me suis concentrée sur une seule illustration. Je voulais un arbre un peu original. J’aimais beaucoup le côté terrifiant des arbres que l’on peut parfois imaginer la nuit et de leurs branches qui nous agrippent telles des mains griffues. L’idée de l’arbre de jour a germée la nuit en cherchant le titre. Je voulais souligner le contraste entre le côté sécurisant, chaleureux des arbres quand on les voit le jour et ce côté très effrayant, froid qu’ils inspirent dès que la nuit tombe. C’est un peu le principe de Docteur Jekyll et de Mister Hide. La double personnalité, la complexité des choses, la perception de réalités différentes pour une même situation…
64_page : Parle-nous un peu de toi ? Qui est Ben Lou ? Quel a été ton parcours dans la vie, dans le dessin ?
Ben Lou : Je suis vraiment au tout début de mon parcours dans le dessin. J’ai commencé les cours de dessin l’an passé à l’Académie des Beaux-Arts à Châtelet. C’est là que j’ai découvert la section BD-Illustrations où je me suis inscrite au cours depuis cette année. Je suis fascinée et admirative devant la magie des dessinateurs : en quelques coups de crayons, ils arrivent à traduire une expression, une ambiance… Cela a l’air facile mais quand j’essaie, la plupart du temps cela ne ressemble pas vraiment à ce que j’avais en tête. Un seul coup de crayon placé différemment peut changer totalement un dessin. L’avantage, c’est que cela permet parfois de rebondir sur une autre idée. L’inconvénient, c’est que je me sens parfois un peu frustrée de ne pas y arriver.

© Ben LOU – Le feuillage ne fait pas l’arbre
64_page : Comment as-tu découvert 64_page ? Qu’est-ce qu’une revue de ce type devrait offrir, en plus, aux jeunes créateurs ?
Ben Lou : C’est au cours de BD-Illustrations que j’ai découvert 64_page. Je ne connaissais pas du tout ce genre de revue. J’avoue que je m’y connais peu dans ce domaine. Mais je trouve l’idée géniale de pouvoir faire connaitre de nouveaux auteurs et de faire rayonner leurs œuvres par ce biais.
64_page : Quels sont tes projets ? Tes futurs objectifs ?
Ben Lou : Pour le moment, je planche sur une page de BD sur le thème du silence, prochain thème du 64_page… Dans un avenir beaucoup plus lointain, j’aimerais réaliser un album de jeunesse. Je réfléchis encore au scénario pour que l’histoire soit plus attrayante et originale. Mais pour le moment, arriver à maitriser l’art du dessin est déjà pour moi un gros challenge.
Merci Ben Lou
Lara PÉREZ DUEŇAS – La fiesta del Árbol de 1927
Interview Gérald Hanotiaux
Rencontre aujourd’hui avec une illustratrice espagnole installée à Bruxelles. Elle se passionne pour les mythologies, qu’elles soient ancestrales ou familiales, et propose dans notre numéro 28 une belle histoire intitulée La fiesta del Árbol de 1927, dont le scénario plonge dans ses racines familiales.
Gérald Hanotiaux. Bonjour Lara, pourrais-tu te présenter à nos lecteurs et lectrices ?
Lara Pérez Dueňas. Bonjour ! Je m’appelle Lara et je suis espagnole, installée à Bruxelles depuis 10 ans. Je suis ingénieure en énergie et environnement, car je voulais changer le monde, mais l’envie de dessiner ne m’a cependant jamais quittée. Je revenais toujours au dessin pour crier, pour pleurer ou pour vibrer. Un jour j’ai décidé de ne pas attendre ma pension pour réaliser mon rêve d’être artiste, et je me suis lancée dans l’illustration.
Aujourd’hui, tout en travaillant dans la construction circulaire, je coupe, je creuse, je coud et je crayonne, pour montrer les ombres, pour rester éveillée dans le monde et transmettre ma flamme révoltée à mes deux filles adolescentes. Mes illustrations abordent avec sensibilité des sujets humains difficiles et des thèmes liés à la transition écologique, au féminisme et à la justice sociale. Je collabore régulièrement avec des magazines militants, et pour des organisations engagées dans la transition écologique.
