autoportrait_remediumRemedium est un des jeunes auteurs publiés par 64_page, une première fois dans notre #4 et ensuite dans le #8. Á ce titre il a participé à nos deux expositions au Centre Belge de la BD. Son personnage de maire égocentrique et raciste a suscité la curiosité des meilleurs médias français.

Titi Gnangnan est ton personnage fétiche, il t'a fait connaître et t'a, enfin son incarnation dans la vraie vie un obscur maire LR, compliqué la vie. Peux-tu nous raconter sa naissance, ton inspiration et son avenir?
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© Remedium : Titi Gnangnan (2015)

Remedium: Titi Gnangnan s’est imposé à moi. Je faisais beaucoup d’autres choses auparavant et j’espère en faire beaucoup d’autres après. En 2014, un type obscur à l’égo surdimensionné et aux idées nauséabondes s’est fait élire à la mairie de ma ville. Ses deux premières mesures ont été de se débarrasser du camp de Roms qui bordait la ville et de poser un peu partout en photo, transformant les murs de la ville et les pages du journal municipal en galerie à sa gloire. J’ai voulu offrir un contrepoint à la propagande abjecte qu’il mettait en place. Ainsi est né Titi Gnangnan, le pendant dessiné de cet obscur maire. Beaucoup de gens, de la ville ou non, se reconnaissent dans ce projet qui dépeint avant tout un homme politique inculte, raciste et démagogue, comme on en connait tous. Et beaucoup encouragent le projet également parce que l’obscur maire s’est empressé de porter plainte en diffamation et de m’expulser, avec mon nouveau-né, du logement que j’occupais qui appartenait à la ville  …

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© Remedium : La poudre aux yeux (2016)

Tu as choisi d'être, pour paraphraser Léo Ferré, un dessinateur de variétés, tes BD sont dures et sans fard, ton style résolu, libre, précis, efficace... et très personnel. Pour toi la BD est un engagement. Dans cette époque où la BD est souvent assez légère, voire nombriliste, d'où vient ce désir de parler franc, d'être net, de porter un message sans concession?
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© Remedium : La troisième mort (2014)

Remedium: Chez moi, la création répond toujours au besoin cathartique de comprendre les maux du monde et les miens pour mieux vivre avec à défaut de les résoudre. Je dépeins le monde tel qu’il est et pas tel qu’il devrait être, ce qui chagrine beaucoup certains éditeurs, qui vivent souvent dans un déni de réalité. J’envisage la BD comme un sport de combat ; donner des coups et toucher juste. Pour faire simple, je n’arrive pas à trouver la force de créer quelque chose qui a déjà été fait ou qui ne sert à rien. Je laisse les BD nombrilistes aux autres, elles ne m’apportent rien en tant que lecteur et ne m’apporteraient rien en tant qu’auteur. Désireux de dépeindre une intimité non biographique, je m’assure, avant de proposer une BD aux lecteurs, qu’elle apporte, non pas une vérité péremptoire, mais une pierre à l’édifice de tel ou tel débat, en restant honnête et vrai.

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© Remedium : La troisième mort (2014)

Comment envisages-tu ton avenir proche? Et dans 10 ans?
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© Remedium : La maîtresse de maison (2016)

Remedium : J’ai toujours eu du mal à envisager mon avenir, même proche ; la vie tient à un fil si ténu qu’il m’est devenu difficile de tirer des plans trop ambitieux. J’espère réussir à arracher davantage de précieuses minutes à ce temps qui nous broie pour continuer le plus longtemps possible à m’investir dans des projets originaux, de ceux qui vous donnent le sentiment, pendant un très court instant, d’écrire un bout d’éternité.

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