à Daniel
Le voyage à Rochefort
Nous voilà embarqué, toi qui ne conduisais pas et moi qui ne conduisais plus depuis longtemps, dans la vieille Twingo moutarde de ma fille qui fêtait ses vingt ans, la Twingo bien sûr, sur la route de Rochefort avec le projet de rencontrer la responsable du centre culturel pour proposer une exposition des jeunes auteurs de notre revue, 64_page, revue de récits graphiques.
Le projet, 64_page que nous avions fondé à quelques-uns et, que tu avais rejoint dès ses premiers balbutiements. Relecture du premier numéro et un article dès le second, un projet qui te plaisait puisque porté par un noyau d’amis qui s’est donné pour besogne de dénicher et de valoriser le travail de jeunes auteurs pas encore publiés et de leur transmettre les richesses de la littérature jeunesse et de la BD. Rôle que tu prendras doublement à cœur, en t’impliquant vivement dans 64.
D’abord par tes articles fins et précis sur des auteurs aussi différent que Raymond Macherot ou George Herriman, Frantz Kafka et Will, … Toujours soucieux de montrer l’œuvre de création par tous ses chemins, des plus évidents, – comme le travail toujours le travail toujours remis sur l’ouvrage – à, en apparence, le plus léger la poésie. Cette poésie dont tu remplissais tous tes textes mais aussi tes prises de paroles, même et surtout les plus sérieuses, les plus lourdes de sens.
Et ensuite par tes soutiens aux jeunes auteurs. Voici ce que tu écrivais, ce dernier été, à la jeune Kathrine Avraam qui nous proposait une histoire courte sur une tasse de café où se lit un certain avenir :
« La voyance est ici prétexte à une variation sur ce que chacun peut
voir des choses (leur apparence et ce qu’induit leur aura) et sur ce
que peut signifier interpréter des signes.
Voilà qui me renvoie à la sémiologie visuelle de Roland Barthes : « La sémiologie (…) cette science qui se donne pour objectif d’étudier ce
que disent les signes (s’ils disent quelque chose) et comment (selon quelles lois) ils les disent (Rhétorique de l’image).
Quand Kathrine Avraam dit que l’acte de lire le marc de café (comme on lit la grotte de Lascaux, lire allant évidemment bien plus loin que déchiffrer) est « aussi la manifeste mise à nu de la vie secrète du clairvoyant » et surtout que cela consiste à « muscler la conscience de
soi », elle n’est pas si loin du même Barthes affirmant : « Ainsi en dédoublant le monde, la sémiologie aura aiguisé notre esprit critique ».
Quand elle évoque une « camaraderie clandestine », ça sonne en moi comme la « communauté » de Maurice Blanchot (mais là, je risque de tomber dans le délire d’interprétation).
Ce qui séduit, c’est qu’elle développe une réflexion complexe mais ce n’est pas « prise de tête » prétentieuse (enfin, je trouve). »
La jeune Kathrine s’en est trouvée toute ragaillardie, son Café-divinatoire sera publié dans le prochain 64_page.
Cette capacité à valoriser l’autre, c’est la force profonde de Daniel. Son regard est toujours doux, bienveillant, ouvert, constructif, soucieux d’inclure l’autre, de le (re)mettre en marche, de l’inscrire dans la société des rêveurs, des idéalistes, ou plus simplement des humains.
Chemin faisant, nous voilà arrivé à Rochefort. Daniel me raconte chaque rue, chaque maison, chacun de ses habitants. Ceux de sa jeunesse, de son enfance, chaque mot, chaque couleur, toutes ses nuances de la vie, de ses observations,… les phrases de Daniel sont toujours généreuses, offertes. C’est là qu’il a fourbi les armes, les savoirs, les regards que l’écrivain Daniel Fano nous offre à longueur de romans.
Plus qu’à l’occasion de nos nombreuses rencontres au Plattesteen et de nos foisonnantes discussions sur la littérature jeunesse ou pas, le cinéma, la chanson, les feuilletons télé… C’est à Rochefort que j’ai ressenti la densité, la profondeur de Daniel. Il a observé, nous a observé nous les hommes et les femmes et, son regard son sens inouï de l’humour, sa poésie infinie son talent nous a magnifié toujours, humanisé souvent.
Merci Daniel. Tu vivras tant qu’on t’aimera et notre amour est infini.
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