Tu présentes dans notre numéro 28 cinq superbes pages intitulées La fiesta del Arbol de 1927, pourrais-tu l’introduire brièvement, histoire d’allécher les lecteurs ?
Au moment où je cherchais une idée pour le sujet « Arbres », j’ai découvert totalement par hasard une chronique que mon arrière grand-père avait écrite en 1927, dans un journal local. Elle était justement intitulée La fête de l’Arbre, il s’agissait d’un épisode bien connu dans notre histoire familiale, mais nous la lisions pour la première fois avec ses propres mots par écrit. Lors de cet événement, mon bisabuelo avait rassemblé les enfants des écoles du village, pour planter des arbres. L’épisode avait eu lieu quelques années seulement avant la Guerre Civile espagnole, pendant laquelle il fut persécuté et emprisonné… Ses mots résonnent encore aujourd’hui comme un chant d’espoir et de paix.

© Lara PÉREZ DUEŇAS – La fiesta del Árbol de 1927
J’ai ressenti cette découverte comme un signe personnel intéressant. Ce ne pouvait être une coïncidence, il me fallait réaliser cet hommage à mon arrière grand-père, que je n’ai jamais connu. Je l’ai fait en mélangeant ses mots et les miens, en écrivant main dans la main avec lui, à quasiment un siècle d’écart.
Dans son style graphique, cette histoire donne une impression de composition en papiers découpés… Pourrais-tu décrire ta manière de procéder, au niveau de la technique utilisée ?
Je suis très influencée par la gravure et les techniques d’estampe, dont j’adore les textures et les formes coupantes. Ici, même si la réalisation était digitale, j’ai conçu les images comme si j’allais les réaliser en coupant, creusant, tamponnant. Je considère le dessin comme quelque chose de très physique et le travail de la matière est essentiel pour moi, donc j’aime passer du temps sur la finition et les textures.
Ma passion pour la mythologie et le symbolisme font que je développe des images un peu totémiques, et je travaille beaucoup la simplification des formes. Par exemple, j’ai utilisé des photographies de ce village où j’ai passé beaucoup d’étés de mon enfance, puis je les ai simplifiées, et encore simplifiées, pour essayer d’en extraire l’essence. L’essence de mon enfance dans ce village situé entre les montagnes, appelé El Barco, c’est son fleuve, son ancien pont, son église cachée entre les maisons, et bien sûr les magnifiques arbres au bord de l’eau.
Tu nous apprend plus haut que tu publies régulièrement dans des revues, tu pourrais nous éclairer sur ces publications ? Travailles-tu toujours dans le même style que tu nous décris, ou touches-tu à différents outils et techniques ?
Je travaille régulièrement pour des magazines de la presse indépendante, comme le magazine féministe Axelle, la revue critique Alter Echos, ou encore la revue pour l’enseignement public Éduquer, parmi d’autres. J’illustre des articles allant du féminisme à la psychologie, en passant par la justice sociale ou l’écologie. Illustrer des articles de presse ou de magazines est un travail passionnant : il faut s’investir à fond sur un sujet, travailler vite, créer un maximum d’idées pour en choisir la plus percutante, et réaliser des images esthétiques et fortes. C’est toujours un travail très « challengeant », mais hyper stimulant pour quelqu’un comme moi qui a besoin constamment de nouveaux défis. De plus, c’est pour moi une manière de poser une pierre à l’édifice et de militer pour des causes qui me tiennent à cœur.
Du point de vue technique, j’utilise également mon style proche de la gravure, en privilégiant le digital car cela me permet d’aller plus vite et d’intégrer plus facilement les modifications demandées pour ces commandes. Mais cela m’arrive aussi de réaliser des illustrations directement en linogravure, ou encore dans ma technique personnelle préférée, que j’appelle « linobroderie » : un mélange de linogravure ou d’estampe avec de la broderie, sur tissu ou sur papier. J’aime beaucoup utiliser la matérialité du fil dans mon travail, travailler le fil me reconnecte à mes ancêtres, toutes ces femmes de ma famille qui ont toujours cousu, brodé, tricoté. Par ailleurs, revenir à la lenteur, au fait main, c’est tellement nécessaire de nos jours.
Que penses-tu du monde de l’édition de notre époque, et des possibilités de s’y insérer ? Les organes de prépublication, qui permettaient aux autrices et auteurs de faire leurs premiers pas, ont aujourd’hui pour la plupart disparu… Comment procéder ?
Je trouve le monde de l’édition extrêmement complexe, et de plus en plus difficile à pénétrer. Les opportunités pour une première publication sont rares, et sans première publication, pas de soutien. Sans parler des modes de rémunération, parfois injustes et insuffisants pour les auteurs et autrices. Mais le livre est un objet tellement merveilleux, qui a une part très importante dans ma vie et celle de ma famille. Donc je rêve toujours de réaliser cette première publication.
Quels sont les autrices et auteurs de bande dessinée qui ont marqué ton parcours de dessinatrice et d’autrice ? Et celles et ceux qui t’auraient particulièrement influencés ?
Un album illustré a marqué un tournant dans ma vie, et m’a décidé à tout mettre en œuvre pour devenir illustratrice : Al final de Miguel Brieva et Silvia Nanclares. Son style très détaillé est très éloigné du mien, mais c’est cette capacité à me faire rêver, à rendre complémentaires mots et images, cette poésie ancrée dans le réel, qui m’ont remuée profondément.
Dans le monde du roman graphique, je suis fascinée par tous les titres de Brecht Evens, ou encore par le merveilleux René.e aux bois dormants de Élène Usdin. Leur monde de couleurs profondes et exubérantes semble éloigné de mon habituelle sobriété chromatique, mais ils me fascinent. Je suis surtout attirée par leur façon, poétique et onirique, de raconter des histoires très réelles et terre à terre.
J’ai récemment découvert Sophie Guerrive, qui écrit de surprenantes bandes dessinées très philosophiques de façon très humble et sensible, avec ses personnages d’animaux à la ligne claire. Les Yeux du Seigneur, livre brodé d’Aurélie William-Levaux, a également été une grande découverte pour moi, car j’étais déjà en train d’expérimenter les possibilités de la broderie en illustration, et ce livre m’a confirmé son énorme potentiel plastique et émotionnel.
Mais sans aucun doute, le type de « bande dessinée » qui m’a marqué le plus profondément, ce sont les livres des morts de l’Égypte antique, leur façon de mélanger texte et image, et leur manière de raconter des séquences sans avoir le besoin de cases successives. Dans le même ordre d’idée historique, je peux citer les fresques mayas sur le site de Bonampak, que j’avais eu la chance de voir sur place il y a longtemps. Lorsque j’ai besoin d’un coup de boost d’inspiration, je vais souvent leur rendre visite au Musée d’Art et Histoire, sur le site du Cinquantenaire à Bruxelles.
Quels sont tes projets ? Dans l’immédiat, sur lesquels tu serais occupée à travailler, ou à plus long terme, ce vers quoi tu comptes te diriger ?
Je réalise en ce moment une résidence artistique avec La Vénerie au Logis Floréal (Watermael-Boitsfort), où je continue ma pratique de la « linobroderie », autour du thème de la paix. Mon objectif est de détourner la symbolique du drapeau, trop souvent symbole de division, pour en faire une expression de la pulsion de vie.
Mon autre grand projet de l’année est une autre résidence de création prévue pour le printemps, où je travaillerai en collaboration avec une autrice sur un projet de livre.
Je continue en parallèle le travail de commande, pour des magazines ou autres collaborations enthousiasmantes !
Merci Lara !
Vous pouvez suivre les travaux de Lara aux liens ci-dessous Site Web. www.laraperezduenas.com Instagram. https://www.instagram.com/laraperezduenas/ Newsletter. https://www.laraperezduenas.com/newsletter
Paulina Orrego Vergara : La transmigrante climatique
Interview Angela Verdego
64_page : Bonjour, Paulina Orrego Vergara, tu es l’autrice de La transmigrante climatique, c’est un voyage initiatique qui nous apprend beaucoup sur nous et sur l’état du monde actuel, pourrais-tu nous parler de l’autrice, au fond qui es-tu?
Paulina Orrego Vergara : Je suis une illustratrice un peu atypique car j’ai étudié les sciences politiques et j’ai travaillé pendant de nombreuses années dans la gestion de projets dans différents pays. Je suis arrivée à Bruxelles avec un travail lié à l’Union européenne. J’ai étudié l’illustration et le graphisme en cours du soir aux Ateliers de Saint-Luc, et la BD à l’Académie des Arts de Bruxelles. Et j’ai changé d’orientation professionnelle car ce que j’aime vraiment c’est dessiner des histoires qui ont un message, qui font réfléchir. Je pense que la vie est très courte et qu’il faut toujours faire ce que l’on aime.
Mon premier récit était un fanzine que j’ai présenté à la Fanzinothèque Belge. Il raconte l’histoire d’une adolescente qui voyage au Chili avec ses parents et découvre un mouvement de millions de personnes qui réclament pour leurs droits sociaux dans la rue, dans l’un des pays les plus néolibéraux du monde. Avec cette histoire, j’ai remporté le premier prix d’un concours pour l’égalité à Tarragone, en Espagne, en 2020.
D’autres récits ont suivi : « La Transmigrante Climatique », que je présente ici et qui a obtenu la bourse à la création de la Fédération Wallonie-Bruxelles en 2023; « 50 ans après le Chili », une autofiction sur la mémoire de l’exil chilien ; et deux nouveaux projets sur des femmes oubliées par l’histoire. L’un sur une femme peintre à Bruxelles en 1560, et l’autre sur la première femme syndicaliste au Chili et en Amérique latine en 1887.

© Paulina Orrego Vergara – La Transmigrante climatique
« 50 après le Chili » sera publié par OchoLibros en espagnol cette année, en 2025. J’avais cinq ans lorsque j’ai quitté mon pays et cette œuvre est le résultat de ma nécessité de raconter mon expérience. Il s’agit d’un livre très personnel de 120 pages, financé par le ministère chilien de la culture en 2024.
Je m’inspire de ce que j’ai vécu, de ce que je connais bien, du travail que j’ai réalisé dans le passé, en partie dans le cadre de projets humanitaires sur le terrain, et des pays où je suis allée. Je m’inspire aussi des auteurs et autrices qui me passionnent, non seulement dans la BD, mais aussi des peintres comme Bruegel ou David Hockney, pour la manière dont ils abordent leurs personnages sur le plan graphique.
64_page : « Patagonie, Province du dernier espoir », ça commence fort ! Pourrais-tu, sans spoiler, nous parler de ce « dernier » espoir qui sonne comme un glas ?
Paulina Orrego Vergara : L’histoire se déroule parallèlement à Bruxelles – où vit la protagoniste en 2048 – et en Patagonie chilienne – où vit sa fille en 2060. La Patagonie est l’un des rares endroits au monde qui dispose des ressources et des capacités nécessaires pour atténuer les effets négatifs d’un désastre écologique. C’est pourquoi je l’ai choisie.
Mais surtout parce que, lorsque j’ai voyagé du nord au sud de mon pays d’origine, c’est la Patagonie qui m’a le plus frappé par son immensité, ainsi que par un accès presque impossible, c’est très difficile d’y accéder. La province est en effet appelée du dernier espoir, car elle est tellement éloignée et isolée que les conquistadors espagnols, lorsqu’ils cherchaient le passage de Magellan en 1520, avaient perdu tout espoir d’y trouver quoi que ce soit.
Dans mon roman graphique, les personnages ont de l’espoir. La protagoniste fait partie de l’élite dirigeante négationniste de l’Union européenne, mais elle a un passé de transmigrante (migrant pour des raisons climatiques) que personne dans son entourage ne connaît. C’est pourquoi, sous prétexte de financer l’étude de la biodiversité, elle fait tout son possible pour établir de grandes bases scientifiques en Patagonie, où elle envoie sa fille dans l’espoir de la sauver. Là, sa fille grandit et devient une spécialiste en faune et flore grâce aux connaissances transmises par les peuples indigènes qui ont habité ces lieux.
64_page : Et d’un point de vue graphique, quels ont été tes choix, disons, techniques ?
Paulina Orrego Vergara : Ma technique préférée est le dessin au crayon de couleur et au pastel sec. Cette histoire est cependant réalisée avec deux techniques pour différencier le passé en Europe raconté par la fille, qui est réalisée avec de la peinture acrylique. La séquence de 64_pages est dessinée au crayon de couleur, mais avec un renforcement des couleurs à l’aide de moyens numériques. En fait, au niveau graphique, je sens que je suis encore à la recherche.
64_page : On comprend en te lisant qu’il s’agit d’un travail de longue haleine et on a envie de connaître la suite ! ça fait combien de temps que tu es sur ce projet ? On sent une étude documentaire derrière et une énorme envie de partager un savoir que l’on connaît mal en Europe, celui du peuple Mapuche. Comment as-tu procédé dans tes recherches ?
Paulina Orrego Vergara : C’est mon premier projet de BD, et cela fait presque 3 ans que je lis sur les effets du changement climatique. Une première version du projet a été présentée à des maisons d’édition lors du Festival d’Angoulême, avec peu de succès. Mais comme je suis très persévérante, j’ai retravaillé le scénario et la caractérisation des personnages pour le présenter à nouveau.
Ce livre a pour but, d’une part, de sensibiliser aux changements climatiques extrêmes que l’Europe connaîtra dans les années à venir et, d’autre part, de faire découvrir un autre visage, celui de la vie harmonieuse avec la nature que menaient les peuples indigènes de Patagonie.
Ma base documentaire est ma propre expérience, car j’ai eu l’occasion de travailler pendant un certain temps à la Commission européenne et je connais aussi de première main le fonctionnement du Parlement européen. Je souhaite montrer, par exemple, comment 20 000 lobbyistes font pression chaque jour à Bruxelles en faveur de réglementations au service du grand capital et non des citoyens, ni, bien sûr, du climat.
En ce qui concerne l’aspect historique et scientifique de la Patagonie, je me documente dans les bibliothèques et sur internet, je parle avec des gens au Chili, et je mets aussi un peu de mon imagination. Je pense que le travail des auteurs de BD est très laborieux et implique beaucoup de discipline, ce dont je pense disposer en grande partie.
64_page : Et comment es-tu arrivée à notre revue, 64_page ?
Paulina Orrego Vergara : Lors d’un événement de fanzines, Xan Harotin se trouvait au stand à côté du mien et m’a parlé de la revue 64_pages. C’est une occasion très précieuse de donner de la visibilité au travail des illustrateurs et illustratrices, et je suis très reconnaissante d’être publiée. J’espère que le magazine continuera à exister pendant de nombreuses années encore !
64_page : Et pour le moment sur quoi travailles-tu plus particulièrement ? Vas-tu continuer cette BD ? Quels sont tes projets à venir ?
Paulina Orrego Vergara : Je continuerai à travailler sur mes projets, notamment “ La Transmigrante Climatique ”. La BD demande, comme je l’ai déjà dit, beaucoup de travail : écrire le scénario, élaborer le story-board, dessiner les personnages et leur donner une bonne caractérisation, écrire les dialogues, faire la mise en couleur, la mise en page, la maquette, etc. Et, le plus difficile, trouver une maison d’édition qui soit intéressée à la publier. Il faut du temps, du financement, des bonnes idées, et une grande force de volonté. En tout cas je suis positive et je persévère !
64_page : Ton histoire est fascinante et tout ça donne vraiment envie de suivre ton travail ! Où peut-on te suivre ?
Paulina Orrego Vergara :
Instagram: @_paulina_pina
Site web: https://paulinaorregovergara.wixsite.com/pina
64_page : Nous allons donc suivre ce travail de longue allure et d’engagement permanent, Paulina, merci pour ta collaboration et à bientôt !
Paulina Orrego Vergara:
Merci Angela pour l’entretien !
Mechaa Fact : L’arbre solitaire
Interview Angela Verdejo


© Mechaa Fact – L’arbre solitaire
Laurence BASTIN – Souffler sur la braise
Interview Gérard Hanotiaux
Laurence est née dans une ville de charbon, à l’odeur bien particulière, une atmosphère où elle trouve son inspiration. Petite-fille de mineur, elle réfléchit sur l’héritage familial et l’inconscient collectif, et nous raconte comment elle a procédé pour créer ce travail, et bien d’autres choses encore…
Gérald Hanotiaux. Pour commencer cette rencontre, pourrais-tu te présenter à nos lectrices et lecteurs ?

Laurence BASTIN
Laurence Bastin. Se présenter en quelques mots est toujours un exercice compliqué mais, justement, je réfléchis souvent à cette question à travers mes écrits et mes dessins. Le tableau n’est jamais le même car je suis en continuelle transformation… À travers la couleur et la matière, je tente d’exprimer mes émotions face au monde. Je tente d’ébaucher des idées, des réponses, des doutes, des hypothèses… Les histoires illustrées me permettent de créer des univers où promener mes rêveries, qui conduisent ma réflexion face au monde.
Dans notre numéro 28 tu présentes cinq magnifiques pages intitulées Souffler sur la braise, comment les présenterais-tu pour attirer les lecteurs ?
Souffler sur la braise est un fragment, une passerelle vers une plus longue histoire. Une étincelle d’idée qui s’embrase dans la forêt, la nuit, loin des lumières artificielles. La forêt étant un repère secret, le subconscient de l’esprit. Une bonne idée est une braise qui peut devenir un feu qui réchauffe, une idée terrifiante peut devenir un feu immaîtrisable…
Pour ce numéro, on a lancé comme thématique le mot « Arbre ». Qu’est-ce qui t’as inspiré et donné envie de proposer une histoire ?
Le thème de l’arbre m’a inspiré dans son aspect symbolique. L’arbre, ça représente les racines qui stabilisent à la terre, mais aussi la cime qui monte au ciel, pour respirer vers l’horizon. L’arbre, c’est la canopée, le toit de la forêt, une chapelle naturelle, avec ce sous-bois qui sent la mousse et le craquement des feuilles séchées. L’arbre, c’est le bois qui nourrit le feu, qui réchauffe, se consume. Le bois qui attise la flamme, qui fait danser les ombres.
En les regardant, on peut être intrigué, on y voit des nervures de feuilles, des flammes étonnantes, pourrais-tu expliquer comment tu as procédé au niveau des outils et techniques utilisés ?
Pour cette thématique, j’ai voulu utiliser le brou de noix et le brou d’acajou, des pigments naturels mélangés à l’eau. Étrangement, la dilution de ces pigments donne une impression de flammes noires qui s’étendent. C’est le feu qui naît de l’eau. L’arbre et la cabane sont gravés dans le papier. La griffure est comme les nervures, comme une écorce, dans laquelle la matière s’infiltre, comme la sève dans les veines.

© Laurence BASTIN : Souffler sur la Braise
Comment vois-tu le rôle d’une revue comme la nôtre, dont la vocation est de publier des premiers travaux ?
Une revue comme 64_page me permet de partager mon travail, pour une première fois. Cela me permet également de regarder le travail des autres, pour développer mon identité artistique. Me conformer à des thèmes proposés, cela me permet également de me diriger vers de nouveaux sujets.
Dans ton parcours artistique, as-tu fréquenté un enseignement artistique ? Cela te semble-t-il nécessaire ? Bénéfique ?
Dès mes vingt ans j’ai fréquenté les académies, mais je n’ai pas eu l’occasion de fréquenter les hautes écoles d’art, c’est un regret personnel. Être accompagné dans un parcours artistique permet de développer le potentiel de base, de se remettre en question et de tirer son travail plus loin.
Pourrais-tu nous signaler quels sont les auteurs et autrices qui t’ont influencé, ou simplement celles et ceux qui ont marqué ton parcours de lectrice ?
J’aime beaucoup de parcours artistiques, mais certains artistes m’ont profondément marqué, je citerais en premier plan Louise Bourgeois, Richard Richter, David Lynch, Albert Camus, Cy Twombly, Duan Michals, Lorenzo Mattotti, Rodriguez, Enki Bilal.
Un mot de la fin avant de nous quitter ?
Je remercie 64_page pour avoir permis une visibilité extérieure à mon travail, cette participation m’aura fortement encouragée à continuer. Je ne manquerai pas le prochain rendez-vous.
Merci Laurence !
Les travaux de Laurence sont à découvrir sur internet. Facebook. Laurencebastin / Instagram. windartistebelge